jeudi 30 décembre 2021

DÉJÀ UNE PETITE CAMARGUE... et une agante* avec Brassens...

Je veux bien être l'imbécile heureux tant décrié par Brassens, bête et méchant, sûrement parce qu'il faisait partie lui-même de tous ces imbéciles prétentieux montés à Paris pour faire croire que leur possible réussite ne devait rien à leur lieu de naissance... 
 
"... habités par des gens qui regardent
Le reste avec mépris du haut de leurs remparts, 
La race des chauvins, des porteurs de cocardes, 
Des imbéciles heureux qui sont nés quelque part..."

 
"... Maudits soient ces enfants de leur mère-patrie
Empalés une fois pour tout's sur leur clocher..."

Non, non, Brassens, j'adore sauf qu'aimer quelqu'un c'est l'accepter dans son entier, sans dire amen à tout. Pas question en effet, au prétexte qu'on a un village, une église, une plage, de mépriser, comme il l'affirme, par chauvinisme, le reste du monde... Georges ajoute "cocardier", ce qui s'avère pour le moins, contradictoire. Et puis quand, outrancier, il se lâche en se référant à Moncuq, la localité, juste pour l'équivoque sur l'homonymie, c'est qu'il n'a pas d'argument à faire valoir... Ce n'est pas le tout de faire rimer mazette sur un hémistiche, cela ne vaut tripette... Enfin, c'est Brassens...   
 
"... Qui vous montrent leurs tours..."

Hola, en quel honneur cette entrée cavalière ? Si, si, je sais, il suffit de remonter dans mes chroniques : les petits oiseaux, le chemin d'école du grand-père, la garrigue, la fête de la Saint-Martin, les vendanges, Saint-Pierre-la-Mer, la plage, l'étang, la rivière... je ne suis que l'imbécile heureux né quelque part, et à y être, le demeuré, le ravi du Midi !

Brassens_TNP_1966 BNF wikimedia commons Author Roger Pic (1920-2001)

Mon pauvre Georges, en dépit de tout ce que tu as attaqué avec cette chanson, défendre ceux qui sont nés quelque part ce n'est pas plus pour les vanter que pour les montrer, juste pour ce qu'ils sont, ce qu'ils ont en commun... Malheureux ! sinon ils nous ont bien assez envahis comme ça, les gens nés nulle part, ils sont même plus nombreux que nous, nous, les indigènes en minorité... c'est comme ça, on n'a rien contre... ce sont des gens bien, en majorité... Maintenant cela doit-il nous interdire de dire qui nous sommes, d'un terroir, du cru comme tu le dis, avec un passé, une vie à partager, des fondements à rejoindre puisque eux viennent de partout... Ensuite, pour le futur, on verra bien ce que deviendra l'âme du pays, le présent n'a pas la main dessus et de toute façon, cela ne saurait en changer le passé... Au nom de tout ce qui précède, crois-tu que de ton endroit cosmopolite, il était aimable de tous nous traiter de jobards ? Aurait-ce à voir avec ceux qui te collaient aux basques, t'interdisant, célébrité oblige, de flâner à Sète, t'obligeant à chercher refuge dans les cabanes à Lolo, loin, à Balaruc ? 

Mais, imbécile que je suis, bien sûr que tu m'as fait marcher... Tu nous as signifié tant de choses, tu joues au provocateur alors que tu as souvent chanté le contraire... Ne nous dis pas : le petit cheval, les papillons, le chêne, l'amandier, la plage de Sète, Martin, Margot, Hélène, Bécassine, Gastibelza, de toi sinon des grands que tu honores, tout sent la province, l'humus, la campagne, le crottin qui te répugne... Si tu avais vu, d'une des maisons aujourd'hui rasée pour laisser, au nom d'un paraître comptant plus que la beauté intérieure, notre vieille église désormais orpheline des appentis entre contreforts, dont ceux pour abriter les chemineaux ou stocker les feux d'artifice du 14 juillet ! Notre église Saint-Martin, cathédrale à mes yeux d'enfant attendant l'entrée en scène d'Esmeralda, orpheline des maisons accolées laissant une touche moyen-âge... Pardon, j'ai laissé le crottin en chemin, celui des vieilles filles sorties aussitôt au cul du cheval, avec la balayette et la pelle ad hoc... si tu avais vu leurs géraniums ! 
Mais, suis-je bête, avec le bel accent que tu as gardé, bien sûr que tu es né quelque part et que c'est ce qui t'agace... Bien sûr que tu es resté celui de la Pointe Courte, du Rocher de Roquerols au milieu de Thau, des copains d'abord ; et si tu aimes chanter c'est que tu as de qui tenir, de cette colonie italienne venue de Campanie... Sur les quais de Sète, une fois, j'ai entendu un pêcheur qui ravaudait son filet... une voix magnifique, je suis resté un bon moment, j'en ai encore une larme à l’œil !  

Je savais que je devais t'aganter* un de ces quatre, sans savoir que je tomberais sur toi ce jour. Et dire que je voulais refaire la piste, depuis Saint-Pierre au pied de la garrigue, vers Les-Cabanes, par les sables vaseux de Pissevaches, les sansouires des Terres Salées, là où une pointe d'imagination suffit pour découvrir une vraie petite Camargue avec, vers midi, les découpures dansantes, les prismes colorés déjà cubistes de Cézanne, la silhouette de Mireille ou de Magali qu'un mirage disloque et floute à dessein : l'Arlésienne, toujours présente et jamais là, quatre petites pages d'Alphonse Daudet, pour celles qu'on a aimées, qu'on a cru ou aurait pu aimer, quatre petites pages à vous briser le cœur parce que le souvenir bouleverse, trop vivant, à cause de la pensée qui se refuse à l'amputation d'une parcelle de ce que nous fûmes, évaporée, devenue regret, remords, chagrin ou mélancolie... Tant pis, mon titre, je le garde. Demain, promis, le Cerç aura lavé et le ciel et mon âme. Nous irons, à la rage du soleil. 

* agante s.f. dérivé de l'occitan, querelle, chicane, bisbille, dispute, empoignade... 

En légende des photos, les paroles de la "Ballade des gens qui sont nés quelque part" G. Brassens. 

 

mercredi 29 décembre 2021

"TOI ET LES PETITS OISEAUX !" (1)

Il y a longtemps, je t'ai eu dit  "Tu crois qu'il n'y a que toi et les petits oiseaux ?!". 
Il fut un temps où, pour signaler que les autres, et moi tant qu'à faire, comptaient aussi et qu'il fallait se montrer plus altruiste, on disait "ne crois pas qu'il n'y a que toi et les petits oiseaux !". Te concernant, tu es toujours là, rien n'a changé (tu as évolué ? en bien, j'espère...). Tant mieux... tant d'autres nous ont quittés en chemin... Les oiseaux aussi disparaissent, petits ou grands, mis en difficulté en premier lieu par les pratiques humaines. Plus des trois quarts auraient disparu avec autant d'insectes... un bond en arrière, une famine à la Mao-tsé-Toung... 

C'est à peine si on le réalise et pourtant, ne se sent-on pas transporté lorsque des cris nous poussent à regarder au ciel, pour une fois vers autre chose que du monnayable ? Comment notre cœur pourrait ne pas accompagner cet élan à la vie à la mort, d'un peuple migrateur (1) que les premiers hommes devaient regarder aussi pour appréhender les saisons, escompter leur subsistance, réaliser le temps qui passe ?  

Guêpier d'Europe Merops_apiaster_displaying_to_female_in_Germany wikimedia commons Author IRahulSharma
 
Hirondelle rustique wikimedia commons Author Malene Thyssen

En dépit d'un virus qui finalement alimente une propagande dirigiste n'augurant rien de bon, avec l'automne, les regards se tournent vers le céleste... Oh déjà en août quand les chasseurs d'Afrique se rejoignent avant de partir, ou encore en septembre lorsque les hirondelles se regroupent sur les fils (2) et que je veux leur dire "Pas encore...". Et les martinets, nous quittent-ils plus tôt encore ? 

Sinon l'impulsion au départ devient plus forte et partagée, avant et après l'équinoxe, avec les jours qui diminuent. 
 
Source Pinson_des_arbres_3_(50103847797) wikimedia commons Author Sébastien FAILLON

Le 5 novembre, à Gruissan, les ornithologues ont compté 850 pinsons, le 13, à Saint-Pierre passaient 110 grues cendrées... Les hommes ne prédisent-ils pas que le froid ne va pas tarder si les migrateurs passent en nombre ? 

J'avais griffonné quelques données de ce genre qui me reviennent aussi soudainement que le coup sec, dans le vallon, comme d'un fusil qui d'instinct me rappelle les chasseurs, l'ouverture, ce temps où le gibier semblait offert pour agrémenter les menus plus basiques de ces années 50-60. L'occasion de constater ce que les observateurs ont noté : 

Étourneau wikimedia commons Author Brigitte ALLIOT

 Mercredi 22 décembre 2021, à Fleury, 378 étourneaux... on ne peut pas penser qu'ils ne causent pas des nuisances surtout pour les voitures sous les platanes-dortoirs. A l'époque on les chassait, comme je le vis faire au berger, déjà depuis les dernières maisons, alors que les oiseaux se gavaient de raisins, là où, pour ceux qui connaissent, se situent les tennis et les lotissements. Sinon, à une période, les gens pouvaient en acheter chez Odette, la buraliste, les plumes encore trempes parce qu'ils venaient de l'étang de Vendres où on les plombait de nuit, dans les tamaris pour les repêcher à l'épuisette. On a dû s'en procurer une fois mais non sans remords car, au pays de mes grands-parents maternels, l'étourneau qui chante si bien est apprécié pour sa chasse aux insectes et chenilles au moment des nids... On ne s'en est pas vanté... 

Moineau friquet juvénile Passer montanus wikimedia commons Author Gunnar Creutz

 Ce même jour, Romain, l'observateur, note 9 moineaux et 2 moineaux friquets. C'est dit en une petite phrase mais qui, à titre personnel, pèsent lourd en émotions. "Romain" c'est le nom du copain Mazo, depuis la communale, qui a tant photographié les oiseaux et qui nous a quittés voilà déjà un an. Les moineaux... dont ceux que j'ai tués... c'était dans les mœurs alors puisqu'on saignait les lapins et le cochon, que mamé étouffait les pigeons et que même mon père parlait des "moineaux pillards" venant voler le grain des poules... Et puis Mao, encore lui, cet obsédé sexuel, a fait pire ! Bref, sans donner dans une repentance aussi ridicule qu'anachronique, je regrette cette facette d'enfant cruel qui n'avait pas à en rajouter au naturalisme brut et prégnant d'une vie encore rustique. A présent, en voir un, l'entendre, relève d'un plaisir presque miraculeux. Même d'écrire "friquet" m'a touché... mais là encore il faut être du village pendant les Trente Glorieuses pour comprendre... enfin "glorieuses" du point de vue ménager, économique, parce que Friquet avec la majuscule, appelé ou rappelé en Algérie risquait, lui, de revenir les pieds devant... A l'évocation du film "Avoir vingt ans dans les Aurès"je pense à Vilmain (3) dit Friquet et à son pote Maurice le Bourguignon, toujours là, c'est heureux ... A parler de gloire, je dirais que la leur fut de rester vivants pour devenir beaux-frères... Avoir vingt ans et y rester comme Francis Andrieu, tué en 1962 et inhumé par un jour de plein été indécent... 

 A vouloir parler des oiseaux, on en arrive à raconter la vie tout court, enfin en large et en travers, comme lors d'une discussion au coin du feu. Demain, promis, je vous reparle des oiseaux...           

(1) je reprends à dessein le titre du magnifique film documentaire si bien raconté par Jacques Perrin, "Le Peuple migrateur", tourné en trois ans, diffusé en 2001... Qu'est-ce qui a changé depuis ? Surtout pas la connerie des hommes... pardonnez mon haut-le-cœur malheureusement fondé...  

(2) les fils on les enterre, pour l'esthétique... ils avaient au moins cette utilité et nous ne voyons plus les hirondelles qu'à kitchopourrit sur les quelques râteaux télé qui restent... 

(3) Maçon de profession, Vilmain a été notre professeur apprécié de judo, un sport qu'il a eu l'honneur de lancer au village. Décédé en 2016, à 75 ans, tu aurais pu rester encore un peu...

 

dimanche 26 décembre 2021

Grottes et dolmens avant les filles du Poumaïrol ! (9)

Roger et Serge, complices depuis des lustres, se jouent (légalement) des limites imposées par l'épidémie de covid. En décembre 2020 ils ont entrepris de monter voir un pays aussi montagneux que mystérieux, pour les filles de là-bas qui ont de toujours laissé un souvenir si pimpant aux hommes émoustillés de la plaine. Depuis Narbonne, l'itinéraire des deux amis quitte le couloir de l'Aude pour gagner les causses et les garrigues du village historique de Minerve. De là, en suivant le cañon de la Cesse, ils vont monter jusqu'aux rudes reliefs du Poumaïrol ce pays méconnu oublié dans les brumes, aux mountagnoles si vaillantes, charmantes et piquantes... 

Causses de Minerve wikimedia commons Auteur Hugo Soria

 

Roger : une belle route, vraiment... une nature sauvage que nous n'avons pas trop entamée je dirais... 

Serge : c'est l'eau qui l'a entamée pour nous... regarde ces grottes rongées dans la falaise, où les humains purent s'abriter alors que la Cesse avait déjà bien creusé son cañon, je te le dis avec le ou la tilde... tu le sais qu'encore dans les années 70, certains dicos français orthographiaient comme ça, à l'espagnole ? 

Roger : elle me plait ta remarque... S'il y a une frontière, nous sommes si proches des Espagnols... 

Serge : Espagnols ? Catalans ? Tilde ou non... nous ne l'avons pas passée la frontière cette année... 

Roger : et oui, ce foutu covid... Tiens, nous devons être au niveau du Moulin de Monsieur, regarde sur la carte... 

Serge : et non, tu confonds avec le moulin d'Azam... presque Azan, le facteur je crois, tu sais celui qui apporte la lettre qui va faire partir Alphonse chez les vieux parents de son ami Maurice par un cagnard pas possible... une belle lettre depuis le Moulin de Daudet... 

Roger : décidément tu me plais ce matin... 

Serge : andouille, heureusement que personne ne t'entend, déjà qu'ils nous prennent pour ce que nous ne sommes pas ! 

Roger : tu as raison, tu crois qu'ils comprendraient que je te dis ça parce que nous sommes avant les fêtes et que ces Lettres de Daudet restent pour moi de merveilleuses histoires, une magie qui revient toujours à la même époque, je me revois enfant avec des sensations que l'âge n'arrive pas à gommer... 

Serge : et oui mais tu sais, ça les rend méchants, ceux qui sont insensibles à cette grâce... ils ont tôt fait de te cataloguer d'intellectuel... une jalousie qui les rend abjects parce qu'ils réalisent trop bien qu'un monde leur est fermé... ils ont tôt fait de donner dans les ragots et là jusqu'à l'homophobie... 

Roger : ... quand ils ne disent pas, dans l'autre sens, que ceux qui, mariés ou non, vont en Espagne, y partent pour les maisons de passe de la Junquera...    

Serge : oui, ça va, tu comprends, c'est suspect d'aimer les auteurs, c'est trop chelou d'aimer les vestiges grecs ou de ne pas vouloir oublier la page de la Retirada, si poignante et terrible... 

Roger : ah bon ? l'Histoire te touche ? Et moi qui pensais que tu passais la frontière pour partouzer !

Serge : et alors animal ? Entre personnes consentantes, c'est interdit ? 

Roger : animal, tu peux le dire, il y aurait tant à dire... et tout peut arriver, même le pire... comment expliquer, sinon, me concernant, du moins, cette peur du futur, ce remords de laisser un monde plus mauvais et par contrecoup, que je me réfugie dans le passé... 

Serge : passé, présent, avenir... Yourcenar avait dit quelque chose de bien à ce sujet mais j'ai oublié... attends, je me connecte, c'était beau, je m'en veux d'avoir oublié... 

Roger : dis on ne va quand même pas broyer du noir... 

Serge : malheureux, évite ce genre d'expression à te faire de suite passer pour le pire des racistes ! j'ai trouvé, elle a dit :

  Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c'est le présent tel qu'il a survécu dans la mémoire humaine.
Marguerite Yourcenar dans Les yeux ouverts (1980)

Roger : maintenant que tu le rappelles, je m'en veux aussi : cette citation avait beaucoup plu à mon pauvre père, il me l'avait relevée dans une lettre... 

Serge : sinon, nous sommes au niveau de la Grotte de l'Aldène ou de la Coquille ou encore de Fauzan, c'est la même... ils y ont trouvé de grands dessins de rhinocéros et d'ours, des empreintes humaines et de hyènes et d'ours encore, des  traces noires des torches et puis, écoute ça, un engrais phosphatique issu des os des animaux... quel cimetière puisqu'ils ont exploité le gisement pendant près de cinquante ans !

Roger : ça se visite ? 

Serge : en décembre, ça m'étonnerait... ni à la belle saison je vois, la grotte n'est pas ouverte au public... Et ton Moulin de Monsieur doit se trouver un peu plus en amont... 

Roger : on ne peut pas le dire autrement mais le lit de la Cesse est à sec sauf en cette saison : elle disparaît au niveau du Moulin de Monsieur pour ressortir à l'air libre, après peut-être une vingtaine de kilomètres sous la terre au niveau du Moulin de Madame... C'est la résurgence du Boulidou, après Agel, lors d'un dernier détour par les garrigues calcaires avant Bize, toujours dans le Minervois, et la plaine. 

Serge : tu as vu le panneau à gauche ? 

Curiosité_de_Lauriole wikimedia commons Author Pokemon59
 

Roger : oui, pour la curiosité de Lauriole, la route qui monte et qui descend... 

Serge : oui, juste une illusion et encore, suivant le point d'observation... C'est très visité... certains sont si crédules et perméables à des idées de magnétisme, de tellurisme sinon au paranormal...

Roger : à voir avec des enfants, c'est récréatif, par contre, je préfère la magie des dolmens, par dizaines dans le coin, même plus haut sur les causses de Minerve. Ils me fascinent...

Serge : tu dis la magie mais ils n'ont rien de magique, seulement des tombes... 

Dolmen de la Cigalière Cesseras wikimedia commons Author O.allegre
 

Roger : "Seulement des tombes" tu dis... Je veux bien qu'ils n'aient rien de magique mais même cassés, ils continuent de parler pour des ancêtres sur deux ou trois fois plus de temps que depuis l'an zéro. Et puis, c'est terrible, tout a été pillé, dispersé et même les locaux qui auraient voulu garder une trace n'en avaient pas la capacité... j'ai entendu dire qu'au musée de Minerve, il y avait quelques perles, quelques pointes de flèches, qu'à Olonzac le musée des écoles exposait des dents humaines...

 

 

mercredi 22 décembre 2021

CHEMIN D'ÉCOLE (4) "... Et là-haut, toujours plus haut... alors que la bêtise humaine..."

Là haut, toujours plus haut va le pauvre papillon magnétisé vers cette luminosité à la puissance cosmique. Appelle-t-elle impérativement la flammèche intérieure rallumée sur les traces de son passé ? Allons, un mirage seulement ! 

La Clape ? un milieu longtemps ratiboisé par la déforestation, les fours des potiers, des verriers et autres producteurs de chaux nécessitant beaucoup de bois à brûler. Résultat, le couvert dégradé de kermès pour remplacer les chênes verts. Cette garrigue est ensuite restée un milieu ouvert grâce ou à cause du pastoralisme, les nombreux troupeaux paissant la baouco et ne laissant aucun avenir aux jeunes arbres. Le cadre de ce chemin d'école encore présent mais vieux de quelques cent-vingt années était tout autre (encore, à ma connaissance, trois troupeaux au village à la fin des années 50). C'est seulement au bout de plusieurs siècles que, sans qu'on y prêtât attention, le paysage a radicalement changé quand les pins ont joué aux envahisseurs et encore à cause de notre espèce dont le zèle, toujours plus dangereusement libéré des lois de la nature, a imposé ses règles spécieuses basées sur le toujours plus, la concurrence, le profit. Acteurs du cercle vicieux et mortel à terme qu'ils ont promu, les hommes, en effet, violentent et essorent le milieu : ici, ils concassent le clapas (la pierraille) et vont chercher, dans un opportunisme sans scrupule, loin ou profond, une eau dont le manque, lié au changement climatique, fera sauter un jour l'enchaînement du cycle mer-ciel-terre et videra des aquifères fossiles... Que penser, par exemple, non loin de nous, et dans l'espace, de ces déserts qui firent de l'Arabie de Saoud un pays exportateur de blé ?!?! Incroyable non ? 

Revenons aux vignes de Fleury, dans la garrigue, les coteaux, la plaine, où celui qui ne met pas sa vigne sous perfusion n'est plus dans la course... Tant pis si, comme pour le pétrole ou l'atome, la question de l'eau reste encore pour ceux qui viendront après... "Après moi le déluge", et ailleurs la désertification du "je m'en lave les mains". Et que ceux qui n'ont que le fric et la dette en bouche soient bannis sur une île où ils pourraient s'entredévorer ! 

La campagne de Camplazens entourée de son vignoble.

Mais là, en voyant Camplazens campé dans son vignoble, bien sûr que nous sommes à des lieues de ces catastrophes annoncées et il s'agit de longer le plus discrètement possible, sans penser à ce goutte-à-goutte qui n'apporterait que de l'eau... Aïe, une voiture et ils sont trois à ausculter, à se consulter, dans une rangée... Plutôt aller à la rencontre que de prendre la poudre d'escampette tel un suspect potentiel. 

"Bonjour messieurs, vous préparez les vendanges ? 

~ Oh ce ne sera pas terrible cette année... " 

Ils sont aimables, souriants, pas sur la défensive, à l'image du domaine sans clôture, sans panneau d'exclusion. Je demande comment rejoindre la barre. Ils ne sauraient me dire sinon, vaguement, qu'il faut aller plus haut, toujours plus haut, vers le soleil du matin, sans préciser avec hauteur que je pénètre leur bien, une propriété privée... Justement, entre la garrigue et les souches, un large no man's land défriché mais qu'il serait peu productif de planter, monte vers une éminence. 

... toujours plus haut vers le soleil du matin...
 
Le radôme du Plan de Roques au loin.

Curiosité et espoir de la bonne surprise interfèrent : on voit la ligne de la barre, côté pente douce, sous un ciel plus aveuglant encore et, à droite, pour se situer, le radôme de l'armée au Plan de Roques. Plus bas, un chemin à gauche devrait permettre de contourner sans traverser les vignes, sans abuser de l'amabilité ambiante. Bonne idée avec un soleil qui, avec les heures, ne fait pas semblant : le long de ce chemin en transversale, des pins et une garrigue touffue en tempèrent l'ardeur. Au bout, hélas, caché dans les broussailles, les épines, un ravin à sec, de ces ruisseaux excessifs, rageurs seulement lors d'un orage ou épisode méditerranéen. Passer en force n'est pas envisageable : je n'ai plus ni l'âge, ni la motivation ni la tenue pour... même les sangliers se ménagent des pistes. L'obstacle oblige à presque un retour en boucle, par le bord des vignes qui plus est... Même hors de vue de la campagne, il n'est pas bon d'abuser du bon vouloir des possédants. 

Fleurs...

... et fréjal.

 En amont, peut-être à un kilomètre, pourtant, un accès marqué par un passage de roues. Un raidillon ponctué régulièrement par les abris de pierres ou de palettes des chasseurs de palombe lors des passes d'automne. On comprend mieux pour les roues, celles des "quaquatre" comme le dit Nadau, le troubadour des Pyrénées, en présentant "Saussat", sa chanson en occitan (voir "Chemin d'école", épisode 3). Dans les clapasses, les pierriers, quelques fleurs compensent, de leurs touches de couleur, la grise sévérité du fréjal.   

Et là haut, toujours plus haut, cette lumière puissante, tant sur le paysage que sur mon passé...

 


vendredi 17 décembre 2021

CHEMIN D'ÉCOLE (3) Qui a dit "La propriété c'est le vol" ?

 

Pour se situer, la départementale entre Fleury et St-Pierre en haut à droite, le plan de Roque, hauteur stratégique d'où opère un radar de l'armée, en bas à gauche. Merci l'IGN !

A un moment donné, il faudra bien que ce grillage prenne une autre direction, avec la possibilité de contourner pour, cap au levant, trouver les ruines peut-être encore d'une bergerie d'antan, la Caune, accompagnée, qui sait, d'une grotte, au seuil de la barre de Saint-Pierre. De là haut, pour la première fois de ma vie, suite à cette aventure en terre inconnue, si loin dans mon imaginaire et pourtant si proche du chevelu fasciculé à peine exploré des racines familiales, il me sera enfin possible de voir la Pierre, les deux constructions, ruines, vestiges ou encore de quelque utilité, le point de chute de la migration descendue de l'Ariège, point tangible habité par des aïeux, vers la fin du XIXe siècle. 



 Foutu grillage, barrage à 90 degrés de la direction à prendre, qui, tel une paradière, mène obligatoirement au piège, à l'une des pantanes du trabacou à poissons de l'étang (nous étions avec les pêcheurs de l'Ayrolle en novembre).... Le chemin, bien carrossable malgré quelques flaques à sangliers dans une paire de cuvettes argileuses, et quelques affleurements de fréjal (1), semble régulièrement utilisé ; il monte encore en même temps que la question d'une première fois, entre curiosité et souci : quoi donc en haut ? la vue sur la mer ? Des terres interdites et le délit d'entrée sur la propriété d'autrui ? Ne pouvant suivre le chemin d'école de papé Jean et du cousin Étienne que j'ai connu aussi, je me console en pensant le rejoindre en haut de la barre, au-dessus d'un piémont fertile avec, plus loin, la mer pour un point de vue unique. 

Camplazens.

Et bien, en haut, pas tout encore mais une campagne dans son écrin de vignes : ce ne peut être que Camplazens. Ici aussi ils ont concassé la garrigue pour planter toujours plus (2) mais pas de grillage, pas de panneau agressif ou d'une pédagogie cauteleuse. Il n'empêche, le promeneur, même correct et respectueux des gens et de la nature (ce n'est malheureusement pas le cas de tous (3)), gênant par bien des aspects, doit se faire discret par rapport aux propriétaires... et aux chasseurs qui louent, qui paient... Raison de plus pour qu'on sache de quels chemins, de quels espaces, la collectivité qui elle aussi paie ses impôts, peut profiter !  

(1) Dans le trésor du Félibrige, lou fréjalié est le tailleur de pierre dure... Il me semble que le nom donné à Fleury, à ce calcaire dur et gris est "fréjal"...  

(2) Le Languedoc terre de grande production vinicole, a su prendre le virage à 180 degrés pour une indiscutable qualité : le prix toujours plus élevé des bouteilles en atteste. Une bonne partie des domaines a été acquise par de gros investisseurs de tous horizons : les campagnes de jadis sont devenues "châteaux", il en est ainsi des domaines cités dans cette chronique (Tarailhan, les Bugadelles, Camplazens, Vires, les Karantes) et si quelques uns, à l'extérieur ou au village ont su négocier ce tournant, les étrangers sont nombreux (Etasuniens, Anglais, Suisses... à quand les Chinois ?)... et la tramontane de leur stratégie intéressée qui n'a jamais existé dans la Clape n'arrête pas de souffler sur leurs pages web... 

(3) "... Il y a des glaciers, des rochers, la pelouse les sapins, les hêtres, les bouleaux, les papiers gras et des bouteilles de bière, ce qui aurait tendance à démontrer que les cons ne supportent pas l'altitude..." Nadau qui raconte les Pyrénées avant de chanter Saussat (en occitan traduit en français): 

https://www.youtube.com/watch?v=J1k04LGD--g


mercredi 15 décembre 2021

VOTE ET TAIS-TOI !


 https://www.agoravox.tv/actualites/politique/article/la-volonte-manifeste-du-candidat-92167?fbclid=IwAR3ZedKyo78ud8KMV9ebuVNRDuMpbg9nQnzS4QhAxiKEefofmtk96bVrZ8U

 

Le virus omacron menace et ce n'est pas d'aujourd'hui...

Notées à la volée, autres saillies sur l'avènement de qui vous savez et pas que : 
 
* En 2016, moins de 200 mille euros pour le candidat oMacron "le plus fauché de tous les candidats" (Dupont-Aignan env 2 millions, Mélenchon env 900 mille, il y avait juste Poutou derrière lui... 
 
*Un loup dans la bergerie plus maigre qu'avant d'y entrer... 
 
*Trois ans avant, il avait 2 millions donc il a dépensé un smic par jour, résultat : plus de patrimoine à la fin mais de puissants friqués l'aident... 
 
* Est-ce honnête et décent d'invoquer la protection de la vie privée pour justifier de ne rien dire aux Français ? 
 
* Gère-t-il (gérait-il) son argent comme il gère le pays ? 
 
* Il avait environ vingt fois plus par mois chez Rot child... Comment quitte-t-on un job à ce niveau pour faire porte-serviettes chez Hollande ? Faut-il considérer le fait dans un cadre de réseaux et de retours d'ascenseurs ? 
 
* Conférence de presse : peut continuer à choisir ses interviewers... "Laziza, je te veux si tu m'passes la brosse, ce n'est pas un problème pour moiiiiii..." ... la propagande devient si massive, de plus en plus mensongère, soutenue par des milliardaires plus nombreux... 
 
* Y a pas d'inflation mais regardons le prix d'une maison, d'un appart... et il n'y aurait pas d'inflation ? Bulle immobilière française : dès que les taux remonteront à 4, 5% ça ne tiendra plus. L'inflation remonte les gens vont perdre sur le salaire et la Banque Centrale ne fait rien. on imprime des billets, les milliardaires, les actionnaires sont de plus en plus riches. Et ce serait toujours aux mêmes de se la serrer alors qu'il n'y a pas d'énorme problème sur les retraites. 
 
* L'euro n'est pas une monnaie, c'est un outil pour supprimer la démocratie. A titre personnel, expliquez moi l'exploit de la Rép Tchèque, petit pays de 10 millions d'habitants qui a vu sa monnaie, la couronne tchèque se bonifier par rapport à l'euro de plus de 15 % en 15 ans ??? 
 
* oMacron est un prolongement de la nullocratie consentant à la mainmise totale sur le pays par la technocratie bruxelloise, des gens non élus ! 
 
* Zézé ne serait qu'un leurre destiné à dépressuriser le trop-plein de ras-le-bol...

Certes, certes... sauf que,je réagis, n'engageant que moi, suite à l'édito mielleux encensé par plus de 1000 "foloeurs" : 

"Non Blast, ton ton est trop mou, on se demande ce que tu apportes de plus, rien de nouveau sinon une redite de gaucho compatible... Dommage parce que tes flèches contre omacron piquent pas mal... (invitation de Berruyer)... J'ai partagé cette heure trente mais tes 16 minutes là ne valent rien en prime..."...

mardi 14 décembre 2021

CHEMIN D'ÉCOLE (2) Nantis, manants, chasse et culture...

"... La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l'encre, le bois, la craie
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été..." "Automne", René-Guy Cadou (1920 - 1951). 

A gauche de la mairie de Fleury, l'école des garçons.


La vieille école, fille du progrès, du temps où les filles n'avaient pas encore droit à l'enseignement laïque et où la "salle d'asile" n'était pas encore une maternelle. La vieille école si nouvelle, que la commune l'inaugura vers 1880, sur le site du vieux cimetière où longtemps remontèrent les petites perles de verre des couronnes mortuaires. La vieille école fréquentée par le grand-père Jean et son cousin Étienne au milieu des années 1900 (Jean est né en 1897). Puis vint le tour de mon père, vers 1930... l'avait-on agrandie alors ? Par la montée d'un étage ? C'est celle que je connus, de 1956 à 1960... Puis mes fils au début des années 80. Certains de mes condisciples arrivaient des campagnes, le cartable à la main et dans l'autre, une manne d'osier rectangulaire d'un volume gênant pour des bras encore courts. Des vendanges au 14 juillet, ils portaient la saquette, le repas emporté. 

Ils ne doivent pas être aussi encombrés mais ils sont chargés, Étienne et Jean, à pied. Suivent-ils le bord de la garrigue ou le cours, le fossé pratiquement toujours à sec du ruisseau lié à l'ancien étang fermé de Fleury ? Nous les accompagnons sur le retour, au moment de traverser la Clape, pour continuer le trajet, poursuivre le voyage intime dans ce qu'il y a à passer de son lignage vers sa postérité.   


 

Deux choses : d'abord la surprise de ce joli chêne, ensuite, celle, cachée aux grands flux, d'un calvaire suite à un un décès, sur le chemin même : un homme jeune (24 ans), le 16 avril 1868... à trois heures du matin...  http://chroniquesdeperignan.free.fr/Calvaires/croix_de_molveau.html 

Le vélo cadenassé et caché dans les fourrés, il faut continuer à pied le long d'une propriété grillagée, celle avec cette bâtisse aux airs de manoir empâté, qu'on voit de trop loin, une insulte de parvenu aux humbles bergeries qui se fondaient jadis dans le paysage. Ce n'est pas bien aimable de ma part, c'est à cause du grillage et, en prime, à ce panneau, derrière, voulant impressionner, et qui voudrait dissuader de passer... 


Voyez-vous un chemin derrière le grillage ? Ou alors est-ce pour celui d'où la photo a été prise et dont l'accès n'est pas interdit ? Cela n'est pas sans rappeler des on-dit, vieux d'une vingtaine d'années, à propos de chemins échangés ou cédés entre la mairie et les privés... Médisances de la part des pedzouilles du coin sûrement... Personnellement, j'ai un service à demander à la municipalité, l'opacité ne faisant pas bon ménage avec le vivre ensemble, à savoir qu'elle fasse connaître, même sans trop inciter, les chemins libres d'accès...En attendant, pour la forme, serait-ce protéger de planter un ou deux bons clous dans un pauvre arbre, d'autant plus quand on a les moyens d'une vidéosurveillance ? C'est à prendre bien sûr de la part du pedzouille, du natif buté et borné que je suis... 

Quelle idée aussi de vivre assez vieux pour avoir connu le coin un demi-siècle en arrière ! Il est vrai, une époque classique, avec ses riches se démarquant toujours des autres, pour le dire sans aborder de front les libertés, égalités et autres fraternités trop bien claironnées, du temps où les grands propriétaires prenaient un soin jaloux de leurs landes et garrigues. Pour le gibier, pour s'adonner au plaisir de la chasse, ils invitaient, souvent des édiles, non sans arrière-pensées. Afin d'assurer un bon tableau final, ils payaient un garde à temps plein, compétent pour aider la nature, limiter les nuisibles qu'ils soient animaux ou braconniers... Au Courtal-Naout, la bergerie d'en haut et non une insignifiante "cour" comme le prétend le site du manoir empâté, le garde d'alors, autodidacte et toujours en quête de partage humaniste, m'avait invité pour une visite... jusqu'à m'indiquer un champ certainement destiné à nourrir la sauvagine mais où, dans les chardons, poussaient les couderles (du nom occitan désignant, sauf erreur, le pleurote du panicaut). En montant vers la Barre de Saint-Pierre, il m'avait signalé, non sans évoquer Socrate et les condamnés à mort, des pieds de grande cigüe aux alcaloïdes mortels. Certains auront reconnu Pierre Bilbe, dont le souvenir vient souvent à ma rencontre, ici, sur les chemins de mon grand-père Jean.   

dimanche 12 décembre 2021

CHEMIN D'ÉCOLE (1)

 
Depuis la Clape qui se hausse du col, prétentieuse de retenir un peu le soleil, un jour nouveau caresse les toits du village. Les volets s'ouvrent sur une irrépressible envie d'aller vers lui comme un appel vers sa naissance, son monde, la mer là-bas, comme pour tendre vers l'horizon toujours recommencé, l'Est de l'origine de nos cultures, de nos lendemains... Qui sait ? Au moins, savoir, avec ce chemin d'école, où cet appel du large vers son étroit passé va mener. Cap sur son destin, exploration sans limites de son voyage intérieur, en mode doux, à bicyclette, à pied et dans la tête, sans ce bruit de moteur qui dit trop que nous ne l'utilisons pas raisonnablement.
 
La petite vigne de Pouillet, replantée depuis. Derrière, les champs de l'ancien étang. 

Au premier carrefour, on sait mieux. Vicinal, le chemin domine les champs de l'ex-étang asséché, mais pas pour évoquer une préhistoire sur pilotis. Pouillet : un tènement, quelques pieds de vigne, qu'il hérita, par son mariage, d'une belle-mère veuve jeune, toute de courage, de vaillance... Pour la pause de "midi"sur la braise de sarments, il commençait toujours par quelques escargots poivre et sel, sacrifiés sur le gril des vendanges mais si bons, dit-on, pour la santé. 
 
Un contournement du domaine de Tarailhan autorisé j'espère... 
 
Plus loin, Tarailhan, le château, la campagne, pour dire "domaine", plutôt tourné vers Fleury mais déjà sur le territoire voisin de Vinassan... Passait-il par là, plus loin dans le temps, pour aller à l'école ? 
 

 
 
Le Courtal Crémat.

Après quelques coups de pédale sur la route de Saint-Pierre, le Courtal Crémat, une bergerie ruinée, qui brûla un jour, d'où son nom, sûrement. Des genêts envahissent les devants ; des lierres mangent les murs écroulés ; des figuiers cachent les ouvertures et prennent l'espace des toits crevés. On dit qu'ils sont immortels... Entretiennent-ils le souvenir de ceux qui vivaient là ? En 1866, le berger et sa famille, six personnes au nom torturé par quelque scribouillard inconséquent à l’État -Civil (SIgala ou SEgala ? (2) Peut-être une question de sérieux et de respect de la part de l'autorité administrative à l'encontre des couches les plus modestes de la population ?  
 
A l'arrière-plan, la garrigue pelée alors que depuis, les pins ont poussé partout

Sur la bordure amont de la cuvette asséchée peut-être antérieurement à la présence romaine (700 av. JC ?) (3), sa vigne du Courtal Crémat. Une terre de pico-talènt disait-il, littéralement "qui excite l'appétit" donc qui ne nourrit pas assez... "Es de sablou", c'est du sable, d'ailleurs ils plantèrent des griffes d'asperges, un temps. Sur une photo, il s'occupe du chariot de comportes, dangereusement stationné sur la route, dirions-nous aujourd'hui...
 
Son chemin d'école rejoignait-il ici la départementale ? Ou passaient-ils, avec le cousin Étienne, en suivant le lit du ruisseau appelé à devenir "du Bouquet", ultime affluent de l'Aude, par le château de Tarailhan ? Jamais il n'en parla. Moi, au contraire, parce qu'il est lié à bien des lieux et recoins de la commune, sa maison, sa cave, ses vignes pour le travail, la garrigue pour la chasse et sa naissance, la mer pour la parenthèse estivale de quelques dimanches, je ne parle ici que de lui... "IL", lui qui se grillait deux ou trois escargots en guise d'apéritif, lui qui disait de ses ceps qu'ils poussaient dans une terre de pico-talènt, lui qui, enfant, par tous les temps suivait son chemin d'école, "IL" mon grand-père Jean Dedieu, mon grand-père d'ici...
 
(1) locution copiée suite au titre d'une jolie série télé.
(2) Source : Les Chroniques Pérignanaises

vendredi 10 décembre 2021

Le Poumaïrol (8) PETITE VISITE DE MINERVE DANS L'HERAULT

 « ROGER, ET SI TU ME RACONTAIS MINERVE ? »

« Salut animal, il y a pratiquement un an, on montait au Poumaïrol, manière de se libérer des contraintes du covid. Tu te souviens ? Parce que, si tu as oublié, je te rappelle que tu as laissé une chronique en plan... il me semble (tu me corriges si je me trompe) que tu t’es arrêté  à l’épisode « Minerve »... avant qu’on ne visite un peu le coin... nous venions de gober des huîtres avec du vin blanc, la balade de huit kilomètres devant écluser notre alcoolémie avant  de remonter le canyon de la Cesse vers le pays mystérieux.

J’espère que tu vas toujours bien... Ici le temps reste frisquet mais avec le soleil après les pluies, nous avons encore de belles journées. A bientôt de te lire. Serge.»

Mon cher Serge, aïe, aïe aïe, me remettre dans le bain, reprendre le fil de notre progression vers la montagne, de ce que nous disions, même de ce qu’on a mangé. Vu l’obstacle à franchir, je pourrais te dire que finalement ce n’est pas grave d’être resté en chemin, que ce n’est pas plus mal d’être encore là, un an après... Et puis, c’est toi, non qui a eu l’idée du Poumaïrol ? Rassure-toi, je ne vais pas faire ma mauvaise tête ; nous sommes tant de fois partis pour des paniers de champignons dont on n’a même pas rempli le fond que c’était une bonne idée de partir pour des filles qu’on savait ne plus trouver. C’est toi qui as raison, surtout que cette année nous n’avons rien à raconter. C’est mieux que de transiger, de se trouver de mauvaises excuses : une désinvolture cachant mal la médiocrité de ses petitesses. Vétille ? Bagatelle ? Détail insignifiant ? je ne crois pas : mis bout à bout, ils donnent un ressenti négatif... comme par exemple l’effet affligeant que nous laisse la caste politique à force de manque de volonté, de mensonges, de compromissions. Laissons les grands mots, je m’y mets, il n’y a pas de petite résolution...

Nous avons bu le café je suppose sur ce grand parking vide, payant l’été, ce qui est symptomatique d’un village qui ne vit plus que du tourisme. Il y a bien les vignes autour mais cette production est elle aussi liée aux visiteurs. Et les volets qui ne s’ouvrent que l’été me font l’effet d’une réanimation ne pouvant déboucher que sur une fin de vie. Notre chance fut d’avoir un des plus beaux villages de France seulement pour nous. 



 En descendant vers le village, ce fut une histoire de ponts, d’abord ce viaduc d’accès, monumental ! Mais comment les quelques habitants ont-ils fait pour obtenir satisfaction alors que deux autres ponts naturels au-dessus de la Cesse permettaient d’arriver ? Trois ans de travaux, 115 mètres de long, 40 mètres au-dessus de la rivière, livré en 1912... la France profonde n’était pas abandonnée comme de nos jours ! Concernant les Ponts Naturels ainsi mentionnés sur la carte, un effort d’imagination est nécessaire pour réaliser que nous la route, les garrigues surplombent des tunnels, deux tunnels creusés par la Cesse qui a abandonné d’anciens méandres. D’ailleurs elle coule la rivière en ce mois de décembre, belle et claire... cette fois, nous ne descendrons pas. Et dire qu’en été, on n’en sortirait pas tant il fait bon là dessous ! 

La_Cesse_au_Pied_de_Minerve licence  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author PerPhi
 

Sinon avant d’entrer dans le village, nous avons vu ce qui reste du château, surtout ce coin de muraille « la candéla », ensuite l’endroit où plus d’une centaine de Parfaits cathares choisirent le bûcher plutôt que d’abjurer leur croyance. Dans l’église romane des XI-XIIe siècles, l’autel date de 456 et le Christ a été sculpté dans de l’olivier par Jean-Luc Séverac qui, à plus de 80 ans, vit à Minerve. On lui doit aussi, plus loin, «Als Catars», la sculpture de la colombe cathare en mémoire des victimes de ce 22 juillet 1210... Ne me félicite pas pour la date, c’est juste que je me suis arrêté de fumer un 22 juillet... Et pour l’année tu me diras... Et bé, c’est que Simon de Monfort a pris Minerve un an après Béziers et Carcassonne... bien aidé par les Narbonnais... maintenant quand on traite quelqu’un d’«amori», d’étourdi dans la version aimante sinon d’imbécile en la circonstance, est-ce pour moquer le prélat de Narbonne ou l’abbé chargé de la croisade ou encore le fils de Simon de Monfort prénommés Amaury ou quelque chose comme ça, le prénom devait être à la mode à l’époque... Enfin, regarde sur le Net, toi que je l’ai en panne depuis deux jours) ? A moins que ce ne soit le vicomte Aymeri, ce qui revient au même puisque être bouché à l’émeri n’est pas valorisant... Qu’est-ce qu’on a fait encore ? Nous avons suivi les calades, les rues empierrées  avec, au bout, la vue sur le confluent avec le Brian, l’accès au puits que la catapulte des Croisés a bombardé avec des pierres et aussi des animaux morts pour empoisonner l’eau. Nous sommes sortis par le viaduc puis, d’en haut, par la route, avec de belles vues sur les tunnels, nous avons remonté le cours de la rivière avec l’intention de traverser le causse jusqu’à rejoindre le canyon du Brian. Hélas mais tant mieux pour la nature, un passage à gué qui ne nous aurait pas fait peur en période sèche, nous aurait obligés à mouiller nos pieds. Retour donc au parking et montée vers les dolmens de Bruneau manière d’ajouter deux à quatre mille ans à notre époque et de doubler les deux petits kilomètres à peine parcourus. Figure-toi, je viens de regarder sur la carte détaillée de l’IGN, cette route qui coupe par les causses mène finalement à Ferrals... trop présent, trop pressant, l’homme étreint la planète et je ne te parle pas des huit milliards qui pullulent et qui parlent de bouffer des insectes qui, pour 80 pour cent d’entre eux ont disparu... bien la peine de réhabiliter les quelques colonies de chauves-souris en sursis...

J’arrête, j’arrête, tu m’as déjà entendu répapiller tout ça une centaine de fois. En attendant, rafraîchis-moi la mémoire si tu as quelque chose à ajouter. 

PS : je t'ai mis quelques photos.