dimanche 19 avril 2020

BOU DIOU, QU'UN SANLé TEMPS ! / Bon dieu, quel sale temps !

"Sanlé" ou "sallé" temps ? Je lis sur Météoc de notre ami Christophe Calas (ingénieur à Météo France jusqu'en 2004) qui se régale de toujours rappeler notre parler maternel, l'intro de sa page le dit bien)


 
2019 douceur et soleil 25,2°C à Carcassonne. 
2018 très pluvieux autour de la Méditerranée. 

L'année 2020 ressemblerait-elle à 2018 ? 

Et si le trou de Madame est encore bouché, je pense à cet autre mot, celui-ci resté dans les annales familiales :

" Lou temps es oscur e sentis a froumage !" 

Il serait de Louis Hortala, grand-oncle de mon père du côté de sa mère (les généalogistes ne m'accablez pas parce qu'il y a des chances que je sois dans l'erreur concernant les parentés !) et qui, peut-être à cause de l'âge (la rosserie du mien d'âge me faisait dire qu'il avait picolé !), croyant ouvrir la porte pour voir le temps qu'il fait, ouvrait celle du placard !    

Et ce sanlé temps de ce dimanche 19 avril, on en a jusqu'à jeudi, paraît-il ! 

samedi 18 avril 2020

SLIP KANGOUROU AU ROCHER DE ROQUEROLS

Le slip est présenté comme vêtement de sport par le catalogue Manufrance en 1906. Pour athlètes, il est vendu 2 francs, et est proposé en tricot laine douce ou en jersey coton fin.
Il devient sous-vêtement en 1913 dans la revue l'Illustration. La définition est plus courte à l'époque que celle du Robert : «Culotte ou caleçon très court.» 
Avant lui, nos attributs squattaient les longs pans de chemise ou séjournaient dans un caleçon long. 
En 1918, la marque Petit Bateau propose cette "culottes sans jambes". 
En 1944 apparait le slip kangourou permettant d'accéder à la quiquette (osons un vocabulaire connoté !) sans passer sous l'élastique latéral ou baisser le ventral. Quoique, si le slip est apprécié pour le maintien de l'ensemble ce doit être sans une compression superflue qui compromettrait les capacités de procréation, les testicules n'étant pas situés à l'extérieur pour rien.  
Il n'empêche, les Italiens et les Espagnols sont des inconditionnels du slip ! Virilité et machisme obligent ! 
(source wikipedia)

Hasard ? Synchronicité ? Ne ressent-on que les coïncidences que nous voulons bien ressentir ? Assez psychologisé, n'i a prou coumo disèn aïci... comme on dit ici. La fête de Pâques, le lundi de Pâques, le radeau en slip kangourou... puis la mort de Christophe chantant Aline pour tous mais encore Saint-Pierre et sa plage pour moi, la mer encore recommencée avec Joe Dassin qui m'en parle aussi et que je ne veux pas oublier (décès en 1980). Et hier soir, sur France3, un documentaire "Brassens par Brassens" (décès en octobre 1981), très bien fait. Sa vie, ses relations tant amicales qu'amoureuses, sa trajectoire d'artiste pas toujours en bute à sa vache enragée, ses copains de toujours, du STO en Allemagne, des amis du monde des cabarets et du spectacle, de sa jeunesse à Sète avec les virées sur la grand mare des canards, ce bel Étang de Thau, l'après-midi doublement arrosé au rocher de Roquerols et Georges magnifique à exhiber un superbe slip kangourou, juste une concordance synchrone. 

 
En 1958, l'armée française conseille l'emploi du slip plutôt que du caleçon, trop flottant. Qu'en penser pour une institution flottant elle-même entre l'image martiale du défilé et son bilan mitigé, qu'on laissât ou non les affaires sérieuses aux militaires, si on ne remonte qu'à 1870, en passant par la guerre pas drôle du tout de 1939-40, la cuvette de Dien-Bien-Phû 1954, la lamentable opération Turquoise 1994 (Rwanda) et la retraite du vaisseau amiral pour cause de covid 19 (avril 2020)... 
"... Voir et complimenter l'armée française..." mais avec Bourvil qui rigole et saucissonne !

vendredi 17 avril 2020

ALINE, SEñORITA des MOTS BLEUS... ÇA M'AVANCE A QUOI PUISQUE LA MER L'EST, TOUJOURS BLEUE ?

Matin gris sous le règne incontesté des vents marins. Les matins ensoleillés sous un Cers jadis dominateur victimes du virus climatique ? Pour se venger des fleuves mâles formant depuis les Alpes, les Cévennes et les Pyrénées, depuis toujours presque, étangs et lagunes, venus de la mer, ils apportaient et auraient voulu entretenir les miasmes, les fièvres paludéennes. Sauf que le Cers nettoyait tout en quelques heures à peine ! Oh Circius ! Oh vent divin loué par les Romains qui lui auraient élevé un temple ou au moins un lieu de culte sur la colline de Saint-Cyr près Sallèles-d'Aude ! 

Qu'on était loin de cette interrogation devenue presque une injonction, en ce bel été 1965, à compter au contraire les quelques jours de brise marine pour un temps de mer, comme on disait, bien deux fois moins fréquent et portant comptant double, au moins. Et ces soirées en musique quand après l'inversion vespérale des vents, le "Nord" se portait garant d'un autre jour de plage, quand une rafale apportait tout à coup des notes plus nettes sous la toile verte de la tente "Cabanon" du camping dit sauvage. L'âge nous imposait d'être au lit, mais à contre-coeur, les yeux, les oreilles encore bien ouverts. Comment, à quatorze ans, à entendre "J'avais dessiné, sur le sable...", ne pas se figurer des couples sur la piste de danse en plein air ?
"Puis il a plu sur cette plage...". Mais non, peut-être l'orage du quatorze juillet mais pour mieux entrer dans la saison à la mer. Christophe ne chantera plus, il nous a quittés cette nuit victime d'un emphysème, peut-être compliqué par le covid 19... 
 
Christophe en 1965. Merci l'INA.
Inutile de crier, de pleurer ; tout comme Aline et nos amourettes d'ados, il ne reviendra pas mais sa señorita danse toujours dans sa robe de "taff'tas". Il faut pourtant surseoir à l'émotion, contrôler sa contemplation intérieure. Ne sachant plus trop si c'est Christophe ou moi qui apparait en filigrane, j'ai du mal à l'imaginer toujours minet mais sans la moustache des années 70. 
Je m'en voudrais aussi d'oublier "Sur la plage il pleut beaucoup... Sur le sable abandonné tu ne viens plus... Mais la mer est toujours bleue..."
Joe Dassin en 1965. Merci l'INA.
Joe Dassin nous fait vivre une fin de saison avec la fin d'un amour, en chanson seulement j'espère. Avec lui, toujours notre belle plage de Saint-Pierre, plus tard, en 1971. Pas moyen de la voir sous un rideau de pluie, plutôt avec une double rangée de pas, sous un rayon de lune sur l'onde inoxydée... En 65-66, Joe chante "Çà m'avance à quoi ?" qu'on appréciera quand le succès sera venu. 
Tous ceux qui avec une chanson ont su nous offrir de quoi colorier un jour, dépeindre un âge, teinter un passé, faire déborder nos cœurs quitte à estomper, les années aidant, ces chanteurs, d'un art mineur disait à tort Joe un peu gêné de trop gagner, qui partent, qui portent et emportent un temps de nos vies, nous incitent, n'en seraient-ils pas conscients, à garder un peu de nos paradis perdus... 
"Peut-être un jour voudras-tu retrouver avec moi les paradis perdus" 1973 encore de Christophe. 
Il s'en est allé nous laissant Aline, sa petite fille du soleil, ses mots bleus, ses marionnettes, ses paradis perdus... pour les titres qui me reviennent. 
Oh aussi "Señorita dépêche-toi..." parce qu'il faut vivre avant qu'il ne soit trop tard et que face au temps ne reste que la mémoire des vivants... 

"Les vrais paradis sont ceux qu'on a perdus." Marcel Proust.  
 
 

mardi 14 avril 2020

MARDI DE PÂQUES et CRÉCERELLETTES / Fleury-d'Aude en Languedoc.

" Mardi de Pâques ", je blague bien sûr. Peut-être ce joli jour qui s'annonce après un lundi de Pâques pourri ! Et dans les airs, magnifiques, des ailes plus libres que pour nos pieds confinés... 


Rien à voir avec la grisaille accumulée hier qui ne donne pas envie de se tourner vers le levant. Tout à voir au contraire avec ce matin clair au-dessus de la ligne à contre-jour de la garrigue (la Clape). Au-delà, autant dans nos pensées qu'en réalité, notre Méditerranée toujours recommencée. 


Les toits du faubourg ouest, axé sur l'avenue de Salles. A gauche le houppier d'un pin parasol, arbre remarquable dépassant des faîtes. Au fond la colline de Montredon, celle du moulin qu'on ne voit plus depuis que les pins, ces envahisseurs en rangs serrés, le cachent.


La grande bâtisse rappelle aux locaux les dépendances d'un gros propriétaire d'antan. Elle a logé aussi, à gauche, une étude de notaire. Autre arbre d'autant plus remarquable en dehors des pins centenaires, trop anonymes et qui devraient bénéficier d'une protection spécifique. Au fond, à droite, une autre garrigue a pris la place des vignes qui s'étageaient sur le coteau de Fontlaurier, cadre aussi, à deux pas de la maison, de mes escapades d'enfant. 
  

Le soleil dépasse les hauteurs arasées du château. Dans ma rue, quatre des six portails fermant jadis sur des caves, des remises. Signe des temps, l'étage parfois rehaussé est rendu habitable. 


Vue sur la "nouvelle" place du ramonétage, prise sur un espace important, 3500 m2 avec le jardin public derrière. L'ancienne place dépendant directement du château, en bas de la rampe de la Terrasse et que les autos tamponneuses viennent toujours occuper pour la fête du village, à la date du 11 novembre, ne mesure que 800 m2. Cette belle étendue avec une paire de bâtisses était  jadis appelée "la Batteuse". Ce devait être un bien commun puisque monsieur Robert, le directeur de l'école, nous y emmenait sauter en hauteur et en longueur dans un bac à sable aménagé. Un symbole du grain récolté, sauf que la machine qui tourne peut tuer ou broyer une main... Respect pour ce monde paysan qui encore aujourd'hui a prioritairement en tête le travail et moins la sécurité...  Autre signe des temps, le nombre de véhicules sur la place du moins tant que les volées d'oiseaux ne souillent pas les carrosseries de leurs fientes. Un vrai refuge ces platanes bien taillés en gobelet... Nous parlions de la bourre fauve des bourgeons que le vent confine par endroits et douze jours plus tard, sans trop se faire remarquer, le feuillage vient marquer une nouvelle étape du printemps. 


Autre signe du printemps, ces faucons crécerellettes revenus dans les années 2000 après quarante ans d'absence. Il y en a bien six ou sept alentour. L'étourneau, sur l'antenne de télévision ne manifeste aucune crainte, le crécerellette étant essentiellement insectivore. En 2013, 8 couples se sont reproduits dans le village même, 30 petits sont nés mais seulement 1/3 survit à la première migration (source Midi Libre 24 février 2014). 
 
 
Faucon crécerellette falco naumanni Crau 13 Rémi Rufer Flickr
http://rapaces.lpo.fr/faucon-crecerellette/suivi-des-populations

lundi 13 avril 2020

UNE SAINT-LOUP EN SLIP KANGOUROU / Fleury-d'Aude en Languedoc

(reprise d'un texte datant d'avril 2017).


Lundi de Pâques. Si à Coursan on fait « Pâquette(s) », à Fleury, comme dans bien d’autres localités de l’Aude, on fête Saint Loup. Nul besoin de couvrir ce saint que je ne saurais voir, les Loup canonisés ne manquent pas sauf que pas un seul ne marque le lundi de Pâques. Vous avez vu aujourd'hui, encore ce temps gris avec la fraîcheur du marinas ! Du marin, de l'humidité froide depuis un mois ! Au moins les confinés ne seront-ils pas tentés par un matin lumineux. 
Aux temps heureux et insouciants, la Saint-Loup était l’occasion de faire un grand pique-nique avec l’omelette ou les œufs de Pâques à l’honneur. Les familles, les groupes de jeunes s’égayaient dans la garrigue, les prés, la plage ou les pins au bout de la barre de Périmont. Du riz froid en salade composée pour la première fois de ma vie. Mais c'était en famille, au début des années 60. A la fin de cette même décennie, toujours à Saint-Pierre-la-Mer, ma Saint-Loup nous fit naviguer sur le radeau des copains d'abord mais pas en adolescents si peinards que cela.  

Georges de Narbonne, Antoine d’Ouveillan sont venus, à mobylette, se calant sur ma vitesse, à vélo. Au menu, aucun souvenir. Par contre, pour l'amitié, le plaisir de rire ensemble, la déconne d'ados retardés, une journée inoubliable ! Un ciel bleu, du soleil, un petit Cers un peu frais mais rien que de plus normal début avril. La plage est toute encombrée de ces bois flottés que l’Aude a charriés. D'où l'idée de génie du radeau ! 
Une corde, quelques mailles d’un filet déchiré, un bidon en fer à l’origine plein d’huile d’olive, un tonneau que les flots ont échoué, à fourrer sous une structure, providence de robinsons sur le sable
Mise à l'eau. C'est instable. Du mieux grâce à une branche en guise de partègue (perche, gaffe). Avec l'équilibre, Georges et Antoine lèvent l'ancre, lèvent les bras, s'agitent, rient de manquer tomber, se rattrapent. Moi au bord, je fais Tarzan, je les salue, les encourage. Une gaffe part à l'eau à force de faire les andouilles. On rit encore mais vite je crie qu'il faut revenir, que le nord pousse vers le large. Les zigomars qui rient toujours ricanent quand ils réalisent. Antoine se jette à l'eau. Georges craint et plus cabochard essaie de jouer de sa partègue. En vain et pas longtemps ! Ce serait fou de ne pas rejoindre le bord. Ils n'avaient plus pied déjà ! 
Naufragés, nos marins partis pour des courses lointaines. Rieurs pour rester dignes, rigolards même de devoir tenir d'une main le slip kangourou qui pendouille presque jusqu'au genou ! Le fou rire pousse les rescapés à se venger et je me retrouve à la baille ! De quoi s'en taper le ventre ! 
Retour au calme tels des cormorans séchant leurs plumes. Au loin le radeau joue à cache-cache avec l'onde marine avant de disparaître dans le bleu soutenu du Golfe du Lion. 

Merci Saint-Loup, patron des franches rigolades. Merci d'être bien solidaire et de nous donner la pluie en ce 13 avril 2020 !      

dimanche 12 avril 2020

PÂQUES, DIMANCHE 24 MARS 1940 / Fleury-d'Aude en Languedoc

"... (Ste Catherine de Suède, pas celle des « catherinettes », qui se fête le 25 novembre : c’est lors d’une telle fête, dans un bal à Paris, que j’ai pu voir Louis Aragon qui présidait le jury chargé de juger la beauté des fameux chapeaux). Monsieur Sanchon arrive à trois heures du matin. Je le vois après la messe au café, avec papa, dégustant le fameux « Noilly ». Lorsque papa, encore élève de l’école primaire de Fleury, habitait à Mire-l’Etang, les camions de la maison Noilly-Prat venaient acheter le vin blanc du lieu pour en faire la célèbre boisson. En parlant de cette « campagne », comme nous désignons ici les divers domaines vinicoles autonomes, mon père disait toujours « Cabibel », du nom de l’un des propriétaires du dix-neuvième siècle. Cette coutume était générale. M. Angles avait ainsi laissé son nom à « Rivière-le-Bas » et « Gaïsart » (orthographié vraisemblablement Gaysard, prononcé à la Bayrou) n’était autre que « Rivière-le-Haut » cher à Ségura – c’est aussi déjà du passé –. Pour les autres domaines, le vrai nom fut toujours chose courante.
L’après-midi (ici nous disions « le soir »), je vais au cinéma avec François Pédrola, dit Franou, qui changera son prénom en « Francis » pour le distinguer de son père, et attendra pour cela sa vingtième année ! Fernand Milhau, de Salles, reçu lui aussi à l’Ecole Normale d’Instituteurs de Carcassonne comme Pédrola, est avec nous. Le film ? « Griseries », avec la fameuse cantatrice Lily PONS, film noir et blanc américain de 1935 où joue encore Henry Fonda, comédie dramatique : une chanteuse française épouse un compositeur américain. Sans doute ne laissera-t-il pas une grande trace dans les annales du septième art..." 
Il a grandi ce pitchou depuis sa communion...
 
Lettre du 4 avril 1997 : 
" Jour de Pâques.
Le matin à onze heures, j'étais allé à la messe ­ je n'y vais plus très souvent, sauf pour quelques enterrements ­ : l'église était pleine de monde, avec beaucoup de figures inconnues. C'était le jour aussi de la communion solennelle pour six jeunes tout de blanc vêtus. Où est le temps où l'on mettait pour la première fois les pantalons longs et le beau costume sombre, pour l'achat duquel la « Maison Labau » de Narbonne, ou bien les « Vêtements René » ou « Conchon-Quinette » offraient la première montre au communiant ? La mienne était bizarre avec son boîtier nickelé et pas d'aiguilles. Une petite fenêtre en léger arc de cercle laissait apparaître le nombre des minutes, et, au-dessus, une autre ouverture, carrée celle-là, indiquait les heures. C'était une « sauteuse », et elle n'a duré bien entendu que quelque temps..."

CABOUJOLETTE, Pages de vie à Fleury 2, chapitre "Le Renouveau", 2008, François Dedieu.  

10 heures, ce dimanche 12 avril de l'an de disgrâce 2020, jour de Pâques, notre clocher carillonne... Pâques sous cloche... consolation.  


Le fleuve Aude qui va vers la mer passe la pointe de la Montagne de la Clape, lieu-dit sur la carte "Les Caudiès" sources d'eaux peut-être pas chaudes mais ne gelant pas les jours de température nulle ou négative... dans les limites nord du département calquées sur l'ancien lit du fleuve canalisé depuis, le grand Etang de Vendres, aussi connu pour ses oiseaux que pour les restes de la présence romaine. Après la Pagèze sur la départementale des Cabanes, à droite la route dite "des campagnes" aligne des domaines vinicoles sur des terres privilégiées, éboulis de la Clape, alluvions fertiles laissées par le fleuve gagnant au fil des siècles sur la mer : du Nord au Sud, Mire-l'Etang, Rivière-le-Bas.

L'Aude coule vers son embouchure (en réalité la branche restante du delta). Entre la Clape qui fut île et le littoral sableux, le hameau à l'origine de pêcheurs des Cabanes-de-Fleury, des marais lagunaires ou encore salés, des zones humides où l'eau douce du fleuve accède. Et toujours sur la bordure de la Clape s'égrènent trois autres campagnes: Rivière-le-Haut, La Négly, Moyau.
Troisième vue vers le Sud. La longue plage littorale, l’Étang de Pissevaches qui se remplit avec les coups de mer et se vide avec les coups de Cers (mais en période de submersion il est arrivé que le grau soit mécaniquement creusé pour évacuer des zones inondées). Entre les deux le canal anti-char que les Allemands firent creuser en échange de payes bienvenues... La mer bute ensuite sur le massif de la Clape avec la station balnéaire de Saint-Pierre-la-Mer. En bordure de la garrigue, les deux dernières "campagnes" de ce piémont privilégié et si favorable à la vigne, Boède et l'Oustalet.    
Merci Geoportail pour les ressources plus qu'appréciables mises à disposition du public.

samedi 11 avril 2020

C'ÉTAIT UN PAYS MERVEILLEUX ! / Lettre à mon dernier (suite & fin)...

Bien sûr, ce n'est plus un secret puisque je te le dis mais il me revient d'autant plus fort que ce matin magnifique qui me rappelle un paradis perdu m'a amené à prendre du recul, à ne plus avancer décérébré dans le troupeau, à essayer du moins, en essayant de vivre en ménageant la planète, serait-ce à notre petite échelle.
Aujourd'hui le Cers si sain ne souffle plus autant, aussi souvent, un marin humide et frais est devenu plus constant, plus pénétrant. C'est moins flagrant que les glaces qui fondent sauf qu'un changement aussi brutal interpelle. le climat a changé trop vite pour que nous n'y soyons pas pour quelque chose !
Et le plastique alors apprécié comme un progrès, qui a, depuis, tout envahi, pollué jusqu'au ventre des poissons trop pêchés.
La nourriture était plus chère, moins variée mais on ne gaspillait pas, on ne parlait pas de malbouffe et les produits du jardin étaient sains.
La réclame balbutiante ne nous poussait pas à toujours vouloir, à toujours vivre à crédit, dans l'insatisfaction...
Ne les entends-tu pas à toujours parler de croissance ? Les arbres, les pins au-dessus de nos têtes s'arrêtent bien de grandir un jour, non ? Pousser ! Enfler jusqu'à ce que tout éclate. La gouvernance mondiale nous mène droit à l'implosion.
Et le pétrole dix fois plus rare et pourtant cinq fois moins cher ! Que cette logique économique est détestable ! Et dégueulasses aussi ceux qui s'y vautrent comme si de spéculer était honnête et pas honteux alors que la pauvreté et la faim continuent d'accabler la Terre.
Et l'eau traitée comme un produit commercial et non d'utilité publique... 
Et les déchets du nucléaire pour lesquels on espère que les générations futures sauront que faire... 
Et la pollution surtout traitée de manière à faire tourner le marché, un marché qui propose de l'électrique peu propre, par exemple...

Hier un docteur sort de réanimation, il parle d'une victime du corona, cinquante ans, dans la force de l'âge et comme fondu, les poumons en bouillie à cause du virus. Sauf que, pour contredire les exhortations égocentrées de Macron traitant d'irresponsables ceux qui cherchent à faire des procès alors que la guerre n'est pas gagnée, ce docteur se bat mais non sans préciser combien la santé publique a été sacrifiée. Il rappelle que de 3ème notre système de santé serait passé au-delà de la 10ème place (après quelques recherches il s'avère que c'était déjà le cas en 2008, une vraie dégringolade).
Et il faudrait une union sacrée avec des dirigeants dévoyés que le docteur qualifie sans détour de "salopards" ! Bien sûr qu'il se bat ce docteur, qu'il reste en première ligne avec ces femmes ou hommes de terrain, aides-soignantes, femmes de salle, infirmières, professeurs, médecins et chercheurs qui seraient irresponsables de réclamer pour le pays... Mais même sous le coronavirus, les images propagandistes ne passent pas ces images et paroles... Sont-ils tenus de se tuer à la tâche pour quelques applaudissements tous les soirs y compris par les forces de l'ordre qui les tabassaient et gazaient il y a peu !
Et ensuite sera-ce pour entendre le fameux "NOUS" de majesté, solidaire seulement pour ce que cela peut leur rapporter de légitimité faussée et surtout de profits.      

https://www.mypharma-editions.com/la-france-chute-a-la-10eme-place-du-classement-ehci-des-systemes-de-sante-europeens

Grand écart extrême, tu te rends compte cette sensation magnifique de monde merveilleux et pas seulement celui de l'enfance, les nouvelles générations doivent y revenir. Et puis tu vois, si la religion pesait encore sur la vie au village, on était à des lieues d'imaginer l'horreur à venir d'un islamisme auquel il faudrait nous habituer comme nous le suggérèrent les socialo-traîtres du gouvernement Hollande !
L'hégémonie, le pouvoir, le colonialisme, la religion pure nous rappelant un pas trop vieux concept de "race pure" chez les nazis... Ensuite on sait bien qu'à part les martyres, tout le monde doit suivre bon gré mal gré... Si l'Histoire ne repasse pas les plats, les mêmes causes engendrent toujours les mêmes effets...

En te parlant, me revient un air "...C'était un pays charmant C'était un pays comme il faut...", une chanson de Cabrel pour dire que la pauvreté n'est plus tolérable... Madame X qui vit sans chauffage en caravane... Soit mais par le passé, le pays n'a été ni charmant ni comme il faut. La marche vers plus de justice est une lutte, longue, âpre. Que devrait-il chanter, Francis, vingt ans après alors que la situation a empiré ? Ce qui est triste est que quand le ministre Lemaire, faux jeton s'il en est (son parcours politique en atteste), constate la récession économique due à la pandémie de covid 19, la récession morale, elle, est tue, mise sous l'étouffoir. En ce début de siècle, avec la casse néolibérale (nous sommes dépendants de la fabrication de 80% des médicaments par exemple), avec la gestion de l'immigration s'apparentant à l'embauche d'un sous-prolétariat garantissant toujours plus de profits et le chômage pour les indigènes, avec la Macronie pour les riches, ce sont deux pas en arrière pour un en avant ! 

Alors mon fils, mon dernier, toi que je me dois encore de défendre, ma messe aux papillons voulait-elle dire trop de belles choses ? Suis-je coupable d'avoir été trop naïf ? Coupable d'être né quand je suis né ? D'avoir fait la cigale ? De t'avoir désiré ? De ne rien te cacher de ce que je ressens ? De te laisser un monde pourri ?  

C'ÉTAIT UN MONDE MERVEILLEUX... / Un printemps d'avant.

Tu vois ces vieux pins au milieu des vignes, avant-garde de la garrigue pas loin, au-dessus du coteau ? Des squelettes pour quelques uns mais ceux qui restent gardent de la noblesse, une prestance je veux dire... Tu trouves pas ? Ils me font penser à une compagnie de mousquetaires se découvrant ensemble pour saluer. Que veux-tu, les films de cape et d'épée, on aimait, au cinéma Balayé ! Regarde comme le Cers, le maître vent, a tourné la plume des chapeaux vers la Clape et la mer !

A ce propos, je veux te parler d'un jour précis parce que cette fois là, ce que j'appris sur moi et le monde m'a marqué les années aidant.
Le film vient de casser, l'image reste fixe. "Arrêt sur image" on dirait aujourd'hui. Immobiles les panaches d'aiguilles. Pas un pet d'air, pas un souffle, juste un beau soleil, un ciel sans nuages. Et les cloches, nos trois cloches, déjà de Pâques, s'en donnent à cœur joie. Ce dimanche là, Saint Martin, tu sais, celui qui donne la moitié de son manteau à un pauvre, me libère pour une messe buissonnière. L'idée ne m'en serait pas venue tout seul. C'est que depuis le vitrail, celui de gauche, plus qu'auréolé, rayonnant dans une mandorle fulgurante du feu de l'astre, de me tirer vers la lumière, à force de dimanches, il me fait passer le rempart de verre. Une fois, une fois seulement. Si je suis un passe vitrail, il est ma circonstance atténuante et je ne suis pas perfide au point de dire que c'est de sa faute. 

Alors, au lieu de m'arrêter à l'église, je trottine par le quartier haut, si tranquille et innocent que personne ne s'étonne de mon trajet à rebours. Et je me retrouve là, dans les pins au bord d'un chemin blanc de poussière, pas ailleurs. 

Les cloches m'appellent, me rappellent et je ne culpabilise même pas. Au contraire, je souris, pas moqueur du tout, malicieux plutôt du bon tour joué, avec la complicité de Martin, même si je n'en ai qu'une vague idée, aux adultes, aux traditions, à l'ordre social. Rien d'une révolte ! 

Le village depuis le coteau de Caboujolette. Photo François Dedieu, début des années 60. Il y a bien le château d'eau mais quand a-t-il été construit ? 

Depuis le coteau bordant la garrigue, les toits autour du clocher épaulé par la tour Balayard nous gardent toujours des incursions barbaresques. C'est émouvant un village. La parabole du berger , presque, qui rassemble son troupeau aidé par son chien. Et la suite de l'histoire avec la brebis égarée, l'agneau perdu ou prodigue, échappé. Non, pas moi. Je viens de lire les Lettres de mon Moulin ; j'ai vu le film aussi, de Marcel Pagnol, avec deux ou trois histoires et Paul Préboist en moine ivrogne qui nous fit bien rigoler, même en noir et blanc. 

Et là, dans cette oasis cernée de vignes (1), je suis comme la chèvre de monsieur Seguin, libre. Depuis mon île plantée de pins, je regarde, au loin, le village. Mon cœur balance entre tendresse et recul ; touchantes en effet, les maisons qui comme les êtres se serrent mais ne faut-il pas parfois distendre un lien qui, sous prétexte de réchauffer, étouffe, empêche de penser par soi-même ? Muselés, ligotés, fragilisés, lobotomisés, trop nombreux sont ceux qui en arrivent à ne vouloir que leur prison pour horizon et n'avoir de cesse que de l'imposer aux autres. Nous concernant, pourtant, quiconque le souhaite et n'a que faire des ragots, peut aller jusqu'à la rejeter, la religion... Laissons ces raisonnements qui corrompent la magie du moment.   

 
Papilio machaon Wikimedia Commons Auteur LG Nyqvist

Un matin magique éclabousse notre cadre familier de ses brillants de printemps. Les fleurs, la petite, blanche au cœur d'or, du ciste de Montpellier, la grande, mauve, fripée, du ciste cotonneux, les toupets de la bourrache dans les bleus. De l'une à l'autre, d'autres fleurs, mais mouvantes : les papillons. Non, je ne rêve pas, les feuilles collantes ou duveteuses des cistes, les piquantes de la garouille, la hampe du romarin, ce sont bien mes mains qui les reconnaissent. Les poursuites des piérides, la farandole du paon du jour, la voltige de l'apollon, les ailes qui respirent d'un machaon posé m'en mettent plein les yeux. Et à côté, la vieille vigne de l'oncle Noé, plus que centenaire, où parrain a dit qu'il connait un lièvre...


Mon temps suspend son vol mais l'heure est trop vite passée, pourtant seulement à me retourner sur les fleurs et à suivre l'envolée des papillons dans la magie d'un matin étincelant. Les cloches carillonnent à nouveau l'espérance. Elles me disent aussi qu'elles ont bien reçu toute cette beauté montée au ciel et qu'en retour elles me renvoient une paix angélique. Et aussi que je peux garder mon secret trop beau, personne ne demandera, je n'aurai pas à mentir, à en rougir. 

(1) un mystère ce bosquet au milieu des vignes... peut-être la volonté du propriétaire d'alors...  

Fleury-d'Aude, Pins de Barral années 60. Diapositive François Dedieu. Oui, je sais nous sommes au printemps et je vous donne à voir l'automne mais pour en avoir passé des milliers je n'en ai pas d'autre en magasin...
 

lundi 6 avril 2020

"FLEURY-D'AUDE, LA SAUVAGEONNE", UN LABEL D'ORIGINE INCONTRÔLÉ.

1987, non, pas un millésime d'exception, juste un repiquage dans une revue restée dans de vieux papiers depuis trente-trois ans !
Déjà !


En couverture "Fleury-d'Aude la sauvageonne !"
Jolie expression ! En écho à Manon des Sources de Pagnol venue nous consoler récemment du confinement, à "Ma petite est comme l'eau" (encore Béart mais Guy, le père), n'est-elle pas pimpante l'image de la sauvageonne courant les vignes, la garrigue ou la dune des Cabanes, sinon cachée dans un gabion du marais ou les carabènes (1) de la rivière ?
Et si elle était l'ondine des profondeurs glauques de l’Oeil-Doux, le gouffre où le bois ne flotte pas ? (2). Ou encore, la sirène du Rocher à Saint-Pierre, hurlant sous le terrible vent Grec et les vagues géantes qui drossent les navires à la côte ? (3) Et comme par hasard, l'eau se retrouve à chacune de ces évocations ! De même à Fleury pour des mètres cubes en quantité, mais chut c'est un secret... "Les sources ça ne se dit pas..." marmonnent les paysans de Pagnol...

Jolie la fille vive et farouche, mais au cinéma. Une commune littorale longtemps dépendante de la vigne et du tourisme ne pouvait s'afficher en tant que sauvageonne. Les butors du coin s'en seraient sentis confortés contre l'accent pointu, les estrangers, les envahisseurs de l'été... alors plutôt flatter et attirer l'estivant serait-ce en échange d'emplois seulement saisonniers pour quelques uns et d'une rallonge d'impôts pour tous (4). 

Avec la symbolique du "Y" grossi à dessein pour dire aux deux autres que nous sommes bien trois, quand bien même leurs noms ne seraient pas mentionnés... 
Alors autant les citer avec comme une gêne concernant les Cabanaïres. La mention "Les Cabanes..........Fleury" ne veut rien dire et en dit trop à la fois, comme si d'être sur la commune de Fleury signifiait "dépendre de","appartenir à" sans que soit reconnu le caractère particulier des habitants du hameau... Que n'a-t-on pas entendu d'ailleurs sur les Cabanes ! Leur a-t-on jamais demandé s'ils acceptaient qu'on dise "Fleury-Plage" ou "Port-Cabanes" avec une approche, consciente ou non, avec "Port-Camargue" ?  
Plus prosaïquement, pour mieux comprendre, un mot sur la commune de Fleury même non actualisée : 

" Fleury d'Aude est une grande commune qui s'étend sur plus de 5000 hectares et qui comprend trois lieux urbanisés : le village vigneron de Fleury, la station balnéaire de Sain-Pierre-la-Mer et le port de pêche et de plaisance des Cabanes-de-Fleury. Sa population passe de 3500 habitants l'hiver à 50000 l'été. 
Notre commune offre une grande variété de paysages : 3000 hectares de garrigue, 1000 hectares de vignes, 1000 hectares de marais, d'étangs et de zones humides, 6 kilomètres de plage de sable fin et le fleuve Aude qui traverse le territoire pendant 9 kilomètres avant de se jeter dans la Méditerranée..."
2009. Guy Sié, maire mais avant tout natif, copain, complice, compagnon de jeunesse...  

Merci Geoportail.

Il est intéressant de voir comment les municipalités successives ont essayé de sortir une formule pour présenter un territoire bien trop riche et varié pour se résumer dans une tournure avec ses quatre entités habitées, les campagnes, les Cabanes, Saint-Pierre, Fleury village et si on y ajoute le cadre naturel : les vignes, les garrigues de la Clape, les marais et étangs, le bord de mer, les plages, l'Aude le fleuve et sa plaine...  Au début des années 2000  l'essai "L'écrin de Méditerranée" a eu le mérite d'exister même non transformé. L'appellation n'apparait plus en 2009, seulement le logo faisant néanmoins positivement penser à la chanson de François Deguelt "Il y a le ciel, le soleil et... la mer" quitte à ajouter une ligne de vert certainement pour la garrigue et la vigne.       

(1) roseau canne ou canne de Provence.
(2) les gosses y croient jusqu'à ce qu'ils découvrent le site... avec une barque amarrée au bord. 
(3) Brigolette Noël-Adrien (1856, 14 janvier, 10 heures).
Le cargo SAC 6 dit "le cargo espagnol" (1938, 12 décembre).
Le cargo céréalier WEST BAY (1982, 7 novembre).
Entre Aude et Hérault, pas loin des Cabanes-de-Fleury, le cargo Mimosas (1979, 18 janvier). 
(4) Du Grau-du-Roi à Cerbère, toutes les stations balnéaires du littoral étaient (et devraient l'être encore) les plus imposées du Languedoc-Roussillon.

dimanche 5 avril 2020

DIMANCHE DES RAMEAUX / Fleury-d'Aude en Languedoc.

Le "Restez chez vous" de cette pandémie inattendue nous ramène, comme c'est le cas en Équateur où c'est la débandade des autorités devant le virus, au temps de la peste... la noire à y être ! Alors plus d'embrassades, plus de bisous, quelques uns ont voulu promouvoir le lancer de pied pour remplacer le serrer de main mais quand il faut laisser un mètre cinquante d'espace... 
Heureusement il y a le téléphone, le i-fone, la tablette, l'ordi et pas que pour relever les errements macronesques... le monarque républicain devrait-il endosser tout, tout comme on dira aussi que son règne calamiteux fut marqué aussi par l'incendie d'une merveille que la Terre entière pleure, Notre-Dame-De-Paris ! 

Loin de ces projections qui fâchent, je retiens seulement qu'une gentille correspondante vient d'écrire 

" Avec maman nous partions à la messe avec chacune une branche de laurier." 

Désolé, je n'allais pas remplir une autorisation de dérogation de sortie pour 5 minutes même si le laurier de Jo pousse à moins de 100 mètres !
Et par ce matin baigné de soleil, malgré le marinas d'une fraîcheur humide pénétrante, d'accord aussi avec Max qui tient, en ce jour, à mettre entre parenthèses et la maladie et la politique, je me laisse plutôt aller à une douce nostalgie d'une époque où indulgente, l'église (avec un "é" minuscule, la nôtre, qui compte tant pour le village !) rapprochait paroissiens ou concitoyens... 


"Vacances de Pâques 1940. 

 Dimanche 17 mars. Rameaux. (St-Patrice). Je vais à la messe, où je suis à côté d'André Pédrola, qui est loin de douter bien sûr qu'il va aller, treize années plus tard, partager la vie des Canadiens du Québec tandis qu'au même moment je vais gagner ma vie de professeur, pour trois ans, au Brésil. 

 
1966. Communion de ma petite soeur et de ma cousine. Diapositive François Dedieu.
Ensuite nous jouons au billard au café de la place, qui sera remplacé plus tard par le marché couvert, la salle de cinéma du haut cédant alors la place à la nouvelle perception de Fleury et au logement du Percepteur. Dédé, le plus jeune des trois enfants Sanchon, boit une grenadine (il a sept ans)."

Caboujolette / Pages de vie à Fleury II / chapitre "Le Renouveau" / 2008 / François Dedieu.  




jeudi 2 avril 2020

19 mars mi-Carême / Fleury-d'Aude en Languedoc.

De la mi-Carême à Pâques, ce sont, en gros, une vingtaine de jours sur les quarante du jeûne jadis aussi strict que pressant. Dans les années 50 pourtant, du moins sur notre rivage méditerranéen lié à l'expansion du christianisme, la rigueur s'est relâchée : les privations exaltées ne concernent plus que les plus pieux des fidèles. Fini le doigt divin omnipotent menaçant les brebis galeuses ! 
Au village, grâce au "Russe" de Fleury, comme en écho, nous avons, qui plus est, le témoignage de l'importance de ce jeûne rituel chez les chrétiens orthodoxes. Porphyre Pantazi (1891-1974), d'une famille gréco-roumaine et Moldave de naissance, a raconté comme cette période d'abstinence rituelle l'a marqué, entre un père inflexible et accrochés au plafond, le jambon, les saucisses, les cochonnailles de la tentation (1). 

Photo dans le domaine public de Kucera_Jaroslav_Moldávie,_Coropceni_1979_POP_NIKOLAJ,_ZPĚVÁK_A_ZVONÍK  (Le pope Nicolas, le chantre et le sonneur ?)Wikimedia Commons
Le catéchisme n'en faisant plus cas, c'est à l'école que la mi-Carême se retrouve détournée : avec les jours qui rallongent, l'hiver devra céder la place au renouveau. La Terre nous envoie un messager aussi mystique mais plus manifeste qu'un messie. Le rituel de la Récitation en témoigne.      

Rose du jardinet de Marie, au pied des anciens remparts (25 mars 2020).
"Le carnaval s’en va, les roses vont éclore ;
Sur les flancs des coteaux déjà court le gazon.
Cependant du plaisir la frileuse saison
Sous ses grelots légers rit et voltige encore,
Tandis que, soulevant les voiles de l’aurore,
Le Printemps inquiet paraît à l’horizon.

Du pauvre mois de mars il ne faut pas médire ;
Bien que le laboureur le craigne justement,
L’univers y renaît ; il est vrai que le vent,
La pluie et le soleil s’y disputent l’empire.
Qu’y faire ? Au temps des fleurs, le monde est un enfant ;
C’est sa première larme et son premier sourire."

A la mi-Carême Alfred de Musset. 

Les flocons sont plus pétales de fleurs que plumets de neige. Dans les foyers, crêpes, beignets, bugnes et chez nous oreillettes viennent réjouir le cœur et l'estomac. Du Carême et de la rupture du jeûne ne restent que les ventrées gourmandes ! Oublions les moines replets et pansus qui s'autorisaient la chair de castor au prétexte que la queue couverte d'écailles assimilait l'animal au poisson. Pour le commun des ouailles, même les œufs étaient interdits. 

Or, l’œuf ne tient que vingt jours. Sa conservation a certainement joué sur le calendrier liturgique. Pour Mardi Gras, on cuisine tout ce qui pourrait ne pas tenir vingt jours. A la mi-Carême, le bon sens commande de ne pas faire périr les œufs, ces protéines alors vitales. Et vingt jours plus tard, les œufs aux coquilles décorées marqueront à nouveau la fête de Pâques ! 

25 mars 2020
25 mars 2020.
En cet an de disgrâce 2020, le virus et le confinement passant sur nous, il ne me restait que cette note laconique "19 mars mi-Carême". Et pourtant, même inquiet, le Printemps paraît à l'horizon. Sur les talus, déjà des notes bleues, jaunes, rouges ou rosées, sur les branches des cognassiers (photo du 18 mars), et dans les caniveaux, la bourre fauve des platanes, plus sûrement que les fêtes volantes des Rameaux et de Pâques.       

(1) Caboujolette / Pages de vie à Fleury-d'Aude /chapitre Un "Russe" à Pérignan. François Dedieu 2008.   

25 mars 2020.
18 mars 2020.