jeudi 31 mai 2018

LA GOULOTTE AUDOISE / vers Quillan et les "voies du Seigneur"...

Le_défilé_de_Pierre-Lys,_entre_Quillan_et_Axat Author Gilles Guillamot
 Nous avons laissé l’Aude, arrêtée par les Corbières, forçant un passage possible seulement grâce au travail des eaux sur des millions d’années. Suivons-le, l’Atax des Romains, tranchant dans la masse, avant qu’il ne puisse enfin virer à quatre-vingt-dix degrés, passé Carcassonne, plein Est, vers le Golfe. 

Après Belvianes où naquit Gaston Bonheur[1] (1913-1980) tenant son pseudo de son grand-père Bonhoure, le fleuve seul peut passer.

« … Je suis fils d’instituteur et d’institutrice. Si je ne parle que d’elle, c’est que mon père avait été tué dès le premier mois de la Grande Guerre et que je ne l’ai connu qu’en photo, très beau, très jeune, avec des boucles noires sur le front, un regard d’au-delà, et de petites moustaches démodées… » « Qui a cassé le vase de Soissons I » Gaston Bonheur.

Les hommes ne sont venus à bout de ce défilé de la Pierre-Lys qu’en 1821 (la Muraille du Diable les en avait-elle jusqu’alors dissuadés ?) suite à un premier coup de pioche quarante ans auparavant pour le « Trou du curé » à l’initiative de Félix Armand (1742-1823), un abbé particulièrement tenace qui a voulu se consacrer aux pauvres montagnards reclus derrière les barres rocheuses ! Louis Cardaillac (1933-2015), natif de Quillan, spécialiste de l’Espagne, de l’Islam, des Morisques, de l’Inquisition, a écrit sur le curé lié à Saint-Martin-Lys durant 49 ans ![2]  
Trou du Curé Gorges_de_Pierre-Lys,_Aude entre 1859 et 1910 Author Bibliothèque de Toulouse

Si le fait de se pencher sur le passé amène obligatoirement à rencontrer les curés, porteurs d’éducation, bergers des ouailles, vigilants à mener le troupeau sur le bon chemin, gardiens, à leur corps défendant de l’ordre inégalitaire de la société d’Ancien Régime (les premiers devant rester les premiers ici-bas…), tous ne sont pas comme Félix Armand, si proche de ses gens, pétri d’altruisme.
L’occurrence d’ecclésiastiques remarquables, encore dans un passé récent, va nous donner à croiser des hommes de culture comme l’abbé Melliès dont les notes furent à l’origine du Lutrin de Ladern par Achille Mir (1822-1901), auteur avant Alphonse Daudet (1840-1897) d’un sermon du curé de Cucugnan, les abbés Ginieis (Montady), Sigal (Narbonne), le chanoine Giry à Nissan, Pierre Cabirol à Montlaur, mais aussi des mythomanes, notamment dans ce coin des Corbières où nous situons la goulotte audoise, comme Boudet, prêtre à Rennes-les-Bains, de drôles de pèlerins tel Bérenger Saunière (1852-1917), celui qui, à Rennes-le-Château[3], aurait laissé croire au magot et à l’ésotérisme pour camoufler ses magouilles. Doit-on lier à cette affaire très embrouillée, le meurtre sinon l’assassinat, à Coustaussa, un village voisin, de l’abbé Gélis ? Longtemps hors du cadre du fait divers, comme réservé à des initiés, ce cône d’ombre aux prolongements aussi hermétiques qu’ésotériques aurait même intéressé les nazis ainsi qu'un futur pape, d'après une info détournée… Un sujet qui appartient intégralement aux Corbières…   

 Pour des raisons bassement matérielles impliquant Saunière, de nobles missions historiques notamment à Narbonne et autour de Nissan, ou encore, non loin de nous, pour une proximité plus profane mais populaire, s’agissant du curé de Salles, Claude Deffuant, les curés marquent bien les domaines de l’éducation et de la culture, une influence qui ne sera contrebalancée, en faveur des classes populaires jusque là soumises à une minorité, que par l’instituteur de la République laïque, le hussard noir. Avec Gaston Bonheur, cette descente de l’Aude commence avec un fils d’instituteur et continue avec ces autres cadres campagnards que furent les curés de villages. L’institutrice aussi représente un symbole fort de féminisme dans une société qui persiste à les déconsidérer, à en faire des personnes mineures toujours dépendantes du mari. A Quillan, un aspect traditionnel de la vie est de ce point de vue, pour le moins inattendu…  

 Abbé Deffuant / capture d'écran / Merci le site httpdocplayer.fr24744066-Histoire-de-l-eglise-de-salles-d-aude.html


[1] Ecolier à Barbaira, lycéen à Carcassonne… viticulteur à Floure toujours au fil de l’Aude… 
[2] « Félix Armand et son temps » Un siècle d’histoire dans les Pyrénées audoises (1740-1840) 2011.
[3] Une touriste a été condamnée pour avoir décapité la statue de Belzébuth soutenant le bénitier de l’entrée (restauré en décembre 2017).

lundi 28 mai 2018

L’AFD et MAYOTTE… encore une preuve d’amour de la France !


L’AFD, Agence Française de Développement vient de distribuer ses aides avant tout aux pays en voie de développement. En 2017, néanmoins, une part est allée aux DROM-COM (Départements en même temps que Régions d’une part, Collectivités d’autre part, Collectivité sui generis pour la Nouvelle-Calédonie (quand on ne sait plus quelle appellation inventer !)

En 2017 :
* 940 €/hab en Martinique,
* 855 €/hab en Nouvelle-Calédonie,
* 758 €/hab en Guadeloupe,
* 482 €/hab à la Réunion,
* 354 €/hab en Guyane,
* 332 €/hab à Saint-Pierre-et-Miquelon,
* 226 €/hab à Mayotte,
* 214 €/hab en Polynésie Française,
* 0 €/hab à Wallis-et-Futuna.

Cette AFD serait plutôt une agence française de la « D »isparité, de la « D »isproportion, pour le moins d’un manque de convenance faisant de la France Outre-Mer, un ensemble presque catalogué comme devant être moins « D »oté parmi les pays étrangers en voie de « D »éveloppement. 
De fait, quand, en 2015, 2,518 milliards d’€ étaient « D »estinés aux Français, 6,782 milliards d’€ étaient « D »onnés aux étrangers. 

« Avec 1,6 milliard d’euros en 2017, les Outre-mer, pont entre la France et le monde, sont à nouveau au cœur de la stratégie de l'AFD… » Suit un blabla aussi amphigourique qu’hypocrite sur le développement durable, véritable serpent de mer tant qu’il végète dans des effets seulement d’annonce !
* « A nouveau à cœur », avec 1,6 milliards sur les 10,8 distribués, soit 15, 38 % ?
* « A nouveau à cœur », quand, en 2016, la même somme était donnée sur les 9,4 distribués, soit 17, 02 % ?
* « A nouveau à cœur », avec, en 2015, 1,518 milliards pour l’Outre-mer sur les 6,782 distribués, soit 22,38 % ?   
Toujours plus loin des yeux... Donc le blabla relève du mensonge, de la démagogie. Des effets « de manche », « d’estrade » ou « de tribune » comme on l’entend regretter par le pouvoir ne supportant pas la contradiction de la petite marge osant s'opposer… Ce pouvoir glorifiant le courageux Malien sauvant un bébé mais ignorant l'autochtone resté handicapé pour avoir voulu défendre un couple contre la racaille ! 

L’AFD 2016. Une plaquette de 47 pages dont 4 seulement pour les Outre-mer (Nlle-Calédonie, Martinique). Extraits choisis et commentaires : 

" L’AFD met en œuvre un plan d’action sur les migrations internationales. Objectifs : soutenir les apports  positifs des migrations  pour le développement..." (parce que les contraintes négatives ne doivent pas exister…)

* « La Jordanie est un laboratoire pour les enjeux démographiques et de changements climatiques ». Plutôt l’eau en Jordanie, car à Mayotte, également musulmane, c’est Dieu qui y pourvoira et on voit, comment, en 2016, alors que la retenue de l’Ourovéni est depuis longtemps programmée, comment la population fut mise à l’épreuve avec, en prime, une différence de traitement entre ceux qui subirent de plein fouet (le Sud) et ceux qui n’eurent pas de coupures au robinet ! 

* Plutôt les bananes du Pérou, « On continue en effet à détruire la forêt pour gagner des surfaces cultivables : plus de 60 % des émissions de gaz à effet de serre sont dues à ce changement d’usage des sols… »
A Mayotte alors que ce problème a des conséquences désastreuses sur une surface aussi réduite que contrainte, le problème ne semble pas obnubiler outre mesure la haute fonction administrative de l’AFD ! « Sierras » et « selva » oui… « malavouni » connaissent pas ! 

* Une clinique juridique à Abidjan, « éviter la prison aux mineurs »
Ah, enfin quelque chose qu’ils font en ne faisant rien à Mayotte ! 

* ENFIN au milieu de la plaquette, « DEPUIS LONGTEMPS, NOUMÉA ET SON AGGLOMÉRATION  SONT CONGESTIONNÉES PAR LA CIRCULATION. POUR OFFRIR  UNE ALTERNATIVE EFFICACE À LA VOITURE, UN PROJET DE BUS  À HAUT NIVEAU DE SERVICE (BHNS) A ÉTÉ LANCÉ : NÉOBUS.  IL RÉPOND AUX ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX AINSI  QU’AUX BESOINS DE MIXITÉ SOCIALE ET D’ÉQUILIBRE ENTRE  LES TERRITOIRES. UNE APPROCHE AMBITIEUSE ET NOUVELLE QUI EST AU CŒUR DU MANDAT DE L’AFD EN NOUVELLE-CALÉDONIE. » Mise en fonction 2019…
Remplacez « Nouméa » par « Mamoudzou » mais demandez à l’AFD quelle « approche ambitieuse » elle réserve à Mayotte et si ce sera pour 2025 ou 2037 !
La Nouvelle-Calédonie se détache de la France qui s’accroche avec ses euros « …La France ne serait pas la même sans la Nouvelle-Calédonie… » E. Macron, 5 mai 2018…
Mayotte s’accroche à la France qui se détache avec ses euros mais nous laisse sa solidarité avec les Comores ! Vous pouvez bloquer l’île tant que vous pourrez !

* Ce panorama repart vite en Afrique  « L’Afrique subsaharienne représente 16 % de la population mondiale mais seulement 2 % des dépenses mondiales de santé… »
Mayotte représente 0,3 % de la population française et ne reçoit que 0,2 % des dépenses de la France, encore faudrait-il compter la moitié de ce financement dans l’aide aux étrangers invisibles, non recensés ! 

* Le comble ! S’il est un pays particulièrement fermé, sans jamais un reportage, une envie de voyage, de séjour, c’est bien l’Algérie ! Nous n’avons rien à partager même s’ils nous prennent de force par le poids de l’immigration. Mais pour l’AFD, c’est presque une lune de miel consentie par Laurence Tubiana, présidente du Conseil d’Administration de l’AFD pourtant issue « d’une famille juive algérienne (pieds-noirs)… » et arrivée en France à onze ans (c’est Wikipedia qui le dit)… 

«…faire communauté entre les deux rives de la Méditerranée, afin de favoriser l’émergence d’acteurs, et d’encourager le dialogue interculturel et la citoyenneté. On est en plein dans les objectifs de développement durable ! »

On est en plein dans la chienlit oui ! Allez donc voir à quoi ressemble le dialogue interculturel et la citoyenneté dans l’ancien quartier de la gare à Béziers ou, plus méditerranéennement encore, à Marseille !

* Plutôt Bali et la pêche durable…
… que les eaux même côtières de Mayotte livrées aux pillages des flottes notamment européennes… des pratiques très colonialistes !

* Oui à Zagtouli au sud de Ouagadougou pour le solaire photovoltaïque ou au Guatemala pour le kit « Kingo » afin d’apporter la lumière à ceux qui s’éclairaient à la bougie ou au kérosène.
Rien pour les nantis de Mayotte toujours avec leurs centrales à fioul, écologiquement remarquables ! Quand je pense que l’île d’El Hierro (Canaries, Espagne, Europe…) est quasiment autonome grâce aux énergies renouvelables ! 

* Ah ! second point en France ultramarine, la Martinique et ses seniors pour tenir compte d’une population qui vieillit… pour vite embrayer sur la dengue et la leptospirose en Asie du Sud-Est !

* Quand l’AFD promeut «  l’intelligence collective ».

« À L’AFD, NOUS EN SOMMES CONVAINCUS : L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT PEUT ÊTRE LE SOCLE D’UNE SOCIÉTÉ PLUS SÛRE, PLUS JUSTE ET PLUS DURABLE.  AUJOURD’HUI, CETTE CONVICTION A BESOIN D’ÊTRE MIEUX PARTAGÉE… AUPRÈS DES FRANÇAIS D’ABORD, QUI PERÇOIVENT PARFOIS MAL LA FINALITÉ DE L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT… »
Pourquoi la percevraient-ils mal s’ils étaient les premiers bénéficiaires de ce développement ? C’est un véritable calvaire de lire cette somme d’enthousiasmes pour les autres quand soi-même on est complètement oublié ! Comment des enfants délaissés ne seraient pas aigris en voyant que la mère patrie fait tant pour les autres ? Et pour quel résultat lorsqu’on constate par exemple que Madagascar se livre aux pillards chinois en exprimant bien qu’ils ne veulent plus suivre la France ! 

* « L’AFD est la banque française de développement. Publique  et solidaire, elle s’engage sur des projets qui améliorent  concrètement le quotidien des populations, dans les pays en développement, émergents et l’Outre-mer.

Intervenant dans de nombreux secteurs - énergie, santé,  biodiversité, eau, numérique, formation -, l’AFD accompagne la transition vers un monde plus sûr, plus juste et plus durable, un monde en commun. Son action s’inscrit pleinement dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD).

Présente dans 108 pays via un réseau de 85 agences, l’AFD  finance, suit et accompagne aujourd’hui plus de 2 500 projets de développement.
Intervenant dans de nombreux secteurs - énergie, santé,  biodiversité, eau, numérique, formation -, l’AFD accompagne la transition vers un monde plus sûr, plus juste et plus durable, un monde en commun. Son action s’inscrit pleinement dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD).

Présente dans 108 pays via un réseau de 85 agences, l’AFD  finance, suit et accompagne aujourd’hui plus de 2 500 projets de développement. »

Ah oui, l’Outre-Mer ? 4 pages sur 47 de ce « Panorama » ! Joli tour d’horizon, en effet, pour ceux qui ne voient rien venir ! N’en jetez plus, tout est dit !  L’AFD à Mayotte, ce serait plutôt une Allocation de Fin de Droits… Sans aller plus loin dans les chiffres de 2015 néanmoins disponibles, relevons l’excellente analyse de l’AFD concernant Mayotte bénéficiaire de 38 millions cette année là, remarquablement passée à 58 en 2017 ! Un exploit d’après l’AFD qui a le chic pour retourner les faits à son avantage ! C’est mieux de le dire ainsi qu’en relevant que si Mayotte avait perçu en 2015, 6,37 fois moins que la Martinique (la mieux lotie des DROM-COM & CO sui generis), en 2017, ce grand écart n’était plus que multiplié par 4,15 ! 

Comment s’étonner alors du sentiment toujours croissant d’euroscepticisme bien marqué désormais en Italie, après la Hongrie, l’Autriche, la Slovaquie, la République Tchèque, la Pologne, puisque la représentativité constitutionnelle ne correspond plus qu’à une forme de démocratie confisquée ? 

samedi 26 mai 2018

QUELLES LIMITES POUR LES CORBIÈRES ? (fin) / Aude, Languedoc, Occitanie.

(Une carte des Corbières est proposée en première partie). 
 
Passée Carcassonne, suivant sa pente, l’Aude décrit un coude à quatre-vingt-dix degrés vers la Méditerranée (à suivre : « Poussée des infidèles dans la gouttière audoise). Le fleuve peut enfin contourner l’ultime bastion, la montagne d’Alaric (603 m.), aurait-il encore à composer avec un rapprochement aux portes du Minervois (entre Lézignan et Escales, 200 m.), puis les collines de Montredon (168 m.), de Moussan (130 m.) et finalement la Montagne de la Clape (214 m.), excroissance projetée des Corbières, responsable de la formation de son ancien delta...   
Aude Fontfroide Author Henri Sivonen

A l’Est, depuis Narbonne, les reliefs moins marqués des Corbières (massif de Fontfroide 293 m.) dominent une plaine littorale basse occupée par les étangs : de Bages & de Sigean, de Lapalme. Les voies de communication attestent d’un passage de plus en plus étroit au niveau de l’Étang de Leucate ou de Salses[1], en direction de Perpignan. Ici, même le rail qui jusque là a pu gagner au plus court à travers les lagunes, pour desservir Port-la-Nouvelle, rejoint la nationale et l’autoroute avant que le verrou du Pas de Salses n’ouvre le Roussillon.   

Aude Fitou Author BlueBreezeWiki

Aude Gorges_de_Galamus_2005-08-05 Source taken by the user
Au Sud, la longue échine calcaire d'un synclinal, souvent proche des mille mètres d'altitude prolonge la Forêt des Fanges avant de rejoindre les Corbières Maritimes, après une course vers l'Est sur plus de vingt kilomètres.

Après avoir évoqué les limites de ce quadrilatère étonnant pour son originalité multiforme, unifié dans une grande diversité physique, climatique, botanique, historique, humaine et économique, et si déjà une retenue certaine a empêché de trop en dire, peut-être par décence, par respect, pour l’enchantement que nous avons la chance et le loisir de ressentir, il est temps de s’enquérir des éclats offerts ou des trésors que cachent ces contrées ouvrant sur des mythes, des légendes et avant tout sur un passé fondateur ! 

Les Corbières ? Un nom, pour commencer, qui ne peut que donner l’envie d’explorer parce que ces rencontres là tiennent de l’aventure et du merveilleux ! 

Photos autorisées Wikimedia commons.  



[1] Deux noms pour un même étang… bisbilles et chipotages de famille en souvenir d’une frontière historique. 

QUELLES LIMITES POUR LES CORBIÈRES ? / Aude, Languedoc, Occitanie.

Pardon mais la technique n'acceptant pas de passer l'introduction, j'essaie en coupant l'article en deux...

Un quadrilatère comme mis de côté par la géographie, seulement traversé par une pénétrante NE-SO : ce qui reste d'une nationale historique (RN 613 Montredon-Corbières / Couiza, 75 km). A peine 234 kilomètres de tour qui soulignent l'aspect trapu de ca pays perdu d'environ 2500 km2 de superficie. 
L'autre ligne, presque diagonale, qui irait de Carcassonne à Cucugnan, marque, d'Est en Ouest, la transition entre climats méditerranéen, océanique et montagnard en altitude. D'un côté des croupes pelées, la garrigue, les vignes, les moutons blancs, au-delà, les montagnes vertes, le maquis, les prés, des moutons noirs sinon des vaches ! (voir carte ci-dessous). 


Quillan Aude Author ken poland
Au départ d’Axat, en partant du coin qui voit le fleuve buter sur les Corbières et avant Quillan, l’Aude, coulant vers le Nord, taille de ses gorges remarquables les hauts reliefs de la Forêt des Fanges (700-1000 m.). Le fleuve doit se frayer un passage vers Carcassonne. Avant de creuser dans des terrains de même nature géologique sur ses deux rives (en gros à partir d'Alet-les-Bains), il tranche à droite dans les vieux calcaires et les schistes primaires caractéristiques du Massif de Mouthoumet. Concentrant la population, sa vallée (voir plus loin « La Goulotte audoise »), encore fringante d’un dynamisme industriel ancien, draine et contribue au maintien d’un arrière-pays moins favorisé comptant, rive gauche, le Quercorb et ce qui reste du Razès, jadis un vaste comté allant du Lauragais au Conflent. Rive droite, il ne reste rien de ce comté englobant le Peyrepertusès sinon Rennes-le-Château son ex-capitale. 

De Quillan à la confluence avec la Sals (Couiza), pour simplifier, le plateau de Rennes-le-Château, justement (entre 400 et 600 d’altitude), appuyé sur les Crêtes d’al Pouil (1037 m.), le secteur reste marqué par des histoires moyenâgeuses de fausse-monnaie, de Templiers, et, plus proche de nous, d’argent, avec le cas sulfureux de l’abbé Saunière. 

Aude Lauquet Author Tybo2

Ensuite, et cela concerne, grosso modo, le cours du Lauquet qui arrive à tracer vers le nord sans verser à droite vers l’Orbieu et sans encore rejoindre l’Aude à gauche, en amont de Limoux,  cet autre château d’eau des Corbières présente pour le moins une masse à plus de quatre cents mètres d’altitude culminant vers l'intérieur (Bouisse) au-delà des neuf-cents : un rude pays pourtant peuplé au fil de l’Histoire.
Au Nord, si les reliefs plus modestes et tassés semblent avoir assoupli les rigueurs du pays de Bouisse, paradoxalement, le dépeuplement a fait rayer de la carte une commune : le village de Molières-sur-Alberte, abandonné dans les années 60.   

Aude Ruines-_Prieuré_Saint-Pierre_d'Alaric Author Anthospace


Photos autorisées Wikimedia commons. 

lundi 21 mai 2018

MAYOTTE , WEGENER, NARBONNE, CHIQUITO… / Fleury d'Aude en Languedoc.

Un voyage de gravier glisse de la benne d’un camion. Petite appréhension avant le signal sonore de l’engin. C’est que depuis plus de dix jours la Terre tremble autour de Mayotte ; elle n'arrête pas de tressaillir. On l’entend qui gronde au loin, à une cinquantaine de kilomètres à l’Est, sous le Canal de Mozambique. Le sol frémit, la dalle ondoie souvent sous les pieds, la maison tangue par moments, souvent un léger aller-retour, un flux et reflux, souvent comme deux pas de paso, un en avant, un en arrière, mais quelques secousses ont chahuté les meubles, approchant le 6 de l’échelle de Richter. Les religieux pressent d’implorer le pardon… Deux fois nous avons fui la maison pour la regarder depuis le  jardin. Tant qu’on peut en rire… Un portrait sous-verre s’est cassé. Les soliflores ont quitté le haut de la bibliothèque… La fissure qui suit les joints d’un mur non-porteur était là presque de naissance. Ce n’est rien. 
Les spécialistes parlent d’essaims de séismes ou de séismes en essaims, je ne sais plus. Les autorités ajoutent, bien sûr, qu’il ne faut pas s’inquiéter... Donc les fautes, le côté brouillon du communiqué c'est qu'ils s'en foutent et non qu'ils ont peur. Sauf que c’est la première fois. « …L’essaim se donne et s’abandonne… » chantait Bourvil mais sans plus de précision… Madagascar n'en finit pas de s'éloigner de l'Afrique. Une première fois pourtant que la magnitude atteint 5,8 ou 5,9 ! Alors, quand les entrailles tiraillent, que notre vieille Terre encore jeune nous prend au collet, on se demande si elle va relâcher l'emprise ou si c’est l’empoignade, l’étreinte qui va triturer et nous briser, le big one qui, comme le terrorisme, nous laissera, bons Français que nous sommes, aussi bêtes qu’atterrés !  

Carte sismotectonique des Comores et de Mayotte source CCGM et Unesco 2001

Alors on joue à celui qui en sait plus. On ausculte les sites internet. A la télé, depuis Paris, le responsable « local » du BRGM analyse. Mon garçon évoque la tectonique des plaques. Le doigt en l’air, j’ajoute aussitôt « Alfred Wegener[1] », avec l’accent, ici teuton, de ce qui reste de mes « humanités » (entre nous, sur le moment, plutôt déshumanisantes), allemand première langue, latin-grec… J’ai aussitôt pensé au professeur qui avait partagé avec nous cette thèse nouvelle, fort discutée et pas encore admise de la dérive des continents. Coïncidence, alors que monsieur Sinsollier me revenait en mémoire il y a peu, c’est un autre professeur d’histoire qui se propose à mon souvenir, monsieur Rumeau. 
La rigueur, la raideur des principes, l’exigence de neutralité, le tabou de l’intime restaient chiches en prénoms qui ne nous arrivaient que par ricochet. Savoir que Maurice ou Étienne désignaient aussi nos profs de français de 4ème et 3ème faisait presque de nous des paparazzi. Époque rude où même entre jeunes, c’est à peine si les surnoms trahissaient un soupçon d’empathie… Pupu, La Buse, Tabanas, Sinsolle, désignaient certains de nos maîtres ; pardon mais ma mémoire a trop effacé d’une enfance, d’une adolescence subies, d’une longue péninsule plus qu’un cap à passer ! Et ce n’est qu’à présent, sur le tard, qu’il m’est donné d’approcher cette période sans le traumatisme d'alors. Maintenant que le verrou rebutant se débloque, il est possible, seulement, de relever le positif qui finalement a permis de survivre…  

Image "empruntée" à ebay...
     
Pour monsieur Rumeau, on disait « Chiquito ». Ah oui, il fumait des cigarillos ! Ceux-là mêmes dans une boite en fer, ovale, si pratique, une fois vide, pour ranger les crayons. Un cheval cabré, une tête au chapeau mexicain d’un joli rouge faisaient passer le jaune et le marron des vilaines bandes de fond… Temps criminel de la publicité pour le tabac de la Seita, soucieuse des rentrées d’impôts pour l’État ! Flagornerie maquillant un vecteur de mort en art de vivre !
La classe n’arrêtait pas de lâcher des « tchic… tchic… tchiq… » suintés comme autant de vesses. Chiquito enrageait au point de canarder de pages les ricaneurs les plus exposés, par rafales dédoublées, 2, 4, 8, 16, et plus, ce qui, la fois d’après, entre les punitions non rendues et doublées et les petits malins jurant leurs grands dieux qu’ils n’en avaient que la moitié à faire, provoquait un chahut terrible.  Cruauté sans fond des potaches sentant le faible et le sang !
Devant le collège aussi, il subissait les tchictchictchiqs. Mes cousins, une fois, qui pourtant n’avaient pas classe avec lui. Rumeau a jeté sa mobylette contre le premier platane venu et a envoyé une claque au grand à portée, lui qui n’avait rien fait, manière de faire pisser aux culottes le petit rigolard cachant sa culpabilité derrière ! 

On dit que quelques années plus tard, il aurait mis fin à ses jours. Les humains et plus encore les morveux sont capables de cruauté meurtrière… Qui aurait le cœur aujourd’hui, d’évoquer avec légèreté ces faits d’armes lamentables de blancs-becs ?  Pour être allé au bureau une fois avec ma liasse incomplète de feuilles, bien que poule mouillée et sur une autre planète, j’en suis aussi coupable. J’ai ma part de tchicstchics sur la conscience… Avec un rictus de remords, en plissant même les paupières, je me dis que Chiquito qui devait avoir un prénom, avait bien d’autres Alfred Wegener à partager avec nous… Nous n’en avons pas voulu. 

Mobylette de Motobécane Author Toi & Moi Wikimedia Commons.


P.S. : après celle de minuit, et celle de 11h hier dimanche 20 mai (pas la plus forte mais la plus longue), Mayotte vient de subir une nouvelle secousse (3h 45, 21 mai 2018),  avec des répliques et des tressaillements fréquents sur 45 minutes. 


[1] Alfred Wegener (1880-1930), astronome, climatologue, a trouvé la mort lors d’une expédition au Groenland. Son corps gelé a été retrouvé en mai 1931, six mois après son décès. Son compagnon d’infortune n’a jamais été retrouvé. En 1912, Wegener a émis sa théorie de la dérive des continents. Publiée en 1915, elle ne sera reconnue par la communauté scientifique que quarante ans après son décès.