mercredi 28 décembre 2022

LE LOTO, CHALEUR D’UN TEMPS ÉVANOUI (5)...

 C'est la période qui fait repenser aux lotos au village dans ces années 60-70. En relisant, dans Fleury-d'Aude en Languedoc, les quatre volets qui lui sont consacrés (il suffit de taper "loto d'antan" dans la recherche). Dans le quatrième article, j'ai repris les petits mots qui accompagnent les numéros à Sigean et à Olonzac avant de chercher comment les lotos peuvent s'organiser à présent (je pense que c'était plus simple avant même s'il fallait, comme pour les bals du Fleury Olympique, tricher finement pour faire passer une part des recettes à l'as). Enfin, d'un site à l'autre, une belle page d'Occitanica s'est proposée sur ces tournures en occitan qui rendaient les parties de loto si plaisantes, et sans lesquelles les soirées de "grandes parties" n'auraient pas eu autant d'attrait... 

LE LOTO, CHALEUR D’UN TEMPS ÉVANOUI...

Mais qu’est-ce qui a fait qu’après plus de 500 ans d’existence, le loto n’existe pratiquement plus ? Certes, on se prend à penser à ces siècles passés, marqués par les façons de vivre à l’opposé, d’une minorité de privilégiés à côté d’une masse de « gens de peu ». Néanmoins, les gens modestes disposaient de biais pour échapper à la dureté de leur condition et plutôt que de toujours se venger (souvent violemment, la violence représentant une réaction naturelle à l’ignorance, aux superstitions) sur des boucs émissaires (vagabonds, sorcières, alchimistes), heureusement que les occasions de faire ripaille ne manquaient pas en plus des dimanches, une quarantaine de jours chômés dans l’année (le calendrier religieux s’accompagnait de fêtes profanes, de banquets et de danses). De là à imaginer des tablées de joueurs dans les cabarets ou les tavernes plus peuple...

De nos jours, une association loi de 1901 peut organiser jusqu’à six lotos dans l’année mais en répondant à plusieurs impératifs. En premier lieu, il faut que ce soit au profit exclusif d’un groupe sportif, culturel, éducatif ou social sinon de charité et non pour faire des bénéfices.

Ensuite, il ne peut concerner que la population locale, à la rigueur les villages voisins sans qu’une publicité en soit diffusée au-delà... c'est sans compter sur la portée planétaire des réseaux sociaux !). De toute façon, les gros lotos comme ils ont existé au niveau départemental (tel le loto « Étoile » avec des voitures et même une villa à Narbonne-Plage !) ne sont plus réalisables.

De plus, l’offre de cartons ne peut dépasser vingt euros (mais qui empêche qui que ce soit de prendre deux séries de cartons à vint euros ?) ; pour diverses raisons, les lots en argent, en volailles vivantes, en gibier, ne sont pas autorisés (les chèques cadeaux, les bons d’achat le sont, la viande doit être tracée) ; la majorité des lots doit provenir des entreprises locales, des banques, assurances, de la mairie... 

En respectant ces conditions un loto peut être organisé (une déclaration en mairie qui souvent mettra un local à disposition, une demande en préfecture peuvent éviter des désagréments). De même, il faut garder la comptabilité de la partie afin de répondre à un éventuel contrôle des Impôts. 

photo pixabay autorisée

Le hasard du tirage des numéros doit être garanti (est-ce que les jetons avec les numéros gravés le garantissaient ce hasard ?).

Certes tout ce « cahier des charges » et obligations, visant à éviter tout détournement, participe au contrôle toujours plus strict des flux monétaires, l’ensemble des citoyens devant être contraint à cause des tentations qui peuvent vite transformer tout un chacun en margoulin... Alors, plutôt que de se laisser aller à une morosité induite par le corsetage toujours plus serré des libertés, repartons baigner dans l’ambiance chaleureuse des lotos d’un temps évanoui. 


mercredi 21 décembre 2022

FIGUERAS, FIGUERES...

Teatre-Museu_Dalí_(Figueres)  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Maksim Sokolov

Figueras, un peu la même chose que Rosas, mais sans la mer. Figueras, la ville de Salvador Dali ; il y est né, il y a dirigé la réalisation de son musée dans les ruines du théâtre incendié lors de la guerre civile (inauguré en 1974) ; son corps embaumé y repose alors qu'il souhaitait rejoindre sa muse et épouse Gala, au château de Pubol (vers la Bisbal d'Empurda). 

Figueres_-_Rambla_Sara_Jordà Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain Dedication Author Zarateman

A Figueras, si on peut se dégoter un truc sympa à becter, une paella sur la rambla en bonne compagnie par exemple (je parle avec la familiarité des jeunes que nous étions), on n'ose pas passer le seuil du restaurant Duran, de grande renommée, fréquenté par une classe sociale pouvant dépenser plus alors que la nourriture de tous les jours impacte fortement le budget, qu'un menu de riche est bien plus cher... Des différences qui se sont d'autant plus resserrées avec le temps que l'alcool est prohibé au volant, que les mœurs ne sont plus aux menus pantagruéliques, qu'on peut commander à la carte, que chez Duran le menu est aujourd'hui (déc 2022) à 28 euros et 17 € pour le plat et le dessert, des prix plus que raisonnables concernant une maison de renom où Trénet, Brassens, Sydney Bechet sont passés. Sur la rambla, contrairement à aujourd'hui, moins d'établissements et pas encore les terrasses en extension sur l'espace public que la municipalité doit encourager pour des raisons élémentaires à comprendre.   


Plus vieux quoique relativement jeune, datant du XVIIIe siècle, le château Sant Ferran de Figueres, une des plus vastes forteresses d'Europe mais qui m'était, jusqu'à ce jour, complètement inconnu. Par contre, les arènes, on les voyait quelque part à droite en arrivant, réservées alors aux courses de toros. Quelques uns de l'excursion sont même allés voir... 
En 2022, quand chez nous, pour ménager tout le monde (le fameux "en même temps" du président Macron), on refuse de contrarier une "tradition", en Catalogne, par contre, la pratique en est interdite depuis 2010. Si Madrid a annulé la décision en 2016, de fait, les arènes de Figueres, achetées par la mairie abritent un gymnase, des salles de sports, un complexe de musculation, de saunas et jacuzzi... un non sans concession à la "corrida espagnoliste"... "la tortura no es cultura"... (Plus étonnant, la télévision nationale s'est déjà prononcée contre la corrida en 2008, un avis auquel l'Etat s'est opposé en 2010). 
     
Dommage, ce ne sont pas des allumettes en cire... 


En plus des achats habituels, le moscatell catalan, entre autres vins d'apéritif, cuits ou non, mutés peut-être. On le trouve dans quelques bodegas, de ces échoppes qui ne vendent que ces produits à la tireuse, bien présentés dans des tonnelets 

mardi 20 décembre 2022

CERBÈRE, PORT-BOU, CADAQUÈS...

Cerbère depuis la route qui monte vers l'Espagne.

Afin de profiter des paysages, des villages sur la mer au pied des Pyrénées, il faut prendre la route de la Côte Vermeille : Collioure pour son site, les tableaux de maîtres dans les cafés, les anchois, Port-Vendres où arrivaient les oranges d'Espagne, les paquebots d'Algérie, les bois du Nord, Banyuls, le pays de Maillol, des bonbonnes ventrues qui laissent leur vin épais cuire au soleil, Cerbère le terminus de la ligne Narbonne-Port-Bou. 



Ici un véritable faisceau de lignes remplit la seule aire disponible enchâssée au pied des montagnes : la différence d'écartement des voies oblige à changer de train, tant pour les voyageurs surtout venant d'Espagne que pour le fret ; le début des années 1900 est marqué par une grève des femmes mal payées à transborder les oranges dans les wagons français. Remarquable aussi, l'hôtel Belvédère, tel un vaisseau futuriste, évoquant les voyageurs forcés, l'exode des réfugiés républicains fuyant le fascisme. 

Port-Bou. 

La route pour l'Espagne passe le cap Cerbère et monte au coll dels Belitres, pas bien haut mais spectaculaire, en surplomb. Le nom rappelle les trabucaires, les contrebandiers, ce qui a vite motivé la construction d'un poste de douane côté français. D'un côté, Cerbère, de l'autre le bourg frontalier espagnol mais il faut passer la frontière en poursuivant sur la route ou gagner une petite auberge sur les hauteurs, avec l'autorisation des douaniers, pour voir Port-Bou, en bas. 
Port-Bou, sa gare surdimensionnée et ses maisons blanches, le plaisir des tapas pour donner envie d'aller plus loin. Tout est plaisir et même le faisceau des cinq flèches à l'entrée des villages n'inquiète pas bien qu'il soit le signe de la phalange, du parti que Franco a su mettre au pas pour qu'il ne lui fasse pas ombre. 

Au fond, le Cabo de Creus. 

Depuis Perpignan et en direction de Cadaquès, avant Armand Lanoux, la guerre d'Espagne va inspirer Henri-François Rey (1919-1987) avec le roman "La Fête Espagnole" (1959), l'histoire d'un engagé des Brigades Internationales qui rencontre l'amour sur la route de Barcelone, adapté au cinéma en 1961, par Jean-Jacques Vierne (1921-2003). Rey sera aussi inspiré par Cadaquès, deux ans plus tard, avec "Les Pianos Mécaniques" : Caldeya, pour ne pas dire Cadaqués, est un petit port de pêche isolé du monde par le massif du cap de Creus ; s'y retrouvent des artistes du pinceau, de la plume, des riches qui viennent s'isoler en une société oisive de privilégiés d'une "dolce vita", faisant penser au Saint-Tropez des débuts. (Les Pianos Mécaniques ont valu une adaptation au cinéma (1965) par Juan Antonio Gardem (1922-2002). Heureusement, Cadaqués est resté préservé du béton, Dali s'est beaucoup impliqué contre les promoteurs immobiliers. Aussi, la péninsule rocheuse du Cap de Creus, toute de maquis, de calanques, de petites plages secrètes, continue-t-elle d'isoler, avec bonheur, l'ancien refuge de pirates et, juste à côté la maison-musée de Dali dans la crique de Portlligat.  

Cadaqués_-_Es_Poal_-_1907 Domaine public Author Enric Llorens Ferrer

Cadaqués 2021 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Castellbo

 

lundi 19 décembre 2022

ROSAS...

 Il est vrai qu'à la fin des années 60, nous devons être peu nombreux à penser que prononcer " ROSES " serait respecter l'identité catalane de la province espagnole à nos portes, de même nous disons "Figueras" pour le chef-lieu de la comarque de l'Alt Empordà, la ville où poussent les figuiers... c'est comme parler d'aller " en Espagne " et non en Catalogne... Il faut peut-être y voir, pour un pays centralisé qui dit "Roussillon" et non "Catalogne Nord", la négation du particularisme, la hantise de la sécession... une pensée à relativiser puisque dans l'autre sens ils doivent dire qu'ils viennent en France. 

Alors allons faire un tour en Espagne, quelques heures, avant tout pour des achats moins onéreux de l'autre côté de la frontière, sinon, en touristes, pour la journée. Ce que nous sommes loin d'évaluer est que dans ces années 60, le tourisme à plus grande échelle (séjours, investissements immobiliers) représente la moitié des entrées de devises ainsi que l'acceptation implicite de la dictature, Franco laissant entendre qu'une forte présence étrangère conforte le bien-fondé de sa gouvernance. 
Au village, le Club des Jeunes, parfois grâce au Foyer Léo Lagrange de Coursan, organise des sorties à Rosas, à Figueras. Que des garçons dans le car il me semble... Les filles seraient-elles encore très " encadrées " à la maison ? Les pays de l'Europe du Sud, méditerranéens, restent corsetés dans des valeurs traditionnalistes, machistes, que la religion conforte. Ce carcan, le tourisme de masse va le mettre à mal. Ainsi, sur la Costa Brava, pour un jeune homme, il est dit que vivre avant le tourisme, c'est une seule fiancée, rentrer avant dix heures le soir, intégrer pour plus tard que le divorce et l'adultère sont montrés de doigt... Avec le tourisme, la fiancée en hiver, celles, passagères, de l'été, la fête jusqu'au petit matin, la vie privée moins livrée au qu'en-dira-t-on...   
Roses_Fischerhafen  licence Creative Commons Attribution 3.0 (non transposée) Auteur Gordito 1869

Rosas, à l'origine un port de pêche, une jolie station balnéaire de plus en plus fréquentée. Au fil des années, aux locations va s'ajouter, à titre collectif ou individuel, la construction d'appartements ou de résidences secondaires. Chez nous, c'est la raison pour laquelle la politique essaie de retenir les estivants avant la frontière grâce au développement, suivant le plan Racine, des stations du Languedoc-Roussillon. 
Nous concernant, la journée à Rosas, en avril ou mai, c'est pour l'exotisme des palmiers, des filles locales auprès desquelles on se fait photographier. Aussi un repas dépaysant avec tapas ou la paella au restaurant, manière d'imiter les embourgeoisés du village, d'un certain âge, qui partent, parfois loin, pour une bonne table. On se groupe par affinité, on court les menus fichés à l'extérieur des établissements, on se croise, on échange de bons tuyaux. Ensuite ce sont les achats, cartes postales, cigarettes et cigarillos, allumettes de cire, menus objets d'orfèvreries usinées, castagnettes ou éventail à offrir... La promenade en bord de mer, le retour des chalutiers, des barques catalanes et après les cagettes de poissons pour la criée, c'est le retour. Fin de la sortie. 

Roses_Palmenpromenade  licence Creative Commons Attribution 3.0 (non transposée). Auteur Gordito 1869

Sources : en plus de sites divers dont wikimedia, le tourisme des années 60 à destination de l'Espagne : le cas des Français [article] Esther Sanchez, Histoire économie et société, année 2002, pages 413-430


dimanche 18 décembre 2022

BARCELONA...

Diapositive François Dedieu 1970

Diapositive François Dedieu 1970. 

Barcelone, c'est un petit voyage en caravane, un cauchemar quand on a dix-neuf ans, qu'on veut s'émanciper, rompre avec le modus vivendi familial, que la majorité légale est à 21 ans, que les parents n'ont pas confiance pour me laisser seul... Bien que parti contraint et contrit, quelques souvenirs agréables ont néanmoins survécu : le contraste entre l'ocre des rochers, le vert des pins, le bleu de la mer avec la Costa Brava, Sant-Feliu-de Guixols avec un restaurant local je crois, Badalona, l'entrée sur Barcelone parce qu'ils y élaborent l'anis del mono, l'anisette avec le singe sur l'étiquette, et bien sûr la capitale de la Catalogne même si la visite du port, des Ramblas (pourquoi disait-on " les Ramblas " alors que les plans mentionnent le singulier ?) n'est pas allée plus loin que la cathédrale. Voir le port, la colonne Colomb, juste une après-midi avant de s'en retourner vers la frontière. Du musée maritime, il me reste le souvenir de l'imposant bâtiment (ce n'étaient pas les Drassanes, le vaste arsenal royal qui aujourd'hui a bien agrandi la surface et les volumes). Où étaient les miens ? J'ai l'impression d'avoir visité les maquettes seul, pour être plus indépendant, sûrement... 

Barcelona_Cristobal_Colón  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International. Auteur AmeAleCV

Barcelone, quelques années plus tard, comme guide, en voyage éducatif organisé, plutôt que de suivre les cours de droit... Cinquante ans plus tard, le malaise demeure, j'ai du mal à parler du jeune homme mal dans sa peau, menteur, dissimulateur, fils peu digne, toujours dans une fuite en avant de plaisirs ponctuels... Pourquoi ? A qui les torts ? Pour masquer la mauvaise conscience me poursuivant, plutôt parler de Barcelone, la capitale qui le vaut bien avec, pour commencer, une référence extrême à l'Histoire, non loin de L'Escala, le site gréco-romain d'Empuriès aujourd'hui aménagé avec un musée (Ampurias dans les années 60, plus sauvage, avec une harmonie poétique plus marquée entre les ruines, les grands pins et le bord de mer). 

Diapositive François Dedieu 1970. 

Avec les jeunes et les accompagnateurs, nous logions dans les hôtels historiques des Ramblas, du centre, avec un ascenseur, des faïences, des boiseries début de siècle mais, me concernant, dans le désintérêt total de tout ce qui pouvait lier au passé, à l'Histoire. Pourtant, depuis la terrasse du Corte Inglés, une sorte de Dames de France puissance quatre, le débouché de l'avenue portant le nom de Franco,ou caudillo ou généralissime, en direction de Madrid, du moins d'une Castille conservatrice, me laissait songeur à siroter un café. Et en bas était-ce la Place de Catalogne ou avait-elle été débaptisée ?   

Au programme, le musée Picasso, période rose, période bleue, la Sagrada Familia et les maisons Gaudi, la colline de Monjuich avec la reconstitution des habitats espagnols, la présence d'artisans animant des métiers anciens. A l'extérieur la visite du monastère de Montserrat, site d'un pèlerinage à la vierge noire dans une montagne découpée en dents de scie... Les Bénédictins entretenaient une chorale réputée de petits garçons (à l'époque seuls les mécréants auraient pu émettre des soupçons sur des déviances potentielles... sauf que quand l'Internet fonctionne, nous apprenons que des scandales sexuels secouent l'abbaye... Ces poursuites légitimes devant la justice le sont-elles concernant la dénonciation de rapports homosexuels ? Quand donc le mariage leur sera-t-il permis ?).   
Au début de ces années 70, l'ambiance n'est pas plombée par les vols à la tire, la violence généralisée et la drogue émerge à peine au grand jour, aussi une sortie de nuit au barrio chino ne pose pas problème (les Catalans disent " barri " pour " quartier " sauf que sous Franco, le fait catalan est autoritairement interdit... une interdiction loin d'être théorique puisque dans les dernières années du régime, des opposants politiques ont encore été condamnés à mort). Qui s'en douterait dans ce quartier chaud où déferlent les marins américains. Ils se défoulent des jours en mer trop nombreux et quand l'un d'eux me tape amicalement sur l'épaule, je me retrouve invité devant une assiette de caracoles et un cuba libre. Lui n'en est pas à son premier mais l'esprit encore clair, il explique que la moitié des gars s'amuse tandis que l'autre, matraque à la main, casque MP sur la tête contient les bagarres et contraint au retour quand c'est l'heure, à charge de revanche, le soir d'après. Je l'ai suivi mon copain d'un soir, de Norfolk il m'a dit. Un flux de braillards débraillés bien encadrés descend vers le port où attendent les chaloupes. Je le perds de vue mais il n'était pas loin de celui qui serre sur sa poitrine une poupée en robe de flamenco en pensant à la fiancée laissée de l'autre côté de l'océan. La chaloupe s'éloigne en ballottant. Cette nuit, personne ne s'est jeté à l'eau pour échapper au bateau-prison... 

Barcelona_August_2014_-_Castell_de_Montjuic Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International Auteur Mummelgrummel


Depuis le fort de Monjuic d'où la gueule des canons surveille la mer, la vue est superbe sur le port de Barcelone où attend le ferry pour les Baléares ou Gênes ou Tanger (années 2000) même sans les navires de guerre de l'oncle Sam. En attendant de prendre le bateau un jour, se faire un petit resto... Au fait quelle est l'alcoolémie autorisée au volant en Espagne ?  

Barcelona_Marina_from_Montjuic  Creative Commons Attribution 2.0 Générique Auteur Tony Hisgett from Birmingham UK

lundi 5 décembre 2022

PAUVRES CHEVAUX ! LIBRES OISEAUX...

Quelques notes et prolongements : 

* c'est parce que les chevaux étaient épuisés que les belligérants ne purent bloquer l'adversaire dans la Course à la Mer, que les Français ne purent tirer avantage de la victoire de la Marne, que les Allemands échouèrent dans leurs offensives du printemps 1918.  

** le soldat de 14 était très bien nourri au point que ce qu'il jetait attirait les rats. Les chevaux eux, étaient mal nourris... chez les Allemands beaucoup sont morts de faim. 

*** si 1/4 des chevaux mourut directement des batailles et bombardements, les 3/4 périrent à cause des maladies, du manque de soins, de la nourriture insuffisante, de dysenterie, par noyade, faibles au point de ne plus pouvoir lever la tête dans des boues liquides montant jusqu'aux chevilles des cavaliers.  

**** inoculer la morve, la gourme, la maladie du charbon chez les chevaux de l'adversaire fait partie des armes de guerre. 

militaires et mulet (1936) Auteur  agence de presse Meurisse wikimedia commons Domaine public

***** il a tant fallu importer des mules d'Espagne que cela donna lieu à un trafic ; des mules amenées en Cerdagne passaient en Espagne puis revenaient par le Perthus, générant un profit substantiel aux trafiquants, une fois acquises par l'armée française. 

***** " Les chevaux et les mulets de l'armée se sont montrés d'une valeur inestimable en conduisant la guerre à une fin heureuse. On les trouvait sur tous les terrains d'opérations, remplissant leurs tâches fidèlement et en silence, sans pouvoir espérer aucune récompense ni compensation. " Général Persching. 

****** Maurice Genevoix, admiratif des Poilus se battant et mourant pour la France (1), parlerait-il du soldat qui s'arrache à vif une balle dans un testicule, de cet autre qui maintient dans sa chemise ses tripes alors qu'il a le ventre ouvert, démontre une belle émotion pour les bêtes innocentes mais entraînées dans la folie guerrière... Pauvres chevaux, pauvres bêtes si belles, vigoureuses mais si vite fourbues, efflanquées, misérables. Et quand les hommes récupèrent, les chevaux restent tête baissée, ce qui dit tout de leur moral... Genevoix parlerait-il des cris terribles des blessés, bien égaux devant la mort, implorant avec les mêmes intonations, en allemand ou en français, il n'oublie pas non plus le hennissement d'un cheval qui agonise, aigu tel le cri d'un oiseau de nuit " ...le hennissement aigu, poignant, qui montait sous les étoiles devant la misère, la méchanceté des hommes... ". 

Du village abandonné des Éparges (Meuse),  il se souvient, sur les pavés, de la galopade éperdue de petits sabots d'une bande de gorets en fuite. Dans ce village, alors qu'il souffle un instant dans la " Maison d'école " avec, au tableau le dernier problème du maître, il se tourne vers la fenêtre parce qu'une forme approche, c'est un vieux cheval avec un sillon de sang à l'épaule. Il le fait passer par le couloir pour rejoindre la cour, derrière, offrant un abri plus sûr. Il le revoit, le vieux cheval, huit jours plus tard, mais étalé, entouré des cadavres des vaches mitraillées par les Allemands. 

Sa consolation (et il rejoint en cela Louis Pergaud), c'est la présence fidèle des oiseaux, symboles  de liberté, de vie. Il leur doit du réconfort " à nos frères de poils et de plumes ", la honte aussi d'être dans le mauvais camp des hommes, mais le recul, finalement, sur notre engeance remise à sa place pour ne pas faire bon usage de sa position dominante... La folie, la cruauté, la bêtise des hommes ne sont finalement qu'un remous dans la vie, la nature qui continuera avec ou sans nous... 

oiseau Carduelis_carduelis Chardonneret élégant wikimedia commons Author Marie-Lan Nguyen

Sous les bombardements, les oiseaux témoignaient que le cours des choses se poursuivrait malgré la fureur irrépressible des bipèdes... les trois-quarts d'entre eux ont disparu parce qu'on tue la terre  au nom d'un productivisme effréné et qu'on s'empoisonne pour pas cher, on va au désastre et l'overdose de loisir est de plus en plus addictive parce que la vie de tous les jours n'apporte pas de bonheur... 

Après le covid, la guerre en Ukraine, la remise en cause, en touchant le porte-monnaie, des énergies fossiles, comme s'il fallait absolument s'évader d'une vie peu désirable (pour ceux qui en ont les moyens !), les réservations à la neige ont augmenté de 22 % ! 

Dans " Le Berger des Abeilles" 1974 / Grasset, Armand Lanoux réfléchit sur la guerre d'Espagne, annonciatrice du séisme nazi : il parle d'une " carmagnole, d'une marseillaise stupide... " 

"« Amusez-vous
Foutez-vous d’tout
La vie, entre nous, est si brève... » 

La chanson de 1934 ne présage rien de bon pour ce qui devrait suivre... 

(1) Son témoignage " Ceux de 14 " regroupe quatre livres sur la guerre, véridiques, minutieux, fidèles, Chaque lieu, chacun des faits sont bien précisés, chaque homme apparaît par son nom...   

www.le-site-cheval.com/images/articles/evenements/guerre-14-18/La_guerre_de_14-18_et_le_sort_des_betes.mp3 première diffusion 21 avril 1957 de l'entretien sur France Culture 

Sites et références : 

" Le Cheval de Guerre ", roman de Michael Morpurgo (1982 en G.B., 2008 seulement en France !), adapté au cinéma par Steven Spielberg. 

Le site Cheval - Guerre 14/18 : Oubliés les 11 millions de chevaux, ânes et mulets enrôlés en masse durant la guerre de 1914-1918 ? - Equitation Pédagogique et Ludique (le-site-cheval.com) 

Les animaux dans la grande guerre (radiofrance.fr) 

et sur ce blog : 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2015/02/fleury-en-france-les-chevaux-de-14.html 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2015/02/les-chevaux-de-14-suite-fin.html 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2015/02/un-monument-au-cheval-de-trait-fleury.htm