vendredi 30 juin 2023

SÈTE 12, Paul VALÉRY 3ème partie.

Le_suicide_du_lieutenant-colonel_Henry_-_Le_Progrès_illustré_(septembre_1898) Domaine public Gravure d'Auguste Tilly (1840-1898)

Ce qui a évolué dans le bon sens est qu’à propos des personnes qui marquent leur époque, la tendance, plus transparente, est à ne plus cacher ce qui pourrait nuire à la renommée. On a dit que Valéry manquait d’empathie, de sensibilité, on a rapporté qu’avec Cocteau, ils n’arrêtaient pas de dézinguer nombre d’écrivains. On sait, qu’anti-dreyfusard,  il a cotisé auprès de la veuve du colonel Henry, auteur d’un faux (prétendument dans le but de sauver l’honneur de l’armée !) (1). On sait aussi que sous l’occupation, il a lu l’éloge funèbre « du Juif Henri Bergson », ce qui lui valut d’être rejeté du secrétariat de l’académie française. Parmi ces gens à part qu’un relatif anonymat protège, Valéry, de cette élite admirée fait pour cela aussi partie de ceux qui restent en permanence sous le feu de toutes les critiques. Sa mort, en juillet 1945, lui vaut des funérailles nationales. Suivant sa volonté, son corps est ramené à Sète. Un geste qui compte peut-être parce qu’il ramène à l’être de chair qu’il ne faut pas renier ; sans lui, en effet, qu’en serait-il de l’esprit voulant s’élever ? (Qui a dit « on est du pays où on laisse ses os » ?) 

(1)  Encore une prétention nationale, nous savons ce que la prétendue plus forte armée au monde est devenue face à Hitler. Les Étasuniens parlent d’arrogance... venant d’eux, c’est vrai qu’ils sont experts en la matière... 

Alfred-Dreyfus before 1894 Domaine Public Portrait par Henri Roger-Viollet (1869-1946).

25 juin 2023 : sans rien savoir du programme et tournant plutôt le dos à la télé publique (propagande, médiocrité, abus de pubs, démagogie...), hier soir pourtant, plus de deux heures d’une émotion comme seul le cinéma savait m’apporter dans l’innocence de l’âge tendre et que seul un concours de circonstances exceptionnel est capable d’apporter lorsque la vie rentre dans le dur. « J’ACCUSE », le titre vu avec le générique de fin, ramenant bien sûr à Émile Zola, un des deux Français de mon panthéon (avec de Gaulle), ramenant à cette prétention mal venue de « l’armée française » et dans le cas de l’Affaire Dreyfus à un racisme antisémite d’autant plus pernicieux puisque dans la promotion, dans le sens d’une opinion publique d’un extrémisme répugnant et qui, attention, sommeille toujours... Mais quand un homme se lève, des pas nombreux contre tous, un flux de reconnaissance vous submerge. C’est à noter, à mettre dans la colonne « Actif », venant, d’autant plus, d’un esprit sanguin prompt à faire la part du déshonneur, de l’amoralité, de l’inacceptable : aussi, au débotté, parmi ceux qu’un mauvais fonds trop bien partagé, de lâcheté, de laisser-faire, de bas instincts, accepte parce qu’ils ne déparent pas à leur norme, je dis son fait guère glorieux à Gallimard par exemple, l’éditeur enrichi pour avoir prospéré en eaux troubles, de la Première à la Seconde Guerre Mondiale, à Derrida, le philosophe raciste contre le Sud, à Destouches, ce Louis-Ferdinand fou furieux que les Narbonnais devraient être les premiers à boycotter pour ce que ce salop a dit d’eux ! Et tout comme je dénigre ces artistes vivant du public qui se prononcent pour un politique, je pense à Barbelivien, je tire au bas de leur piédestal, ces beaux parleurs tel Lucchini qui justement fit son beurre des écrits de Destouches ou un acteur apprécié tel Berléand, François de son prénom, qui dénigre la rouspétance française pourtant de son public, susceptible d’apprécier l’acteur, non pas dans le cadre privilégié d’un théâtre mais à la télé, populairement accessible ; je tire à boulets rouges sur  un Wilson, fils de, pour la colère arrogante avec laquelle ce môssieur se permit d’accabler la Marseillaise de son crétinisme anachronique. A l’opposé, serait-ce subjectif, dans la lignée de Delon, Belmondo, il ne me paraît pas malsain d’apprécier Dujardin. Mais c’est que le film a été réalisé par Roman Polanski ! De la part de quelqu’un trouvant une analogie entre la persécution de Dreyfus à l’époque et la sienne, sachant qu’aussitôt les tigresses antihommes sortiraient les griffes, plutôt que de hurler avec les loups, d’incriminer Polanski me semble moins fondé... 

« QUOI DE PLUS FÉCOND QUE L’IMPRÉVU, POUR LA PENSÉE ? » (VALÉRY Paul). 

Jean_Dujardin_Césars_2017 Creative Commons attribution-Share Alike 3.0Unported Auteur Georges Biard


mercredi 28 juin 2023

SÈTE 11, Paul Valéry 2ème partie.

Je vais vous dire, Paris des riches, parce que la ville a chassé de son paysage tout ce qu’elle avait de populaire, n’est qu’une SAL... TRAÎNÉE (1), à faire la fête, des réceptions du « beau monde » et pourquoi en serait-il autrement quand 1914-1918 rapporte tant aux faiseurs de guerres, ceux-là même qui de plus se frottent les mains à l’idée de reconstruire ensuite... Bien sûr qu’ils n’en ont rien à faire de ceux qui se font trouer la peau, de ceux  dont l’obus n’a laissé qu’une jambe pendue à un arbre (parce qu’il n’y a pas que les morts, figurent aussi les disparus de la guerre !) de ces gueules cassées dont la plastique amochée leur fera détourner le regard ! Et à présent, cette indécence extrême à défendre l’immigration pour le sous-prolétariat qu’ils exploitent..., cette image lamentable à l’esthétisme pompeux qui va aléatoirement glorifier un tel plutôt que tel autre également monté à Paris... bien sûr que les célébrités sont complices, dans leur prétention à percer, à réussir. L’essentiel de la société suit, ce troupeau dans ce qu’il cache mal d’envieux, d’égoïste, de lâche, de conformiste, de people, pour être dans l’air du temps, comme s’il fallait « faire nation », quel qu’en soit le prix, ainsi que le martèlent les politiques aux ordres de ces privilégiés indécents, pour une paix sociale dont ils sont les premiers exploiteurs et qu’ils veulent à leur main. Eux n’ont aucun scrupule, nulle honte à démontrer un penchant naturel loin de tout humanisme, encore en évidence avec cette majorité d’intellectuels complices depuis celle qui va se mouiller sous Vichy et celle politico-compatible d’aujourd’hui nous obligeant à nous accommoder avec des présidents médiocres, une gestion hypocrite, faussement présentée dans le but de toujours privilégier les puissances d’argent apatrides d’un système planétaire d’exploitation ! En cela, et sans pour autant me complaire à mener une chasse aux sorcières, je pointe du doigt des gens publics, dépendant du public et se démarquant d’une neutralité comprise comme ce Berléand, trop accommodant, dénigrant ceux qui l’ont fait célèbre, le font vivre parce qu'ils abuseraient en protestant et manifestant... ou encore l’autre Wilson, fils de, blanc de colère et d’un crétinisme certain à propos des paroles de la Marseillaise. Je préfère les mots directs et la franchise de Houellebecq ! Mon venin n'a-t-il pas l'inconvenance de côtoyer la respectabilité de Valéry, serait-il, comme tant d’autres, monté à Paris, de même que Brassens, pour ne citer que lui à Sète ? Disons que loin de vouloir attenter à tout ce que ce grand esprit apporte notamment dans les 30.000 pages de ses cahiers, je me sens suffisant au point de laisser libre cours à mes médisances en référence aux chicanes et railleries du duo Valéry-Cocteau sur leurs contemporains et aussi par rapport à cet anarchisme que Paul Valéry a revendiqué. 

Cocteau 1937 Domaine Public Auteur Studio Harcourt


Paul_Valéry 1938 Domaine Public Auteur Studio_Harcourt

Les honneurs rendus aux grands hommes sont foncièrement équivoques, souvent à double-tranchant. La deux centaine de Cahiers sur lesquels Valéry écrivait ses idées et pensées du matin, l’ossature langagière décortiquée, la poésie démantibulant la syntaxe, les suites de mots déconstruites, de la part de quelqu’un à part, je veux bien dire, citer son nom, m’y référer parce qu’il a du génie. Quant à sa poésie, il faut s’en honorer, sans se prendre la tête car, faute de message, elle demande au lecteur l’effort extrême d’en reconstituer les images, de se détacher du poète puisqu’il est nécessaire de construire sa propre interprétation. Plus on crie fort et soudainement au génie, plus on est enclin à le brûler à un moment donné. Les années après-guerre ont vite rangé Valéry dans les cintres... Pourtant son cours de poétique au Collège de France était remarquable...Tout passe, tout lasse... Heureusement tout peut revenir, l'Histoire ne repasserait-elle jamais les mêmes plats...  

(1) À l’opposé, j’aime le Paris populo, des faubourgs révolutionnaires, des Titis, des Gavroches, de la Commune, des Grisettes, le Paris de Zola. Comme acteur, réalisateur, Gérard Jugnot a su faire passer l’émotion que la capitale suscitait de ce point de vue... Belle ambiance des films tels que « Monsieur Batignoles », « Faubourg 36 ». 

Gérard_Jugnot_-_Avant_première_Rose_et_Noir_-_Montpellier 2010 the GNU Free Documentation License, Version 1.2 or any later version published by the Free Software Foundation Auteur Esby (talk)


dimanche 25 juin 2023

SÈTE 10. Paul Valéry 1ère partie

 Paul VALÉRY.

Ambroise Paul Toussaint Jules Valéry (1871-1945). Né d’un père corse, d’une mère italienne, il voulait préparer Navale, s’en voulut de cette foucade pour se tourner vers la littérature, la peinture. Après 1886 et des études sans éclat, lui aussi monte à Paris, condition sine qua non pour un ambitieux, s’en défendrait-il... Lorsque, introduit par ses parrains, auteurs reconnus, il fréquente la Haute, la bourgeoisie, il a beau prétendre viser « le travail sans œuvres », il est certain que tout se cristallise pour réussir, devenir célèbre et que ce précipité n’est possible qu’avec une matrice économiquement riche, politiquement influente, à l’emprise féroce, je parle de cette bourgeoisie qui après avoir mis à mal la noblesse, n’en exploite pas moins, depuis, et pour autant, la population. Comment ne pas concevoir alors qu’avec les termes « peuple », « prolétaire », « force de travail », « communisme », cette mainmise par une minorité n’ait pas généré contre elle une lutte pour plus d’égalité et de justice (1) restée latente à ce jour bien que viscéralement implantée ! En 1892 dans la maison familiale à Gênes, une nuit, il passe un « début de sa vie mentale » qui va le déterminer à changer du tout au tout : finie la poésie, seul le travail méthodique, mathématique, lui seul va compter ! Certes, en cela, Valéry démontre un esprit rare, exceptionnel, avec une puissance de travail hors du commun, restant néanmoins physiologiquement humain, sur fond de réflexion, de questionnement, de doute. En 1917, avec la Jeune Parque (comme quoi vingt-cinq ans plus tard il revient sur sa nuit de Gênes !) qui s’interroge entre conscience, intelligence et  sensualité, cette « sœur secrète qui brûle... » dans un poème au symbolisme devenant hermétisme, Valéry a pourtant écrit, la faisant parler,

« Mais je ne suis en moi pas plus mystérieuse
Que le plus simple d’entre vous. »

Ce retour à la poésie qui trahit ses résolutions de la nuit de Gênes lui vaut une célébrité fulgurante. 

Paul_Valéry_-_photo_Henri_Manuel (1874-1947) Domaine public Wikimedia Commons

Entre nous, quelle HONTE (2), dans tout ce qui n’est pas dit sur ce grand homme, que la guerre, alors à un moment crucial, avec les Allemands à 110 kilomètres seulement, les politiques sur la sellette, les difficultés des Français au Chemin des Dames, le pays détruit par les bombardements, ravagé par les Boches, que toutes ces difficultés soient pratiquement occultées pour que la vie continuât. Les Poilus l’avaient mauvaise par rapport à l’arrière, avec juste raison ! 

(1) Une théorie malheureusement dévoyée par la pratique, la nature humaine étant ce qu’elle est, cruelle, impitoyable, amorale, capable de se laisser mener par des monstres de racisme, des travers nécessaires, sans lesquels jamais elle n’aurait dominé la planète. Il n’empêche, ce bras de fer continue entre les milliardaires et ceux « qui ne sont rien » (un mot du président démontrant par la même dans quel camp il est). Un apaisement transitoire mis à profit par les riches pour petit à petit revenir sur les concessions faites, succède aux crises jusqu’à ce que la rancœur accumulée ne devienne révolte. Le mécontentement ira-t-il jusqu’à l’insurrection, triste période où des résistants seront appelés terroristes ? Jusqu’à présent tout n’est pas tué mais contenu dans l’œuf. Après 1968, connaîtra-t-on la Révolution des Casseroles ? L’Histoire le dira...  

(2)  Les majuscules parce que ça vient de loin, du plus profond, et que ce doit être dit fort !

samedi 24 juin 2023

SÈTE 9, Un quinze juillet

 Pour être venue sans qu’on eût à faire référence aux Celtes, aux Ligures, aux Ibères, aux Grecs, aux Romains, ce qui fut une île et qui devint Sète, attire et attache tant elle est singulière... « L’île singulière », on devrait l’appellation à Paul Valéry pour une ville à la génétique particulière et qui, de ce fait, a engendré sa palette de célébrités à part, aux destins atypiques.

SÈTE, un 15 JUILLET 

Qui, mieux que Paul Valéry, et avec quelle modestie, sut insister sur la grande influence des origines géographiques dans la convergence des forces qui comme par l’effet d’une chimie magique et inexplicable, arrive à précipiter le génie, l’art et l’esprit dans une enveloppe humaine ? C’est plus primaire et prosaïque avec les imbéciles heureux de Brassens... heureux, malheureux, les imbéciles sont forcément nés d’un quelque part n’y étant pour rien... Revenons à plus de rêve...  

Comment ne pas imaginer le poète, depuis le Mont-Saint-Clair, adressant sa soumission et sa révolte d’Homme à la Mer tant aimée, un jour de Grec et de marinade (vent de NE avec embruns)... 

Ce ne sont pas les éclats de Stentor mais la voix est sûre, charpentée, bien que soumise aux forces d’une nature faisant si peu de cas de notre espèce, mais mue aussi par une énergie propre à arrêter la vague au moment où sa transcendance ne peut que déferler... Je veux croire que la tessiture n’est pas plus emphatique que datée... Ce n’est pas le ton affecté de la culture, travaillé pour se fondre dans un milieu de précieux, riches et oisifs, de conserve avec un monde définissant non sans prétention un who's who des arts et des lettres à son image. Ce n’est pas le débit haché, souvent coupé par la toux (il roulait ses cigarettes), de l’écrivain devant travailler pour vivre, mal à l’aise parmi les rentiers.
Sa voix est celle de la nature, de la naissance dans une famille modeste, méridionale avant tout. L’accent n’a pas encore trahi le Sud, ne dépareillant pas au berceau méditerranéen : le père est corse, la mère génoise, ils vivent à Sète... Et puis, quelle sincérité peut-on exprimer si on parle parisien à la Mer originelle, matrice de civilisations ? Aussi, c’est sûrement par rancœur que Paris continue de dévorer la province afin de l’assimiler. A moins que ce ne soit l’amertume refoulée d’un esprit trop rebelle et indépendant qui me fait digresser à ce point... On se veut comme les autres mais différent, sociable mais solitaire... et on ne fait qu’imiter Valéry qui eut l’occasion de se définir ainsi... 

Sète Môle_Saint_Louis 2017  the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Christian Ferrer

Il n‘empêche, l’autre jour à Sète (mercredi 2 août 2017), face au môle Saint-Louis, au pied du cimetière marin où il repose, c’est un pays, un Sétois, un Paul Valéry proche, loin de la pompe de la capitale qui nous accueille. Au milieu du rond-point, les mots, le ton intime, à l’opposé d’autres, somptueux mais d’une froideur de pierre tombale, témoignent de l’amour insondable d’un enfant bien de « l’île singulière » pour notre mer glorieuse : 

« ...je remonte le long de la chaîne de ma vie, je la trouve attachée par son premier chaînon à quelqu'un de ces anneaux de fer qui sont scellés dans la pierre de nos quais. L'autre bout est dans mon cœur... » A lire, relire, méditer en laissant tout notre être s’en imprégner. 
Rond_point_Paul_Valéry 2018 the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Houss 2020


mardi 20 juin 2023

SÉTE 8. Jouteurs et massacre au micro.


Gilbert_Bécaud_in_Rome 1972 Domaine public Auteur inconnu

À boire et à manger... Avant de donner à voir et à entendre, du moins, « Les marchés de Provence » de Bécaud complètement massacrés quand la ferveur amassée jusque dans les coquilles de noix serrées au bord et tolérées, contamine l’animateur qui n’arrive plus qu’à interpréter l’indécence criarde d’une ivresse, du moins d’une liesse non contrôlée, discordant avec un protocole harmonieux loin d’empeser l’ambiance, honorant tant les présents que le passé. J’ai vite arrêté la vidéo, une inconvenance que la mairie devrait remplacer. Que dirait-on si le rameur soucieux jusque du ruban autour du canotier, ne se satisfaisait pas que de la perfection de l’image donnée ? Que dirait-on si le règlement des joutes se relâchait par démagogie ? Non, ne tombons pas dans ce travers sociétal confondant un état comateux avec une ambiance festive ! Et, entre nous, à pousser le bouchon, ne serait-ce pas, avec le grippage démocratique, un des signes de la chute de l’empire ? de la mort d’une civilisation ? Non, j’exagère, je le pousse trop loin, ce bouchon... Il n’empêche, c’est vraiment moche ce moment braillard...

Joutes_sétoises 2006 permission CC-BY-SA-2.5 Author Clio64

Allons, ne contrarions pas tout ce que la joute languedocienne a d’honorable et de champions à Sète, dans la catégorie reine, celle des lourds : Audibert « L’Esperança », huit victoires entre 1846 et 1857, Martin « Lou Gauche » (gaucher ? Est-ce possible ?), neuf victoires entre 1858 et 1877, Louis Vaillé « Lou moutou », dix titres entre 1904 et 1923. Chapeau pour la longévité, dix-neuf ans pour Martin et Vaillé ! Les caïds actuels, Aprile (2009, 2013, 2015, 2016), Arnau (2014 et 2022) seront-ils à la hauteur. ? Et comment oublier Aurélien Évangélisti, sept succès entre 2001 et 2012, encore en lice en 2016 mais qui, exaspéré suite aux coups bas de tous ceux qui, faute de le battre, ont voulu le faire perdre, a jeté sa lance sur l’adversaire déjà à l’eau (Marseillan) ? Bien qu’il ait regretté sa conduite inacceptable, une lourde sanction de huit tournois de suspension est tombée. Dégoûté mais peut-être davantage par ce qu’il y a de plus lâche et sournois chez les humains, le champion a même déclaré que même en spectateur, préférant se consacrer à sa famille et à son bateau, il n’irait plus jamais aux joutes de la Saint-Louis... 

Sète Saint_Louis 2006 Creative Commons Attribution-Share Alike 2.5 Generic uploader Clio64 at French wikipedia

Enfin parce qu’il n’y a pas que les Sétois qui gagnent et en la circonstance, parce qu’ils portent le même nom qu’André, dit « Tarzan », le courageux qui essaya en plein mois de novembre, de sauver les marins du Roger-Juliette, citons Alain Massias, grand vainqueur en 1986, Claude Massias, en 1991, 1993, 1997, également de Frontignan.

Me concernant, plutôt que de rapporter ce que les autres ont vécu, avec le risque d’en répercuter des erreurs, les joutes de la Saint-Louis, je les inscris dans un agenda à venir. 

lundi 19 juin 2023

SÈTE 7. Les FÊTES de la SAINT-LOUIS.

En temps de paix, le championnat du monde des joutes languedociennes culmine fin août lors des festivités de la Saint-Louis. L’eau, le Canal Royal, les quais pleins, la foule, les couleurs, la musique, ce sont plusieurs jours de fêtes autour des jouteurs, une fête qui a eu l’occasion de s’étoffer avec le temps, les siècles devrait-on dire puisqu’elles honorent le roi de France qui fit de Cette un port. Le Louis qui suivit, le quinzième, est venu voir ce qui, dans la continuité, en quelque sorte, perpétuait la tradition des tournois. 

Sète_water_jousting_joute_nautique on the Royal Canal 2022 Creative Commons Attribution 2.0 Generic Author Jorge Franganillo

Sur le site de la ville, une chronique intéressante précise qu’en 1853, voyant que grâce au progrès, au train notamment, les gens même de loin viennent toujours plus nombreux voir Cette et ses joutes du dimanche, Émile Doumet, le maire, tient à en étoffer le contenu. Un demi-siècle plus tard, la semaine festive organise un corso nautique, une course cycliste, des concerts, des animations dans la ville où les commerçants font tout, à boire et à manger... ce ne sont pas les bons plats qui manquent à la carte de « l’île bleue ». À l’heure actuelle, sur six jours, c’est un programme fastueux qui est proposé : celui qui n’est que de passage est sûr de bien remplir sa journée. 

Ainsi en 2022, entre le jeudi 18 et le mardi 23 août, à l’occasion de la 278e édition, de l’affiche au feu d’artifice final, le déroulé a dû satisfaire le plus grand nombre.

* les défilés accompagnés de peñas et fanfares ; des arts des rues avec les danseuses brésiliennes « Oba Brasil », des acrobates ; des orchestres tant de variétés que pour accompagner les interprètes d’opérettes, d’opéra...

* autres facettes culturelles avec les écrivains invités, des expositions de peinture, un retour sur plus d’une centaine de chansons sétoises...   

* dans les manifestations plus ou moins physiques, une randonnée à vélo, des concours de pétanque, de boule lyonnaise, de boules carrées ! (les 2,5 et 5 kilomètres de Sète à la nage ont été annulés).

* une course de voiles latines, un roulage de barriques pour honorer le passé portuaire de la ville.

* la traditionnelle messe officielle ; la commémoration de la libération de la ville (20 août 1944) ; à la gare, l’hommage aux cheminots Morts pour la France.

* côté petites soifs, en-cas, les bars à quaiet cafés, ouverts jusqu’à trois heures du matin. Les restaurants aussi, dans une moindre mesure, ont certainement adapté la durée du service.  

Sète Stlouis2005  the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.5 Generic Author ByB uploader French Wikipedia


Centrales, depuis, à terre,, les petits en chariots jusque sur l’eau pour les grands, les joutes de la Saint-Louis demeurent les gardiennes d’une tradition qui a su durer. Le cadre d’abord, toujours le Canal Royal ; les couleurs, la tenue blanche des participants qui défilent et font tournoyer les lances avant de s’affronter, le bleu du « quartier naout », le quartier haut, le rouge de « la pouncho », la Pointe Courte ou Longue, là où Sète communique avec Thau ; des barques progressant à gauche (comme pour nos trains, le contraire de la circulation sur la route), les tintaines (le plan incliné en bas duquel se tiennent les jouteurs tandis qu’en haut, sur la plate-forme, armé du pavois et de la lance, celui qui est en jeu se met en position, fente avant). Les hautbois, les tambours dans les annonces, le rythme donné aux rameurs, les airs, dont celui de « La Charge » ; lors de la passe, les chansons rituelles au micro, de toutes les époques... (à suivre) 

Sète Stlouis2005 the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.5 Generic Author ByB uploader at fr.wikipedia


dimanche 18 juin 2023

SÈTE 6. Les paquebots de l'exil.

Voyez les mouettes qui font cortège aux bateaux rentrant au port : toujours un plaisir pour qui a l’occasion de flâner et rêver dans un cadre pareil. En 1967, la criée de Sète, devenue depuis la première de Méditerranée, est la première d'Europe à être informatisée. Du poisson ! des poufres (1) ! le nom local et au moins languedocien du poulpe... Est-il baladé lui aussi, lors des festivités, en tant qu’animal totémique tant les événements susceptibles de servir la ville ne manquent pas ?

Bateaux qui rentrent au port, navires qui partent, ne laissant qu’un éphémère sillage sur l’eau, opaque sur les drames et la catastrophe annoncée induits par l’anthropocène, l'âge des Hommes se voulant à tort, maîtres de la nature...

« ... pasar haciendo caminos, [passer en faisant des chemins,]
caminos sobre el mar… » [des chemins sur la mer.]

Antonio Machado (1875-1939). 

Gracias_México_-_Monumento_a_los_exiliados_españoles_en_México_en_Veracruz 2009 En 1939 arribó a este puerto de Veracruz, procedente de Séte,  Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic Author David Cabrera

Sète est avant et plus que tout un port ! Le 23 mai 1939, suite à la Retirada, l’exode des Républicains espagnols et à l’invitation aussi unique que généreuse du Président Lazaro Cardenas (1895-1970), attestant par là-même le penchant dangereux vers la droite sinon la droite extrême de l’Occident, le paquebot Sinaïa (1924), aménagé pour 1600 places au lieu des 600 à l’origine, appareilla de Sète pour Veracruz au Mexique. (Un ou deux autres navires aussi... merci de m’en tenir informé si vous en savez davantage).  

Le 11 juillet 1947, avec 4815 personnes à bord, dont nombre de rescapés des camps de la mort nazis, qui n’ont plus ni famille ni biens en Europe et qui ne veulent plus que rejoindre Israël, au petit matin, le paquebot Pt-Warfield quitte subrepticement Sète de peur d’y rester bloqué. Hors des limites territoriales, alors qu’il était censé partir pour la Colombie (un mensonge), il arbore le drapeau d’Israël, change de nom « Exodus  1947 » (en français, dans sa forme abrégée), ne répond pas aux Anglais qui le suivent et finalement, de peur des réactions des Palestiniens, l’arraisonnent afin d’empêcher le débarquement à Haïfa. De là, 4493 réfugiés sont emmenés en bateaux-prisons à Chypre puis via Port-de-Bouc (où aucun réfugié n’acceptera de descendre), Gibraltar, et malgré une vague de réprobation générale concernant des Juifs encore maudits (les crimes ne rebutent pas si la raison d’État est en balance...) , à Hambourg pour être acheminés dans des camps de la zone d’occupation britannique. Mai 1948 : le mandat anglais sur la Palestine prend fin et tous les réfugiés peuvent rallier Israël. 

Exodus 1947 ship in Haïfa Source British Admiralty Public Domain Author JGHowes

La vue paisible et que nous estimons normale des porte-conteneurs (de 6500 à 200.000 EVP entre 2010 et 2019 !)  ou des ferrys pour le Maroc ne doit pas faire oublier les violences passées, les bombardements puis les conséquences des conflits lorsque des gens qui pourraient être tout le monde voient leur destin bouleversé du tout au tout, forcés ou résolus, invités ou s'imposant dans le dessein de se trouver un coin de Terre. 

(1) « Antoueno, lou moueno, lou poufre salat, quand l’ase cagabo parabo lou plat ! » Mon pays, Émilien de la Pagèze (bien que marié à une Narbonnaise) a une explication concernant cette ritournelle a priori surréaliste : « lou poufre salat », le poulpe salé, surnom du moine Antoine, radin, qui n’attend pas que le crottin soit à terre pour vite le récupérer (excellent pour les plantations !)

vendredi 16 juin 2023

SÈTE 5. Thon et pognon !

Un reportage peut-être à la télé régionale : deux frères, armateurs-thoniers, se confient visiblement sûrs d'une logique économique se suffisant à elle-même ; ils sont dans la quarantaine ; un investissement sur vingt ans reste raisonnable, à deux qui plus est ; ils font construire un bateau moderne, plus cher mais fabriqué en Roussillon, plus léger mais plus solide, économique en carburant et ça compte quand la puissance développée atteint les mille chevaux. Ce serait presque hors sujet de poser une question sur la ressource, sur l'activité durable... Que s’est-il passé ? 

Le thonier-senneur Saint_Antoine_Marie  GNU Free Documentation License. Auteur Jean-Pierre Bazard On peut voir les bras articulés qui permettent de lever et de manœuvrer la senne (le filet de pêche) pour la retirer et à droite l'annexe qui se met à l'eau pour encercler et prendre les thons. 

Vingt ans en arrière, pourtant, la race des thons qui viennent se reproduire en Méditerranée, se perdait ; pour une fois, les scientifiques ont été plus qu’écoutés puisqu’il s’en est suivi une interdiction ; c’est dire si la situation était désespérée... À un moment donné, seules les mesures radicales, coercitives sont susceptibles d’être suivies d’effets... Je me souviens d’un reportage à Marseille, un mec (j’assume une condescendance allant au delà, vous allez comprendre !) au micro, vulgaire, volubile mais dans l’indécence sordide, contre l’interdiction, parce que lui, un de la famille sinon un allié avait misé des millions vu que ça devait rapporter, qu’il n’en avait rien à foutre de la réglementation. Un témoignage outrancier à garder en mémoire, donnant une piètre et fausse image des Pieds-Noirs auprès de ceux qui ont une vision simpliste, lapidaire, arrêtée sur les gens et l’Histoire. On reste stupéfait de la véhémence affichée au seul motif d’un gros investissement avec pour seul souci un retour bénéficiaire et la légitimité d’être un riche qui risque et à qui la piétaille, avec pour seul droit celui de la fermer, devrait tout ! Que sont devenues ses mises de fond en quinze ans ? Ce qui est sûr est que nous ne pouvons pas compter sur un changement de mentalité de la part d’un tel individu. N’attendons pas sagesse, humanité, solidarité de la part de tels prédateurs économiques, forts, de par leur pouvoir financier, de tenir les politiques en main. Aujourd’hui, en effet, comme quoi la nature est bonne fille, en dépit des quotas (89 % pour la Méditerranée, 10 % pour l’Atlantique, 1 % à la pêche de loisir... pas contente de n’avoir que si peu de bagues), le thon rouge de Méditerranée est de retour, ses effectifs se renforcent... Quasiment un miracle tant le pessimisme, malheureusement lié à la façon de traiter la Planète par ce foutu système libéral délétère à force d’excès, régnait et règne encore. Était-ce parce que ce monde d’armateurs pesait moins que d’autres corporatismes ? Considérez dans l’affaire actuelle des « méga bassines » (qui plus est financées à 70 % par l’argent public !) voulant légaliser le vol par une minorité de la ressource phréatique, comme l’État, actuellement, préfère se mettre à dos toute la population plutôt que ces agro-industriels ne méritant plus d’être appelés agriculteurs dans notre monde de paysans éradiqués ! Avec Macron, histoire d’avancer (un mot répété plusieurs fois hier, 19 avril 2023, malgré les casseroles des opposants, lors de sa sortie en Alsace), la nature aurait-elle eu l’opportunité de nous rendre une manne de magnifiques poissons ? Comme disait l’autre, on a les gouvernants qu’on mérite et apparemment les thons qu’on ne mérite pas... (à suivre) 

Bluefin-tuna-catches-fr source  ICCAT web site domaine public. Intéressante évaluation des prises illégales (environ 66 % des quotas légaux et rien ne dit que cela ne perdure pas...


jeudi 15 juin 2023

SÈTE 4. Pêche, migrations et capitalisme...

Robert_Mols_-_port_de_Sète 1891 domaine public musée Paul Valéry. 

Sète, un Languedoc maritime, mâtiné de Catalogne, de Campanie jusqu’en Calabre, Sète, port de pêche. Si, localement, l’activité concernait l’Étang, avec les Catalans d’abord, puis les Italiens, elle s’est tournée vers la mer. Encore au début du siècle passé, les Sétois originaires d’Italie faisaient construire à Agde des dizaines de bateaux-bœufs ainsi nommés parce qu’ils tiraient le filet comme les bœufs tiraient la charrue. Sauf que cette technique prévoit que le second fait la vache, pour dire qu’il ne bénéficie pas du partage de la pêche, à charge, la fois d’après, d’inverser les rôles, exception faite de la semaine sainte où tout le monde a besoin d’argent frais pour fêter Pâques. Même au port, coques alignées, rangées, quel bel ensemble ces voiles carguées sur les antennes ! Au point que Paul Valéry, le penseur qui ne se voulait pas philosophe, d’habitude plus compliqué, avait revendiqué la beauté des voiles de Sète ! (si quelqu’un me retrouve cette citation, je suis preneur !) Et cette antenne ! vingt-deux, vingt-quatre mètres de longueur... imaginons le mousse chargé d’y grimper ! D’ailleurs on le voit sur le détail d’une marine « Le Port de Sète », du peintre Mols. Autre détail : les filets hissés en haut du mât ! Superstition ou simple prévention contre les vols ?

Ces immigrés particuliers (beaucoup, dans l’agriculture, les forêts, sont longtemps venus du Nord de l’Italie) nous les retrouvons, par exemple, à la tête de chantiers de construction maritime ou comme patrons de bateaux, des « dynasties » toujours à la barre. Pêcheurs, ils sont originaires de Cetara dans le Golfe de Salerne. A partir de 1850, comme à Sérignan, ceux de Cetraro (Calabre), à Frontignan, ceux de Gaete (golfe au nord de Naples). Par les lettres au pays puis le bouche à oreille, ils seraient partis parce qu’il n’y avait plus chez eux, ni sel ni anchois, le long de cette côte au Sud de Rome. Ce sont eux qui ont impulsé la pêche en mer, les locaux démontrant moins de courage ou se révélant plus terrestres que marins, moins aguerris, disposés seulement à exploiter la lagune du Thau et plus haut le long du golfe, la gourmette d’étangs jusqu’à Aigues-Mortes. 

Depuis, prenant le pas sur Agde, Sète reste notre plus important port de pêche sur la Méditerranée. Dans les années 60, ce sont les rapatriés d’Algérie, souvent arrivés sur leurs propres bâtiments, qui ont apporté du sang nouveau. 

Sète chalutiers et thoniers Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Christian Ferrer


A voir les belles unités flambant neuves, alignées le long du quai, le polyester immaculé à la place de l’acier qui lui-même avait repoussé les coques en bois, une génération de plus en arrière, nous n’allons pas regretter les voiles pittoresques appréciées de Valéry, le ravaudeur de filets sur le quai qui chante si bien l’Italie (si, si ce n’est pas une carte postale, j’en ai été témoin), une belle voix qui doit faire le bonheur des tablées de fêtes. Non, nous n’allons pas fondre en commisération à la vue du quartier haut, le pauvre (à Mèze nous avions l’inverse, comme quoi...), celui des petites maisons des pêcheurs avec le linge pendu aux balcons. Rien ne saurait rester figé. Entre aimer le passé et rester passéiste, faut pas confondre. Comme partout, le confort, l’argent sont passés par là ; c’est un calcul, un investissement à long terme, envisageable si une pêche rapporte et que peut-il y avoir de plus exaltant même pour ces pêcheurs-hommes d’affaires, qu’une fièvre pour le thon égale à celle du chercheur d’or d’une autre époque ? 

Tuna_ensnared, pris au piège.  Domaine Public  from the U.S. National Oceanic and Atmospheric Administration Auteur Danilo Cedrone (United Nations Food and Agriculture Organization)


Dans quelle limite ce calcul reste-t-il acceptable ? C'est bien parce que le système complètement amoral ne s'impose pas de limites qu'une fin du Monde, du moins de l'anthropocène, est devenue plausible... Inutile d'en référer à Nostradamus et à Malachie...  

mardi 13 juin 2023

SÈTE 3. Escale à table aussi...

Voilà qui nous transporte en haut du Mont-Saint-Clair pour ces fiers voiliers en approche... Pour les marins, c’est la manœuvre, de force ou non, synchronisée, aussières, cabestan, commandée au sifflet, chantée ensuite, halée en cadence, par la bordée de marinières jusqu’à l’amarrage. Bien sûr, les grands vaisseaux se font plus remarquer avec, cette fois, les mâts et pavillons qui dépassent des toits, pourtant des maisons les plus riches, sur l’avant-scène, celles des négociants et maîtres-voiliers... et tout aussi bien, en intaille, un Bar de la Marine, un patron truculent, César, de son prénom. Alors, sur le quai, en habit, d’une faconde ne devant rien à Marseille, jamais à court de boniment, un Marius tout sourire invite à la visite. Pour un temps, la flotte de pêche a cédé ses anneaux, prêté ses bittes d’amarrage (c’est bien la première fois que je vois que la bite en a deux, en parlant des « T », allons, allons !). 

Escale_à_Sète_2022 Creative Commons Attribution 4.0 International Auteur Christian Ferrer

Combien de visiteurs ? 300.000 en 2022 ! Et combien, avec l’air marin porteur d’Italie, qui vont se disperser à la recherche d’un de ces restaurants très méditerranéen où les noms déjà sont un plaisir des sens. 

Bourride_sétoise 2020 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Arnaud 25

Pourquoi pas une macaronade aux brageoles avec des spaghettis d’un diamètre ajoutant au dépaysement ?

Ou alors une tielle ? Des moules, une bourride, une rouille de seiche, des encornets farcis ? Du poufre puisque le poulpe est emblème de la ville. Et tout à la sétoise pardi ! Sans courir à tous les diables pour trouver un resto, vous tomberez peut-être sur la fontaine du poufre géant à côté des dauphins sur la place de la mairie (Léon Blum ?). 

Zézettes_de_Sète Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur 34 super héros

Pour finir somptueusement, comme sur la nappe blanche des riches négociants et commerçants à l’occasion de la Saint-Louis (comment ne pas revoir Fernand Charpin dans le rôle de Maître Panisse ?), un monumental frescati de plusieurs étages de douceurs bombées au glaçage caramel rehaussé de bigarreaux confits... qui, plus que de la chaleur d’août (même s’il fait bon dans nos vieilles maisons [26-27°]) va pâtir de la gloutonnerie ambiante (mamma mia ! quel coup de fourchette alors !) ! Et pour faire passer, les zézettes avec le ristretto, le café, toujours à l’italienne ! Qu’est-ce qu’ils disent, dans ce cas de figure, les djeuns ? une « tuerie » ! ce ne peut être plus vrai, du coup, je consens, exceptionnellement,  à reprendre le mot ! Moralité : de nos jours, on peut mourir aussi de se faire plaisir ! 

PS : si les clichés ne sont pas disponibles, il est quand même possible de voir sur le Net à quoi ressemble un frescati. 

lundi 12 juin 2023

SÈTE 2. Bateau & rose bleue

MS_Emsstein_cargo_ship_of_the_north_german_lloyd Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Author Buenosera

« Quand je vois passer un bateau, j’ai envie de me foutre à l’eau.../
...  et rire comme un étranger
D’un rire qui fait éclater la rose bleue d’un tatouage.../
... Changer le coton en tabac et le tabac en coc... / 
... enlacer ces filles malhonnêtes.../
Au fonds des clandés de Papeete... /
... les champs de pavots.../
... filles à la démarche étrange
Le pan de la jupe fendue
Bat l'amble sur des jambes nues.../
Quand je vois passer un bateau, je rêve de me foutre à l’eau »

Crédit Guy Bontempelli (1940-2014), chanson coécrite avec Gérard Bourgeois (1966) (dommage de saucissonner par rapport aux lois sur le plagiat).

Préférant pécher par anachronisme puisque à l’époque, le mot « cocaïne » n’avait pas le poids qu’il vient de prendre lors d’un fait divers aussi malheureux que lamentable (affaire Palmade), je relève par contre les champs de pavots suite à l'image de la " rose bleue "... C’est vrai que le Triangle d’Or Birmanie-Laos-Thaïlande, interdit aux importuns, focalisait plus encore le problème de la drogue que la zone Iran-Afghanistan-Pakistan (le Croissant d'Or). Rien n’était dit alors sur la coca d’Amérique du Sud. Aujourd’hui, on sait officiellement qu’avant les indépendances, la France encourageait la culture, avec une Régie de l’Opium (en Indochine), un service des douanes chargé de tenir les comptes... Aujourd’hui on ne le cache plus : les States ont trempé dans ce trafic, la Chine aussi (internationalement plus victime que coupable) , et les petits peuples qui cultivent sont si pauvres que l’addiction aux opiacées des pays riches n’est pas leur problème... De la même famille des papavéracées que le coquelicot, parme, rose, grège, la fleur est d’une beauté fascinante : ses pouvoirs entretiennent le trouble ; des plus utiles pour soigner (morphine, codéine, thébaïne, papavérine, narcotine, etc., parmi la vingtaine d’alcaloïdes qu’elle contient) elle recèle aussi l’innocence gourmande de ses petites graines noires sur les gâteaux au mák si communs en Europe Centrale... Malheureusement, la dernière fois, en Tchéquie, pas moyen de m’arrêter pour une photo (cette année 2023, Vaclav, ami fb de Tchéquie, a incidemment posté des photos d’un champ de pavots de Bohême. Comment m’empêcher d’une réaction pavlovienne avec  un article sur « papaver somniferum » ? d’’une réflexion aussi sur la relative de l’emprise du temps puisque chacun emporte ses sensations les plus marquées jusqu’au bout du chemin ? Mais restons-en à cette chanson qui balance et emporte, ça n’a l’air de rien comme ça mais loin de sa plage (plus précisément de celle des Cabanes où il a campé sauvage les deux dernières années possibles), depuis son HLM à Givors, à l’âge de vingt-cinq ans, ça tangue et ça roule au lit, vous pouvez croire, entre les lectures sur le Triangle d’Or, les aventures risquées des circumnavigateurs, les risques par procuration sauf, à être couché, pour le plaisir de l’amour... Ah la jeunesse... on n’en réalise le privilège que lorsqu’il a fini de nous filer entre les doigts...  

Fregate-Antoine_Roux (1765-1835)source Jean Meissonnier Voiliers de l'époque romantique p65 Wikimedia Commons Domaine Public

Le lendemain, à l’école, en partage, du temps où la récitation menait à la poésie, manière de couper court à une réalité affligeante que l'instit se gardait pour lui, « La Sérieuse » d’Alfred de Vigny (1797-1863) nous sortait du port :

« Qu’elle était belle ma frégate
Lorsqu’elle voguait dans le vent !... » 

samedi 10 juin 2023

SÈTE 1. D'ici et là-bas...

D'ICI. La Montagne de Sète.

Depuis sa plage de Pissevaches, il les devine seulement, patchwork en ville, piquées dans la verdure et les raides accès du Saint-Clair, les tuiles rondes, ces autres " toits tranquilles " où reposent au moins deux noms célèbres, Valéry et Brassens. Finalement, Brassens a poussé la modestie à ne pas demander un " cimetière plus marin que le sien ", et la supplique pour la plage de la Corniche n’a valu que pour une chanson... d’autant plus belle, entre nous, pour ne pas en dire plus sur sept minutes magnifiques à donner des frissons... un format hors normes que seuls peuvent se permettre les destins exceptionnels... Et quand l’harmonie des lieux s’en mêle, avec, à jamais, entre Valéry et Brassens, la route de la Corniche, plus en lien magnifié qu’en opposition, contour de la Montagne de Sète...

En demandant pardon à " l’humble troubadour " et au " bon maître " pour cette libre interprétation, nous terminerons, avec le lido qui rejoint Agde : côté mer, la nationale rétrogradée et le trait de côte, la plage rongée par les vagues ; côté étang, les vignes du sable, la voie ferrée et plus au sud, sûrement les campings des vacanciers.

LÀ-BAS. En bas de sa montagne.

Puisque nous avons fait le tour de l’Étang de Thau dans le sens des aiguilles de la pendule, abordons Sète, « Venise du Languedoc », depuis Frontignan, par le port, le réseau de canaux, les gros bateaux dont les mâts et cheminées dépassent le toit des maisons pourtant à étages de la ville nouvelle. 

Escale_à_Sète 2016 wagon-foudre Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Christian Ferrer

D’abord considérons la patchaque, l’embrouillamini accolé à son nom. Si les grecs la nommaient déjà  « τό Σίτιον όρος », la Montagne de la ville, les Romains « Setius mons » sinon l’occitan « Seto » bien que paronyme,  il a bien fallu toute une cordée d’hurluberlus sur presque deux millénaires pour qu’ après Ceta, Cetia, Cette, et un rapprochement avec le latin cetus, la baleine, et des marins croyant pouvoir assimiler le Mont saint-Clair à la tête renflée du cétacé sinon un cachalot (plutôt que la queue, je suppute), et encore Sette, Sète ne reprenne, en 1928, le nom officiel mais éphémère de 1793.  

Créé à l’origine en liaison avec le Canal du Midi pour exporter les produits de la région, le port était tout indiqué pour faciliter les importations, une fonction qui, à terme, va pleinement associer Frontignan. Formant certainement le seul site favorable à un établissement d’importance après Marseille, sa création sur le Golfe du Lion compta beaucoup pour Louis XIV désireux avant toute chose de se défendre encore contre l’Anglais (voir plus loin).

Dès 1839, une des premières voies ferrées arrive de Montpellier, en 1853 de Toulouse, et en 1857 le lien est fait avec Bordeaux et l’Atlantique, doublement si on considère la mise en service du Canal latéral à la Garonne (1856). Aujourd’hui plus que jamais la desserte du port (rail, route, autoroute, canaux) est un atout premier pour sa santé économique ; les investissements se poursuivent ; l’aménagement continue en gagnant sur la mer, en direction de Frontignan. D’abord le débouché du Canal du Rhône à Sète vers la mer (1988), ensuite une longue digue parallèle à la côte protégeant un vaste plan d’eau (2002) ; la Région gestionnaire compte atteindre 5,8 millions de tonnes à l’horizon 2025.

Le port a été le plus important au monde aux XIXe et XXe siècles pour le commerce du vin, ce qui n’est pas allé sans tiraillements, avec les tonneliers d’abord, dès que le transport en futailles a été remplacé par le transport en cuves, avec les viticulteurs ensuite, à cause de la concurrence déséquilibrée due aux importations de vins d’Algérie, d’Italie et d’allez donc savoir où encore (voir le naufrage à Frontignan du pinardier « Roger-Juliette » qui venait de Gênes)...

Toujours les coups en douce de gros négociants, copains comme cochons, qui plus est, avec les politiques au pouvoir de quelque bord que ce soit. Jean Huillet (né en 1944) de Valros, un des meneurs d’un Comité d’Action Viticole dans les années 80, n’a jamais nié avoir participé à l’abordage, dans le port de Sète, du pinardier Ampelos qui proposait un faux rosato, un mélange interdit de blanc et de rosé... allez donc le retrouver celui-là, qui a dû changer de nom et d’armateur pas net plus d’une fois... En 2013, les douanes allemandes ont alerté  leurs homologues françaises pour, dans le port de Sète, des citernes de vin bulgare artificiellement reconstitué à l’aide de glycérine de synthèse... 

Escale à Sète 2016 Marité_(ship,_1923)_and_other_ships the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Christian Ferrer



Escale_à_Sète 2022 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Broenberr

Sète pour les voyageurs, premier port à destination du Maroc depuis son terminal des ferrys. Sète, escale pour les croisiéristes. Sète pour « Escale à Sète », l’événement qui tous les deux ans voit un formidable rassemblement international de voiliers. Afin de les voir arriver de loin, parader toutes voiles dehors, les gens gagnent les hauteurs du Mont Saint-Clair pour des photos belles comme des tableaux. 

mercredi 7 juin 2023

FRONTIGNAN (3), Achille Munier, le Thalamus.

" Qui cherche trouve "dit le dicton, pas toujours ce qui nous importait mais plus sûrement, ce qu'on ne cherchait pas...

La région proche m’arrête plus que prévu et va peser lourd alors que le Sud provençal jusqu’à l’Italie se fera plus léger au fur et à mesure de l’éloignement...      

« Notes sur Frontignan pour servir à son Histoire », Achille Munier 1874, deuxième édition, Montpellier C. Coulet Libraire-Éditeur, Paris E. Dentu Libraire-Éditeur, 376 pages. 

Villeneuve-lès-Maguelone_projet_de_canal_des_étangs_1742_-_Archives_départementales_de_l’Hérault domaine Public wikimedia commons

Pour avoir seulement picoré :

* page 172. D’après Pline l’Ancien (23-79 suite à l’éruption du Vésuve), les riverains de « l’Étang de Lates » (peut-être le Méjean actuel) se faisaient aider par les dauphins pour pêcher les bancs de mulets. Achille Munier en déduit donc que cette association devait se faire dans les autres étangs. Par contre, il constate qu’à son époque il y a longtemps que les dauphins n’approchent plus, les hommes étant trop intéressés par leur graisse.

En plus des explications historiques, l’ouvrage raconte bien des détails sur la pêche, la chasse, dont le procès contre les gens de l’évêque de Maguelone qui barrent les graus au moment du frai avec un filet prohibé nommé « brugine ». 

Grandes_compagnies_miniature_XIIIe_BNF domaine public wikimedia commons

* page 225. Un exemple des rudes temps (vers 1350, époque de Du Guesclin) d’insécurité avec la venue et la prise de Frontignan, à l’enceinte non close du côté étang, par Seguin de Badefol, anglais ou gascon selon les dires. Ce routier descend d’Auvergne avec 3000 soudards qui brûlent, pillent et ravagent. Après Aniane, Gignac, Villeveyrac, Pomerols, Florensac, c’est le tour de Frontignan.

Le Thalamus, de Montpellier, archive manuscrite sur trois siècles, jusque vers 1600, en témoigne « dans la langue de nos pères »... Surprise, c’est bien écrit en occitan ! (tous ceux qui se disent « fiers » du patois parlé par le papé ou la tantine, plutôt que de persister à ressasser « patois » « patois » sans réaliser que le mot a été imposé par l’envahisseur pour mieux soumettre, sont priés de dire désormais « occitan » ou « languedocien » concernant notre langue historiquement première... il n’y a pas de tradition qui tienne... ce n’est pas parce que mon père et mon grand-père acceptaient Pétain que je dois manifester une quelconque indulgence à l’égard de ce maréchal qui faisait le salut fasciste... Putain va !).

Donc, « En lan... de nostre senhor... MCCCLXI... en lou mes dabril... matin a la poncha del jorn a XII dabril, et intret ame sas companhas... per l’estanh... aqui non avia gis de mur... » Les assaillants perdirent deux-cents des leurs, les défenseurs trente. Mais les bandits restèrent sept semaines à piller, violer et incendier. Quand les troupes alliées au lieutenant du roi se mirent en branle, les bandits partirent au Vigan pour revenir en mai enlever plusieurs personnes. Absent pour défendre la ville, le capitaine-châtelain fut destitué par lettres patentes.

Arrêtons de picorer même si cette provende reste des plus intéressantes, entre autres, sur la naissance de la ville de Sète, quitte à revenir sur nos questions de territoire déjà évoquées !