vendredi 31 mars 2023

VALRAS-PLAGE.

D’ici, face au Cers qui revigore ou fragilise, tant il sait souffler quand il veut, dans l’air transparent, la première chose qu’on voit en suivant la côte c’est l’immeuble de Valras. Depuis quand est-il là ? J’ai l’impression d’avoir toujours vu sa tour blanche, certes, parce que d’autres n’ont pas suivi autour, sans quoi nous aurions l’horreur de Benidorm avec la ronde des avions amenant les hordes peu recommandables de fêtards nordiques se croyant tout permis dès qu’ils sont à l’étranger.

 
Valras-Plage_aug_2011  Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Michiel1972

Valras, à l’origine, avant l’an 900, un petit village de pêcheurs.

En 1068, le village dépend de l’évêque de St-Nazaire (Béziers) avant de passer au prieur de Notre-Dame-de Grâce (Sérignan). À partir de 1266, les deux autorités s’en partagent la possession.  

En 1286, suite à une défaite navale aux îles Formigues (3-4 sept 1285) puis terrestre au col de Panissars (30 sept-1er oct. 1285) du roi de France Philippe III, hardi paraît-il, contre Pierre III d’Aragon, la flotte victorieuse d’Alphonse III, fils de Pierre III,  remonte l’Orb, brûle les maisons et pille Valras et Sérignan.

Jusqu’en 1630, à cause de l’insécurité en particulier liée aux incursions des pirates barbaresques et surtout du paludisme, les gens évitent de s’installer sur la côte. Si les villages de l’intérieur se dotent d’un point haut pour surveiller, la défense se portera au bord de la mer  Afin de prévenir contre tout danger d’incursion ou d’invasion, à l’initiative de Vauban, des redoutes seront construites le long de la côte (Valras, Vendres, Saint-Pierre, Gruissan...).  

Valras_Plage_promeneurs_-_Archives_départementales_de_l’Hérault Domaine Public Wikimedia commons

Au XIXe s., une ligne de tramway entre Béziers et Valras (1879-1948) accompagnera la mode des bains de mer.

En 1931, Valras se sépare de Sérignan et devient commune mais sur une portion vraiment limitée de territoire, réduite, exception faite de la portion rive gauche de l’Orb qui correspond à l’embouchure.

Mais que disait-on à la notre d’époque ? De ne surtout pas y acheter une voiture d’occasion au bas de caisse souvent rouillé à cause des entrées maritimes. Et puis, ne parlait-on de « ville ouverte » parce que des repris de justice y étaient assignés à résidence, tenus de pointer auprès de la police ? interdits de séjour ailleurs ?

Un dernier point concernant l’embouchure de l’Orb et les jetées, qui, contrairement à celles de l’Aude, accompagnent les eaux vers le nord. Une incidence autre sur l’érosion des plages et le rejet par la mer d’un afflux de bois flottés lors des crues des fleuves justifieraient-ils les choix opposés pour deux embouchures pourtant si proches (six kilomètres) ?  

Valras-Plage sud Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur montaron xavier Est-ce que les îlots artificiel sontefficaces contre l'érosion de la plage ? 

jeudi 30 mars 2023

ES SO QUE VEI DE SOUN OUSTAL

 Un vers des douze strophes du « Doublidaire » de Jean Camp, écrivain et poète sallois, tant en français qu’en occitan. A côté de celui qui est monté à Paris en se disant qu’il reviendrait à la retraite, d’un autre qui compense en rejoignant une communauté (Auvergnats, Corses, Bretons, Alsaciens, Savoyards, Franc-comtois, Basques, Ariégeois, Languedociens... ) en important ses traditions (fêtes, accent, langue, cuisine), le doublidaire, celui qui oublie, a rejoint la capitale en homme neuf voulant repartir de zéro. Un seul but : réussir. Dans son poème, plutôt que de le culpabiliser en vain, Jean Camp dresse un constat. Pour lui, le migrant lambda a d’abord cette caractéristique de fuir la difficulté « trapo la terro trop basso », il trouve la terre trop basse et se tourne vers Paris. Là il se fait passer pour l’homme qu’il faut être : superficiel, parlant pointu, portant des gants, prenant pour femme une mince qui se maquille, à l’opposé d’une de la campagne. 

" Il pensait à la soeur d'Éliacin, aussi forte qu'une jument, et capable de donner des enfants puissants.../... ne te laisse pas escagasser par une jolie figure. Ce qu'il nous faut, c'est des hanches larges, des jambes longues, et de beaux gros tétés... " Le Papet / Manon des Sources, Marcel Pagnol, 1963. 

 S’ils ont un enfant, il ne sera que de la ville, complètement étranger à une vie de village au rythme des saisons, fondée sur ce que la terre produit, proche de la nature ; plus rien ne le rattache ; les nœuds sont coupés ; les paysages, la culture occultés : la Clape, l’Alaric, il ne peut savoir de quoi il s’agit ; il vit en parisien : le métro, le théâtre, il connaît ; les noms de Mir, de Mistral lui restent inconnus mais Montmartre « es so que vei de soun oustal », c’est ce qu’il voit de sa maison. « L’oustal », un seul mot de la part de Camp dont les parents font partie de ceux qui ont quitté le pays en emportant ou non, la terre du pays à la semelle des souliers. 



lundi 20 mars 2023

PORTBOU - Walter BENJAMIN

Ce n’est que bien plus tard, peut-être parce qu’avec tous les aménagements ferroviaires faisant transiter voyageurs et fret, revient aussi l’évocation de tous ceux qui, comme en miroir aux victimes de la Retirada, sont passés dans l’autre sens, vers l’Espagne, afin d’échapper au nazisme et à la complicité active des collabos français. 

Walter_Benjamin_vers_1928 wikimedia commons Photo d'identité sans auteur, 1928

Klee,_paul,_angelus_novus,_1920  Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Collection Israel Museum

Walter Benjamin (1892-1940 Portbou), traducteur, écrivain, philosophe, critique d'art, a traduit Balzac, Baudelaire (une dizaine d'années de travail), Proust, St-John-Perse, Paul Valéry... Son destin symbolique traduit l'enchaînement tragique d’un antisémitisme ravivé que le nazisme fera culminer. Rien à voir avec le thème du Juif Errant inspirant les créateurs avant d’être récupéré par une agressive propagande xénophobe générale, Walter Benjamin, d’une famille bourgeoisie aisée, cultivée, opposé à la guerre (réformé pour raison médicale) va se retrouver en Suisse, à Paris, en Italie, à Moscou, à Jérusalem. Dans l’impossibilité de valider ses diplomes suisses, il anime en Allemagne une émission de radio de 1929 à 1932, jusqu'à ce que les nazis s'en mêlent. Après Ibiza en 1932, il se réfugie en France (1933) alors que ses amis et son frère sont arrêtés. N’arrivant pas à être naturalisé français, décidé à émigrer aux USA,  il n’arrive pas à vendre "Angelus novus" une huile sur papier (1920) de Klee (1879-1940). Devenu apatride, interné par les Français, il est libéré grâce notamment à Jules Romains. Le 13 mai 1940 tous les réfugiés allemands devant être arrêtés, après Lourdes et Marseille il aboutit à Port-Vendres le 25 septembre. Un couple ami le fait passer en Espagne. 

Après une dernière lettre 

« Dans une situation sans issue, je n'ai d'autre choix que d'en finir. C'est dans un petit village dans les Pyrénées où personne ne me connaît que ma vie va s'achever », 

le soir du 26 septembre il prend une dose mortelle de morphine à l'origine pour apaiser les douleurs continuelles dues à la sciatique. 

La raison en est, d'après Lisa Fittko (1909 Oujhorod [Aut.Hongrie auj Ukraine]- 2005 Chicago), la résistante qui avec son mari lui a fait franchir la frontière, que les autorités franquistes ont informé que les apatrides seraient renvoyés, une directive jamais appliquée et sans doute sans effet quand Benjamin se donna la mort. 

Son corps n'a jamais été retrouvé de même qu'un manuscrit dans sa serviette de cuir qu'il disait " plus important que sa vie ". 

Son destin très déstabilisant ne lui permit pas de publier de son vivant et son œuvre est presque entièrement posthume. 

L'artiste israélien Dani Karavan (1930-2021) lui a dédié un mémorial vraiment étonnant : "Passagem", honorant le livre sur le paris du XIXe avec les "Passages", ces voies plus ou moins étroites, parfois couvertes, aménagées en galeries. " Passage ", un terme si symbolique concernant la course, la ligne, la trajectoire, le chemin de vie, un thème qui interpelle tant les intellectuels nous donnant ainsi tant à réfléchir. 

Portbou veut dire « port de pêcheurs » et il n’y a plus une seule catalane pour les poissons bleus... Des wagons d’oranges aux Républicains, de mes grands-parents tchèques sur la frontière interdite aux tapas si dépaysantes. Au plaisir d’imaginer toutes ces petites plages, serties dans les roches, que la route du col des Bélitres surplombe sans les voir, vient se mêler un vague à l’âme dû à Benjamin et au passage ; et ce n’est pas Cerbère qui va empêcher les vivants de continuer à communiquer avec les morts. 

mardi 14 mars 2023

ESPÉRAZA et ses ermites

A Espéraza et dans les villages autour, le lendemain du mercredi des cendres, pour clore la fête de carnaval, c'était la coutume des ermites. Arrêtée en 1947, elle reprit dix ans plus tard mais à partir de 1970 perdit son lien au carnaval en n'étant plus programmée que pour Pâques et même en mai. 

View_of_Esperaza  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Krzysztof Golik

En chemise de nuit de femme et chapeau melon (Espéraza a été une riche capitale du chapeau), les ermites se passent le visage au noir de fumée, surlignent leurs sourcils et moustaches, se font un gros point sur chaque joue ainsi qu'un rond autour d'un œil.  

L'ermite de tête, un costaud, porte une croix de trois mètres de haut, chargée qui plus est, de gros chapelets au centre, de saucissons et saucisses sur les bras qui balancent au bout une courge bouteille. Les ermites suivent, porteurs de paniers. Accompagnés, idéalement, d'une quinzaine de musiciens (percussions, clarinettes, basses, cuivres et barytons), ils entrent dans les maisons pour recueillir des charcuteries, du jambon, des œufs. 

Devant les maisons où habitent une fille ou une jeune femme, ils se font passer pour de faux ermites et chantent une sérénade d'amoureux qui soupire ; des paroles en français alors que plus anciennes, celles en languedocien relèvent des farces de carnaval dont celle à propos d'un "paure ermita" qui s'est pris fantaisie de se couper la barbe : 

"... Un jorn que fasia vent             Un jour qu'il faisait du vent
La barba sioguec copada                 La barbe fut coupée
E le bent se l'emportec                 Et le vent l'emporta
Aval, sus l'esplanada                  Là-bas, sur l'esplanade, 
Un pintré la ramassec... "             Un peintre la ramassa...

Les provisions collectées permettent de régaler les participants dans un banquet où les femmes sont exclues. 

Vers trois heures de l'après-midi, tout le monde est invité pour le vin chaud. Dans une pairolo, une grosse marmite à l'origine posée sur des pierres (d'où son nom), soixante litres de vin, cinq kilos de sucre, des clous de girofle, de la cannelle, du citron, des zestes d'orange.  

En attendant que ça chauffe, le dernier marié de l'année doit faire le tour de l'âne. Tourné vers la queue de l'âne, sur la tête, le bainat, un frontal de boeuf avec ses cornes (surtout qu'à Espéraza, existait une vieille tradition du bœuf gras (1) (souvent une vache) qu'on poursuivait dans les rues avant de le manger) il doit écouter du cocu, réminiscence machiste sur la jalousie possessive du mâle alors que la femelle est réputée infidèle... 

" ...te caldra monta la garda... il te faudra monter la garde 
En portant le bainat. (bis) 

(1) la viande est réputée meilleure et les bouchers de bêtes qui ont couru étaient plus recherchés... c'est donc, il me semble, le contraire que lors du sacrifice du cochon... 

Source Revue Folklore n° 119, automne 1965. 

Voir aussi Rennes-le-Château, ses légendes, son mystère : La sortie des ermites d'Espéraza (rennes-le-chateau-bs.com) 


LIMOUX, le CARNAVAL...

Trois mois de fêtes en gros, c'est ce que dure le carnaval de Limoux, le plus long au monde !

"Carnaval es arribat". Tout en blanc et foulards rouges, les meuniers ont demandé symboliquement l'autorisation des autorités. ils repartent au son de la musique, un répertoire qui va chercher dans les vieux airs mais renouvelés aussi. Ils marchent, eux, sans la carabène, presque posément, comme s'ils écrasaient le raisin. le samedi et trois fois les dimanches, suivant un programme mettant tout le monde d'accord, suivant des séquences travaillées, chaque bande va défiler, rejoindre les arcades, faire halte dans chacun des cafés, récupérer dans une salle discrète, le seul endroit où l'on peut enlever le masque. Bien sûr ils boivent un coup. 

Auteur Carnaval de Limoux las coudenos 2017 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license.

Les bandes ont un effectif limité ; pour être coopté, les listes d'attente sont longues. Les costumes, le thème restent secrets : il faut ménager la surprise. Pour tous c'est une complicité amicale qui dure toute l'année, le temps de préparer le prochain carnaval, de le vivre, de se projeter dans le suivant. 

Lors de la sortie du soir, la lumière des torches de paille, l'odeur de résine, ajoutent à la magie. 

Le 5 mars, toutes les bandes, une bonne trentaine, étaient autorisées à sortir ensemble. Samedi 11 mars, lous Brounzinaires et les Rambaiurs menaient le cortège, dimanche c'étaient le Paradou, et dimanche prochain, 19 mars, ce seront las Fennos. 

Le_Tivoli_-_Sortie_du_matin Goudils au Carnaval_de_Limoux_2015  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Unuaiga

Derrière  les bandes disciplinées, au programme étudié, suivent les goudils, plus libres de leurs déguisements, qui chantent, dansent, lancent ou étouffent de confettis, ciblent les spectateurs de leurs taquineries, avec des indices, vagues et justes à la fois, traditionnellement en languedocien, pour que toujours, l'intéressé ait à se demander qui peut bien être ce masque si indiscret qui en sait tant sur lui. Il y a beaucoup plus d'authenticité, de piment, en occitan, c'est certain. 

Fin mars c'est dans la langue maïrale, des aïeux, que Carnaval est jugé. Réquisitoire, plaidoyers se succèdent "Paure Carnaval, tu t'en vas e ieu demori..."... ce n'est pas la nuit de la blanquette qui va atuder (éteindre) le bûcher. Cette année, ce sera dimanche Rendez-vous est pris pour l'an qui vient. 

lundi 13 mars 2023

MAYOTTE ! un rapport explosif !

Révélé par Médiapart, un rapport si explosif qu'il est caché par le gouvernement depuis janvier 2022.

Un rapport intrinsèquement objectif... complètement à l'opposé de ce que pense et dit Edwy Plenel (mais nous ne sommes pas à une outrance près de sa part, quand bien même le ton serait départi, souriant, pédagogique même). Que dit-il ce monsieur invité par la télé bienpensante ? Dans l'esprit "On a volé un morceau à une entité, à l'archipel des Comores..." c'est tout sauf un argument... dans ce cas Gibraltar est un morceau volé à l'Espagne, les enclaves espagnoles des morceaux volés au Maroc, les Îles Anglo-Normandes devraient appartenir à la France et la Corse à l'Italie à en croire Mussolini ! 

Qu'est-ce qu'il raconte encore le trotskiste ? Que le territoire occupé par la France, parce que c'est l'Europe, attire l'immigration comorienne... certes sauf que les gouvernements successifs ont bien pris soin de transformer l'île en cul-de-sac : ce n'est pas un marchepied pour la Réunion, pour la métropole et l'UE, l'île est déjà un camp de rétention ! A quoi sert en même temps d'invoquer une solidarité nationale qui non seulement ne trouve pas à s'appliquer mais qui en plus, débouche sur de la non-assistance à territoire en danger ! 

Et avec ça ? plus grand chose comme il y a longtemps que je n'écoute plus ces émissions boboïsantes à tendance wokiste. Néanmoins, Joseph Krasny, le pseudo renié de Plenel, le solidaire de septembre noir dans l'assassinat, à Münich, en 1972, des sportifs israéliens, en tire des prolongements douteux lorsqu'il évoque un racisme anti-mahorais à la Réunion. Pourtant, en proférant "Band Komor", la Réunion n'est pas plus raciste et venimeuse qu'une France jacobine d'il n'y a pas si longtemps... même s'ils n'ont pas voulu donner de l'eau lors de la grave pénurie d'eau de 2017. Mieux que chez les Etatsuniens, le "melting pot " (que les profs propagandistes nous ont vendu sans bémols dans les années 60) consiste plus à vivre à côté qu'ensemble... Sinon, comme bien des Français, ils sont contre l'immigration.  

Du temps du gouverneur, ses mensonges et ceux de l'État étaient d'un autre ordre. Photo autorisée wikimedia commons

Alors, ce rapport qui ne permet pas à Plenel d'attaquer bille en tête ? Il suffit de le lire sans se dire de qui ça vient, vu qu'il sert autant les contre que les pour Mayotte française. 

Notons (je me permets de prolonger...) : 

* il émane des inspections générales de six ministères (santé, justice, éducation, affaires sociales, affaires étrangères, intérieur). 300 personnes entendues sur plusieurs semaines. 

* Mayotte, département le plus pauvre de France aux moyens plus faibles que dans les autres outremers (la dotation par élève, par exemple, ne faisait qu'à peine plus de la moitié de ce qui est la norme [je crois l'avoir déjà évoqué sur Avox). 

* l'État est débordé par une situation sur le fil du rasoir par rapport à l'acceptable, une offre de santé insuffisante et fragile (même avec le titre de première maternité de l'UE !), un problème migratoire submergeant les capacités de l'État, en retard de deux dizaines d'années, qui a failli à sa mission. 

* une insécurité grandissante avec des agressions mortelles (le 15 février dernier, un jeune de 19 ans  mort des suites d'une attaque avec barre de fer) (je ne fais pas le lien avec l'immigration...) 

* Dard Malin (pardon de garder des réflexes pour échapper à la censure facebouquienne (ils m'ont même interdit de dire "faux-jeton" ! faut pas dire non plus que les Français sont des moutons ou des veaux...) en premier, veut le cacher, ce rapport, lui qui pourtant s'est montré quelques fois dans l'île contrairement à d'autres (Vous le connaissez vous, le délégué aux Outre-mer ?). Sauf que le ministre de l'Outre-Mer est un peu tête en l'air... Quelle idée d'aller dire à la télé locale qu'on ne pouvait rien contre des mineurs ? Ce qui ne peut que conforter ceux qui n'avaient pas encore franchi le pas de la délinquance...  

* presque la moitié des logements sont illégaux avec les plus grands bidonvilles de France, qui plus est sur des zones à risques. 

*  80% de la population est en dessous du seuil de pauvreté. 

* 75 ans d'espérance de vie. 

* 1/3 actif au chômage...

* Mais comme c'est huit fois pire aux Comores (1/4 de la population en extrême pauvreté) le mouvement migratoire n'arrête pas malgré les conditions difficiles de traversée, la fermeté nouvelle des contrôles qui ajoutent aux infortunes de mer. Des centaines de gendarmes devraient arriver dès avril, pour renvoyer un maximum de personnes et en priorité celles versées dans la délinquance délictueuse.

* La situation est si alarmante que même l'INSEE n'appliquant que les subtilités de calcul qu'on lui ordonne habituellement (n'avait-elle pas pour consigne de ne pas recenser toute la population, en vue de faire des économies dans la dotation globale ?) prévoit près de 800.000 habitants en 2050 (deuxième parenthèse : est-ce que cela sous-entend que le chiffre officiel des 280.000 habitants actuels est sous-évalué ?).   

* les journalistes informant de ce rapport caché mettent l'accent sur l'enfance en danger dont au premier rang ceux qui sont privés d'école (les locaux n'étant pas à l'origine du manque de place, font passer les nôtres, bien que pénalisés par le surnombre, avec  une salle de classe pour deux divisions pet un niveau qui s'en ressent, par exemple, les 3/4 au collège ayant des difficultés de lecture [9 x plus qu'en métropole). 

* Inquiétude aussi, l'alimentation insuffisante nous ramenant à l'épineuse question des rythmes scolaires imposés de force sous un climat tropical... si encore c'était pour assurer aux enfants un minimum de nourriture, de protéines mais peut-être que les autorités préfèrent se faire valoir en aidant des pays tiers, il est vrai que l'exemple de Mayotte fait tache pour un pays qui se veut dans le peloton de tête des États évolués ! 

* les jeunes de l'île sont en moins bonne santé qu'ailleurs en France... une situation dont les effets se ressentent dans la délinquance violente (81 % de prévalence des mineurs dans les vols avec violence... ce n'est pas moi qui le dis !). Et une tendance à l'autodéfense quand les cambrioleurs sortent du commissariat avant le cambriolé embourbé dans la paperasse s'il porte plainte (le nombre de plaintes, en lui-même, ne veut plus rien dire.   

* en prime, une désorganisation des services, des personnels sans expérience, une faible attractivité du territoire. 

Tout va donc tourner autour du renvoi massif aux Comores...  

Merci Médiapart, merci Krasny Plenel, si ce rapport n'arrive plus à fourbir vos arguments contre Mayotte, merci d'avoir donné du grain à moudre à Mayotte française. 

Bien charitablement à vous qui ne dites rien sur la biodiversité perdue par le déboisement, sur le pillage des ressources halieutiques par les bateaux-usines... et pas que chinois, russes ou coréens... 

photo anonyme de 1975 parue dans le n°29 de 1993 Jana na Leo


  

PAYS de SÉROU ou PAYS SÉRONAIS ? (fin)

Le fils de Toulouse qui passait lui aussi, m’avait bien laissé son adresse mais je n’ai pas écrit. Et lui, de son côté aurait-il pu le faire ? Je n’en sais plus rien. Que voulez-vous, il y a un âge pour tout et jeune, avec deux enfants rapprochés, la vie file à cent à l’heure. Ce n’est qu’après que nous réalisons qu’ils ont trop vite grandi. Ils partent sur leurs propres chemins, la vie nous coule comme du sable entre les doigts, les années se confondent, il ne nous en reste que des bribes, des débris difficiles à recoller... Ce n’est qu’avec l’âge que nous estimons à sa juste valeur ce que nous avions. Oh non, je ne suis pas en train d’abonder dans la rengaine du « c’était mieux avant » mais ce n’est pas pour autant que nous n’avons pas le droit de regretter une façon de vivre ouverte à l’autre, qui a été perdue depuis. Je peux quand même dire leur nom, à ces gens merveilleux, c’est la moindre des choses, Galy, la famille Galy, la dernière maison sur le chemin du col des Marrous, avant l’abreuvoir où un filet d’eau coulait jour et nuit... vous ne pouvez pas vous tromper.

Cette fois-là, nous avions passé quelques jours à La Bastide, chez Ferré (merci pour l'info, J.L. Lafont), un hôtel restaurant réputé, seulement en demi-pension, mais là encore, la patronne, certainement touchée par notre petite famille, nos fils avaient alors cinq et quatre ans, nous avait proposé le sanglier pourtant réservé au menu plus cher. Nous étions montés à la Tour Laffont, il y avait des myrtilles... C’était donc en fin d’été, certainement avant la rentrée. Les problèmes de sécheresse, de changement climatique ne nous minaient pas alors. Dans la descente vers Massat, nous avions acheté de la vaisselle artisanale à un jeune couple, comment dire, un peu baba, comme en rupture d’une vie moderne trop aliénante, de la ville...

Toujours dans ces années-là, lors d’un printemps encore frisquet, nous avions profité d’un gîte de l’autre côté, à Serres-sur-Arget. Il y avait la neige au col de Péguère avec, en prime, une large empreinte d’ours... de quoi impressionner les enfants et les femmes alors que le calme des hommes nous faisait passer pour des courageux !  

Une autre fois, après Nescus, les lacets du versant boisé et sauvage nous ont à nouveau menés à Montagagne mais juste pour faire un saut au cimetière, sans s’engager dans le village étroit, à cause du camping-car : la peur de déranger, celle de passer pour des importuns aussi. Et puis la nuit allait tomber. Dans ce pays avec plus d’avions dans le ciel que de voitures sur la route, on a dormi sur la montée du col des Marrous. 



Dans les années 2010, c’est à Esplas-de-Sérou par Castelnau-Durban que la quête des racines nous a menés, au cimetière... Une fête de retrouvailles était prévue puisque ceux qui y tiennent et le peuvent, reviennent au pays pour les congés d’été.  

Retour sur La Bastide-de-Sérou et la nationale 117. Avec mon adolescence sous un climat sec, voir du vert relevait déjà du dépaysement, aussi, au retour de Lourdes, les champs de maïs longeant la route de Saint-Girons me sont-ils restés vivants en mémoire.  

Rimont, juste pour évoquer le cousin Léon Maury, encore d’un lignage descendu en Languedoc mais qui, à l’âge de la retraite, remontait séjourner assez souvent en Ariège.  

dimanche 12 mars 2023

PAYS de SÉROU ou PAYS SÉRONAIS ? (1)

 VERS LE PAYS SÉRONAIS.

Entre Foix et Saint-Girons, sur 44 kilomètres, la transversale Perpignan-Bayonne, ancienne nationale 117, longe les Pyrénées ariégeoises avec le Massif de l’Arize, déjà le Couserans comprenant au moins trois chaînons supplémentaires jusqu’à la ligne de partage des eaux avec l’Espagne, des crêtes au-dessus de 2500 mètres d’altitude et des cols à plus de 2000 m., le moins haut étant le Port de Salau à 2087 m..

A l’entrée de La Bastide-de-Sérou, il faut prendre à gauche, suivre et remonter la vallée de l’Arize. 

PAYS DE SÉROU ?

On lit « Sérou » pour La Bastide-de-Sérou, Esplas-de-Sérou, Sentenac-de-Sérou pour indiquer que nous sommes dans le Séronais, peut-être l’ancien pays des Sérones, des Celtes, des Gaulois. Par la lignée paternelle, ma famille directe descend de Montagagne, canton de La Bastide-de-Sérou.

Nescus :  A Nescus, en 1976 ou 1977, un vieux paysan labourait encore avec une vache au port de corne fringant, joliment voilée sur les yeux d’un « pare-mouches » aux couleurs vives d’un rideau de coton espagnol, de ceux qui fleurissaient l’été, chez nous, manière de laisser la porte ouverte et de favoriser le courant d’air. Une vache pleine de curiosité pour l’intrus à l’appareil photo, de bon accueil et comme complice de ses compagnons humains, des petits vieux restés alertes, si vivants. Oh ! comme ils le dirent avec gourmandise et non sans un brin de solennité, que chaque année ils engraissaient encore le cochon... Oh ! j’ai déjà raconté ça, pardon. C’est la moyenne montagne mais Montagagne est déjà à près de 800 m, deux fois plus haut presque que Nescus en bas dans la vallée. Nous y étions déjà passés, à l’occasion d’un périple à Lourdes, pour compenser auprès de ma grand-mère devenue veuve, manière de remonter aux sources de papé, de donner corps aux terres que les aïeux, du côté des hommes, avaient dû quitter à la fin du XIXe siècle. L’école abandonnée avec encore une carte Paul Vidal de La Blache au tableau, les tombes du cimetière sans fleurs sinon celles en perles-de-verre des couronnes, dans les gris et les mauves, du cimetière, fanées qui plus est par le temps et les intempéries. Un autre couple de l’endroit, encore en forme, ouvert et hospitalier, les a menés dans le pré jadis de la famille... une verdure offrant un joli point de vue avec, en prime, la féerie de plusieurs centaines de papillons bleus. Dire que la moitié des papillons des prairies a disparu en 20 ans et que nous ne voyons rien, ni du mal, ni de la réaction susceptible d’y remédier... Au-dessus de toutes ces ailes bleues, le sentier vers le col des Marrous, la montagne de l’Arize.  




Nous sommes revenus à Montagagne, justement cette fois de 1976 ou 77. Les paysans de 1968, ceux du pré aux papillons, nous ont accueillis presque comme la famille, ils nous ont même gardé à manger... Ah qu’est-ce qu’on a pu bavarder et rire ! Et dire qu’il ne me reste plus que le souvenir de cette belle rencontre, comme avec les vieux de Nescus à la vache si coquette. On n’apprécie pas ces choses-là à leur juste valeur, au moment où elles passent. (à suivre)

vendredi 10 mars 2023

COUSERANS

 LE COUSERANS.

«... Mountagno, cad’an coumo la sandoulo ...            Montagne, chaque année comme l’hirondelle

Que tourno a soun nits quand ven lou printemps       Qui revient à son nid quand revient le printemps

Ieu tourni en ço tiéu, e, luèn de la foulo,                    Je reviens en ton sein, et, loin de la foule,

Me vau rebrembar le miéu jouve temps... »                Je vais oublier mes jeunes années...  

Augusto Teulié (1861-1920)

 
Vue_de_Massat_depuis_le_col_de_Péguère Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Daieuxetdailleurs

Laissons Montagagne d’où descendent mes ancêtres, une histoire de malnutrition sinon de ventres creux, de « Demoiselles » en guerre contre l’autorité oppressive interdisant les forêts aux défavorisés, pour pénétrer le Couserans où notre patronyme aussi est commun. Dedieu comme Paul (1933-2012), la petite sentinelle, arrière de Béziers et du XV de France qui y est revenu à la retraite et y repose ; Dedieu comme l’avocat de ce père qui, pendant onze ans, avait enlevé ses fils à la mère pour les élever en marge de la société, dans une ferme perdue ... .

Le Couserans, là encore le nom viendrait d’une tribu gauloise, les Consorans ou Consorannis de Jules César. En gros, même s’il déborde sur la plaine et s’il comprend le Séronais, c’est le pays du Salat et de son large éventail d’affluents : Alet, ruisseau d’Estours, d’Esbints, le Garbet, l’Arac, la rivière d’Alos. Autant de cours d’eau qui démarquent nombre de vallées riches de traditions, pour les principales vu que chaque ruisseau a la sienne et qu’ils se comptent par dizaines : de la Bellongue et ses nombreux villages ; du Garbet avec les eaux d’Aulus ; la vallée d’Ustou avec le ski à Guzet depuis 1960, le Cirque de Cagateille, le Mont Valier (par le ruisseau d’Estours) avec le seul petit glacier de l’Ariège, et ses ports vers l’Espagne accessibles seulement à pied, gardant le lien autant avec l’imaginaire qu’avec le passé  ;  la vallée de Biros avec la grotte de la Cigalère (concrétions de gypse uniques) et le gouffre Martel longtemps le plus profond de France et enfin la vallée de Bethmale où la prise de conscience ancienne a permis la sauvegarde des coutumes, des musiques et danses, des costumes traditionnels avec les fameux sabots pointus encore fabriqués.

Montjoie-en-Couserans  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Olybrius

De l’eau partout, d’ailleurs il a plu pratiquement à chacune de nos visites. Cela laisse songeur alors que la terrible période actuelle de déficit pluviométrique, une sécheresse depuis le printemps 2022 suivie d’un été caniculaire, de l’automne en manque, est plus qu’inquiétante. Est-ce que la couverture neigeuse qui semble sauver les stations de ski dont celle de Guzet, au pied de la ligne de crête, frontière avec l’Espagne, suffira, au moment de la fonte ? Devrons-nous évoquer des conditions heureuses et un bonheur perdu par rapport au passé ? Le Couserans, c’était des eaux courantes, des torrents partout, des sommets, des lacs d’altitude, des cols empruntés par le Tour de France (Portet-d’Aspet, de la Core, De Lers, mur de Péguère...), des cirques de montagne, et leurs cascades, des myrtilles, le plaisir des fromages, d’un folklore de tradition avec le dernier sabotier de la vallée de Bethmale par exemple... 

Le Couserans, terre des Mountagnols partis faire les moissons, les vendanges, ou colporteurs ou montreurs d’ours. Et à présent, où partir quand l’anthropocène, l’ère de la domination par l’homme des cycles naturels, opprime et affecte la planète entière ? Le Couserans, terre d’histoire qui vit les Demoiselles, les paysans, le visage noirci, déguisés en chemises de femmes, faire la guerre contre les abus des puissants. Peut-on faire un rapprochement avec la lutte antérieure des Camisards des Cévennes... et celle toujours d’actualité, contre la foutue réforme des retraites, une sacrée régression ?