dimanche 31 mars 2019

FRANCE : le kaléidoscope brisé.

Il s'est voulu l'aube nouvelle capable de rassembler les Français pour enfin aller de l'avant. Il s'est fait passer pour l'envoyé des temps nouveaux... Paradoxalement à sa jeunesse, il n'est que le crépuscule d'une ère de politicaille ne pouvant plus faire illusion. Pire même, une ère tombant le masque pour remettre en question les progrès sociaux du XXème siècle pourtant dans la continuité millénaire d'une dynamique émancipatrice en corollaire à la conscience. Il représente seulement la caste ultra minoritaire qui impose la mondialisation à son unique profit, un égoïsme extrême, mènerait-il à l'autodestruction planétaire. Et à court terme, est-il le président de de désintégration sociétale de la population française ? Qu'en sera-t-il après ? Peut-on remédier aux fractures évoquées vainement sinon avec le cynisme qu'on nous sert depuis plus de vingt ans ?

Les 3 France correspondraient-elles à :

* Celle des bourgeois pédagogues alliés aux riches de plus en plus riches, sous la bannière du climat avant celle exprimant un progrès dans les inégalités sociales.

* Celle de la France périphérique, France rurale, rurbaine, précarisée, bien représentée chez les Gilets Jaunes, à qui on impose des sacrifices, qui en veut aux bobosclimatomacroniens et en subit, en retour,le mépris.

* Celle des quartiers, employée à bon compte par les premiers, indifférente aux deux autres, à part dans des territoires perdus pour la république où des factions sectaires (comment appeler la religion quand elle s'appuie sur une prééminence hégémonique et intolérante ?) fomentent et fermentent, cachées.



Pour Eric Zemmour, journaliste, essayiste (source Le Figaro) : 

* D'un côté, la France périphérique, gilet jaune, les classes populaires, employés, commerçants, ouvriers, une majorité d'hommes blancs entre 30 et 50 ans

* De l'autre, la France des «minorités», les mouvements féministes, LGBT, les «racisés», les indigénistes islamiques, les défenseurs des femmes voilées. D'un côté, les réseaux sociaux, de l'autre les médias «mainstream», les syndicats, la gauche bien-pensante ; 

* D'un côté, la France qui a du mal à finir ses fins de mois ; 

* De l'autre, la France qui vit grassement de subventions publiques. Et qui en demande toujours plus ! 

* D'un côté, un peuple ostracisé par les élites et les médias, vilipendé et brocardé, traité de «beauf», de «fasciste», raciste, terroriste...

Pour le journal LE POINT, le journaliste fait l'inventaire de ce qui a conduit le pays au déclin : l'immigration, l'antiracisme, la gauche, la mondialisation, l'effacement de la nation

Les élites ont désintégré le peuple en le privant de sa mémoire nationale par la déculturation, tout en brisant son unité par l’immigration. 



Pour la quotidien LE MONDE, les Gilets Jaunes sont l'indicateur d'une fracture territoriale entre : 

* Une France urbaine riche choyée par les pouvoirs publics (80 % des Français le pensent (IPSOS 13 février). 

* Une France périphérique en déclin et abandonné. 



Le média indépendant The Conversation traduisant un point de vue universitaire original : 

 http://theconversation.com/fractures-territoriales-et-sociales-portrait-dune-france-en-morceaux-112154

* Les Français affranchis : pour 21%, des cadres, étudiants, retraités / gagnant autour de 2148 €/mois. Leur mobilité est choisie, on les rencontre plus en Ile-de-France, dans les Pays de la Loire, en Rhône-Alpes-Auvergne. 
 ~ 59 % de ces affranchis sont optimistes sur l'avenir de la société française. 
~ 42 % d'entre eux a voté Macron au1er tour (2017).

* Les Français enracinés surreprésentés à hauteur de 22 % par les retraités / avec 1782 €/mois correspondant à un niveau de vie moyen. Ils sont plutôt en Bretagne, Nouvelle Aquitaine. 
~ 73 % sont pessimistes sur le devenir de la société. 
~ 25% ont voté Fillon, 24%Macron,

* Les Français assignés surreprésentés à hauteur de 25 % par les employés et ouvriers / avec des revenus de 1544 €. Ils sont plutôt dans le Grand Est, le Centre Val Loire, l'Occitanie.
~ 92 % sont pessimistes sur le devenir de la société. 
~ 37% ont voté Le Pen et 29 % se sont abstenus ou ont voté blanc ou nul.

* Les Français sur le fil surreprésentés à hauteur de 32 % par les classes moyennes inférieures et les classes populaires autour de 1708 € de revenus mensuels. On les trouve plus dans les Hauts-de-France, le Centre-Val-de-Loire. 
~ 71 % d'entre eux sont pessimistes pour la société française. 
~ 32% se sont abstenus ou ont voté blanc ou nul. 

Encore quelques pistes pour nourrir la réflexion : 
 
 https://alencontre.org/europe/france/la-france-des-gilets-jaunes-la-rengaine-de-la-fracture-peripherique.html
«Une meilleure redistribution des richesses et la protection de l’environnement font partie d’une même lutte: celle qui s’élève contre un système capitaliste dérégulé.» L’occasion est trop belle. «La raison pour laquelle la planète est dévastée est la même que celle qui provoque les délocalisations, l’esclavage moderne dans les usines, qui conduit les riches à devenir plus riches et le reste de la population à devenir plus pauvre: un système économique dont l’obsession est le profit, à court terme, à n’importe quel prix.»
L’occasion aussi de « basculer la fiscalité carbone sur les entreprises les plus polluantes », ou d’« obtenir une véritable taxe sur les transactions financières ». (Intervention sur France Culture, le 4 décembre 2018, à 6h40). 


https://www.polemia.com/medias-decouvrent-france-fracturee-colere-petits-blancs/
D’un côté, ces Français issus de l’immigration, relégués dans leurs cités pour mieux venir travailler dans les mégapoles. De l’autre, des Français « de souche », économiquement encore plus déshérités, assignés à résidence dans les campagnes reculées ou réfugiés dans les zones pavillonnaires. Fracture géographique, mais aussi religieuse et culturelle : en 2016, 18 % des nourrissons portaient un prénom arabo-musulman, alors que celui de Marie n’était donné qu’à 0,3 % de la population.

 À ces deux France en proie au mal-être, on peut encore ajouter celle de la bourgeoisie conservatrice. En face et au-dessus ? Cette France hors-sol vivant à l’heure de la mondialisation, as de la finance et intellectuels précaires ; soit ces libéraux et ces libertaires ayant tous deux voté pour Emmanuel Macron, fêtant ainsi un troisième mandat, après ceux de Nicolas Sarkozy et de François Hollande.


https://www.agoravox.tv/actualites/societe/article/christophe-guilluy-nous-vivons-un-79308
F d'en haut méprisante et moralisante
* Nous vivons un moment où le monde d’en haut a fait sécession. […] Le modèle mondialisé a accéléré les choses avec un processus de clivage, qui géographiquement a fait émerger cette France périphérique. […] Le haut parle de moins en moins au bas. (Christophe Guilluy).
* Le modèle est à bout de souffle, il ne fait plus société. Il n’y a pas eu un complot. On a un modèle économique néolibéral qui s’est installé un peu partout en Occident. Je parle d’un processus de temps long, la désindustrialisation, la financiarisation. (Christophe Guilluy)
* Il reste des ouvriers et des petits salariés, mais il n’y a plus de classe ouvrière, il n’y a plus d’horizon commun, de culture partagée, de représentation unanime. Il y a un sentiment de déshérence et une atomisation des gens qui sont dominés. (Nicolas Mathieu)
* Je définis la classe moyenne comme cette classe hier majoritaire qui réunissait tout le monde, ouvriers, employés, paysans, cadres supérieurs. Si je dis qu’elle explose aujourd’hui, c’est que l’intégration économique se fait mal, très mal. (Christophe Guilluy)
* Il n’y a pas l’idée d’une communauté de destin. Est-ce que je peux vivre très bien alors que vous vivez si mal ? Et à partir de là, effectivement, c’est no society. On est dans un processus de dissolution quand même. (Nicolas Mathieu)
* La grosse difficulté aujourd’hui, à droite comme à gauche, c’est que nous avons des partis qui ont été créés par et pour une classe moyenne qui n’existe plus. […] Il y a là effectivement à adapter une offre politique à ce que sont devenues ces catégories. (Christophe Guilluy)
* Pour que ça fasse société, il faudrait que les mieux armés ralentissent un peu […]. Ça suppose de l’empathie, de se soucier de cette France-là. C’est vrai que le roman a un rôle à jouer en portant ces voix-là. (Nicolas Mathieu)
* "France périphérique", il s’agissait effectivement d’une notion géographique, sociale, économique, mais aussi culturelle. Il s’agissait bien de dénoncer cette relégation culturelle. (Christophe Guilluy)
* Les populistes adaptent leur offre à une demande. Celle des catégories populaires est simple : travailler, préserver un capital social et culturel. […] Il s’agit pour les grands partis de faire concurrence aux populistes, de présenter une offre politique. (Christophe Guilluy)
* Une société est saine réellement quand vous avez un haut qui sert les intérêts du bas. C’est le principe de la démocratie, c’est de donner du pouvoir à ceux qui n’en ont pas, et de ne pas renforcer le pouvoir des gens d’en haut par rapport à ceux d’en bas. (Christophe Guilluy)
* Toute cette vague populiste […] repose à chaque fois sur une sociologie […], ce socle de la classe moyenne, […] et puis une géographie, […] les territoires les plus éloignés des grandes métropoles. (Christophe Guilluy)
* Tout le monde a un sentiment d’attraction et de répulsion, et puis aussi de complexe, par rapport à la centralité de Paris. (Nicolas Mathieu)
* Quand on naît en milieu populaire, on meurt en milieu populaire. Ce n’est pas grave. On peut faire sa vie, aimer, avoir des enfants, être heureux – à une condition : être respecté culturellement et être intégré économiquement. (Christophe Guilluy)

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/guilluy-decrit-le-separatisme-de-195762
 « dans l’ensemble des pays développés, le nouvel ordre économique n’a cessé de creuser les fractures sociales, territoriales et culturelles (…) il est cautionné par une fraction importante de la société, constitué des gagnants de la mondialisation et de ceux qui en sont protégés. Ce sont ces catégories, qui, sans être ‘riches’, ni détenir le capital, forment la ‘France d’en haut’  », complétant utilement les analyses de Thomas Piketty sur l'augmentation des inégalités ou celle d'Emmanuel Todd dans " Après la démocratie ". Pour lui, ce système « rejette inéluctablement ceux dont le système économique n’a plus besoin dans les périphéries territoriales et culturelles  ».

 Il souligne la déconnexion grandissante entre la France d’en haut (les métropoles, qui réalisent trois quart de la croissance, les cadres, dont le niveau de vie progresse) et la France périphérique qui perd des emplois, et dont le niveau de vie baisse (employés et ouvriers depuis 2008). Pour lui « la véritable fracture oppose ceux qui bénéficient de la mondialisation et qui ont les moyens de s’en protéger et ceux qui en sont les perdants et ne peuvent se protéger de ses effets (…) Contre (tout contre) le grand capital et la mondialisation, les classes supérieures se partagent les fruits d’un modèle économique mondialisé qui repose sur l’exploitation des classes populaires de là-bas et l’exclusion de ceux d’ici  ».

 Pour lui, Paris, devient une « ville fermée, définitivement bouclée (…) dans les faits, la société mondialisée est une société fermée où le grégarisme social, le séparatisme, l’évitement et la captation des richesses et des biens n’ont jamais été aussi puissants (…) Dans les métropoles mondialisées, une bourgeoisie contemporaine, new school, a pris le pouvoir, sans haine, ni violence (par) la mise en scène d’une opposition factice entre les partisans de la ‘société ouverte’ et ceux du ‘repli’  » dans une posture de supériorité morale, pour fermer le débat en promouvant une « politique unique, en attendant le parti unique », de Juppé à Collomb.

 Guilluy décrit bien comment les forces du marché provoquent un grand retour vers un passé médiéval, inégal, fermé, et dur pour la périphérie de nos pays dits développés. Et cela est facilité par le fait que le débat public est totalement biaisé au point de présenter la barbarie moderne comme un progrès naturel et inéluctable. 


https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/guilluy-disseque-la-question-195653
 Il précise que quand 56% des ouvriers autochtones vivent dans des villes de moins de 10 000 habitants, cela n’est le cas que de seulement 14% des ouvriers immigrés. En effet, il y a une « concentration des flux migratoires internationaux, notamment dans les quartiers de logements sociaux de ces grandes métropoles  », rapportant que 52,6% des habitants des ZUS (Zone Urbaine Sensible), principalement dans les banlieues, cible prioritaire de la politique de la ville, sont immigrés, et que ce chiffre atteint même 64% en Ile de France, justifiant son découpage de la France en 3, 

* entre métropoles qui profitent de la globalisation, 

* France périphérique et populaire, 

* et banlieues ethnicisées. 


https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/guilluy-decrypte-la-fracture-195737
Pour Guilluy, le pays est coupé en trois : la France périphérique et populaire, qui rassemble les catégories populaires d’origine française et d’immigration ancienne, les banlieues ethnicisées, où l’intégration économique fonctionne mieux du fait de la proximité avec les métropoles, et les métropoles mondialisées.

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/guilluy-decrit-les-ressorts-d-un-195814


dimanche 17 mars 2019

ÉLEVEURS CONTRE CULTIVATEURS / Paysans en Espagne

Peut-être depuis onze millénaires, certainement au néolithique, les conflits sont inévitables entre éleveurs nomades et agriculteurs sédentaires, les seconds voulant empêcher les premiers de pénétrer et de saccager des cultures trop tentantes pour le bétail. 

En Espagne, cette opposition prévalait déjà à l’époque des Wisigoths :

« … Le soin tout spécial qu’ils donnaient (les Goths) à l’éducation des troupeaux, en maintenant sans culture les vastes et fertiles déserts affectés encore aujourd’hui au pâturage… »  
Histoire d’Espagne / Eugène François Achille Rosseeuw Saint-Hilaire.

Plus de mille ans plus tard, un court extrait de 1832 confirme :  

« … Ces troupeaux nomades, groupés par dix-mille sont dirigés par un mayoral, cinquante bergers et autant de chiens. Ils dévastent impunément en hivernant en Estrémadure… »
 « Le sol est balayé comme par un nuage de sauterelles. Aucun arbre ne croît dans ces plaines désolées, qui appartiennent plus aux troupeaux qu’aux cultivateurs. Les bergers, en passant par des endroits habités, ont le droit de cueillir, pour faire du feu, une branche de chaque arbre qu’ils rencontrent. Si le chemin des troupeaux les amène vers un champ cultivé, il faut leur frayer un passage, qu’on rétrécit autant que possible, mais où, pressés par les chiens, ils foulent aux pieds tout ce qu’ils ne dévorent pas. » (A year in Spain, by an American, 1832)

"... Mais la richesse de l’Espagne, ce sont ses troupeaux de moutons, richesse dévorante qui appauvrit le sol qu’elle pourrait féconder. D’immenses terrains, propres à la culture, sont laissés en friche pour nourrir ces bandes, non moins dévastatrices que celles es Goths et des Vandales, et qui se promènent d’un bout de l’Espagne à l’autre, sous la conduite de leurs bergers, plus redoutés des paysans que les voleurs eux-mêmes…/…"
Histoire d’Espagne / Eugène François Achille Rosseeuw Saint-Hilaire.

jeudi 14 mars 2019

LES MOTS DE FLEURY, TOUJOURS… / Lou four de caous, Fleury d'Aude

Suite et fin du post du dimanche 10 mars : LES ÉCHOS, LES MOTS DE FLEURY, TOUJOURS… / Fleury d'Aude en Languedoc. 

Etienne des Karantes, gendarme à Tassin-la-Demi-Lune :

"...Étienne prend lui aussi, comme les autres gendarmes qu’il dirige, son tour de garde, et il connaît, lui aussi, ses heures d’astreinte. Tout dernièrement, vers une heure du matin, un chauffeur de trolleybus s’est présenté au poste : il voulait , après une journée bien remplie, garer son véhicule au dépôt voisin des « Trois-Renards »… et un énergumène pris de boisson refusait obstinément de descendre et de quitter les lieux. Etienne attache le chien à sa laisse (il l’écoutera peut-être pour ce petit service) et les voilà en direction du dernier trolley. L’individu est toujours là et lance ses menaces d’ivrogne : « C’est pas ton képi qui va me faire descendre. Je veux rester là ! » Un signe : « Azor, fais-le partir d’ici. » L’homme s’est levé, empêtré dans ses jurons. La bête est passée derrière lui et lui mordille les fesses d’une manière convaincante. Étonnement, un peu de peur, pas de résistance possible, il faut avancer. Allez, allez, plus vite !… Et le tour est joué. Le chauffeur remercie, il pourra enfin aller dormir chez lui. Quant au clochard, il ira jusqu’à l’aube cuver son alcool  sur le banc du poste, sans bouger d’un iota, surveillé de près par Azor qui grogne méchamment au moindre mouvement de son prisonnier, lorsque le patron s’est absenté dans son appartement du premier pour boire un café bien mérité.

            Ce jour-là, Étienne règle un peu la circulation sur cette route alors importante qui traverse la localité. Les camions se suivent, avec leurs charges diverses. On a demandé, pour la forme, à certains conducteurs, « papiers du véhicule » et « documents » précisant la nature et le poids du contenu. Soudain, un long camion-citerne immatriculé dans l’Aude : le 11 apparaît en fin de plaque.
            Notre cousin gendarme de faction fait le signe habituel : le gros véhicule, en provenance de Narbonne, s’est bien garé sur la droite.
            Après les premiers propos d’usage, le conducteur se voit demander son permis de conduire. Nom : SIRVEN ; Prénom : René , Lieu de naissance : Fleury-d’Aude (Aude). Et une petite conversation s’engage. – Vous venez d’où ? – De Narbonne – Et comme ça, vous allez jusqu’à Lille, livrer tout cet alcool ? – Oui, comme cela m’arrive assez régulièrement. Il m’arrive aussi de transporter du vin, avec un autre camion et pour d’autres destinations. Je roule beaucoup et je sillonne pas mal de régions. – Bon, tout est en règle. Et dites-moi, vous êtes de Narbonne ? – Oui. – De Narbonne même ? – Non, un village voisin, Fleury, où je me suis marié. – C’est juste à côté ? – Oui, oui, Narbonne est notre chef-lieu d’arrondissement, avec la sous-préfecture.
-         Mais entre Fleury et Narbonne, vous avez d’autres villages, non ?
Ah ! il faut passer par Coursan, c’est le canton. – Et entre Coursan et Fleury, rien ?
Et mon Sirven de se dire : voilà un gendarme bizarre et plutôt curieux : s’attacher à ces détails !! 
– Si, bien sûr, nous avons Salles, mais les deux villages se touchent presque, ils sont à peine séparés d’un kilomètre.
-          Ah ! ça se touche ? Alors entre Salles et Fleury,…
-          Là, vraiment, nous n’avons rien.


Est-ce un four à chaux dans la garrigue ? Il y a une carrière à côté. Une épaisse forêt de pins a poussé mais plutôt récente. Le four à chaux entre les villages de Fleury et de Salles était beaucoup plus important (pas de photo disponible). 
-         Et lou four dé caous ?
-         Oh ! mais vous connaissez bien les parages !
-         Je suis né aux Karantes, vous connaissez sans doute ? Et mon école, à partir de huit ans, c’était à Fleury. On y allait à pied à travers la garrigue,  avec mon cousin Jean, Jean Dedieu, vous devez le connaître.
-         Naturellement ! Dans un village, on se connaît pratiquement tous, vous savez.

Stupéfaction de l’ami René. La conversation continuera quelque temps devant le pot de l’amitié, consommé – avec modération – dans le voisinage.

Ces deux petites histoires me furent racontées par Étienne lui-même, toujours attaché à ses racines… et à son enfance..." 

Lou four de caous, une chronique de François Dedieu.   

mercredi 13 mars 2019

TOMI UNGERER ALSACIEN, PAS FRANÇAIS !



Ou « LA SINCÉRITÉ DU MOMENT »

https://www.ina.fr/video/CPB81050501 (vidéo de 1981). 



« … Quand je pense à la France, je pense à une basse-cour avec un fumier au milieu et avec des coqs qui se prennent le relais à faire des cocoricos et beaucoup de vent avec leurs ailes. Pour moi c’est une nation de gallinacés à laquelle je ne dois rien, strictement rien.
- Et aujourd’hui le Louvre t’a cueilli, prolonge la journaliste… Et là il est gêné Tomi, il en sourit, il en rit pour la masquer sa gêne… 
- Parce que je me suis fait accueillir… c’est parce que j’ai décidé un jour que ce soit fait de cette façon. Ce n’est pas exactement une réconciliation avec la France mais il faut quand même bien dire que ça fait pratiquement 18 ans que j’ai refusé  de travailler en France, d’avoir quoi que ce soit à faire avec la France, ceci sans doute par complexe d’infériorité alsacien, expérience alsacienne, un accent  alsacien alors que j’étais tellement mieux accueilli ailleurs […]

Quand on me demande à l’étranger qu’est ce que je suis, je dis que je suis Alsacien, je ne dis pas que je sois Français ou Allemand quoi que ce soit, je dis que je suis Alsacien […]

Résultat de la guerre de l’expérience nazie, de l’éducation sous les nazis, de la désillusion de la libération, tout ça sont des sources de la colère, le côté satirique de mes dessins est basé… sur une colère que j’exploite à fond… Pour être honnête on est avant tout en colère vis à vis de soi-même […]

La colère  est basée sur les choses qu’on reproche aux autres mais ces défauts on les retrouve en soi-même. Dans le fond toutes mes satires sont des portraits de moi-même […]

La France ce n’est pas une colère, c’était plutôt une désillusion [...] En Laponie, avec son rücksack :
« A Hammerfest, à l’auberge de jeunesse il y avait deux Français. C’est formidable ça fait des semaines que je veux parler français. Alors il y en a un qui m’a regardé avec l’œil glacé, qui ne m’a rien dit ; l’autre avec un œil un peu moins glacé « On ne t’a pas demandé ton histoire ». ça a toujours été un petit peu symbolique de ma position vis-à-vis de la France parce que la France ne m’a jamais demandé « son » histoire […]

Pour moi la France c’est le pays de la ligne Maginot et du centre Pompidou […]

J’étais intégré à la deuxième guerre Mondiale, nous sommes devenus Allemands en 1939 (1940  non ? NDLR) et nous sommes redevenus Français en 45 […]

En Alsace nous sommes essentiellement des spectateurs… /… et pour moi je peux vraiment dire que j’étais un spectateur dans la deuxième Guerre Mondiale, je peux pas dire que j’ai eu la chance d’être dans la poche de Colmar (1) comme gamin oui mais enfin c’est une expérience qui m’a beaucoup servi dans mon relativisme des choses, dans l’interprétation relative des choses, d’être à la fois bilingue, d’être passé par le nettoyage de cerveau, la propagande nazie à l’école […]

Après la guerre ça ne valait guère mieux. Bon on s’attendait à une libération… On appelle ça libération avant que ça arrive, une fois que c’est arrivé c’est plus de la libération parce qu’alors là pour un mot d’alsacien c’était une heure de retenue à l’école, y avait la même chose en Bretagne et ailleurs… » 

(  (1) Mulhouse et Strasbourg ont été libérées fin novembre 1944, Colmar seulement le 2 février 1945.   

François Mathey (1917-1993), conservateur et d'une ouverture d'esprit qui a dû lui valoir de la malveillance et des inimitiés de la part des courtisans (sa biographie le confirme) : « Ungerer, personne ne le connait, enfin, les Français. Les Français n’ont jamais reconnu les leurs. Ou ils les reconnaissent toujours trop tard. Mais Ungerer,  né à Strasbourg a fait toute sa carrière aux États-Unis, en grande partie en tous cas et les États-Unis, ça c’est le miracle américain permanent, l’ont reconnu tout de suite. Ungerer n’est pas tombé dans le piège et n’a jamais reconnu qu’il était devenu pour autant américain. Il est resté foncièrement ce qu’il était, un étudiant du XVIème, en hauts-de-chausses avec une plume au chapeau faisant des farces à chaque instant,, un personnage très médiéval. Mais c’est peut-être aussi dans la mesure où il a fait un pied de nez, involontaire mais un pied de nez tout de même à la France  pendant quelques années que c’est une raison pour laquelle les Français ne l’ont pas encore reconnu mais je suis sûr qu’après cette exposition il va devenir un personnage terriblement parisien et c’est de cela que je voudrais le préserver. Il pourrait devenir Parisien comme il était très New-yorkais parce qu’il sait se faire aimer de tous les gens qu’il fréquente. »

Tomi_Ungerer_par_Claude_Truong-Ngoc_mars_2014 Wikipedia


« LA SINCÉRITÉ DU MOMENT »
Ungerer, si fin par ailleurs, n’a que des clichés anti français trop subjectifs et faciles : le coq trop fier de brailler les deux pieds dans la merde et ces deux globe-trotters si spéciaux croisés au fin fond de la Norvège. Sinon, il est vrai que le rouleau compresseur jacobo-parisien ne sait qu’écraser et phagocyter dans un cynisme sans état d’âme, c’est ainsi que les langues régionales continuent d’être traitées en contradiction d’ailleurs, avec les lois européennes par ailleurs si approuvées.
La France, elle, n’a pas une once d’honnêteté et de sincérité quand il s’agit de récupérer tout ce qui peut entretenir sa prétendue « grandeur », de siphonner ce que la province fait de mieux pour lui donner l’estampille francilienne de Paris… d’où l’image d’arrogance qui lui reste collée !
Et bien des provinciaux se font retourner, complètement attirés qu’ils sont par les ors de la République et appâtés… « C’est avec des hochets qu’on mène les hommes » aurait dit Napoléon…
Ainsi notre ami Tomi s’est laissé épinglé le bimbelot de commandeur des arts et lettres en 1984, puis le hochet de la légion d’honneur en 1990, suivi par des breloques toujours plus clinquantes : officier de la légion en 2001, chevalier des palmipèdes en 2004, commandeur méritant en 2013 et de la légion en 2017… un plastron de médailles à la soviétique ! Ils l’ont bien retourné le Tomi !    

mardi 12 mars 2019

MESTA des SUBMESETAS de la MESETA / Paysans en Espagne

ESPAGNE : la paysannerie soumise au sacro-saint droit de propriété. 

La défense inconditionnelle de la propriété privée est une des prérogatives essentielles du droit déjà au Haut Moyen Âge, avec les Wisigoths. Rien ne change sous la domination arabe quand les nobles wisigoths se convertissent afin de garder leurs terres sans plus payer de taxes.
La soumission des paysans au sacro-saint droit de propriété va se doubler, à partir de 1273 de la pression imposée par la MESTA, une gilde des gros propriétaires de troupeaux de Castille. Une oppression qui ne cessera officiellement qu'en 1836. 

LA MESTA.
A une lettre près, on pense au mot "meseta" (1) désignant le plateau avec l'idée de table, "mensa" en latin devenu "mesa" en castillan... par amuïssement du "n" devant le "s" m'aurait dit papa, or, la "mesta" est à l'origine un mot arabe désignant la période hivernale par opposition à la "mesaïfa", la saison d'été. En résumé de l'appellation complète "Honrado Concejo de la Mesta de Pastores", le nom MESTA désigne la corporation associant tous les gros propriétaires pour gérer les transhumances des grands troupeaux du Nord vers l'Estrémadure à l'origine. Une association regroupant la haute noblesse possédante et des ordres ecclésiastiques (d'Alcantara, de Santiago, de Calatrava). 

* Ces puissants imposent aux paysans d'abandonner et de laisser en friches de grandes surfaces cultivables au profit de leurs troupeaux. 

* Les moutons sont menés par les bergers qui s'opposent aux paysans directement sur le terrain en piétinant et ravageant les cultures, ce qui donne lieu à de nombreux conflits se réglant toujours en faveur des éleveurs. 

* La Mesta dispose d'un tribunal spécial où doivent se juger toutes les contestations, un tribunal juge et partie. La Mesta a ses alcades, ses entregadores, ses achagueros (fermeires desamendes qui harcèlent et accablent les fermiers.

* En 1477, ce sont trois millions de bêtes, menées par 40.000 à 60.000 bergers !  

* En 1501, un décret accorde la tenure perpétuelle (jouissance) de tout champ occupé périodiquement par les moutons. Le cheptel atteint alors les sept millions de têtes.  

* Les troupeaux ne peuvent passer dans les terres des villes, des nobles, du clergé. 

* Les trois « cañadas reales » (Leonesa, Segoviana et de la Mancha) marquent les plus longs trajets de transhumance (jusqu'à 800 km) pour revenir, avant l'hiver, vers l'Estrémadure ou l'Andalousie.  

* Une riche vie économique est liée à ces cañadas reales : des ateliers pour travailler la laine, des foires (Medina del Campo, Burgos, Ciudad Real, Albacete). où se vendent des tissus de luxe et où les échanges se finalisent entre l'Espagne, la France et les Pays-Bas.   

*  En 1738, afin de limiter l’infertilité des sols accaparés par la Mesta, Philippe V tente de lui interdire les terrains communaux. En 1748 il doit y renoncer mais compense en taxant davantage la laine. 

* En 1786, la MESTA perd son droit de jouissance perpétuelle. Les pâtures peuvent être encloses et cultivées.

* 1836, la MESTA est supprimée.

*  Aujourd'hui on compte cinq millions de moutons concernant cette transhumance, un nombre qui correspond à la moitié de tout le bétail en Espagne. 

(1) La Meseta, plateau central de Castille se divise en deux submesetas dont celle du Nord (Castilla-Leon) d'une altitude moyenne supérieure à celle du Sud (Castilla-La Mancha). 

Extremadura. Spain; Pixabay.