Le_défilé_de_Pierre-Lys,_entre_Quillan_et_Axat Author Gilles Guillamot |
Après Belvianes où naquit Gaston Bonheur[1]
(1913-1980) tenant son pseudo de son grand-père Bonhoure, le fleuve seul peut
passer.
« … Je suis fils d’instituteur et
d’institutrice. Si je ne parle que d’elle, c’est que mon père avait été tué dès
le premier mois de la Grande Guerre et que je ne l’ai connu qu’en photo, très
beau, très jeune, avec des boucles noires sur le front, un regard d’au-delà, et
de petites moustaches démodées… » « Qui a cassé le vase de Soissons
I » Gaston Bonheur.
Les hommes ne sont venus à bout de ce défilé de la Pierre-Lys qu’en
1821 (la Muraille du Diable les en avait-elle jusqu’alors dissuadés ?) suite
à un premier coup de pioche quarante ans auparavant pour le « Trou du
curé » à l’initiative de Félix Armand (1742-1823), un abbé
particulièrement tenace qui a voulu se consacrer aux pauvres montagnards
reclus derrière les barres rocheuses ! Louis Cardaillac (1933-2015), natif de
Quillan, spécialiste de l’Espagne, de l’Islam, des Morisques, de l’Inquisition,
a écrit sur le curé lié à Saint-Martin-Lys durant 49 ans ![2]
Si le fait de se pencher sur le passé amène obligatoirement à
rencontrer les curés, porteurs d’éducation, bergers des ouailles, vigilants à
mener le troupeau sur le bon chemin, gardiens, à leur corps défendant de
l’ordre inégalitaire de la société d’Ancien Régime (les premiers devant rester
les premiers ici-bas…), tous ne sont pas comme Félix Armand, si proche de ses
gens, pétri d’altruisme.
L’occurrence d’ecclésiastiques remarquables, encore dans un
passé récent, va nous donner à croiser des hommes de culture comme l’abbé
Melliès dont les notes furent à l’origine du Lutrin de Ladern par Achille Mir (1822-1901),
auteur avant Alphonse Daudet (1840-1897) d’un sermon du curé de Cucugnan, les
abbés Ginieis (Montady), Sigal (Narbonne), le chanoine Giry à Nissan, Pierre
Cabirol à Montlaur, mais aussi des mythomanes, notamment dans ce coin des
Corbières où nous situons la goulotte audoise, comme Boudet, prêtre à Rennes-les-Bains,
de drôles de pèlerins tel Bérenger Saunière (1852-1917), celui qui, à
Rennes-le-Château[3],
aurait laissé croire au magot et à l’ésotérisme pour camoufler ses magouilles.
Doit-on lier à cette affaire très embrouillée, le meurtre sinon l’assassinat, à
Coustaussa, un village voisin, de l’abbé Gélis ? Longtemps hors du cadre
du fait divers, comme réservé à des initiés, ce cône d’ombre aux prolongements
aussi hermétiques qu’ésotériques aurait même intéressé les nazis ainsi qu'un futur
pape, d'après une info détournée… Un sujet qui appartient intégralement aux Corbières…
Pour des raisons bassement
matérielles impliquant Saunière, de nobles missions historiques notamment à
Narbonne et autour de Nissan, ou encore, non loin de nous, pour une proximité plus
profane mais populaire, s’agissant du curé de Salles, Claude Deffuant, les
curés marquent bien les domaines de l’éducation et de la culture, une influence
qui ne sera contrebalancée, en faveur des classes populaires jusque là soumises
à une minorité, que par l’instituteur de la République laïque, le hussard noir.
Avec Gaston Bonheur, cette descente de l’Aude commence avec un fils d’instituteur
et continue avec ces autres cadres campagnards que furent les curés de villages.
L’institutrice aussi représente un symbole fort de féminisme dans une société
qui persiste à les déconsidérer, à en faire des personnes mineures toujours dépendantes
du mari. A Quillan, un aspect traditionnel de la vie est de ce point de vue,
pour le moins inattendu…
Abbé Deffuant / capture d'écran / Merci le site httpdocplayer.fr24744066-Histoire-de-l-eglise-de-salles-d-aude.html
Abbé Deffuant / capture d'écran / Merci le site httpdocplayer.fr24744066-Histoire-de-l-eglise-de-salles-d-aude.html
[1]
Ecolier à Barbaira, lycéen à Carcassonne… viticulteur à Floure toujours au fil
de l’Aude…
[2]
« Félix Armand et son temps »
Un siècle d’histoire dans les Pyrénées audoises (1740-1840) 2011.
[3]
Une touriste a été condamnée pour avoir décapité la statue de Belzébuth
soutenant le bénitier de l’entrée (restauré en décembre 2017).