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samedi 2 avril 2022

CHEMIN D’ÉCOLE (8) je fais du sur place.

Je n'ai plus rien ! Complètement dépouillé, par ma faute, qui plus est. Voilà plus d'un mois en arrière, alors que je me devais d'aller à la rencontre des miens (quelle petitesse de n'être pas motivé par l'importance de ceux qui, bien que disparus, restent une part de nous-mêmes... un critère marqueur de notre espèce je crois, même s'il n'a pas à nous rendre supérieurement prétentieux à l'égard des animaux), les miens donc, ces Peyre, ces Dedieu atterris je ne sais pas plus quand (vers 1890 ?)  que comment, en pleine Clape (ça je le sais) après avoir quitté la misère des montagnes d'Ariège trop lourdes d'enfants (ça j'en suis presque certain), j'ai perdu la fin, un paragraphe sur mon grand-père, un paragraphe que je pensais inspiré... Or il suffit parfois d'un "couper" non suivi, pour des raisons diverses, inadvertance, distraction, d'un "coller" pour perdre un paragraphe précieux. Enfin, cela conforte dans l'idée de ne pas seulement noircir la page blanche puisqu'il en coûte de coucher sur le papier... Pire, concernant mes pertes (c'est l'âge me diront les cruels...), alors qu'enfin, endossant la responsabilité, je ne refuse pas l'obstacle, force est de réaliser que j'ai perdu aussi mes notes, en particulier sur le domaine des Karantes, la propriété où mes Ariégeois arrivèrent. Pour voir si l'Internet peut y remédier, au moins en partie... Et puis il faut que je retrouve aussi le fil de mon propos... A tout à l'heure, donc, pour un point d'étape... 

C'est un petit vallon qui descend de la garrigue (voir Partager le Voyage: CHEMIN D’ÉCOLE (7) Depuis la côte cette fois... (dedieujeanfrancois.blogspot.com)), un thalweg qu'on oublie alors qu'il se confond avec  les étangs des Exals, en réalité des yeux-de-mer, cachant sous la surface des exsurgences karstiques. Il n'est pas inutile de le savoir à la vue de cette belle eau plus douce que salée, du moins en surface, même si la mer s'aventure jusque là pour le plus grand plaisir des pêcheurs de lisses ou dorades. (voir Partager le Voyage: CHEMIN D'ÉCOLE (6) Depuis la côte... (dedieujeanfrancois.blogspot.com)). 

Mais quel lien avaient mes aïeux, dont mon grand-père, avec la mer ? Je ne saurai jamais. Nous ne saurons jamais. Je ne peux qu'imaginer que, soumis à une vie rustique, les ressources du littoral à proximité (aide pour la pêche à la traîne, maraude en suivant le bord et visite des mares ou flaches passagères suite à un coup de mer) devaient être aussi appréciées qu'aléatoires. Et les garçons ne s'autorisaient-ils pas à être aventureux ? Dommage de ne pas romancer... 




 

Il faut laisser le grau, le chenal, les yeux-de-mer des Exals derrière, pour monter vers cette métairie, enfin, cette ou ces bâtisses où logeaient des ouvriers agricoles, du temps où la population rurale se comptait nombreuse. La vigne occupe le fond du vallon tandis qu'une profusion de pins s'est installée près des étangs. Tout autour et plus encore en pénétrant dans la Clape, par contre, seule une végétation rude et piquante de kermès et de romarin s'accommode des croupes calcaires déshéritées. Et s'il est possible de parler du cadre, du site, du paysage, c'est que, contrairement, côté Fleury, à l'impression cheval de frise, hérisson tchèque (la guerre en Ukraine infuse), du Courtal Naou-Bugadelles se défendant des "envahisseurs" avec du grillage et des panneaux tendancieux Partager le Voyage: CHEMIN D'ÉCOLE (2) Nantis, manants, chasse et culture... (dedieujeanfrancois.blogspot.com), le Château des Karantes n'étale aucune prétention de possédant ; à peine un panneau peu voyant sur un versant de colline. Ce n'est pas pour autant qu'on doit se comporter comme sur le domaine public, le Conservatoire du Littoral par exemple, à l'Oustalet, à l'autre bout de Saint-Pierre-la-Mer, raison pour laquelle j'ai à peine salué le groupe de promeneurs manquant de discrétion, parlant fort de divaguer où bon leur semble, comme en terrain conquis. Quitte à me méprendre (eux avaient peut-être acheté du vin...), marquant néanmoins la distance, je les ai laissés là où se vautrait le gros serpent d'irrigation au goutte-à-goutte. 




Je pressai d'autant plus le pas qu'au-dessus d'une légère montée, sur le bistre de la sécade, le jaune des fenouils et le vert des pampres, se dessinaient les contours un peu à contre-jour du gîte où la pelote familiale s'était jadis emmêlée en une perruque inextricable pour mieux résister au stress de l'exil. Après tant d'années d'une apparente indifférence, de l'écheveau j'allais enfin reprendre le fil que tirait mon père pour ne pas rompre une attache  à passer, un jour, à mes fils ou plus loin si la Terre ne nous a pas effacés de sa surface... 

jeudi 15 octobre 2020

ALCANTARA 2 (fin) / Un voyage en bateau 1953.

"... Tante Pauline aussi, la sœur muette de ma grand-mère maternelle, me faisait de sa main droite, un ample signe barrant rapidement son petit corps, depuis l'épaule gauche jusqu'à sa hanche droite, symbolisant ainsi l'écharpe d'un maire, et pensait qu'il me serait pourtant facile de rester ici, au pays natal, imaginant par anticipation qu'un maire gagnait bien sa vie sans s'exiler, et me donnant dans sa largesse toutes les qualités d'un premier magistrat. Non, papa a une devise fataliste et si simple, dite en languedocien "Arribo qué ço que déu arriba", n'arrive que ce qui doit arriver. Il est resté au village pour nous dire au revoir : assez dur d'apparence, il n'en est pas moins ému à l'intérieur. Ma mère et ma grand-mère, elles, nous accompagnent jusqu'à Narbonne. Des détails me reviennent. Ainsi devant le Jardin de la Révolution, maman croise une dame de Sigean, vieille connaissance de jeunesse, veuve déjà et employée de maison chez un docteur établi tout à côté... Nous avons passé l'après-midi, une fois les bagages confiés à la SNCF, chez tante Marie, au Quai Vallière, troisième sœur de "mamé". Et il faut maintenant s'approcher de la gare. Mamé Joséphine rate le trottoir et va tomber malencontreusement sur le parcours. Malgré ses soixante-dix-neuf ans, elle est restée très alerte et se relève bien vite, sans bobo d'aucune sorte. Ouf ! Et le petit s'en souviendra plusieurs mois plus tard : il nous parlera longtemps de mamé Joséphine, qui a fait "Poum" ! en allant au train. Derniers adieux, quelques larmes, des recommandations "Écrivez... Racontez-nous...". Embrassades poignantes... Enfin, à 21h 30, le rapide de Paris nous arrache à notre Languedoc. 
 
Gare_de_Limoges-Bénédictins wikimedia commons Author Babsy

A Limoges, je vais penser à l'étonnement de ma mère, qui alla une fois, en 1944, avec ma sœur Marcelle, chez les Petiot, à Chaulet, par Sainte-Feyre, dans la Creuse." 
François Dedieu.

Prolongements : 

Qu'est-ce qui pousse, en 1953 comme aujourd'hui, à vouloir se faire élire maire ? L'altruisme, le souci de la res publica ? ou des raisons cachées plus bassement matérielles ? 

Mon grand-père "assez dur d'apparence" ? c'est bien par amour filial que mon père dédramatise un caractère à part... 

Concernant les liens familiaux, le fait de passer l'après-midi chez une tante : une note apparemment positive non ? 

21h 30, le train de nuit pour Paris... Après les avoir supprimés, va-t-on rétropédaler alors que depuis des lustres tout est fait pour plomber la SNCF ? 

BB 9004 aux remarquables moustaches !wikimedia commons Author Hugh_llewelyn

dimanche 9 juin 2019

"PER PENTECOSTO, LAS GUINOS GOUSTO !" / Goûte les guines !

C'est mamé Joséphine, mon arrière-grand-mère qui aimait rappeler ce reprouverbis, ce proverbe qu'il faut apprécier dans l'esprit et non à la lettre ! 

"PER PENTECOSTO, LAS GUINOS GOUSTO !" 

Encore faut-il qu'elles soient mûres les guines qui se plaisent tant sur les berges de l'Aude, la rivière ! Or le dimanche de Pentecôte dépend  de celui de Pâques défini en 325 par le Concile de Nicée  en tant que 14ème jour de la lune atteignant cet âge le 21 mars ou immédiatement après ! 

A vos calculs, à vos calendriers ! 
La nouvelle lune du 6 mars à 16 h 04 en est à son 14ème jour le 20 du mois... ce serait donc celle du 5 avril à 8 h 50 qui donnerait le 19 avril avec le 21 le dimanche de Pâques... 

Pentecôte le 7ème dimanche suivant Pâques nous amène en ce jour du 9 juin. Mais où trouver les guiniers ? La plaine, c'est déjà une balade... Une possibilité aussi au phare, en haut de Font-Laurier, un phare pour les avions du temps de l'aéropostale des années 20 ! Mermoz, Guillaumet, Saint-Exupéry ! Et puis il y a le cimetière, le nouveau, avec un guinier sur le talus dominant l'entrée est. Il suffit d'un coup de vélo... même si ce mois de juin est loin d'être idéal...




     
 "PER PENTECOSTO, LAS GUINOS GOUSTO !" le dicton qu'aimait partager mamé Joséphine ne serait donc valable que lorsque la date de Pentecôte vient assez tard, fin mai si le temps et les températures y consentent, sinon début juin comme cette année. 

Avec les guines, c'est avant tout ce chaînage qui nous lie à nos chers disparus, qui réconforte, console et permet d'élargir au-delà de sa propre personne sur le sens supposé de la vie.  

Mamé Joséphine avait fait construire une pièce dans sa remise, une pièce à vivre simple, avec une cheminée et au fond une alcôve en guise de chambre, mais bien exposée au sud. Papa a fait mettre l'eau et l'électricité et nous nous y sommes réfugiés, de l'automne 1956 au printemps 57, quand, chez mon grand-père, la promiscuité a rendu la première famille installée chez les parents, agressive et moins solidaire. Qui plus est, ma tante venait même voler ouvertement les souches pour se chauffer que nous avions achetées à Gleizes...  Prescription ? Jamais ! 

Mais sans se laisser aller à de la violence en retour... car même si les mots restent des armes toujours affûtées, il faut s'attacher à cultiver le positif des souvenirs, à parler encore de ceux qui ne sont plus tant que leur mémoire demeure vive et à transmettre même si quelques facettes de leurs personnes sont blâmables... 

Joséphine Hortala (1974-1958), née Palazy, était veuve à son décès depuis cinquante ans. Alors, plutôt son sourire sur le bon temps des guines. Après celui des cerises vermeilles, des guines vermillon virant au carmin... Le premier mai 1989, sur les stands de la fête au stade de l’Étang, papa a photographié un tableau avec ces couleurs entre l'orangé et l'incarnat qui font qu'on ne confond pas les cerises et les guines...



Virginie a peint. Je ne sais rien de plus que le prénom de l'auteure. Tous mes mercis et mon émotion.


mercredi 15 novembre 2017

CEUX DE 14 / La "Grande Guerre"



«... En souvenir de mon père, je me suis mis à Maurice Genevoix, pour voir d’un peu plus près quelle était la triste vie des Poilus de 14-18.
J’ai donc ouvert « CEUX DE 14 » qui comprend cinq volumes. « SOUS VERDUN » (25 août 1914 - 9 octobre 1914) est préfacé par Ernest Lavisse, alors directeur de l’École Normale Supérieure dont Genevoix était élève (il faisait aussi partie du bataillon de Joinville des meilleurs gymnastes français).
La deuxième édition de 1925 rétablit les passages censurés en 1916 (1). Genevoix était lieutenant et fut grièvement blessé en 1915. Il a ajouté à son récit qui s’appuie sur des notes quotidiennes « La mort de près » ainsi que deux romans «Jeanne Robelin »et « La Joie ». Il avait décidé de rendre hommage à tous ceux qui sont tombés à ses côtés : aux noms donnés dans le récit correspondent les noms authentiques, soulignés.

(1) pour la censure, pour ne prendre que cet exemple, il était intolérable de raconter une panique même si elle avait eu lieu deux ans plus tôt. Or Genevoix le fait à trois reprises. La première, la plus terrible, eut lieu le 24 sept 1914 à la Tranchée de Calonne... »
François Dedieu (1922 - 2017), La Saint Martin p. 80, Pages de vie à Fleury II, CABOUJOLETTE, 2008.

C’est de mon grand-père Jean qu’il s’agit (1897 - 1967). Il n’a jamais rien dit sur sa guerre, jamais commémoré ni commenté la moindre date. Je ne l’ai jamais vu au monument aux morts. Au fil des ans, c’est à peine si ses proches ont pu l’entendre donner un détail, par le plus grand des hasards, comme la fois où, en parlanr de monsieur Monbiéla, il a raconté comment il a reconnu en ce  voisin pas très lointain, propriétaire aussi mais pas à plaindre, le comique troupier qui amusait les permissionnaires dans une gare entre Paris et Toulouse, peut-être Limoges. Alors comment a-t-on su qu’il n’écrivait pas justement ? Mamé Babelle, sa mère avait dû s’en confier aux autorités. L’officier chargé de le réprimander n’était pas reparti sans la lettre qu’il avait fait rédiger sur le champ !

«... Papé Jean, lui, né aux Karantes, commune de Narbonne, le 4 juin 1897, engagé « pour la durée de la guerre » en décembre 1915 (1) (il faisait partie, plus tard, de l’association des « moins de vingt-ans » dont l’imprimeur Lombard, à Narbonne, était secrétaire). Au front, on les appelait « les bleuets » et, chose curieuse, il fut longtemps membre d’une société de tir de Fleury baptisée du joli nom « Les Bleuets de la Clape... »

(1) ce qui lui aurait permis de choisir de rejoindre l’artillerie.
François Dedieu / CABOUJOLETTE p. 79.

  

Chez mes grands-parents habitait aussi l’oncle Pierre, célibataire. Papa a toujours pensé qu’il avait été pour lui le grand-père qu’il n’a pas eu. Ils sont ensemble dans le jardin pour les mauvaises herbes, pour arroser. Le jeudi, ils montent tous les deux faire un abri entre ses quelques pieds de vignes du coteau mais rien sur sa vie avant qu’il ne descende de l’Ariège, à peine une ligne sur sa « Campagne contre l’Allemagne ». Comme pour la modeste capitelle élevée rang après rang avec les pierres du terrain mais qui ne reçut jamais son toit...

«... une ou deux larges pierres, bien calées, forment un banc à l’intérieur [...] quelque vieille ferraille [...] crochet pour suspendre la musette [...] Et c’est assez [...] « per parar uno ramado », comme on dit chez nous (pour protéger d’une averse). Voilà, dans l’idée de l’oncle Pierre, ce qui aurait constitué notre «cabane bambou ».
D’où avait-il tiré le nom ? Du cabaret parisien, qu’il ne connaissait pas, son seul grand voyage ayant été, à part le fait de «descendre» de Montagagne, petit village de son Ariège natale, jusque dans la région narbonnaise, le « pays bas », comme disaient ces arrivants, le douloureux périple de la Grande Guerre, qui l’avait amené à quarante-deux ans en Alsace, où il devait être grièvement blessé ?.. » 
François Dedieu / CABOUJOLETTE p. 13

Sans l’Internet et malgré ces bribes qu’on doit à nos racines en partage, nous n’en saurions pas davantage.
Les livrets militaires, l’historique des régiments suivent nos hommes à la trace. (à suivre)

Dessins de Dantoine, en illustration


dimanche 1 octobre 2017

AVEC TOUT CE QUE J’AI ENCORE A TE DIRE... / François Dedieu 1922 - 2017

 Bien sûr qu’il y aurait tant à dire, à te dire encore papa. Ce n’était pas sans un étonnement amusé que tu regardais les quatre-vingt-quinze années écoulées depuis ta naissance en 1922. Et figure-toi que des avis autorisés prétendent que la mémoire des familles ne porte que sur trois générations à peine ! 

   Parlons-en, toi qui aimais les tiens, toi qui entretenais, pour les tuteurer, serrer les nœuds, ces liens entre tous les nôtres, le village, les vignes, la garrigue, la mer, au fil des saisons. Grâce à toi, notre tradition, pas si orale que ça, soit dit entre nous, raconte tes parents, l’oncle Pierre qui a remplacé le grand-père que tu n’as pas eu, les mamés Babelle, Joséphine, les tantes Pauline, Céline, la cousine Paule, le cousin Etienne et l’oncle Noé, un personnage dans la famille ! Et l’air de rien, parce que tu les fais revivre, nous remontons, sans le réaliser, jusqu’au milieu du XIXème siècle. 



Tu nous les a gardés si vivants que sans jamais te détourner de notre langue nationale, tu t’es de plus en plus efforcé de faire refleurir le parler de nos anciens; Tu savais les anecdotes, les bons mots et ta mémoire en retrouvait toujours de nouveaux. Et puis tu nous a confié que papé et mamé, par ailleurs si attentifs aux règles de l’orthographe, ne parlaient entre eux que languedocien. Et comme pour confirmer, tu nous a déniché un jour, sorti d’on ne sait où, LOU DOUBLIDAIRE, ce poème admirable de Jean Camp, notre voisin de Salles-d’Aude, monté à Paris, comme tant d’autres, mais resté fidèle, lui, à ses racines !
Tu le savais par cœur ; permets que nous partagions quelques vers, malheureusement de circonstance, avec tous ceux qui ont voulu t’accompagner :

«... E la raço de sus papetos
Qu’aro soun bressats per la mort,
Lous brassiès que fouchaboun l’ort
E que grefaboun las pourretos.

Tout lou passat qu’es entarrat
Joust lou ciprissié que negrejo,
Toutis lous seus qu’an demourat
Al pais, lou cor sans envejo,.. »

Et plus loin, montrant du doigt « lou rénégat », c’est le mot du poète :

«... Nous autris gardaren la blodo
E lou capèl a larjes bords, (1)

L’oustal, tout ço que te derengo,
Las tradicius, festos ou dols,
Gardaren subre tout la lengo
que nous an aprés lous aujols.

Es él, lou paraulis sans taco
Que sentis bou lou fé, lou mèl,
La garrigo, lou vi nouvèl
E l’orgo caudo de la raco

Es lou fial d’or que nous estaco
A nostro terro, a nostre cèl ! »
JEAN CAMP.   

Tu as remarqué : ça me fait rouler les « R » sous les voûtes... elle a dû en entendre, de l'occitan, notre église Saint-Martin, qu’elle est là depuis presque mille ans !
  Enfin, un cinéaste, bien du Midi, qui savait écrire et que tu aimais :

« Le temps fait tourner la roue de la vie comme l’eau celle des moulins... /... Telle est la vie des hommes, quelques joies vite effacées par d’inoubliables chagrins ; il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants. »
MARCEL PAGNOL, Le Château de ma Mère.

Le passé ne meurt pas, il palpite toujours pour que le présent puisse vivre. c’est de moi ça, que j’ose contredire des grands esprits... mais la leçon, je sais trop de qui je la tiens...

AL COP QUE VEN, PAPA ! (2)

(1) « Nous, c’est plutôt la bérette ! » Que le poète me pardonne de lui avoir coupé la parole ! 
(2) le mot de la fin : je n’ai pu aller plus loin ! C’est qu’on s’est salués tant de fois ainsi à des milliers de kilomètres de distance. Mais tout le monde a compris que je lui disais et que je dirai toujours « Merci pour tout, merci de rester là ! »
     

Note : pour l'occitan, demandez la traduction, ce serait avec plaisir. 

lundi 31 octobre 2016

PLUTÔT SE TAPER LA CLOCHE ! / Fleury d'Aude en Languedoc


En 1895, les paroles de Jean Prax (1), curé depuis 1890, traduisent bien la joie générale, et tant pis pour la "mandarelle" (2) qui aurait été fondue ou déménagée pour Notre-Dame-de-Liesse... Finalement, toute la population communie dans un même mysticisme, qu’il émane de l’esprit ou de l’âme. 

Personnellement, de savoir que mon arrière-grand-mère Joséphine vécut ces moments heureux et que nos cloches ont précédé de peu la naissance d’Ernestine et de Jean, mes grands-parents, de l’oncle Noé, de tante Céline, ne saurait me laisser insensible. Raison de plus pour que ma joie demeure !

Néanmoins, au temps de l’égoïsme exacerbé, quand certains voisins (et pas seulement les nouveaux arrivants) font taire le coq du matin et ne veulent plus entendre le message des cloches, oublieux qu’ils sont que leur baptême, avec parrain et marraine, dépasse le fait religieux et transcende sans conteste leur statut d’objet pour les intégrer à l’intimité villageoise, je regrette de faire entendre un autre son de campane, et si je ne veux pas de l’orage, de la foudre, de la grêle, juste pour être rassuré quand le clocher les éloigne, laissez-moi cependant regretter le 14 janvier 2003, jour fatidique de la descente des cloches, laissez-moi dire à ceux qui sont tout feu tout flamme pour le changement, que la discrétion apeurée des tintinnabulements trop timides du carillon me chagrine, que ces abat-sons qui renvoient seulement des tintements enfermés me déçoivent. Et si j’admets en partie l’argument de la vue retrouvée du clocher d’avant 1895, je ne vois plus, depuis la garrigue, même si mes yeux sont en cause, la petite aiguille, à une heure près, maintenant que le cadran de l’horloge est doublement rabaissé, sous les abat-sons et tourné seulement vers la place aux poires... Permettez aussi que je reste réservé sur les comptines jouées pour les enfants à la sortie de l’école ou ces chants patriotiques entonnés depuis ce lieu alors que le tocsin, dans le malheur, ou la libération du pays, pour un bonheur salué à toute volée, ne marquaient que des évènement heureusement exceptionnels. 
Le clocher en 2016
 En conclusion, sans polémiquer sur la manière peu démocratique, un peu à la cloche de bois inversée, d’induire un changement globalement dérangeant, acceptez la position que l’âge m’impose. Un âge qui, entre nous, m’autorise à penser que nos cloches ont aidé à ma mise au monde, la tradition l’admet... Bref, souffrez que les mots, admirables, de Montaigne sur l’amitié me fassent dire « parce que c’étaient elles, parce que c’était moi... » 

Et si, concomitamment, je n’y suis pour rien si ces pages à Fleury comptent autant dans ma ligne de vie, je souhaite, pour rester positif, que la nouvelle configuration du clocher marque, pour longtemps, la sensibilité de quelques uns, dans leur esprit ou leur âme, afin qu’au-delà des bisbilles, une certaine harmonie collective fasse perdurer la mémoire du village.
Alors, si je me fais sonner les cloches, croyez bien qu’au comble du ravissement, je ne saurais que bredouiller "Merci"...

(1) voir aussi l'article précédent DING, DENG, DONG.
Dans la liste des curés et vicaires (De Pérignan à Fleury / page 62) il semble que le vicaire J.L Astruc (XXème) parti ensuite à Termes et auteur du livre Termes en Terménès, manque à l’appel.
(2) De "mandar", presque comme en français alors que l’occitan admer le mandarèl, la mandarèla en tant que "convoqueur", "convoqueuse". 

photo 1 François Dedieu / tirée d'une diapo (1979) avec pour légende "Quand on regardait l'heure au clocher"... (à méditer).

mardi 19 juillet 2016

SI TU REVIENS JAMAIS À SAINT-PIERRE, UN DIMANCHE.../ Fleury d'Aude en Languedoc




« Quand on allait à Farinette, le dimanche... » (Maurice Puel). Ça sonne comme un prélude, quelques mesures, une ouverture. De Ravel ? Qui sait ? Ou alors une opérette ? Sinon une chansonnette à fredonner ?

« Si tu reviens jamais danser chez Temporel, un jour ou l’autre... »
                   Paroles André Hardellet, chanté par Guy Béart (1957 ?)

Si tu reviens jamais à Saint-Pierre, un dimanche...
«... Tu sais qu’on (sans doute Georges Laffon) avait pastiché la chanson de Georges Milton « C’est pour mon papa » au café des Pins qui appartenait alors au Cuxanais Maurice Fabre dit Moriss... / ... A Saint-Pierre, il avait cette année-là l’orchestre George Laffon (George était censé faire plus chic) et un garçon d’une grande dextérité, très élégant dans sa tenue et qui imprimait à son plateau chargé de verres et de boissons des arabesques remarquables. Un passage de la chanson disait :

« Tous les bons pastis ça c’est pour Moriss
Servir vite et fort ça c’est pour Victor
... Filets de bœuf, langouste et bouillabaisse
On en a tellement qu’on en laisse !
... Les jolis bostons, ça c’est pour Laffon...
La gaieté et l’entrain
Sont au Café des Pins
Et les bons pastis ça c’est pour Moriss !! »
                                              François Dedieu / Caboujolette / 2008.

Ce matin, le grec pousse ses nuées humides. Les estivants roupillent encore mais des fourgons foncent vers le marché, vrai ventre du secteur et de plus loin encore. Quelques "villas" (des cabanons plutôt, ce qui ajoute encore, à leur charme), se souviennent, comme celle de la petite tour, telle un castellet. En face, une plaque, énigmatique, indique la rue « du tunnel ». Qui peut bien se douter des défenses creusées pour les Allemands et de ce tunnel justement, utilisé par la suite comme champignonnière par Daudel, l’épicier de mes jeunes années ? 


Ce matin, sous la grisaille, Saint-Pierre vieillit mal et cette pinède dont elle ne se souvient pas veut rappeler que là où les maisons, les résidences et immeubles s’agglutinent, la garrigue de Périmont embaumait. Un vieux pêcheur désabusé me dit que c’est Alzheimer. Pour quelqu’un qu’on connaît, ça fout un coup !

Et le Saint-Pierre de l’oncle Maurice à la mine rougeaude dont le souvenir ne peut associer qu’un bon repas mêle aux cadavres de bouteilles en tas dans un coin ? 

Avant hier, depuis le front de mer, les Albères, l’échancrure du Perthus, la majesté du Canigou inscrivaient comme une signature sur la courbe du Golfe vers le sud.

«... et les Pyrénées chantent au vent d’Espagne
Chantent la mélodie qui berça mon cœur...»
                                      « Mes jeunes années » Charles Trénet 1949.

Était-ce l’annonce d’un temps marin et humide à venir ? Ce n’est pas le frais vent d’Espagne ni le gentil marin, plutôt le grec, lourd et amenant le mouillé (les viticulteurs seront contents). Entre le changement climatique et cette fraîcheur qui vient tout contredire, on ne sait plus sur quel pied danser... 

«... En passant avec les enfants, on dansait un air ou deux... Qu’est-ce que j’aimais ça ! Depuis la baraque ou même la caravane, on entendait les flonflons, c’était agréable » (maman).
Et papa de préciser ce que je ne savais pas :  « C’était la guinguette de "Binsou" : « Mets un disque Marie-Louise, on ne sait jamais...». Il n'a pas tenu longtemps, elle n’avait pas beaucoup de succès... »

Il se montrera le soleil, aujourd’hui ? Mon fils se lève. Le voici mon soleil et sa bonne petite bouille. Je ne lui dirai rien, pour l’alzheimer, ni pour cette nostalgie qui ronge telle la rouille en bord de mer. Il rit, il vit et Saint-Pierre toujours aussi accueillante, rend si heureux, même quand le drapeau rouge interdit le bain. 

« Une chanson, c’est peu de chose,
Mais quand ça se pose,
Au creux d’une oreille, ça reste là, 
Allez savoir pourquoi... »
                                                Les Compagnons de la Chanson.

jeudi 2 juin 2016

L'ETAT REPREND LA MAIN / Mayotte en Danger

De nombreux villages illégaux (favelas de tôle et de bambou...) ont proliféré depuis des années autour des localités de Mayotte. 
Sur un champ de bataille où les émeutiers eurent le dernier mot voilà quelques jours, avec un camion et un tracto-pelle brûlés, une centaine de policiers et gendarmes expulsent des occupants illégaux en vertu d'une décision de justice datant... de plusieurs années. 
Coresponsable de la situation dans l'archipel alors que 20.000 autorisations de séjour ont été trop facilement accordées aux étrangers de Mayotte par les autorités françaises, pour ne parler que de 2015, l’État comorien est mis face à son inertie plus que coupable... Si la proportion de BMW dénote de l'enrichissement louche de certains, les aides, entre autres, de l'Europe, de la France, de la Chine semblent n'avoir pas profité à une population abandonnée. Pire, celle-ci est encouragée à émigrer vers Mayotte, au motif d'une prétendue occupation illégale par la France balayant trop facilement le droit des Mahorais à disposer d'eux-mêmes.     

SOURCE :

06h58 : Le nouveau Préfet semble t-il veut rétablir l’ordre sur l’ensemble du territoire et bannir toutes les zones de non droit.
A ce titre, une opération coup de poing a été lancée ce matin sur la colline entre Tsoundzou et Passamainty. On nous indique que plus d’une centaine de militaires sont sur place sur les deux versants afin de procéder aux expulsions et de faire respecter la décision de justice. Le préfet avec sa directrice de cabinet ainsi que Bacar Ali Boto premier adjoint au maire de Mamoudzou sont sur place pour superviser les opérations.
Les habitations sont donc vidées de leur habitants sans violence, un homme aurait été arrêté pour recel, les forces de l’ordre on retrouvé du matériel high tech dans son banga.
On nous informe qu’un bulldozer vient de quitter Mamoudzou, direction Tsoundzou sous escorte policière.
Restez bien évidemment à l’écoute de Kwezi FM.

dimanche 15 mai 2016

A PENTECÔTE, GÔUTE LA GUINE ! / Fleury d'Aude en Languedoc

Per Pantecousto la guino gousto ! (comme le relève Frédéric Mistral (1)).
C’est bien gentil d’associer les guiniès, en languedocien, avec les dimanche et lundi de Pentecôte (2) mais dame Nature suit un calendrier moins lunatique et la saison des guines peut s’accorder seulement avec la fête religieuse lorsque Pâques arrive tard, presque au 25 avril. Alors seulement, cinquante jours après, les petites cerises sauvages, un peu acides, un peu amères, peuvent piqueter le feuillage de leurs livrées rosées ou garance, pour les plus mûres.


Commons Wikimedia / Prunus_cerasus_-author Franz Eugen Köhler–s_Medizinal-Pflanzen-113

Chez nous, les rives et les abords de la rivière en sont parés, en pleine lumière et même à l’ombre des grands peupliers blancs (3) ; ceux-là portent encore des fruits fin août, début septembre. Le long de l’Aude, de la limite de Salles au débouché de la Montagne de la Clape, les tènements, les fermes et lieux-dits où prospèrent les petits cerisiers, se cueillent aussi avec gourmandise : Maribole, l’Horte d’Andréa, la Barque, l’Horte de l’Ami, la Barque-Vieille, Joie, Négo-Saumo, la Pointe.
La guine, la première confiture de l’année, avant l’abricot, les figues, et l’azerole des vendanges (4), déjà le souci des provisions pour l'hiver pour des campagnards plus fourmis que cigales.
Avec les reflets mordorés, pourprés ou dorés des autres bocaux, mon souvenir revoit toujours l’éclat cuivré des guines, libéré de sa prison de verre dès que la porte du placard s’entrouvrait... Et ce rayon réconfortant ne serait pas sans le dévouement opiniâtre et aimant de nos mamés, à la cuisine ou au bord des vignes (5) : mamé Joséphine, l’aïeule, mamé Ernestine et tante Céline, parce que ce souci des leurs, de ce qu'elles allaient mettre pour manger comptait autant malgré les ans. Maman aussi en sait quelque chose, elle qui, malgré ses 91 printemps, n'hésiterait pas longtemps pour sortir le chaudron même si l'époque n'est plus à assurer la soudure d'une année sur l'autre.
 
(1) Trésor du Félibrige (1878).
(2) du grec signifiant cinquantième : se fête cinquante jours après Pâques.
(3) populus alba, aubo ou aubero chez Mistral, terme désignant aussi le tremble pourtant différent. A Fleury on parle des « arbres blancs ». 
(4) les mûres de l’été, les gratte-culs de l’automne n’étaient pas prisés à l’époque.
(5) Qui avait peur des pesticides alors ?


    Mamé Joséphine

    Mamé Ernestine et papé Jean, tante Céline et l'oncle Noé.

lundi 14 mars 2016

C’ÉTAIT MON COPAIN. Musique Gilbert Bécaud / Paroles Louis Amade. 1953 (33 T, face B, n° 1)

C’ÉTAIT MON COPAIN. Musique Gilbert Bécaud / Paroles Louis Amade. 1953 (33 T, face B, n° 1) 
 
J'avais un seul ami
Et on me l'a tué
Il était plus que lui
Il était un peu moi
Je crois qu'en le tuant
On m'a aussi tué
Et je pleure la nuit
Mais on ne le sait pas

C'était mon copain
C'était mon ami
Pauvre vieux copain
De mon humble pays
Je revois son visage
Au regard généreux
Nous avions le même âge
Et nous étions heureux

Ami, mon pauvre ami
Reverrai-je jamais
Ton sourire gentil
Parmi l'immensité ?

C'était mon copain
C'était mon ami
J'écoute la ballade
De la Mort, de la Vie
Le vent de la frontière
Veut consoler mes pleurs
Mais l'eau de la rivière
A d'étranges couleurs

Cependant dans les bois
Un mystérieux concert
M'a dit qu'il faut garder
L'espoir à tout jamais
Car ceux qui ont bâti
Ensemble un univers
Se retrouveront tous
Puisqu'ils l'ont mérité

O mon vieux camarade
Mon copain, mon ami
Parmi les terres froides
Je te parle la nuit
Et ton pesant silence
Est un mal si cruel
Que j'entends ta présence
Parfois au fond du ciel
 






photos autorisées commons wikimedia 
1. Gilbert Bécaud 26 octobre 1965 source National Archief auteur Joost Evers, Anefo
2. Gilbert_Bécaud à Schipol (29 mai 1964) - National Archief-auteur Hugo van Gelderen, Anefo
3. Gilbert_Bécaud_in_Rome, source magazine Radiocoriere, auteur inconnu

A BIENTOT COCO...



A plus mon minou...

lundi 15 février 2016

ON L’A DÉBRANCHÉ, FALLAIT BIEN...

ON L’A DÉBRANCHÉ, FALLAIT BIEN... 

Seize ans passés, un bel âge pour ceux de son espèce sauf qu’à la fin, il ne pouvait plus maintenir une température interne viable. Il était encore chaud quand, touchés, nous l’avons débranché. 

Une si longue fidélité malgré cinq déménagements ! Et ces milliers de kilomètres parcourus pour nous, en attendant de nous retrouver, toujours pour nous servir ! Ça valait bien une dernière photo, la première d’ailleurs. Son nom qui sur son écusson, s’est effacé, il l'a fait ronfler même si c'est plus usant sous nos climats. Une publicité pas volée... 

Il s'appelait Daewoo, c’était un frigo blanc, il n’était pas notre idole mais il était là et nous étions un de plus dans le nucléus familial. 

Seize ans de plus pour ceux qui restent et pour quel sursis encore avant que le cordon vital ne se débranche ?   

mercredi 10 février 2016

FÉVRIER DE TOUTES LES CROYANCES / Fleury d'Aude en Languedoc.

Se référer aux racines chrétiennes de l’Europe n’est pas plus faux que d’en appeler à ses croyances aussi diverses qu’originelles, brassées avec des apports de la Grèce antique puis de Rome. Après la fête de Noël calquée sur le "sol invictus" et les saturnales des Romains, le mois de février illustre ces influences multiples.

Le 2 février célèbre la Chandeleur et si nous pensons aussitôt aux crêpes à faire sauter avec une pièce dans l’autre main, ce sont toujours les vœux de paix, de lumière, de prospérité, de fertilité qui sont invoqués comme lors des dionysies champêtres des Grecs anciens (déc-avr), les saturnales des Romains dont la portée dépasse la période du solstice d’hiver avec la galette "du" roi de la fête et l’origine du carnaval.
Dans le calendrier chrétien, concernant Jésus, le 2 février reprend les préceptes juifs de présentation de l’enfant circoncis au Temple. A y regarder de plus près, la volonté hégémonique des monothéismes n’a pas réussi à éradiquer les croyances plus anciennes : la Chandeleur suit la fête de Brigitte la déesse celtique récupérée en tant que sainte et la crêpe passe avant l’acception religieuse... comme, serait-ce l'inverse, Notre-Dame-De-Paris occulte les temples préexistants à Jupiter et plus loin encore aux dieux gaulois...
Sans s’en foutre comme de l’an quarante, mentionnons aussi et néanmoins la symbolique des quarante jours après Noël, de cette présentation de l’enfant liée ou non au cycle de la femme, des quarante jours du carême après les excès tolérés du carnaval...

Revenons à notre Sud avec en particulier nos cousins catalans qui, de Prats-de-Mollo à Arles-sur-Tech, fêtent l’ours du Vallespir. L’ours encore qui marque de sa présence toute la chaîne des Pyrénées, du Roussillon au Béarn en passant par les pays de Sault, de Foix, le Donézan, le Couserans, le Val d'Aran, le Nébouzan, la Bigorre, le Comminges, le Lavedan... manière de réviser et surtout de rêver !

Raison supplémentaire : Frédéric Mistral n’a pas manqué de relever de nombreux proverbes à propos de l’ours dont ceux liés au réveil du plantigrade durant l’hiVernation. Contrairement aux animaux qui hiBernent, celui-ci, en effet, se réveille et sort voir le temps qu’il fait.
Ainsi, à l’entrée "Candelour", le Trésor du Félibrige fait mention de l’attitude, surprenante pour nous, de l’ours :
« A la Candelouso l’ourse fai tres saut
Foro de soun trau :
S’es nivo, s’envai ;
Se faï soulèu, intro maï
E sort plus de quaranto jour. »     

Un proverbe languedocien confirme :
« Quand fa soulel pèr N.-D. de Febrié, l’ours ramasso de bos pèr quaranto jours de mai.» (chez nous on dit plutôt « de bouès », phonétiquement, pour le bois à brûler alors que « lou bosc » est le bois en tant qu’ensemble d’arbres, bosquet, forêt de petite taille).   

Dans le Béarn, par contre :
« Desempuich la Candelèro Quaranto dies d’ibèr que i a encouèro,
L’ours alabets qu’ei entutat :
Si hè sourelh, aquel die, que plouro
E dits que l’ibèr ei darrè ;
Si mechant tems hè,
Que dits que l’ibèr ei passat. » (?)
Si l’hivernant de Pau, François Bayrou veut bien traduire...

Après les proverbes en contradiction (mais c'est banal), la polémique de l’ours, celle des crêpes. Excusez-moi de le faire exprès mais il me semble qu’à Fleury, si on apprécie aussi les crêpes ("crespeu", "pascajou" pour Mistral), l’époque était traditionnellement aux oreillettes, las aurihetos (pas de «lh»), ce dessert, cette douceur d’Occitanie marquant la Chandeleur, Mardi-Gras sinon Noël.


Est-ce encore la fracture entre le Sud et le Nord, la France de l’huile et celle du beurre ? Est-ce une histoire de friture pour la friture de la friture ? Pas de poêle à frire en effet pour les oreillettes mais plutôt le bain d’huile dans une bassine à confiture, en cuivre bien entendu. Est-ce concevable dans un bain de saindoux ou de graisse de volaille ? Il fut un temps où seuls les riches pouvaient se payer des frites ! Amis belges, si ça vous dit de préciser...
 
Quant à la différence entre les bugnes moelleuses comme on les fait à Lyon, et les oreillettes craquantes, ce doit être lié à la levure... faudra demander à Monsieur Brun...
Les oreillettes se gardent, empilées et saupoudrées de sucre, dans une corbeille à linge (en osier, pas en plastique de Chine !), sous des torchons, dans une pièce non chauffée. 
Une anecdote parle d’un groupe de garçons, la jeunesse, comme on disait, qui tenaient de faire blaguer une matrone pendant que l’un d’eux en profitait pour voler des oreillettes dans la pièce à part. Déjà l’ambiance de carnaval... avant les quarante jours de "ceinture" !  
  
   
OREILLETTES recette  :
https://fr.wikibooks.org/wiki/Livre_de_cuisine/Oreillettes
PLUS DIÉTÉTIQUES : 
http://www.notreprovence.fr/recette_dessert_oreillettes.php

photos autorisées Commons wikimedia :
1.Oreillettes_du_Languedoc auteur JPS68 
2. Orelletes catalanas GNU Free Documentation License

lundi 4 janvier 2016

PAGNOL AUSSI ÉTAIT INVITÉ POUR NOËL ! / Fleury d'Aude en Languedoc


Ces jours-ci, la télé a contribué à nous garder dans l’atmosphère de Noël, avec notre Midi en place d’honneur, grâce, notamment aux films d’Yves Robert, tirés des souvenirs d’enfance de Pagnol : « La Gloire de mon Père », « Le Château de ma Mère ».

    Dans l’extrait joint, l’air de rien, l’auteur nous donne à voir un large aperçu des traditions avec, dans la cheminée, un cérémonial de la bûche accompagnée des voeux "A l’an que vèn, si sièn pas maï, que sioguèn pas mèns" version Lili, le copain des collines qui passe le réveillon chez Marcel. Sur la table de fête, les treize desserts de Noël qui tiendront lieu de réveillon.
    On sent l’omniprésence de la religion, mais apaisée, le goupillon sans le glaive et le fanatisme de l’inquisiteur (1). Certes, la perception qu’en a Pagnol est anachronique, les souvenirs d’enfance datant de 1957-58. Et puis n’a-t-il pas eu, deux ans avant, l’imprudence (l’impudence aussi) d’écrire « Judas » pour le théâtre, une pièce reçue par les catholiques en tant qu’apologie du traître, ressentie par les juifs en tant qu’expression antisémite ? Si le sujet reste toujours aussi difficile et délicat à aborder, il est plus que nécessaire de réfléchir, plus d’un siècle après ce Noël dans la garrigue marseillaise, alors que des monothéismes agressent, s’autorisent le prosélytisme, étouffent et confisquent le libre consentement, imposent même sous peine de mort.

    Dans ces souvenirs, les traditions chrétiennes ont au contraire, tout perdu de leur tyrannie.
    Lili, le petit paysan qui réveillonne chez Marcel, témoigne que son père n’a pas peur de regimber contre Dieu  : « Mon père il dit que c’est un jour (Noël) comme les autres jours.../... il n’y va pas (à la messe) jusqu’à ce qu’il pleuve, parce qu’il dit que le bon dieu, il faut qu’on lui fasse comprendre ! ».
    Chez Pagnol, l’aspect pratiquant, le minuit très chrétien, entrent en scène avec l’arrivée tonitruante de l’oncle Jules, père Noël en pelisse de motocycliste (2) et qui en revient, lui, de la messe qu’il ne manque jamais : «... cette messe a été très belle ; il y avait une crèche immense, l’église était tapissée de romarins en fleur et les enfants ont chanté d’admirables noëls du XIVème siècle. C’est pitié que vous ne soyez pas venu ! »  
    On se doute que Joseph va réagir. Mais si la main d’Augustine, l’épouse, sur son épaule puis dans son dos, est censée prévenir tout écart, on suppute déjà que le père de Marcel sait, suivant les circonstances, mettre de l’eau dans son vin... L’heure n’est pas aux polémiques sur la papesse Jeanne et les turpitudes des Borgia ! (3)
Joseph : «... Je ne serais venu qu’en curieux et j’estime que les gens qui vont dans les églises pour le spectacle et la musique ne respectent pas la foi des autres... 
~ Voilà un joli sentiment ! » répond l’oncle Jules, plus conciliant et qui dit avoir prié pour eux.
Joseph poursuit après avoir évoqué le « Tout Puissant » pour ne pas nommer « Dieu » :
~ Je ne crois pas, vous le savez, que le créateur de l’Univers daigne s’occuper des microbes que nous sommes mais votre prière, mon cher Jules, est une belle preuve de l’amitié que vous nous portez... Et je vous en remercie.
¾ Joyeux Noël, mon cher Joseph ! » s’exclame chaleureusement l’oncle Jules.
Les deux hommes se serrent alors la main puis s’embrassent de toute leur amitié.

    Magnifique de communion, de fraternité ! Le voilà l’esprit de Noël à l’origine et quelles que soient ses déclinaisons ! C’est vrai qu’à côté, la nouvelle année puis le gâteau des rois ne sont plus que des jours, de fête certes, mais des dates, seulement, sur le calendrier...   

(1) le Midi et en particulier le Languedoc ont eu à souffrir de la tyrannie des inquisiteurs, avec ses tortures, ses condamnations lapidaires, ses bûchers plus particulièrement liés à l’éradication du catharisme (Croisade des Albigeois).
(2) Mais qui vient d’appuyer son vélo dehors.
(3) dans le premier tome « La Gloire de mon Père » 1957.
 
https://www.facebook.com/Marcel.Pagnol.groups/videos/788495841262841/



Photos autorisées wikipedia commons 
1. anonyme / Marcel Pagnol portrait 1931. 
2. La Bastide Neuve aux Bellons (état actuel) by Fr.Latreille

mercredi 23 décembre 2015

DANS LA MONTAGNE, DES LUMIÈRES QUI MARCHENT... / Noël occitan


DANS LA MONTAGNE, DES LUMIÈRES QUI MARCHENT...
Parlant de ses parents, Joseph Delteil rappelle toutes ces lanternes qui avancent par les chemins vers la messe de minuit. Aussitôt, un conte de Noël vient cogner au portail, d’Alphonse Daudet, dans « Les Lettres de mon Moulin », un livre qui compte et fédère autour de nos identités occitanes... Comme quoi tous les méridionaux qui "montaient à Paris" n’y perdaient pas tous leurs âmes... Dans ce sens, Daudet a certainement contribué à la défense de l'esprit, de la culture occitane, et ce, dès l'enfance. Pourrait-il en être autrement avec le secret de Maître Cornille, la chèvre de Monsieur Seguin, le curé de Cucugnan... Si j’aime à jamais Les Vieux pour la chaleur de l’été et le thème douloureux de l’absence, la magie de Noël, l’évocation des tables chargées pour les fêtes me ravissent également. Et puis il y a l’hiver, le froid et la neige, les veillées idéalisées qui réunissent la famille autour du feu, du moins pour des gosses, libres encore du réalisme de l'âge adulte. Aussi, dans « Les Trois Messes Basses », les petits se trouvent vite pris dans la magie et les mystères des "Noëls Blancs". Suivons Daudet qui situe ce conte au pied du Mont Ventoux, « en l’an de grâce mil six cent et tant » :

 «... Dehors, le vent de la nuit soufflait en éparpillant la musique des cloches, et, à mesure, des lumières apparaissaient dans l’ombre au flanc du Mont Ventoux, en haut duquel s’élevaient les vieilles tours de Trinquelage. C’étaient des familles de métayers qui venaient entendre la messe de minuit au château. Ils grimpaient la côte en chantant par groupes de cinq ou de six, le père en avant, la lanterne en main, les femmes enveloppées dans leurs grandes mantes brunes où les enfants se serraient et s’abritaient. Malgré l’heure et le froid, tout ce brave peuple marchait allègrement, soutenu par l’idée qu’au sortir de la messe, il y aurait, comme tous les ans, table mise pour eux en bas dans les cuisines. De temps en temps, sur la rude montée, le carrosse d’un seigneur précédé de porteurs de torches, faisait miroiter ses glaces au clair de lune, ou bien une mule trottait en agitant ses sonnailles, et à la lueur des falots enveloppés de brume, les métayers reconnaissaient leur bailli et le saluaient au passage :
~ Bonsoir, bonsoir maître Arnoton !
~ Bonsoir, bonsoir, mes enfants !
La nuit était claire, les étoiles avivées de froid ; la bise piquait, et un fin grésil, glissant sur les vêtements sans les mouiller, gardait fidèlement la tradition des Noëls blancs de neige... » 




Notes : en plus du livre, le film de 1954 est passé à Fleury, au cinéma Balayé. Je pense aussi à Paul Préboist, acteur marseillais dans l’élixir du père Gaucher mais dans un autre film puisque Rellys tenait le rôle dans la production de Pagnol... Toi qui sais, si tu me lis...
Hier sur la 3, une très belle reprise de Marius par Daniel Auteuil, très réussie. mardi prochain ils donnent Fanny !Si ce n’est pas dans l’ambiance de Noël, notre Méditerranée est bien présente : ce serait dommage de s’en passer... 



Photos : 1. le Ventoux wikipedia england.
2. Le Ventoux depuis ST-Trinit le 4 décembre 2010 / commons wikipedia / auteur Véronique Pagnier. 
3. Daudet jeune (Les Lettres de mon Moulin, écrites avec Paul Arène,  datent de 1865 (l’auteur avait 25 ans).
4. Le Moulin de Daudet à Fontvieille.

mardi 22 décembre 2015

LES LUMIÈRES DE NOËL / Sud, Languedoc, Aude.

                             Église St-Paul de Villar-en-Val (Val de Dagne) / auteur Tournasol7.
 
« Les nuits de France-Culture... jusqu’à 6 heures du matin... »
Je pense aux noctambules, aux insomniaques, à ceux qui se sentent abandonnés ou ne sont pas, sinon plus, accompagnés. Moins seuls, retrouvent-ils un peu de cette chaleur humaine avec ces discussions, comme au coin du feu, dans l’intimité qu’une émission de  radio peut offrir ?
Dans ce monde que nous accélérons à l’excès, tout défile et nous fait passer trop vite à autre chose, serait-ce à une autre émotion. Pour ceux qui ménagent des pauses et ont la sagesse de faire halte pour retenir ce que la méditation a de fugace et d’évanescent, l’essentiel de ces sept petites, toutes petites minutes avec Joseph Delteil...  

« Si vous passez par Villar-en-Val, au sud de Carcassonne, prenez donc le chemin de poésie, vous passerez devant la maison où naquit le poète Joseph Delteil. Joseph Delteil mena une vie d’écrivain paysan... /...  Mais enfant il vivait à Pieusse entre Carcassonne et Limoux, en plein milieu des vignes. C’est là qu’il passait Noël avec ses parents comme il le racontait à Frédéric Jacques Temple, en 1970. »  

« Joseph delteil, qu’est-ce que c’est la Noël pour vous ?
~ La Noël, comme toutes ces grandes fêtes, c’est d’abord quelque chose de très banal, il n’y a pas de choses extraordinaires ; il faut pouvoir à travers ce mot de Noël,  retrouver les choses qui sont inscrites dans nos moelles, ancestralement, initialement...
~ ... Noël est par conséquent la fête la plus ancienne et la plus moderne à la fois...
~ Oui, en même temps, l’un dans l’autre. A Pieusse c’était pas considérable. Ce qu’il y avait tout de même c’était la bûche. Papa qui était bûcheron n’oubliait jamais de préparer une assez belle bûche, de chêne. Il fallait que ça dure de la Noël à la nuit du premier janvier. Il faut que ce soit une bûche qui dure huit jours
~  Vous alliez à la messe de minuit...
~  Naturellement j’allais à la messe de minuit. Nous faisions un petit réveillon, mais vous savez,minuscule. D’ailleurs quand je pense à la Noël je ne vois pas tellement la Noël de Pieusse, j’y ajoute inconsciemment tout ce qu’il y a dans mes yeux. Au mois de Noël : mes yeux s’ouvrent et voient un spectacle et dans ce spectacle il y a notamment ce que papa et maman me racontaient de la Noël dans leur pays d’Ariège : ils habitaient du côté de Montségur. Comme ils habitaient une ferme dans les hauts plateaux, ils me racontaient qu’en allant à la messe de minuit, chacun y allait avec une lanterne, et alors, de colline en colline, de montagne en montagne, tout ça fourmillait de lanternes qui marchaient, portées par les gens qui allaient à la messe. Ce n’est pas le spectacle que j’ai vu mais pour moi j’ai l’impression que je l’ai vu, je pourrais jurer que je l’ai vu à travers papa et maman. Peut-être beaucoup des choses que nous avons, que nous portons, que nous écrivons, quelquefois, sont non pas de nous mais de toute notre famille, de toute notre lignée. 

                                           Paysage autour de Montségur / auteur Panoramio.
 
~ Et si vous le racontez c’est que vous vous en souvenez, que vous l’avez vécu...
~ Je m’en souviens justement parce que je l’ai vécu, ça s’est fixé dans mes moelles comme le cholestérol se fixe dans les artères.
~ A propos de cholestérol quels étaient les plats typiques du réveillon ?
~ Les plats typiques, chez nous, d’abord la prière de papa, ça c’est tout à fait le rite. Il devenait très solennel, ce qui n’était pas tellement son habitude et il nous disait en tâchant de ne pas avoir le sourire, de garder la voix très noble : « Mes enfants vous savez que la nuit de Noël, le chef de famille doit faire la prière avant le repas...»
A part ça il y avait un petit repas qui comprenait... ça commençait toujours avec la salade de betteraves rouges, après ça nous avions la morue aux tomates, il fallait la sauce tomate, qui était assez bonne, après ça il y avait des haricots à l’huile, un toupinat (1) de haricots. Tout ça nous paraissait excellent, c’était plein de saveurs.
Ensuite on ne pliait pas la table : en pliant les quatre coins, on laissait quelques plats en plus en cas que le petit Jésus passerait par là. 
Morue à la raita / auteur JPS68

Comme toujours, j’ai le plus grand respect pour ces rites parce que j’ai toujours l’impression que ces rites ils répondent à des choses très originelles, très originales; les premiers hommes les ont créés parce qu’ils avaient cette mission, cette notion de l’humanité. Et même maintenant, le jour de Noël, chez nous je tiens beaucoup à ce que ce soit une répétition de ces choses-là. Ce jour-là Marie vient chez nous ; elle prépare le même menu ; ma sœur n’y manque pas, elle confectionne les mêmes aliments et nous avons, une fois par an, à la Noël, exactement, le repas qu’il y avait à Pieusse, à Montségur, de père en père et qu’il y a dû avoir, à quelque chose près, de toute antiquité. » 

(1) le toupin, en languedocien, le pot en grès ou en terre mijotant souvent à la limite du cercle de chaleur autour du feu / mot aussi employé en Suisse.

Notes : Frédéric Jacques Temple, écrivain, poète, né à Montpellier le 18 août 1921.
Rappel : Joseph Delteil est un écrivain et poète français né le 20 avril 1894 à Villar-en-Val dans l'Aude et mort le 16 avril 1978 à Grabels dans l'Hérault.

Photos Commons Wikipedia.