vendredi 29 septembre 2023

LE CAMARGUE (fin)

Rustique, maniable, capable de voltes soudaines, passant vite du trot au galop, le cheval de Camargue s’oriente de lui-même, ne s'engage que sûrement, sait comment aborder les sols qu’il parcourt, les dangers à éviter : le gardian lui fait confiance. En 1905, afin de prouver son endurance, le marquis de Baroncelli lança deux cavaliers jusqu’à Lyon et retour suite à un jour et demi de repos, soit 630 kilomètres au pas en 9 jours (à 7 km/h) dont une étape de plus de 11 heures de selle pour les 80 kilomètres parcourus entre Montélimar et Saint-Vallier. À l’aise dans l’eau, il nage pour traverser les roubines et même le fleuve. En bord de mer, les gardians et deux chevaux sauveteurs ont évacué des marins en danger depuis les navires drossés par la tempête. Officiellement, intégré tel un membre à part entière de la famille, il suivait l’enterrement de son maître, un crêpe noir à la selle. Le Camargue est un cheval de selle, d’attelage aussi, ce qui demandait moins d’aptitudes, l’apprenti étant généralement mené par un compagnon plus âgé, formé de longue date. Autonome, il démontre des qualités remarquables pour dégager les roues des bourbiers. Son rôle ne s’est pas limité au cadre de la manade en tant qu’acteur sinon bétail. Pour les armées, il a été cheval de guerre, de bât. Dans un registre apaisé, les commerçants allaient en jardinières, de village en village, les agriculteurs les regroupaient afin de dépiquer le blé (un piétinement de plusieurs dizaines de kilomètres journaliers pour chaque animal), les vignerons l'utilisaient [Joséphine Palazy, mon arrière grand-mère, utilisait un cheval léger pour aller à la ville (Béziers, Narbonne). Je ne sais pas si c’était un Camargue... Je les imagine sur la route blanche, poudre de riz... petit, je les imaginais en écoutant «... sur la route blanche, un petit âne trottinait...» Reda Caire 1939]. 

Camargue_Jument_et_son_poulain  2011 Creative Commons Attribution 2.0 Generic Author ell brown


Crin Blanc, le cheval à part d’un pays à part peut continuer à galoper dans son pays d’eaux, de terre et de ciel... Partageant la vedette d’un court métrage de 1953, Crin Blanc, le cheval rétif aux hommes, ne transigera sur son indépendance, son caractère sauvage, que par amitié pour Folco, un enfant qui lui ressemble... Folco, un prénom singulier pourtant déjà évoqué ici à propos du “ marquis ” de Baroncelli, un personnage inséparable de la Camargue, du monde des taureaux, chevaux et gardians. 

Sylvie-Vartan-Johnny-Hallyday 1965 Domaine Public Author  国際情報社


1963 “ D’où viens-tu Johnny ? ”... il vient de Paris notre Johnny appelé à devenir national, dans un scénario qui lui fait trouver refuge en Camargue, avec des gardians, des gitans... sur fond de taureaux et chevaux sauvages. 

MarioB141819184704_art Cinéma de jadis Photo sans but commercial autorisée

1970 “ Heureux qui comme Ulysse ”, encore un film [Ce film je l’ai vu au cinéma Balayé, à Fleury, au village... Sans que cela soit ronflant, reconnaissons que sans les moyens d’une ville comme Narbonne, déjà pourvue de nature, nos villages ne se retrouvaient pas dépourvus de culture...] avec Ulysse, le Camargue en vedette, servi par Antonin (Fernandel) : un vieil ouvrier chargé de mener un vieux cheval de 28 ans, réformé, à la mort, auprès d’un picador aux arènes. Désobéissant, Antonin va emmener Ulysse en Camargue. Une belle histoire célébrant la Provence, Arles, la Crau, le bac de Barcarin, la voix de Brassens chantant plus encore les sons “ an ”, trahissant ce qui lui restait de pur accent sétois, chantant la liberté, les vertes années, l’amitié : « ...Battus de soleil et de vent, perdus au milieu des étangs, on vivra bien contents, mon cheval, ma Camargue et moi... » (chanson du film, paroles Henri Colpi, musique Georges Delerue). Après 25 ans de bons et loyaux services, le cheval du gardian est rendu à une vie libre au milieu des siens... Au bout du bout, les chevaux exceptionnels, eux, hommage ultime, sont enterrés debout, avec tout leur harnachement de travail.

mardi 26 septembre 2023

Le CAMARGUE du GARDIAN.

Gardians 2016 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Amage9

« C’est le chant du gardian de Camargue, Belles filles attendez son retour... Gardez vos belles fermement... il vous sourira... vous prendra dans ses bras... votre cœur dira oui par mégarde... » ... et l’amant ira se faire voir ! Malgré la voix mielleuse de Tino Rossi, cette chanson en dit beaucoup des mœurs de l’époque, du machisme, du rang inférieur de la femme ravalée à un statut animal... un butin, une femelle bonne à prendre, à domestiquer ! La chanson figure dans le film « Le soleil a toujours raison », paroles de Jean Féline (1908-1945), musique de Loulou Gasté (1908-1995), elle date de 1943... emblématique donc de l’état français de putain et de ceux en vue dans la collaboration... Tino Rossi, Micheline Presle, et Brasseur, Delmont, Montero, et Blavette et Moulin... enfin, Amouroux l’a écrit : « Quarante millions de putainistes »... 

Camargue_horse 2007 Domaine public Author TwoWings

Il est vrai que le gardian illustre un mythe ; il est représenté à cheval, l’animal qui a si bien valorisé l’autre animal qu’est l’Homme. L’Histoire alimente le mythe, par exemple avec les Numides, les Huns, la Horde d’Or, les Cosaques ; ensuite, il suffit de faire référence au cow-boy de l’ouest “ américain ”, au gaucho de la pampa, au Berbère marocain pour son baroud lors de la fantasia (tbourida) sinon à l’éleveur mongol descendant des khans Gengis, Koubilai, Tamerlan génocidaire... pour en arriver au gardian, dans un registre heureusement apaisé... La curiosité pour les gardians de Camargue va de pair avec l’intérêt porté aux chevaux du delta. Que serait-il sans le cheval ? un simple bouvier armé d’un bâton... Que serait l’Homme sans le cheval ? Certainement pas ce qu’il est devenu...  

LE CAMARGUE.     

Ce petit cheval gris clair adapté à l’hiver, à l’été, au vent, aux insectes, à la poussière, aux sols mouvants. Il mesure entre 1.35 et 1.50 m. au garrot, pèse entre 300 et 500 kilos ; gris clair, sa robe qu’on croit blanche a de positif qu’elle attire moins les insectes (l’Homme a bien sûr favorisé cette disposition naturelle mais tous les essais de croisement pour un équidé plus grand, plus fort, ont échoué, les améliorateurs introduits ne résistant pas longtemps au milieu, aux conditions climatiques). Longtemps dépréciée, la race datant de de l’âge de pierre donc pourtant adaptée à son milieu depuis des millénaires n’a vu son standard protégé qu’en 1977.

S’il n’est pas dressé pour travailler, promener les touristes, participer aux fêtes locales, il vit en troupeau libre dans son milieu naturel, un étalon (lou grignoun), susceptible, agressif, menant son harem de femelles. Celles-ci mettent bas sans que l’Homme n’intervienne, le gardian devant alors seulement avoir un œil sur les primipares et aussi s’assurer que la naissance n’a pas pour cadre un endroit dangereux.  Ces juments sont plus nombreuses que les mâles, ces derniers étant prélevés pour le “ travail ”... Le sont-ils pour la viande ? les sources, peut-être par retenue, n’en disent rien... et je crois me souvenir qu’à l’orée des années 60, Arles était connue pour son saucisson d’âne (enfant, ça interpelle quand les mots de Francis Jammes nous touchent... “ J’aime l’âne si doux marchant le long des houx... ” avant que cela ne choque, plus tard). Les hardes côtoient les taureaux sans problème, le “ blanc ” et le noir des bêtes offrant au Monde l’image aussi esthétique qu’appréciée de la Camargue. Une cohabitation pacifique qui a ses limites puisque le cheval sait psychologiquement s’imposer au taureau pour l’écarter d’un coin de bonne herbe notamment. (à suivre)    

vendredi 22 septembre 2023

SUR LES GITANS

Les roulottes, campement de bohémiens 1888 Domaine public Auteur Vincent van Gogh

Jean Proal (1904-1969), écrivain des Alpes-de-Haute-Provence, auteur de romans et d’essais, parle admirablement de ce peuple de la route sinon du vent, dans ses écrits sur la Camargue même si, depuis cinquante ans, sur le plan administratif, le traitement indigne des nomades et vagabonds qu’il dénonce avec justesse, infligé par notre société sédentaire, a finalement évolué. 

Campement_de_bohémiens_en_Camargue scan de carte postale Domaine Public Auteur éd. P. Ruat Marseille

Suspects, soumis aux devoirs, aux contraintes, sans droits, sans carte d’identité, fichés tels des criminels (empreintes digitales, photos de face et de profil), à partir de 1912, les ambulants et nomades de treize ans et plus devaient présenter un carnet anthropométrique où tous leurs déplacements ou leur présence étaient consignés. Tous les jours, le maire, un adjoint sinon le garde-champêtre devaitt le signer pour chaque individu de même qu’un carnet collectif mentionnant tous les membres du groupe. 

Abrogée en 1969, cette disposition concernant “ les gens du voyage ” et non plus “ les nomades ” a été remplacée par le livret de circulation concernant les personnes de plus de seize ans sans domicile fixe depuis six mois au moins. Ce livret, ne permettant pas, notamment, de passer les frontières, a été tardivement supprimé (janvier 2017).

En suivant l’écrivain de Seyne-les-Alpes, nous devons reconnaître que le monde gitan nous reste fermé. Ils seraient partis du nord de l’Inde, arrivés en Europe par, d’un côté, la Turquie, de l’autre, l’Afrique du Nord et l’Espagne. En dehors de cette origine admise communément, la disparité de ce monde échappe, un fait que traduit la cohorte de noms suivant la particularité, la langue, la localisation, ou qu’on leur colle : Gitan, Kalé, Baringrè, Yéniche, Tsigane, Rom, Romanichel, Manouche, Sinté, Bohémien, Caraque, Gypsie, Zingaro, Doms... L’activité traditionnelle les distingue aussi : si les Gitans peuvent être maquignons, vendeurs de dentelles et tissus, les Roms sont forgerons, ferrailleurs, chaudronniers, étameurs, les Manouches musiciens, vanniers, les Sintis montreurs d’animaux, les Kalés potiers, il est impossible de préciser qui sont les “ Bohémiennes ” diseuses de bonne aventure...   

Grand_Gala_du_Disque 1968 Flamengogitarist_Manitas_de_Plata,_Bestanddeelnr National Archiev Commons license Author Ron Kroon, Anefo

On les disait voleurs d’enfants, souvent, non sans raison, on les dit chapardeurs, voleurs de poules, de fruits, bagarreurs, paresseux, menteurs, sans parole, sans reconnaissance, communautaristes, abusant des gadjés, seraient-ils leurs “ amis ”. Qu’est-ce qui en cela relève d’un mécanisme de défense contre ceux qui, même de bonne intention, voudraient les assimiler ? Il n’empêche que plus de confort, plus de besoins, seraient-ils superflus, les rapproche des modes de vie modernes dont la sédentarisation, tout comme, dans un même ordre d’idées, pour réussir, devenir riches, des artistes tels Django Reinhardt, Manitas de Plata, les Gypsies Kings, les Bouglione, Kendji Girac, qui se sont exposés hors de leurs communautés.

Réaliste, Jean Proal a l’honnêteté de relever le positif de leur organisation communautaire régie par des règles strictes : le sens de la famille, le respect dû aux anciens, l’amour des enfants. Avec le pèlerinage pour Sara, la servante des saintes Maries, l’écrivain clôt son propos en citant les vers de Lanza del Vasto (1901-1981) :

 « J'ai ma maison dans le vent sans mémoire,
J'ai mon savoir dans les livres du vent... »   
Le Chiffre des Choses / 1942.  

Tout a vite été bouleversé... j’ai vu encore, au début des années 60, au village, sur la place du Ramonétage, une ou deux roulottes et les chevaux étiques d’un pauvre cirque de passage. À présent, si nous croisons un convoi de caravanes luxueuses tirées par de belles voitures ou des fourgons, on continue à prendre ses distances à l’idée qu’ils vont envahir un terrain communal, en détourner l’eau, l’électricité, le laisser souillé, tout cela pour un évangélisme radical à l’aspect sectaire... 

Grand_Gala_du_Disque 1968 Flamengogitarist_Manitas_de_Plata,_Bestanddeelnr National Archiev Commons license Author Ron Kroon, Anefo


mardi 19 septembre 2023

Du RIZ bio (fin).

Canetons_(Canards_Mulards),_élevés_en_semi_liberté 2012 Creative Commons Attribution 3.0 Unported Author Ethique & Animaux L214

« Aux innocents les mains pleines... » qu’il nous dit, le riziculteur «... En 2011, j’ai essayé avec 300 canards, sur 3 hectares, ça fait 100 pour 10.000 m2, autre chose que l’élevage des barbarie, pour le même nombre, sur 15 m2 à peine... 

Bien sûr, ils m’ont pris pour un fada... les étrangers nous cataloguent vite... ils disent qu’entre le Mistral violent, le soleil brûlant, le goût du sel, ce n’est pas notre faute... ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’un fada est avant tout habité par les fées... 

Alors, ces canards... faut bien calculer, les faire coïncider, canetons, avec la sortie des mauvaises herbes qu’ils adorent... Ils ne touchent pas au riz, coriace à leur goût : il contient de la silice... Ils sont grégaires, vivent ensemble... Je les lâche dans un périmètre protégé ; pour dissuader le renard, rien de tel, sur la clôture, qu’un petit poste radio, à intervalles... France-Culture, toute la nuit, ils arrêtent pas de parler et le goupil il se dit « Y a un type là-bas, j’y vais pas ! ». 

Pour ne pas qu’il s’éloigne, goulu et gourmand comme il est, ce canard, il suffit de lui mettre une mangeoire pour la provende, toujours à la même place... 

Que voulez-vous, en prime, on est loin de l’élevage industriel qui élimine les femelles, pour le foie gras, responsable, qui plus est, des grippes aviaires : là elles sont dans le riz. C’est le bio contre le chimique, de patauger oxygène la submersion, les déjections forment un bon engrais et en fin de cycle, je vends une partie du troupeau, des canards de qualité, ce n’est pas négligeable. » 

Bande_de_canards_dans_les_rizières_(Ubud)_-_panoramio 2008 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Eric Bajart

Qu’est-ce qu’il nous dit encore Bernard Poujol ? Que “ l’oikos logos ” l’écologie au sens premier, le fait de parler de la maison commune, distingue le statut de travailleur de la terre, accapareur, encouragé par Bolsonaro par exemple, s’opposant à la position historique pourtant émanant de peuples premiers, néanmoins moquée, de serviteur d’une terre qui nous fait vivre depuis toujours et que nous ne pouvons que transmettre.

Bernard Poujol a partagé son expérience avec au moins le riziculteur de Sainte-Cécile non loin de la roubine de la Triquette, à qui il a transmis sa pratique.  Ils ne vendent qu'au mas sinon localement, surtout pas aux mastodontes des “ grandes surfaces ” tels ces honteux propriétaires de l’enseigne Carrefour, riches à en péter, bêtes à se pavaner, à Rome, tous habillés de blanc, tels les adeptes d’une secte grotesque du fric à millions (1).

Notes : 1. Liés à la présence des pesticides dans les poissons, des produits interdits néanmoins utilisés (comme par certains viticulteurs), des herbicides répandus par hélicoptère sans tenir compte du temps, des vents... ne parlons pas de l’eutrophisation des milieux à cause des engrais. 

un exemple de riz rond

2. Jusqu’en 1980, la Camargue produisait plus de riz rond. Depuis ils se sont adaptés à la demande de riz long. Tant pis pour les amateurs de paella obligés de se rabattre sur la “ bomba ” d’Espagne (ma dernière, entre nous, date d’avant-hier, samedi 16 septembre 2023). 

3. Et qu’est-ce qu’il fout l’ambassadeur ? N’est-il pas en place pour espionner et copier ? Il faut le voyage et l’observation d’un particulier pour s’initier à une pratique agricole vertueuse ? Ou les grands groupes de la chimie ont-ils fait obstruction pour continuer à fourguer des produits nocifs ? Et les Japonais, se sont-ils gênés, à l’époque, pour copier l’optique allemande ?

(1) Attention, la tirade sur Carrefour, c’est de moi, pas de Poujol ! (source Envoyé Spécial sept. 2023).

lundi 18 septembre 2023

Du RIZ bio (1).

 De la Haute Camargue cultivée, fluvio-lacustre, recevant, par les roubines, les martelières (1), toute l’eau du Rhône nécessaire, résidus d’engrais et de pesticides descendent en aval jusque dans le Vaccarès. D’une longévité pouvant atteindre trente ans, les flamants méritent pourtant plus d’égards. En ce sens une initiative d’agriculture écologique promet pour l’avenir.

Au moins deux agriculteurs la promeuvent ; ils sont passés au riz 100 % biologique grâce à un petit ouvrier désherbeur capable de contrer la croissance opiniâtre de la panisse et du triangle, des adventices sauvages qui harcèlent et rudoient le riz domestique (2). 

Riso_Amaro 1949 Domaine Public Author Giuseppe De Santis, Otello Martelli. Uploaded by User Pizzaebirra2008 om Italian wikipedia.

“ Un petit ouvrier désherbeur ” ? Nous sommes loin de « Riz Amer » (1949) de ce cinéma italien aimé à jamais, depuis, avec Vittorio Gassman, le short moulant, la poitrine arrogante de Silvana Mangano (1930-1989) surtout... Dans la vallée du Pô si vite descendu dans sa plaine, c’étaient alors les mondines, ces saisonnières du riz jusqu’aux plus basses classes, plus exploitées, faisant tomber au plus bas le salaire (un des thèmes du film) : elles éliminaient à la main les mauvaises herbes, émondaient les rizières. Mais cette première moitié du XXe siècle est si loin, quoique, relativement loin seulement, pour ceux de mon âge, le temps d’une vie passant si vite... Et ces “ petits ouvriers ” ne sont pas non plus de cette main-d’œuvre immigrée venue d’Espagne ou d’Italie. 

Récolte_du_riz_en_Camargue 2009 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license Auteur Bérichard

Tel que nous le présente, non sans malice, Bernard Poujol, le “ petit ouvrier désherbeur ”, n’a rien à voir déjà avec  les moissonneuses à chenilles, les roues “ squelettes ” des tracteurs. Ouf ! C’est d’autant plus rassurant que pour la taille des exploitations, les rapports avec l’argent de l’Europe, cette Camargue du riz fait plutôt penser à la Beauce qu’à la petite production du terroir, le peu de présence humaine aidant à ce qu’il n’y ait pas d’association pour contester la façon de conduire les cultures.

Ce “ petit ouvrier désherbeur ” nous vient du Japon, du moins l’idée. Passant avec le train, le fils de Bernard qui l’a vu à l’œuvre, s’est renseigné avant d’en parler à son père : dans les rizières nippones, ce sont des canards qui enlèvent les mauvaises herbes, l’heteranthéra plus particulièrement. 

(1) Les vannes, “ martelhières ” on dit à Fleury, en languedocien francisé. 

(2) La “ panisse ”, panic des marais dit aussi “ pied-de-coq ”, “ patte-de-poule ”, infeste les rizières. Elle absorbe 80 % de l’azote, abrite des virus mosaïque, accumule des nitrates dangereux pour les animaux. Seul l’émondage des mondines permettait d’en limiter les méfaits dans la plaine du Pô (voir “ Mon cinéma italien ” / Un Messager qui surgit hors de la Nuit 2). Le triangle est une variété de scirpes.

Camargue_brulis_chaume_rizière 2014 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Ddeveze


vendredi 15 septembre 2023

BEAUDUC & PIÉMANSON, plages de Camargue (fin).

Camping_sauvage  the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Lubman04

Sauf qu’aux temps des tolérances a succédé celui, plus corseté, de l’application des lois, de l’autorité institutionnelle. Ainsi, l’État, bien que jactant plus qu’il n’agit, s’est attelé un jour à régler le cas des cabaniers... Compte tenu des tergiversations, des désaccords sinon l’opposition entre les administrations centrales et locales, l’inertie se confondant avec le temps long, nous nous devons de relativiser cette volonté étatique. Pour être concret, chez nous, la deuxième moitié des années 70 a mis fin à la pratique du camping sauvage, d’abord à Saint-Pierre-la-Mer, ensuite à Narbonne-Plage et aux Cabanes-de Fleury où certains se sont ajoutés afin de profiter de quelques années supplémentaires. De leur côté, les Beauducois, loin de l’agitation estivale des stations nouvelles entraînant les anciennes, également revitalisées par le Plan Racine, ont pensé, non sans logique, qu’un long sursis devrait permettre à leur tribu perdue de continuer. Nonobstant, plutôt que subir, ils ont préféré se faire valoir en mettant en avant leur société originale pourquoi pas porteuse d’avenir, une attitude qui s’est muée en plaidoyer lorsque, en 1996, en la personne de Michel Barnier, l’État a refusé, proposée par l’ensemble des organisations de défense de la Camargue, la charte de protection globale, parlant de la pollution du Rhône, des rejets de l’agriculture dans le Vaccarès mais pas plus de Beauduc que de Piémanson. La nouvelle mouture de 1998, par contre, vaut un réquisitoire en règle contre les plages sauvages ; en dépit des efforts des associations, elle mentionne :

* ce littoral soumis à une trop forte pression touristique, le piétinement de la flore, le dérangement des oiseaux, l’envahissement par des plantes importées (griffes de sorcière). 

Dune_à_Carpobrotus_edulis 2009 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Lubman04

* la pollution, les épaves de véhicules et caravanes en fin de saison.

* la circulation anarchique.

* l’hygiène en absence de sanitaires, d’évacuation des eaux usées, d’enlèvement des ordures ménagères.

* le dérangement à la faune sauvage, la divagation d’une faune domestique, dont les chevaux.

 Et tout converge avec la fin du camping sauvage, l’illégalité de l’occupation par certains d’espaces en commun particuliers, sans y être autorisés malgré les règlements (Domaine Public Maritime, zones protégées, sites inscrits...). 

Plage_de_Piemanson 2014 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Author Charlottess

En 2004, vingt cabanons sont détruits dont deux restaurants. Et si à partir de 1975, les installations se sont comptées par centaines, il ne devrait rester que quelques dizaines d’installations peut-être de pêcheurs de poissons ou de tellines... Et même ces derniers sont incités à partir parce que les tempêtes, l’élévation du niveau de la mer, l’érosion marine alors que tout ce secteur “ engraisse ” et que l’alternance entre plages qui diminuent ou qui augmentent  relève d’une réalité (aux Saintes-Maries, il faut protéger la côte : la carte de Géoportail montre la côte dotée de très nombreux épis sur une longue distance. À St-Pierre-la-Mer, au sujet de l’aménagement de la station, le maire a fait état d’une régression au niveau de la plage de Pissevaches et d’apports au centre de la station)

Source principale : La gestion d’un grand site camarguais : les cabanes de Beauduc (openedition.org) 

Plage_de_Piémanson_IMG_9326 2009 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Author Roehrensee

mercredi 13 septembre 2023

BEAUDUC et PIÉMANSON, plages de Camargue (1).

Sur le front continu entre la terre et la mer, la Camargue offre ses plages immenses (1), loin du monde, ouvertes aux grands espaces. À Beauduc, à Piémanson, des colonies humaines occupent le sable, de la belle saison au reste de l’année, suivant l’engagement qu’elles manifestent. 

Ma_cabane_à_Beauduc 2009 Creative Commons Attribution 3.0 Unported Auteur lubman04

En dehors des Saintes-Maries-de-la-Mer, la côte camarguaise déserte a attiré une marge de gens épris de liberté, de grand large, de vie, sans électricité, sans eau courante, sans possibilité d’approvisionnement, Port-Saint-Louis ou Arles ne se trouvant pas à côté. Ce besoin de vie simple et rustique, de voisinage aimable, à apprécier l’eau du ciel si elle veut bien pleuvoir, a marqué le bord de la mer en été, bien que dans des conditions plus faciles, au bord de l’Étang de Berre, à Leucate, à Pissevaches et aux Cabanes-de-Fleury chez nous. Ils sont nombreux lors de la belle saison, moins en dehors, rares à y demeurer toute l’année (5 ou 6 familles). Quand ils ne se présentent pas comme tels eux-mêmes, leur démarche fait d’eux des cabaniers d’un bout du Monde, malgré la quinzaine de kilomètres de mauvaise piste.

Au creux du Golfe de Beauduc, l’installation, ancienne, a été le fait de pêcheurs sur le lieu de travail, de subsistance, les loups et dorades fréquentant aussi le secteur, pour se reproduire, notamment. Dans les années 50, l’élan pour une vie nouvelle, le début des loisirs, favorisèrent la venue de ces cabaniers par choix, au départ, des employés des salins, des retraités locaux, d’Arles.  

Les cabanes de Beauduc, caravanes, vieux autobus, germes des petites maisons à vérandas pour la convivialité, construites par des artisans cabaniers, souvent de bric et de broc, alignées face au golfe sur le territoire des Saintes-Maries-de-la-Mer, sur les montilles, ces monticules au-dessus de l’inondable. Ces installations ont été possibles, d’abord grâce à la tolérance des Salins du Midi, ensuite à cause du flou laissé par les différentes protections de la Camargue : la Réserve Nationale dès 1926, le Vaccarès en 1942... les terres agricoles doivent également respecter des normes. Or Beauduc resterait en marge de ces zones très protégées si une première ZNIEFF ne concernait pas les dunes (jusqu’à 7 mètres de hauteur) et les marais du sud Camargue, une seconde le fond du golfe de Beauduc où viennent pondre des poissons à forte valeur ajoutée. Enfin, l’accessibilité des plages d’Arles, plus à l’est (Piémanson), plus fréquentées, poreuses aux rodéos mécaniques dans les dunes, à la délinquance importée, a occulté l’occupation moins voyante, plus vertueuse, de Beauduc. 

BeauducCabannedelindien 2008 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Author Fparrel

Parallèlement, le village des cabaniers, s’il fait parler de lui, le fait positivement, illustrant un vivre ensemble réel :

* pas de problèmes de circulation sur les pistes de sable non équipées de panneaux.

* pas de problèmes aigus de voisinage.

À Beauduc, on se parle, on négocie, la vie commune prend, sur bien des points, le pas sur l’individualisme. On anticipe les difficultés, on envisage les solutions ensemble. En amont, et cela n’est pas anodin, si chacun est libre de trouver un coin pour sa caravane, l’acceptation par le groupe est essentielle ; les apéros, les lotos et fêtes organisés y contribuent. Ce vivre ensemble s’exprime aussi par la présence de trois associations, moins ou plus récentes mais en complémentarité, représentant les trois quartiers “ colonisés ” et tenant compte de la nature à préserver.  

(1)  À moins de huit kilomètres de Port-Saint-Louis-du-Rhône, avec les petites plages d’Olga et celle de Carteau (huîtres et moules), la plage Napoléon (sans caravanes et camping sauvage) s’étend sur une dizaine de kilomètres ; le parking y est payant (5 € / 9h 30-16h de mi-juin à fin août)... Dans ce secteur, ils parlent de “ cabanonniers ”. 

lundi 11 septembre 2023

LES SAINTES-MARIES-de-la-MER (fin).

 Le 24 mai, Gitans, Tsiganes, Roms pour le moins de l’Europe entière (ils sont aussi en Amérique du Nord, en Russie...), viennent honorer Sara la Noire, leur sainte patronne, tolérée mais non reconnue par l’Église (la statue n’a droit qu’à la crypte), aussi mystérieusement apparue que le peuple tsigane. Camping-cars, caravanes stationnent par milliers. En minorité, les chevaux des gardians accompagneraient-ils l’immersion rituelle de Sara dans les vagues, les locaux n’apprécient pas cette « invasion » générant des désordres, vu le nombre. Malgré l’intérêt porté aux mystères du peuple du vent, la vieille tension nomade-sédentaire, le rejet réciproque perdurent ; la ségrégation est allée jusqu’à l’interdiction de leurs habits colorés, de leur langue, du nomadisme (chevaux abattus, roues enlevées), des métiers traditionnels (paille, osier, laiton, cuivre...), du mariage entre eux ; leurs noms ont été changés, les femmes stérilisées, les enfants enlevés pour une adoption de force (en Suisse jusqu’en 1973). L’horreur a culminé avec l’élimination génocidaire que  les nazis planifièrent (500.000 victimes ?). Néanmoins un peuple qui se sédentarise, se mêle de plus en plus aux Gadjés malgré les intégrismes religieux se manifestant par l’occupation non autorisée, souvent de complexes sportifs, une invasion que les municipalités démunies subissent. 

Pélerinage_des_gitans_pour_Sarah_la_Noire 2000 Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic Author Fiore S. Barbato

Aux Saintes, chaque soir c’est la fête : on boit, on chante, une manade de guitares au galop accompagne une voix rauque de flamenco et si les robes ne se parent que moins souvent des gros lunares noirs, le taconeo (1) scande toujours le tempo andalou. Il y a longtemps que les Gipsy Kings (famille Reyes) participent d’autant plus qu’ils viennent d’Arles, tout à côté. Il y a vingt ans, le patriarche qui n’aurait pas pu vivre dans une “ maison-prison ”, parlait de sa vie à dresser des chevaux.  

Comme en écho à Magali, en 1983, Hervé Vilard est sensible à ces rapports gitans-gadjés. Sa Méditerranéenne n’est pas provençale mais gitane :

« ...Qui t’a donné ce déhanché, la majesté d’être nu-pieds au milieu des gitanes ?  »  

« ...Prends garde... ton frère nous regarde... Y a danger pour l’étranger... » 

Gardian_lors_du_pèlerinage_gitan 2000 Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic Author Fiore S. Barbato

 Avec les gitans, une autre communauté marque la Camargue, celle des gardians. Aux Saintes-Maries-de-la-Mer, ces derniers rendent hommage à Folco de Baroncelli-Javon (1869-1943), dit « le marquis », manadier, gentilhomme-gardian, majoral du félibrige, écrivain. Ses cendres reposent sur les ruines du Mas du Simbèu (explosé par les Allemands en 1944) où vécut lou marquès. On lui doit les traditions camarguaises, le costume, le travail, les jeux gardians, la course, la reconnaissance des races de chevaux et taureaux de Camargue, la prise en compte de la richesse naturelle et culturelle du territoire. C’est encore lui qui fit accepter le pèlerinage gitan auprès de l’archevêque d’Aix.  

(1)  Le nom des grains de beauté s’applique aussi aux gros pois des robes gitanes. Le taconeo est le claquement des talons de la danseuse.

samedi 9 septembre 2023

LES-SAINTES-MARIES-DE-LA-MER (1).

Bac du Petit Sauvage sur le Petit Rhône 2006 Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic Auteur sjdunphy
 

Dans les années 60, nous y sommes allés visiter des amis. Sur la route du bac du Petit Sauvage, pratiquement à l’arrêt, la Dauphine a glissé vers le fossé... Ne me demandez pas dans quelles circonstances : nous n’avons retenu que le mot de ma grand-mère Ernestine que nous avions emmenée : « Aro, i sen ! » (maintenant on y est). Il me semble qu’on s’en est sorti sans dommage.

Au loin, le clocher-mur imposant de l’église des Saintes. Si proche de la côte, fortifiée, rappelant, plus bas sur le Golfe, la cathédrale de Maguelone, elle symbolise une résistance de longue haleine, conduite d’une main de fer par la chrétienté face aux razzias des Sarrasins. Édifiée aussi entre les XIe et XIIe siècles, c’est au XIVe qu’elle est transformée en forteresse dotée de meurtrières, d’un donjon, contre la menace des pirates barbaresques. Les habitants y trouvent refuge (un puits a été creusé) tandis que le toit bordé de créneaux et machicoulis permet aux défenseurs de contenir les assaillants.

Années 60, au transistor, on entend  : 

« ... Magali, Magali,
Qu’est-ce qui t’a pris de t’en aller pour le pays de nulle part
Parce qu’un gitan t’a regardée en faisant chanter sa guitare?
Magali... » Robert Nyel 1962.

Tout y est : le refrain en occitan "... L’amour que pourra pas se taïre, e ne jamaï se repaua, Magali...", les gitans, le soleil qui rend fou ; en prime, l'évocation de la grande steppe de la Crau, créée par la Durance, encore une fille folle de Provence. 

Années 1850, c’est ici que Frédéric Mistral vient faire mourir Mirèio venue implorer les Saintes. Une statue le rappelle. Par ailleurs, il note la présence des gitans au pèlerinage, celui des trois Maries s’étant substitué à un culte antique aux trois Matres de la fécondité. L’église recèle un autel païen du IVe siècle avant notre ère ; même le rite lié à Sara la Noire est antérieur à la dévotion témoignée par des gitans d’abord tolérés mais qui, depuis, enchantent un pèlerinage dont ils forment le principal attrait. 

Campement_gitan_aux_Saintes-Maries-de-la-Mer_en_1927 Domaine Public Wikimedia commons


jeudi 7 septembre 2023

LA CAMARGUE / DE PHARE EN PHARE...

Le_Grau_du_Roi Phare de_l'Espiguette 2015 license Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Daniel VILLAFRUELA

L’Espiguette : 27 mètres de haut. La météo, les vents violents, les tempêtes, la chaleur, le manque d’eau, l’ensablement, les difficultés d’acheminement des matériaux ont retardé la construction. Peut-être aussi une jolie histoire d’amour contrarié entre l’ingénieur et la fille du maçon : la famille, protestante, ne voulant pas de cette union, l’ingénieur a fait traîner en longueur pour rester le plus possible près de celle qu’il aimait... Neuf années ont été nécessaires entre la décision et l’allumage de la lanterne (1860-1869). 

Lighttower La_Gacholle under the Creative Commons Attribution 3.0 Unported Author Henk Monster

La Gacholle : 35 kilomètres à l’est dont une bonne douzaine depuis les Saintes-Maries, haut de 18 mètres, le phare de la Gacholle a été construit en 1882 sur la digue à la mer et mis en service deux ans plus tard ; il signale le golfe de Beauduc, unique abri dans le secteur contre les vents d’est, ceux qui démontent les flots. Uno gacholo est un endroit pour agacher, pour regarder... dans cette platitude, un tronc de tamaris permettant de voir plus loin, de guetter, s’appelle souvent « gacholo ».  

 Juste dans le creux de l’abri, les cabanes de Beauduc.  

Phare_de_Beauduc 2004  the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International, 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic Auteur GHIRARDI

Beauduc : contrairement aux deux premiers, carrés, le phare de Beauduc se présente sous la forme d’une tour cylindro-conique de 27 mètres (lanterne à 25 m. d’une portée de 17 milles marins soit 31,5 km). Planifié en 1900, il est mis en service en 1903. Remplacé par une bouée repositionnée et plus puissante, il a été définitivement arrêté en 2019. 

Phare de Faraman Salins de Giraud (Arles) 2017 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Florine Vanorlé

Faraman : En bois, le premier phare (feu) de Faraman date de 1830 ; le second, de 1840, en dur, a été détruit par la mer ; à présent, 1200 m. en arrière (à 800 m. de la côte) ce sont les six bandes alternées de noir et de blanc (1934) qui marquent le troisième du nom, tour  tronconique de 1892, dominant à une quarantaine de mètres de haut (43,3 ou 45 ou 46,5 suivant les sources), jumelle de celles de Penmarc’h (1835) ou de Batz (1836) en Bretagne. 296 marches conduisent à la lanterne, une des dernières dues à Fresnel, portant à 42 ou 51 kilomètres (qui croire ?) et qui tourne grâce à un moteur électrique de 40 watts.

Désormais monument historique, le phare de Faraman a servi de décor lors du tournage du Petit Baigneur avec Louis de Funès, en 1967. (Tourné aussi aux Cabanes-de-Fleury). 

Phare ! un symbole étonnant ! une aide dans la nuit, la tempête, l’indication d’un refuge, d’un havre. Phare aussi, l’être d’exception quelle que soit la réalisation humaine honorable liée à l’esprit, à la main, au mot, au son, au ton, au muscle dont il est le vecteur. Phares aussi ceux qui nous aident à faire le chemin, qui soutiennent lorsque l’incertitude, le doute, l’hésitation arrêtent...

Ronde ou carrée, la tour qui protège n’est que le produit de l’Homme, ici dans ce qu’il a de beauté puissante, dans toutes ses dimensions...

Oh ! cet escalier en colimaçon, vraiment coquille d’escargot, spirale en 3D comme celle que j’aime appréhender, à l’envers, pour en remonter l’enroulement jusqu’au point d’origine, en partant d’une certaine idée du Sud pour revenir au village. Exactement la vue vers le haut du phare, avant d’en gravir les marches, de remonter la volute, la contre-révolution, partir de l’expansion de l’Univers pour revenir à son commencement. Il ne s’agit pourtant que de déboucher sur la plate-forme, serait-on déjà au ciel... Manière de revenir sur Terre, l’hélice, la vis sans fin d’une mécanique si poétique, viennent côtoyer le dessein infini de l’Homme pour découvrir toujours plus, toujours plus loin dans les mystères apparemment insondables de l’Univers justement, qui pourtant se dévoilent, les avancées n’en seraient elles qu’infinitésimales.

Ah ! Augustin Fresnel (1788-1827), mettant au point, avec ses lentilles dites “ à échelons ”, un système révolutionnaire d’amplification de la lumière, inauguré en 1823 à Cordouan, “ roi des phares et phare des rois ” !

Un clic pour fermer la page mais laissez les moi, dans un éclat de mémoire, ces phares qui aident à ne pas piétiner avant de périr sur pied !

Quatre phares pour ce bout du Monde, pratiquement autant que pour le déploiement sud du Golfe du Lion...

PS : Un site sur les phares du Golfe du Lion, mais qui s’arrête, étrangement, à la limite de la Camargue :

256-phares-languedoc.pdf (unanmediterranee.fr)

lundi 4 septembre 2023

Ariège, Montagagne, les diapos de septembre 1977, juste avant la rentrée.

Avec l'opportunité de disposer des diapositives pour les scanner, je reprends des extraits des articles de mars 2023 sur le Sérou, cette fois, avec les photos de 1977.  

L’école abandonnée avec encore une carte Paul Vidal de La Blache au tableau, les tombes du cimetière sans fleurs sinon celles en perles-de-verre des couronnes, dans les gris et les mauves, du cimetière, fanées qui plus est par le temps et les intempéries. Un autre couple de l’endroit, encore en forme, ouvert et hospitalier, les a menés dans le pré jadis de la famille... une verdure offrant un joli point de vue avec, en prime, la féerie de plusieurs centaines de papillons bleus. Dire que la moitié des papillons des prairies a disparu en 20 ans et que nous ne voyons rien, ni du mal, ni de la réaction susceptible d’y remédier... Au-dessus de toutes ces ailes bleues, le sentier vers le col des Marrous, la montagne de l’Arize. 




Nous sommes revenus à Montagagne, justement cette fois de 1977. Les paysans de 1968, ceux du pré aux papillons, nous ont accueillis presque comme la famille, ils nous ont même gardé à manger... Ah qu’est-ce qu’on a pu bavarder et rire ! Et dire qu’il ne me reste plus que le souvenir de cette belle rencontre, comme avec les vieux de Nescus à la vache si coquette. On n’apprécie pas ces choses-là à leur juste valeur, au moment où elles passent. 

 

Le fils de Toulouse qui passait lui aussi, m’avait bien laissé son adresse mais je n’ai pas écrit. Et lui, de son côté aurait-il pu le faire ? Je n’en sais plus rien. Que voulez-vous, il y a un âge pour tout et jeune, avec deux enfants rapprochés, la vie file à cent à l’heure. Ce n’est qu’après que nous réalisons qu’ils ont trop vite grandi. Ils partent sur leurs propres chemins, la vie nous coule comme du sable entre les doigts, les années se confondent, il ne nous en reste que des bribes, des débris difficiles à recoller... Ce n’est qu’avec l’âge que nous estimons à sa juste valeur ce que nous avions. Oh non, je ne suis pas en train d’abonder dans la rengaine du « c’était mieux avant » mais ce n’est pas pour autant que nous n’avons pas le droit de regretter une façon de vivre ouverte à l’autre, qui a été perdue depuis. Je peux quand même dire leur nom, à ces gens merveilleux, c’est la moindre des choses, Galy, la famille Galy, la dernière maison sur le chemin du col des Marrous, avant l’abreuvoir où un filet d’eau coulait jour et nuit... vous ne pouvez pas vous tromper. 




LA PETITE CAMARGUE.

Camargue,_Petite_Camargue_et_Parc_naturel_regional Author ChrisO, revision by Ulamm (talk)

Parler de la Petite Camargue, c’est aussi considérer les paysages de lagunes tout au long du Golfe du Lion et si nous nous en tenons aux fleuves remarquables à l’origine de deltas gagnant sur la mer, entre la puissance du Rhône et la longueur de l’Èbre, l’Aude, nonobstant sa modestie initiale, mérite une mention. Le Rhône, hors catégorie, transporte 20 millions de tonnes de sédiments, l’Èbre 3 millions de tonnes, l’Aude, un des fleuves les plus travailleurs de France, 4 millions de tonnes. Ces apports respectifs ont créé et façonné des deltas : 2000 km2 pour le Rhône (Camargue et Petite Camargue), 370 km2 pour l’Aude de part et d’autre de l’ancienne île de la Clape, 300 km2 pour l’Èbre en Catalogne. 

Vignes_et_chapelle_en_Petite_Camargue the Creative Commons Attribution 2.0 Generic Auteur tristanf

Rien ne distingue la Petite de la Camargue elle-même ; géographiquement, c’est toujours le delta du grand fleuve, un de ses bras venant jadis jusqu’à l’Étang de l’Or, donc aux abords de Mauguio ; naturellement, de la Haute à la Basse, des Costières du Gard aux dunes de l’Espiguette, du sec aux eaux douces jusqu’au salé de la Méditerranée en passant par le saumâtre et partout ce qui nous reste du merveilleux offert par les oiseaux, migrateurs ou sédentaires des zones humides ; humainement, puisque les Hommes ont accordé leurs moyens de subsistance à ce que permettait la Nature : en gros, du nord au sud, asperges, pêches, abricots, raisins, blé, riz, avant l’élevage des moutons s’opposant à celui, plus typique, des chevaux blancs et des taureaux noirs... Parce que la Naciou Gardiano, la Nation Gardiane marque de ses rites les sables, les lagunes, non seulement de la Camargue mais de tout le Golfe du Lion occidental, y compris les étangs du Roussillon ; les murs blancs de chaux, les toits de sagnes, les roseaux et canisses, les cabanes, maisons si on veut, entre terre, eau et ciel se déclinent jusqu’au delta de l’Èbre, de même que les manades respectueuses de l’interpénétration, de l’osmose entre humains, nature et éléments.