vendredi 24 juillet 2020

Une dernière pour LE CABANOT / Cabanons et petits gris de la plaine


Ah, pour Toumassou j'ai oublié qu'il lui arrivait de manger un cagarot cru, manière de faire l'intéressant et de dégoûter l'assistance. 

La mourgueto (cagaraouleto à Fleury sauf erreur), cuite dans un bouillon parfumé que des marchandes vendaient dans les rues en Provence ?

Si les cagaraoulettes semblent revenir, que deviennent les petits gris, avec l'utilisation abusive de produits dont les mollucides (des centaines de coquilles vues le long d'une vigne de la plaine !) ? 





J'ai affirmé aussi, un peu trop vite, que Paulette n'y était pas... à bicyclette et pourtant elle était bien présente, la Parisienne, brune telle la fleur du Sud qu'elle est restée... sauf l'accent. Encore mon père qui le dit, page 290 :

"... La "bana", c'est la corne (de bœuf ou d'un autre animal) et aussi la poignée (d'une comporte par exemple)... les cornes du mari trompé. Cela me rappelle une histoire de Toumassou, pendant les vendanges, un jour où, dans l'après-midi, Paulette était venue. 
Il lui dit : 
"Tu sais, Poulette, la différence entre une tartugue et un cagarot ? 
Nous traduisons... 
- Non. 
- Eh bé ; tous les deux portent soun oustal sur l'esquino ; mais le cagarot, il a des banes. Tu as compris ? 
- Ah ça non alors. 
- Eh bé, serco bo et coupo dé rasins... " (2)

(1) ramassage autorisé si la coquille est ourlée (adulte s'étant potentiellement reproduit).
(2) traduction disponible... sur demande. 






dimanche 19 juillet 2020

Histoires au CABANOT (fin) / Les cabanons de la plaine.


Encore Toumassou, agacé qu'à tout moment on porte des escargots à Ernestine qui les met dans une grande poche de son tablier de travail :
"S'en pas aïci per lous cagaraous !" (On n'est pas là pour les escargots !).




Lou CABANOT... je crois aussi avoir entendu dire "lou GRANJOT" et peut-être lors d'une lecture oubliée "lou MAZOT". Au-dessus nous avons la métairie avant le domaine appelé campagne, la bastido, la ferme ou lou bastidoun, la petite ferme chez Pagnol.

Quant à François Tolza, cet auteur d'autant plus attachant qu'on ne sait rien de lui (et que ses lignes sont magnifiques), dans la plaine de la Salanque, il parle du "CASOT" (1) où l'homme voudrait renouveler son rendez-vous galant :
"... Dedans cela sentait le fumier sec, le rat, la boite de sardines vide..."

http://www.cealex.org/pfe/diffusion/PFEWeb/pfe_002/PFE_002_024/files/pfe_002_024_w.pdf  
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2018/09/vendanges-davant-guerre-fleury-daude-en.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/07/la-revue-du-caire-adoracion-francois.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/11/raisin-vendanges-adoracion-francois.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/07/francois-tolza-adoracion-6-sur-la-piste.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/07/francois-tolza-adoracion-4-presser-les.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/07/francois-tolza-adoracion-3-compte-rendu.html



Du CABANOT au CASOT, du Languedoc au Pays Catalan en passant par la Provence, dans la plaine et les métairies il y a aussi l'Espagne des émigrés politiques voire économiques. Certains sont restés, ont fait souche, d'autres sont repartis à la mort du Caudillo et si, contrairement aux cabanots, les campagnes, pas toujours en tant que domaines viticoles, continuent d'être habitées, à la vue d'une bastide abandonnée, le destin des gens qui passent en même temps que nos vies ne peut que nous interpeler.
 
En partant des cabanons de la basse plaine de l'Aude, des canaux (jusqu'au Pô), des deltas (2), du Rhône à l'Ebre, décliner encore une fois un pan historique et culturel de notre Méditerranée Occidentale comme on déplierait un éventail depuis l'Italie jusqu'à la Catalogne a quelque chose de humble et de grand à la fois, ma sensation n'en serait que trop subjective...    

(1) roman ADORACION (1946). En catalan, la langue sœur. Voici ce qu'en dit l'auteur : "casot : petite construction, généralement sans étage, aun milieu des vignobles, où s'abritent bêtes et gens en cas de mauvais temps."
(2) voir articles antérieurs. 


vendredi 17 juillet 2020

Histoires au CABANOT... / Les cabanons de la plaine.


Paulette n'y était pas, les copains non plus, ceux du temps des bicyclettes et des pêches miraculeuses à Aude, quand les bancs de mulets remontaient la rivière. Étrange aussi cette absence de vie dans l'herbe. Pas un insecte ! Où est-il "le bouquet changeant de sauterelles, de papillons" chanté par Montand ?
Aujourd'hui à la radio, le thème était à une écologie gênée aux entournures dans les redites d'un premier ministre inédit. Eu égard au 1,5 % d'impact climatique nous restant imputable, si je n'en retiens que le pathétique gesticulatoire des ayatollahs d'une écologie épiphénoménale tant que la planète monde ne voudra pas s'y mettre, au moins que les produits dangereux soient interdits ! Que la vie nous revienne sur, sous la terre et dans les airs ! Que notre pays, pour un début, devienne une oasis ! Or le jour de la balade, rien, mis à part, dans un bosquet, le chant d'un oiseau solitaire marquant son territoire. Sinon, le silence. 



Comme un malaise, une gêne entre nous... Vous n'auriez pas une histoire sur les cabanons de la plaine manière de détendre l'atmosphère ? Je ne voudrais pas toujours raconter les mêmes... 

A l'heure du dîner, ils ont fait une flambée au cabanot.Toumassou décroche la poêle et la pose directement sur le trépied.
Son compère :
"Et tu ne la nettoies pas ?
- Per qué faïre ? (faut-il traduire ?)
- Avec tous les rats quand même...
- I jamaï qué dé rats !" (ce ne sont jamais que des rats !)

Encore Toumassou qui, serviable se propose pour cuire les œufs de son camarade. Il casse la coquille. L’œuf en glissade traverse, remonte l'autre bord, retombe et s'étale dans la cendre.
" Aïe, attends, avec celui-là ça va mieux aller ! Sauf que le deuxième, reprenant le même tremplin, atterrit à nouveau dans la cendre ! Et Toumassou qui prend déjà le troisième en main !
- Eh ! arrête, intervient le copain, que je ne vais plus rien avoir de la saqueto !" (1)
C'était juste que la poêle qui n'était pas de niveau.

(1) la saquette, une besace en bandoulière, parfois la gibecière, son contenu prenant le pas sur le contenant, "prendre la saquette" signifie emporter son repas pour le prendre à l'extérieur, en s'épargnant ainsi un trajet aller-retour. 







jeudi 16 juillet 2020

LOU CABANOT, un genre de cabanon... / Fleury-d'Aude en Languedoc

Suite à un post il y a peu décrétant que l'Italie avait été élue "plus beau pays du monde" lors d'une soirée de gala à Rome... (à Bujumbura ils ont élu le Burundi !.. je rigole...). Dans les commentaires, le qualificatif "fier", entre nous arrogant presque con (j'en ressens avant tout le sens péjoratif), n'a pas été repris... Toujours dans l'ouverture tolérante, Jean-Marc, catalan-calabrais, a conclu que le plus beau des pays est celui où l'on vit. Encore une parenthèse à l'attention des aptes à éructer une opinion aussi blindée que cassante... pour le leur dire positivement, avec ce que j'ai dit de l'Italie récemment ...

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2020/07/italia-mon-cinema-italien.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2020/07/italia-fin-mon-cinema-italien.html



Je rentrais juste d'une de ces balades bucoliques dans le delta apprivoisé et la lecture de ce post m'a donné à revoir la promenade sous cet angle.
Mon plaisir à parcourir ce territoire étant fondamentalement viscéral, ce n'est pas pour autant que j'ai à imposer ce sentiment aux autres. Me reste la liberté de faire partager ou, a minima, la liberté de me laisser aimer qui ou ce que j'ose aimer. 





Plus encore après l'épanouissement printanier, au tournant de l'été, prête à affronter les excès de l'été, entre les étendues colonisées par l'homme et le ruban de nature dont se pare le fleuve, la plaine est attachante, émouvante même. La verdure venue à maturité en est à se reproduire et à se préparer à subir le soleil brûlant, la sécheresse qui persiste. Les vignes, elles, l'encépagement aurait-il évolué, continuent de témoigner de presque deux siècles de travail, d'adaptation avec notamment ces marteilhières, ces vannes qui gardent l'eau des inondations.

Avant 1970, au pas du cheval, il fallait bien quarante-cinq minutes pour rejoindre les vignes dans la plaine depuis les villages prudemment juchés sur les coteaux voisins. Aussi, suivant la taille des pièces, du temps à passer et des finances du propriétaire, il était judicieux de construire un cabanot...
Oh je vous entend déjà à fredonner "... Un petit cabanon pas plus grand qu'un mouchoir de poche..." ! Oh que oui ! le cabanon du Marseillais typique ! Soleil, pin, cigale, romarin, Scotto, mer, calanque, pastis, grillade, thym, bouillabaisse, aïoli, boules, sieste, galéjades... Mais non, pas ici... Même si la Clape tombe presque dans la mer, cette ambiance là n'était que de l'été à la baraque, un abri de bois, de toile et de tôle qui se montait sur le sable du 14 juillet au 15 août.
Le cabanon de la plaine est pratiquement l'antithèse de celui de Marseille. Peut-être que de dire "cabanOT" exprime déjà l'atmosphère au travail. Un portail ouvre sur un espace plus dédié au cheval : au mur un râtelier, au sol de la paille. En face, une cheminée, à l'intérieur une poêle noire accrochée à un clou. Sur le foyer, un trépied. Non loin, deux ou trois bouffanelles (fagots de sarments).
Etait-ce seulement pour se protéger d'une ramade (une averse), d'un orage ? Ou pouvait-on y passer quelques jours ? Là-haut sur le palier, du foin ? d'autres fagots ? de quoi dormir ? 

Est-il beau ? Est-il le plus beau, mon pays de vignes quand il me plait de parcourir les chemins vicinaux contraints par la rivière ? Et surtout pas une fierté quelconque à opposer aux autres, seulement une palette complète de sensations profondes, une plénitude émouvante, coulant, tranquille, vers son destin, aussi fini qu'infini, à l'image du fleuve parti se fondre dans la mer.
 

vendredi 10 juillet 2020

PARTIR (11) / L'Alcantara pour l'Amérique du Sud, Canaries, Equateur...

Et pour le moment, rien, rien dans le sillage de l'Alcantara. La poésie d'Antonio Machado revient à l'infini telle l'onde marine qui s'étale en montant sur le sable : 

 "... Caminante, no hay camino,
sino estelas en la mar..."

Il faudrait recouper avec les différents courriers envoyés à posteriori. Fouiller l'ordi de ses pensées qui restent, les ordis à vrai dire puisque le plus vieux, à colonne persiste à tourner rond et à ronfler pour rafraîchir ses circonvolutions de cerveau artificiel. Mais rien. restent les kilos de lettres... Il faut fouiller, retourner... Pour voir... J'y vais !

Nous étions donc à Madère où, par le biais d'une lettre, on en apprend davantage sur les barques venant au paquebot avec des enfants qui plongent pour une pièce ou des vendeurs de souvenirs.
A son ami Jan du coteau rive gauche de la Vltava dans Prague :   

"... Les barques venaient caracoler autour du navire, chargées de souvenirs de l'île : fauteuils spéciaux en osier, petits fûts à madère, canaris dans leurs cages, foulards aux vives couleurs. Quand un client appelait, on lui lançait une corde et il tirait lui-même l'objet convoité. S'il le prenait il mettait l'argent dans un panier suspendu à la corde.
Enfin le 5 juin, ce fut notre dernière escale, Las Palmas de Gran Canaria. Là nous avons visité la ville...  

Las Palmas de Gran Canaria Panoràmica de la ciudad y su playa de Las Canteras wikimedia commons Author Tito Pullo

Tenerife et le Teide, son volcan depuis la Gomera wikimedia commons Author Zenihar

A partir de là, un blanc. Auraient-ils remarqué le Teide, le stratovolcan de 3718 m, point culminant de l'île voisine de Ténérife, de l'Espagne et de tout l'Atlantique ? Une routine s'est elle établie ? La magie du départ s'est-elle estompée ? Rien sur l'archipel du Cap-Vert (Cabo Verde aujourd'hui) pourtant croisé par tribord au bout de deux jours (Ilha Santiagu, Pico de Antonia 1394 m). En  guise de pot-au-noir, le passage de la ligne, entre Afrique et Amérique, vers le cinquième jour, dont le compte-rendu, par contre, retrouvé sur une feuille tapée à la machine, est étoffé. Son titre indique "ALCANTARA 14"... Des trouvailles sont donc encore et toujours possibles...

Capo_Verde_Santiago_São_Jorge_dos_Órgãos_Bougainvillea 2011 wikimedia commons Author Cayambe

ALCANTARA 14. 
Aujourd'hui c'est sûr nous allons traverser l'Equateur. Les officiers du bord ont troqué leur uniforme bleu marine pour la tenue tropicale de couleur blanc crème y compris les chaussures et le couvre-chef. Ils ont toujours aussi fière prestance. le spectacle est surtout sur le pont principal, à la piscine. premier jeu : les deux protagonistes, bien entendu en maillot, se font face à cheval sur une longue poutre à fleur d'eau. Chacun est armé d'un lourd polochon ou traversin bien garni, dont une seule volte bien ajustée vous jette à l'eau n'importe quel poids lourd, sans parler des autres. L'assistance se presse autour de la piscine. Le commissaire de bord, promu arbitre officiel, s'approche avec son carnet et son crayon : les choses sont sérieuses. Chaque candidat a décliné son identité, donné le numéro de sa cabine. Tout est prêt, les deux joueurs assurent leur équilibre de leur mieux en attendant le signal du début de l'épreuve. Cinq, quatre, trois, deux, un, top ! C'est parti : déjà les deux polochons tourbillonnent. Et chacun d'éviter avec soin le coup fatal qui mettra fin au match. Les encouragements fusent de toutes parts pour le champion de son choix, qui retrouve tant bien que mal son assise après chaque coup de traversin. Celui d'en face donne vite des signes d'épuisement, ses muscles ne parviennent plus à communiquer à son engin une vitesse suffisante pour inquiéter l'adversaire. Et celui-ci, qui s'en est vite aperçu, en profite et d'un dernier coup désarçonne le faiblard, qui en quelques brasses se retrouve sur la berge. 
C'est alors le tour de deux "cavaliers" suivants. Les comptes sont bien tenus, un seul prétendant sera déclaré vainqueur de la joute. (à suivre).
François Dedieu (1922-2017).
 

vendredi 3 juillet 2020

ITALIA (fin) / Mon cinéma italien.


L'autre jour, pour mieux digérer ensuite et ne pas risquer le contrôle alcoolémique, j'ai pris le vélo pour aller à Narbonne, par les chemins vicinaux sans trop de voitures. La plaine de l'Aude aussi, au niveau du delta, est parcourue par des canaux, d'évacuation des crues, de dérivation, d'arrosage : partout des vannes de fer s'ouvrent et se ferment à l'eau. 



Au dessert, je ne sais plus à quel propos, Henri évoqua un film rustique et Alain prolongea en citant l'Arbre aux Sabots. Je n'ajoutai rien mais n'en pensai pas moins. Au retour, en pédalant, les tunnels de fraîcheur à l'ombre des frondaisons, les iris jaunes dans les fossés, les peupliers, les osiers et l'eau qui court me rappelèrent si fort la Plaine du Pô, le vertige d'une soixantaine d'années écoulées aussi.
En complément des sensations d'alors, dans la régularité d'allure que donne le profil plat, je me suis repassé mes films. Mieux pour l'ambiance que ne saurait le passer la technologie informatique, n'avais-je pas vu Rocco et ses Frères ou Riz Amer au cinéma du village ? 
Riso Amaro, Riz Amer, wikimedia commons, Auteur Giuseppe De Santis  Otello Martelli. Uploaded by User Pizzaebirra 2008 om Italian wikipedia.

Plutôt porté par les films d'action et seulement touché par le charme des actrices italiennes, je ne m'éveillai à une conscience sociale qu'avec les années télé, à la suite d'un père fervent de néoréalisme italien avec le Voleur de Bicyclette ou la Strada : l'émigration intérieure du Mezzogiorno vers le Nord industrieux, le chômage, le statut des saisonnières du riz, le beurre, le fromage qui profitent au riche propriétaire, celui-là même qui chasse l'ouvrier agricole coupable d'avoir taillé des sabots pour son garçon qui par miracle pourrait suivre l'école. 

Franco Fabrizi Wikipedia Author Gawain 78

Dans ces années soixante, le style des films s'est voulu moins triste, moins gris. Avec l'optimisme des années d'après-guerre, il passe à la comédie. Le cinéma Balayé (au village) nous a programmé les Don Camillo, Fernandel et Gino Cervi dans le rôle de Peppone, encore dans la vallée du Pô. Je vois aussi Alberto Sordi. Je pense à Franco Fabrizi de Cortemaggiore justement, de cette localité qui a donné le dragon à six pattes crachant la flamme de ce pétrole trouvé là, dans la plaine, entre Cremona et Piacenza, un acteur fringant et qui a tourné qui plus est, aux Cabanes-de-Fleury dans le Petit Baigneur, avec Louis de Funès. 

Benzina Supercortemaggiore wikimedia commons Author Sailko

J'ai dit tout le bien possible du tourisme de masse. Aujourd'hui Venise est aussi menacée par la montée des eaux, l'arrivée de nouveaux parasites, mais l'eau serait devenue claire, covid 19 aidant. Je peux dire aussi que l'Europe ne va vraiment pas fort, l'égoïsme, les manques de coordination, de solidarité contre ce même virus en attestent. Et que reste-t-il de ces productions cinématographiques coproduites ? Que partageons-nous des chansons à succès ? Il y a soixante ans, je crois encore entendre la lacrima sul viso de Bobby Solo, les 24000 baci de Celentano et Gigliola Cinquetti prix de l'Eurovision... nous nous sommes tant aimés...    




jeudi 2 juillet 2020

ITALIA ! / Mon cinéma italien !

Revenir par Vienne, la Styrie, la Carinthie, ensuite les Dolomites avec ce nom de col "Falzarego", faisant sourire, en français, phonétiquement, mais "mnémotechniquement" infaillible. Le lac de Garde puis Milan, Gênes, la Riviera et la Côte-d'Azur du temps où ça circulait même sans l'autoroute !

Venise Place Saint-Marc wikimedia commons Author Clément Bucco-Lechat

Une autre fois, le Frioul, Venise. La Sérénissime au début des années 60, c'est sans les foules d'aujourd'hui et cette mauvaise conscience d'envahisseur pollueur. Terrible la progression d'un mastodonte de croisière le long de la Giudecca, qui fait son tour, qui voudrait réduire la Place San Marco à une attraction de parc de loisirs ! Belle alors, Venise même à partager avec les cartes postales et la gondole qui s'éclaire sur le buffet de la salle à manger dans le souvenir éteint d'un voyage de noce.

Plaine du Pô Wikimedia Commons Roggia_Forcellina Auteur Neq00

Contre toute attente, l'Italie palpitante m'a jailli à la figure, plus loin, dans la platitude de la Pianura Padana, monocorde, en apparence seulement, par son décor, ses vastes étendues de maïs, l'alignement des peupliers, les saules des fonds humides, les vaches dans l'herbe grasse. Un paysage de plat pays, les Pays-Bas presque, ses canaux d'irrigation ou de drainage.
Une fausse quiétude, avec ces montagnes qui, sur trois côtés ferment l'horizon, ce ciel, de plomb, pas la grisaille pluvieuse des vents d'ouest, non, la fulgurance orageuse des confins continentaux. Et ces eaux toujours courantes dans les fossés, les canaux, les villages sur les buttes, les fermes massives, fermées, les digues dantesques. La vie qui s'en écarte le dit sans détour, les ponts sont peu nombreux, le Pô reste sauvage, impétueux. Les hommes doivent se protéger des inondations, se garder du fleuve, en tirer tout le profit possible mais rester hors de portée.

plaine du Pô Ciria_Vecchia_a_Olmeneta wikimedia commons Auteur Grasso83.

La fin d'après-midi ramène la chaleur cumulée en une lourde menace. Est-ce la raison qui les a fait sortir, les hommes car on les trouve partout au bord de l'eau ? De tous âges, des jeunes, des grands-pères, des enfants, tous, un roseau à la main, à taquiner le fretin. On sent alors la vie pas facile, les moyens limités, le petit profit naturel et apprécié de cette pêche familiale.
Moi j'ai l'âge de n'y voir que le plaisir des reprises du bouchon vers le fond avant de crever, à force, le front entre les fluides pour s'enfoncer vers le poisson. 
Plus loin, peut-être à Cremona sinon Piacenza, avec l'embouteillage du soir mêlant les Fiat, de la Topolino aux petits utilitaires et aux modèles plus selects ou encore la Giulietta d'Alfa Romeo, l'Italie du Nord décline sa reprise industrielle... (à suivre).