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dimanche 16 juillet 2023

SÈTE 18, BRASSENS, la supplique de 7 minutes !

Connu, apprécié, avec " La Supplique pour être enterré sur la plage de Sète  ", Brassens impose son format aux radios. Libre à elles de passer ou non la chanson-fleuve. 

Après un humour à la hauteur d’un capitaine Hadock qui, malgré la tempête, sauverait le vin et le pastis d’abord, l’amour, la confidence sensible, suite au premier flirt :  

 « ...Je connus la prime amourette.
Auprès d'une sirène, une femme-poisson,
Je reçus de l'amour la première leçon,
Avalai la première arête... » 

Georges_Brassens_(1964)_by_Erling_Mandelmann 1935-2018 Photo offerte par l'auteur


Plein de respect pour Paul Valéry, mais non sans se faire valoir, il ergote à propos de l’expression « cimetière marin » (1) :
« ...Moi, l'humble troubadour, sur lui je renchéris,
Le bon maître me le pardonne,
Et qu'au moins, si ses vers valent mieux que les miens,
Mon cimetière soit plus marin que le sien,... »

Oh ! comme une planche de Dubout rendrait bien, en prime au talent des vers et de la musique de Brassens !

« ...Les baigneuses s'en serviront de paravent
Pour changer de tenue, et les petits enfants
Diront : « Chouette ! un château de sable ! »... »

Ah ! pour l’arbre, ne sachant trop ce qui tiendra vue la salinité, ce qui ne manque pas de nous faire penser à Saint-Pierre-la-Mer, laissons Brassens préciser :

« ...Plantez, je vous en prie, une espèce de pin,
Pin parasol, de préférence,... »

Oui, pour épargner aux amis en visite un trop-plein de soleil...

Puis viennent les vents d’Espagne, d’Italie, mistral et tramontane... la poésie a tous les droits dont celui de s’affranchir de la géographie. Houlala ! qu’est-ce qu’il n’aurait pas éructé le satané inspecteur général ! Repos ! Ce n’est pas le problème du poète ! À chacun de voir... les livres, les écrans ne sont pas destinés aux chiens sauf que les poèmes sont les seuls à pouvoir s’en exonérer. Pour ma part, si Brassens envoie son pied dans la fourmilière du bon sens bien partagé, je suis pour à cent pour cent ! Surtout si c’est volontaire car lorsqu’il évoque des échos des musiques venues de nos voisins latins, il prend en compte toutes les influences, y compris la catalane, qui contribuent à former réellement le Sud qui est le nôtre :

« ...De villanelle un jour, un jour de fandango,
De tarentelle, de sardane...  »

J’en appelle à nouveau au renfort d'Albert Dubout (1905-1976) pour une belle femme nue venant faire un sommeil contre sa tombe :

« Et quand, prenant ma butte en guise d'oreiller,
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec moins que rien de costume,
J'en demande pardon par avance à Jésus,
Si l'ombre de ma croix s'y couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume... »

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Brassens n’a moqué que les travers, pas la religion en elle-même. Entre sa mère qui l’a mis chez les sœurs, ensuite son père, anticlérical, à la communale dès qu’il eut l’âge, est-il possible d’avancer que Georges fait preuve d’une intelligence aussi fine que coquine, la croix, le pardon demandé à Jésus étant les vecteurs de cette malice un tant soit peu érotique. 

Georges_Brassens (1964)_by_Erling_Mandelmann 1935-2018 Cadeau de l'auteur.

Nous en arrivons à la chute, théâtrale, de la part d’un libertaire proche de l’anarchie. Toujours avec finesse, il laisse entendre que le pouvoir a toujours besoin de Grands Hommes à honorer par tout un cérémonial, une démarche tendant à s’approprier des destins d’exception pour asseoir sa légitimité :   

«... Pauvres rois, pharaons ! Pauvre Napoléon !
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon !
Pauvres cendres de conséquence !
Vous envierez un peu l'éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant,

Qui passe sa mort en vacances. »

D’une part des « cendres de conséquence », de l’autre « l’éternel estivant ». Quel contraste ! Et l’image du pédalo avec Georges, comme au rocher de Roquerols, en slip kangourou peut-être, encore un instantané que Dubout n’aurait pas manqué de croquer !  

(1) Pour nous qui connaissons celui des Auzils, dans La Clape, avec son allée des naufragés ainsi que, de l’autre côté, celui d’Antonio Machado, encaissé mais si proche de la baie de Collioure « au clocher d’or », bien sûr que le seul et véritable cimetière marin est la mer qui recèle à jamais des disparus. Des  destins qui restent ou pas, et ce plus ou moins longtemps, dans l'émotion du moment ou la mémoire des Hommes.

lundi 1 mai 2023

Les BATEAUX-BŒUFS.

Tels les bœufs sur terre, eux, c’est la mer qu’ils labourent. C’est la raison pour laquelle, suite aux plaintes des petits métiers qui se voyaient privés de subsistance, ces bateaux couplés, puissants, raflant tout jusqu'au pied des bordigues (1), ont été interdits, d’abord en Catalogne, autour du delta de l’Èbre. Vers 1720, menacés de la peine de mort, les Catalans concernés ont emporté avec eux leur méthode efficace en France, en remontant du Roussillon au Languedoc. Tellement efficace qu’elle a vite été adoptée. Le premier gangui (filet) acheté a vite été copié. 

Robert Mols, port de Sète 1891 (détail)domaine public musée Paul Valéry. Le mousse en train de monter sur l'antenne donne l'échelle du bateau-bœuf. 


Incontestablement destructrice, cette pêche a été interdite par l’amirauté au milieu du siècle. Suite aux décrets jamais appliqués, lorsque, en 1769,  les autorités de Narbonne décidèrent de supprimer les bateaux par la loi, les populations concernées, tellement habituées au laxisme, à un certain laisser faire (non sans raisons, cette fois), ont laissé courir. Sauf, (est-ce là une caractéristique bien française ?), qu’un an après, de la mollesse on est passé à la plus grande brutalité. L’ordre était de brûler les bateaux ! 

Gruissan, étang de l'Ayrolle, les bateaux-bœufs étaient alors à l'ancre au grau de la Vieille-Nouvelle (à gauche, au fond sur la photo). Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Christian Ferrer


Un crève-cœur pour les marins de Gruissan ! Ils ont bien essayé de ruser, d’abord en ancrant un peu loin, hors de portée, puis en arguant que les matelots, pas payés, n’étaient pas venus. Les mâts, antennes, agrès et filets furent mis à terre sous séquestre. Ne s’en laissant pas plus conter, l’amirauté a réquisitionné les charpentiers de Bages (ce qui, entre jalousies, concurrences, tensions mettant aux prises petits métiers et patrons-pêcheurs, n’a pas arrangé l’entente) et pas question de couler les coques vides en eau peu profonde pour les renflouer dès que les choses se seraient calmées. À la fin du mois d’octobre 1770, 26 bateaux ont été détruits et coulés, 43 à Agde. 

Gruissan Chapelle_ex-voto pour avoir survécu à une tempête. Notre-Dame-des-Auzils avril 2022 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Tylwyth Eldar (2)

La mutation est à l’origine de l’engagement des marins gruissanais pour le long cours depuis Marseille. Le cimetière marin des Auzils en témoigne. Ces souvenirs traumatisants se transmettent de génération en génération jusqu’à aujourd’hui. (source : archives départementales de l’Aude). Des bateaux ont été détruits aussi à Marseillan mais pas à Cette où cette technique de pêche n’a existé que plus tard. En 1906, plus de soixante-dix bateaux-bœufs y étaient immatriculés.

Cette pêche devant toujours être interdite, s’est pourtant toujours maintenue. Les destructions des bateaux-bœufs ont-elles été effectives partout ? Les chalutiers qui ont pris la suite n'ont-ils pas continué à dévaster les fonds ? 

Nous devons à Bernard Vigne, lui-même maître à bord d’un vieux voilier d’avoir commis un brillant et complet article sur le bateau-bœuf dans une revue dont on n’a plus à vanter la grande qualité « Le chasse-marée » n° 89. 30 minutes de lecture, tout y est de Sète, de ses Italiens à la construction, au plan du bateau ; la coque, le pont, le gréement, les voiles, l’aménagement, l’équipage, les manœuvres, la pêche, son partage, l’entretien. Et des photos aussi rares que parlantes. 

(1) pêcherie espace dotée de barrières de carabènes (roseau dit " canne de Provence ") et sénils pour amener le poisson au centre d'un piège d'où il ne saura et ne pourra pas repartir. 

lundi 19 décembre 2022

ROSAS...

 Il est vrai qu'à la fin des années 60, nous devons être peu nombreux à penser que prononcer " ROSES " serait respecter l'identité catalane de la province espagnole à nos portes, de même nous disons "Figueras" pour le chef-lieu de la comarque de l'Alt Empordà, la ville où poussent les figuiers... c'est comme parler d'aller " en Espagne " et non en Catalogne... Il faut peut-être y voir, pour un pays centralisé qui dit "Roussillon" et non "Catalogne Nord", la négation du particularisme, la hantise de la sécession... une pensée à relativiser puisque dans l'autre sens ils doivent dire qu'ils viennent en France. 

Alors allons faire un tour en Espagne, quelques heures, avant tout pour des achats moins onéreux de l'autre côté de la frontière, sinon, en touristes, pour la journée. Ce que nous sommes loin d'évaluer est que dans ces années 60, le tourisme à plus grande échelle (séjours, investissements immobiliers) représente la moitié des entrées de devises ainsi que l'acceptation implicite de la dictature, Franco laissant entendre qu'une forte présence étrangère conforte le bien-fondé de sa gouvernance. 
Au village, le Club des Jeunes, parfois grâce au Foyer Léo Lagrange de Coursan, organise des sorties à Rosas, à Figueras. Que des garçons dans le car il me semble... Les filles seraient-elles encore très " encadrées " à la maison ? Les pays de l'Europe du Sud, méditerranéens, restent corsetés dans des valeurs traditionnalistes, machistes, que la religion conforte. Ce carcan, le tourisme de masse va le mettre à mal. Ainsi, sur la Costa Brava, pour un jeune homme, il est dit que vivre avant le tourisme, c'est une seule fiancée, rentrer avant dix heures le soir, intégrer pour plus tard que le divorce et l'adultère sont montrés de doigt... Avec le tourisme, la fiancée en hiver, celles, passagères, de l'été, la fête jusqu'au petit matin, la vie privée moins livrée au qu'en-dira-t-on...   
Roses_Fischerhafen  licence Creative Commons Attribution 3.0 (non transposée) Auteur Gordito 1869

Rosas, à l'origine un port de pêche, une jolie station balnéaire de plus en plus fréquentée. Au fil des années, aux locations va s'ajouter, à titre collectif ou individuel, la construction d'appartements ou de résidences secondaires. Chez nous, c'est la raison pour laquelle la politique essaie de retenir les estivants avant la frontière grâce au développement, suivant le plan Racine, des stations du Languedoc-Roussillon. 
Nous concernant, la journée à Rosas, en avril ou mai, c'est pour l'exotisme des palmiers, des filles locales auprès desquelles on se fait photographier. Aussi un repas dépaysant avec tapas ou la paella au restaurant, manière d'imiter les embourgeoisés du village, d'un certain âge, qui partent, parfois loin, pour une bonne table. On se groupe par affinité, on court les menus fichés à l'extérieur des établissements, on se croise, on échange de bons tuyaux. Ensuite ce sont les achats, cartes postales, cigarettes et cigarillos, allumettes de cire, menus objets d'orfèvreries usinées, castagnettes ou éventail à offrir... La promenade en bord de mer, le retour des chalutiers, des barques catalanes et après les cagettes de poissons pour la criée, c'est le retour. Fin de la sortie. 

Roses_Palmenpromenade  licence Creative Commons Attribution 3.0 (non transposée). Auteur Gordito 1869

Sources : en plus de sites divers dont wikimedia, le tourisme des années 60 à destination de l'Espagne : le cas des Français [article] Esther Sanchez, Histoire économie et société, année 2002, pages 413-430


samedi 13 mars 2021

LE VIN BOURRU de J.-C. Carrière / lecture à quatre z'yeux


Quarante kilomètres à vol d'étourneau entre Colombières, le village de Jean-Claude Carrière et Fleury-d'Aude, entre le pied du Massif Central et le rivage méditerranéen. Peu de distance mais une géographie très contrastée et pourtant une vie commune où chacun peut se reconnaître, retrouver le souffle vital légué par les aïeux, supputer la pression latente d'un jacobinisme nordiste sur un Sud qui veut vivre... 

Au fil des pages, quelques thèmes partagés, estampillés "Languedoc".

LE VENT. 12 mars 2021. 4 heures du matin : 10° avec le marin, de la douceur mais il ne fera pas plus de 13 degrés cet après-midi puisque le vent va tourner au nord-ouest.  Ah, en parles-tu du vent ? Oui : "le pays est [...] froid l'hiver à cause du vent du Nord qui descend en sifflant du massif..."
 C'est vrai que nous aussi avions l'habitude de dire "vent du Nord" pour un air pourtant venu d'ailleurs. Mais tout comme nous, tu ne mentionnes pas la tramontane. 
Suivi : finalement le vent hésite entre sud-ouest et nord-ouest, dans le premier cas ce serait  "labech" et est-ce que le proverbe trouvera à justifier demain "labech tardièr, cers matinièr" ? (labèch du soir, cers du matin).

LA MER. A t'entendre il te tardait de dépasser ton monde fermé, encaissé entre "... Le Caroux, haut bastion escarpé qu'on qualifie d'imposant et de pittoresque..." et au sud la chaîne basse et arrondie de Sauvagnère. Pourtant, par le versant raide du Caroux, une fois en haut sur le plateau, on voit la mer. 
A Fleury, vers 1930, à l'époque de ta naissance, il s'en trouvait toujours une paire, à l'école, qui n'avaient jamais vu la mer. Alors le maître les emmenait un jeudi sur les hauteurs de la Clape et deux mille mètres plus loin, près le Pech de la Bado, vers 160 mètres d'altitude, on la voit la mer, plein Est, à six kilomètres à peine. 
Note : depuis les coteaux au sud-ouest (Fontlaurier, le Phare) ou ouest (le château d'eau), on la voit la mer. Au-delà de l'étang de Vendres, on reconnait l'immeuble de Valras.   
 
ane-sang-et-or nanou.over-blog.org

LES GAVACHES. Déjà, pour situer Colombières tu ajoutes :
 
"Juste un mot sur les gavaches (prononcer gabatchs). Ils vivent au nord, dans les régions froides et peu civilisées des montagnes centrales. Ils parlent patois et ne sont bons qu'à faire brouter les vaches. A certaines saisons ils descendent dans les terrains méridionaux comme travailleurs périodiques. C'est l'occasion pour nous de voir comme ils sont frustes et ignorants. Le gavache est la référence barbare..."

Et nous Audois qui sommes les Gabaches en chef des Catalans (1) eux-mêmes Gabaches de qui déjà ? Des Catalans d'Espagne ? Des Espagnols non catalans ? Le mot aurait un rapport avec le goitre dû à une carence en iode chez les montagnards de France partis faire les moissons de l'autre côté des Pyrénées dans une Espagne bien plus verte qu'aujourd'hui (les migrations ne se font pas en sens unique !), et ce depuis 1530 ! L'espèce humaine étant d'une nature douce et non agressive, goitre et crétin devinrent synonymes.   
Si les Mexicains ont eu dit (ou disent encore ?) "gabacho" en parlant d'Européens ou de Yankees, un affairisme historique met au second plan le côté péjoratif du terme lorsque, à la frontière du Roussillon, terre aragonaise durant quatre siècles, une interprétation plus apaisée vient traduire le traditionnel "Catala bourou, Gabach  porc !"(2), à savoir que sur la frontière où avaient lieu les échanges, les uns proposaient des ânes réputés, les autres des cochons ! 
Et nous, du Bas-Pays, nous disions plutôt "mountagnols" que gabaches...  

Cochon_recueilli_par_le_Refuge_GroinGroin wikimedia commons Photo_de_L214_-_Éthique_&_animaux

Encore les interconnexions entre l'Occitanie, l'Espagne, le Mexique ! 

(1) nomment-ils ainsi les Occitans du nord du département des Pyrénées Orientales (Fenouillèdes notamment) ?
(2) Catalan tu es un âne, Gabach tu es un porc. 


dimanche 19 juillet 2020

Histoires au CABANOT (fin) / Les cabanons de la plaine.


Encore Toumassou, agacé qu'à tout moment on porte des escargots à Ernestine qui les met dans une grande poche de son tablier de travail :
"S'en pas aïci per lous cagaraous !" (On n'est pas là pour les escargots !).




Lou CABANOT... je crois aussi avoir entendu dire "lou GRANJOT" et peut-être lors d'une lecture oubliée "lou MAZOT". Au-dessus nous avons la métairie avant le domaine appelé campagne, la bastido, la ferme ou lou bastidoun, la petite ferme chez Pagnol.

Quant à François Tolza, cet auteur d'autant plus attachant qu'on ne sait rien de lui (et que ses lignes sont magnifiques), dans la plaine de la Salanque, il parle du "CASOT" (1) où l'homme voudrait renouveler son rendez-vous galant :
"... Dedans cela sentait le fumier sec, le rat, la boite de sardines vide..."

http://www.cealex.org/pfe/diffusion/PFEWeb/pfe_002/PFE_002_024/files/pfe_002_024_w.pdf  
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2018/09/vendanges-davant-guerre-fleury-daude-en.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/07/la-revue-du-caire-adoracion-francois.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/11/raisin-vendanges-adoracion-francois.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/07/francois-tolza-adoracion-6-sur-la-piste.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/07/francois-tolza-adoracion-4-presser-les.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/07/francois-tolza-adoracion-3-compte-rendu.html



Du CABANOT au CASOT, du Languedoc au Pays Catalan en passant par la Provence, dans la plaine et les métairies il y a aussi l'Espagne des émigrés politiques voire économiques. Certains sont restés, ont fait souche, d'autres sont repartis à la mort du Caudillo et si, contrairement aux cabanots, les campagnes, pas toujours en tant que domaines viticoles, continuent d'être habitées, à la vue d'une bastide abandonnée, le destin des gens qui passent en même temps que nos vies ne peut que nous interpeler.
 
En partant des cabanons de la basse plaine de l'Aude, des canaux (jusqu'au Pô), des deltas (2), du Rhône à l'Ebre, décliner encore une fois un pan historique et culturel de notre Méditerranée Occidentale comme on déplierait un éventail depuis l'Italie jusqu'à la Catalogne a quelque chose de humble et de grand à la fois, ma sensation n'en serait que trop subjective...    

(1) roman ADORACION (1946). En catalan, la langue sœur. Voici ce qu'en dit l'auteur : "casot : petite construction, généralement sans étage, aun milieu des vignobles, où s'abritent bêtes et gens en cas de mauvais temps."
(2) voir articles antérieurs. 


mardi 3 septembre 2019

DE LIMOGES A L'ANDALOUSIE / Les vendanges à Fleury.


 Foulard et galinos. 

"... La "galino" : je vais tout de suite vérifier ce que nous appelions "uno galino" sur le dictionnaire d'occitan de Louis Alibert (1884-1959), et je trouve, notre G initial ayant adouci le C d'origine. 
CALINA, f. Espèce de coiffure de soleil que les ouvrières des champs portent en Lauragais (et pas seulement ! FD). Elle est constituée par une armature de fil de fer et de brins de joncs recouverte de calicot. Etym. Contraction de l'occ. capelina. 
Je reprends ainsi ma "caline". Je t'ai déjà dit que maman et mamé Joséphine faisaient leurs "galines" non avec du fil de fer et des joncs (!) mais avec des bandes de carton fort de trente centimètres environ sur 4 cm de large, le tissu (bleu ou noir) les enserrant des deux côtés, une piqûre à la machine séparant les cartons ainsi dissimulés, ce qui donnait un "relief" spécial au tout ; l'arrière de cette coiffure était bien entendu sans carton, et un cordon pendant en bas sur le devant, de chaque côté, permettait de nouer une "bugadelle" et de fixer le tout sur la tête..." 
François Dedieu / Pages de vie à Fleury d'Aude / II Caboujolette / dedieu éditeur mai 2008. 

Dimanche 25 août 2002. « … M. et Mme Petiot étaient nos « correspondants de guerre » dans la Creuse pendant la seconde moitié du conflit mondial 39-45. Du fait que nous n’avions guère à Fleury que notre vin comme ressource, nous souffrions beaucoup du rationnement extrême de la nourriture. Il était devenu assez courant de rechercher un correspondant dans le Centre pour échanger tout à fait légalement du vin contre du beurre, du lard, des pommes de terre. 
Pour ma mère, ce voyage à Chaulet via Limoges où l’on changeait de train fut sans conteste le plus long de sa vie. En entendant le haut-parleur répétant « Ici LIMOGES, ici LIMOGES, sept minutes d’arrêt. BUFFET. Correspondance pour… », elle ne put s’empêcher de s’interroger : « Et ba disoun, aco, buffez ? » Elle pensait à nos vendanges sous le soleil brûlant. Nous nous arrêtions un court instant de couper des raisins et disions pour plaisanter, redressant notre dos douloureux : « Deux minutes d’arrêt. Buffez ! », ce dernier mot traduisant en occitan (bufar = souffler) l’idée de souffler un peu, d’observer une courte pause… » 

Vendanges 1975 Corbières Fonds André Cros Archives municipales de Toulouse.

Jeudi 13 novembre 2003. « … A l’époque des vendanges, un petit bal avait lieu tous les soirs au café. L’animation du village était alors fort grande, les familles de vendangeurs venus d’abord de l’Ariège, puis d’Espagne, non seulement de Catalogne ou d’Aragon, mais aussi de la lointaine Andalousie, mettant une note exotique où résonnaient différentes langues ou divers dialectes et pidgins savoureux. Dès l’arrivée de la vigne, une toilette s’imposait à la fontaine du coin de la rue, et on allait se promener, puis danser un peu. Vers 22 heures, tout redevenait calme : la journée du lendemain allait être encore rude à la vigne, et on serait heureux si les nuées de moustiques voulaient bien se dissiper sous l’effet d’un petit cers salutaire ou d’un vent marin bienvenu sous un soleil accablant… »

jeudi 7 février 2019

L'AMANDIER / Terres du Sud.


Cette fois, ça y est, des échos viennent du pays, par mami et Laeti, pour me dire que le messager s'est annoncé, non dans un nuage de poussière mais par "un essaim de papillons blancs"...  

Ma « cueillette » de l'an passé mais intemporelle : 

« O vieux amandiers du pays,
Je vous aime et je vous vénère
Couverts de fleurs ou de glaçons,
Vous, dont plus d'un est centenaire,
Vous qui restez quand nous passons […]

Amandiers que l'Autan, dans sa rage jalouse,
Plume, pour étoiler les prés ou la pelouse
D'un essaim de papillons blancs… »

Pierre Marfaing Poèmes d’Ariège, 10 francs, FOIX Typographie Pomiès, Fra & Cie successeurs, 1930 (sur le site de Sorgeat décidément très vivace ! http://sorgeat.free.fr/mem.php). 


Le mont Canigou depuis le Barcarès author Leguy French Wikipedia.

Pyrénées Depuis les orgues d'Ille-sur-Têt, le Mont Canigou author Babsy
Ce piémont ariégeois fermé au midi par la superbe barrière enneigée des Pyrénées, une vision depuis le Pédaguès et l'Aganaguès, au-delà du Plantaurel et du Massif de l'Arize, belle et vive comme une truite, où on se prend à fredonner l'air de Gaston Fébus, SE CANTO, QUE CANTO, fédérateur de l'âme occitane : 

"... Dessús ma fenèstra
I a un ameliè
Que fa de flours blancas
Coumo de papièr

Aquelas flours blancas
Faràn d’amellous
N'emplirem las pòchas
Per ieu e per vous..."

(Au-dessus de ma fenêtre, il y a un amandier qui fait des fleurs blanches comme du papier,
Ces fleurs blanches feront des amandes tendres (1) qui rempliront nos poches pour moi et pour vous...).

Dernière idée liant malheureusement une histoire d'amour à la grande Histoire... 
Histoire d'amour pour un Gaston Fébus, moins doux et recommandable que ne le laisserait penser sa chanson, au regret d'avoir répudié et renvoyé sa femme Agnès pour une histoire de dot.

Toujours dans Se canto, que canto, la chanson devenue hymne de l'Occitanie : 
 
"... Aquelos mountanhos
Que tan nautos soun
M'empachoun de veïre
Mas amours ant soun..." (ma transcription en languedocien) 

(Ces montagnes Qui si hautes sont M'empêchent de voir Où mes amours sont).   

Histoire tout court, brutale, sanglante, qui, en février 1939, voit les Républicains espagnols passer la montagne pour se réfugier en France (La Retirada). 

Ces chroniques ont pour cadre les Pyrénées qui ne sont pas la barrière qu'elles semblent former, entre le Béarn et la Navarre, entre l'Aragon, la Catalogne, l'Occitanie et notre pays catalan. Il ne faut pas s'en tenir à une définition sans nuances puisque ces pays partagent le rouge et le jaune, le sang et or de leurs couleurs, des langues sœurs et imbriquées (Fenouillèdes, Val d'Aran), des vignes, des oliviers, des amandiers, des migrants d'une même maisonnée...  

Détail ultime cité par Mistral sous la dénomination "CH. POP." (chanson populaire) mais dont la scansion semble calquée sur Se canto, comme une variante (elles sont aussi nombreuses que les pays et terroirs occitans !) : 

"... Aquéli flour blanco
Sèmblon d'ameloun
Mai soun pas tan douço
Coume si poutoun..." 

(Ces fleurs blanches Semblent des amelouns Mais ne sont pas aussi douces Que ses baisers).  


(1) Frédéric Mistral (Trésor du Félibrige) parle de "petite amande, amande qu'on mange verte", peut-être pas encore à terme ("...L'amande verte désigne un fruit qui n'est pas mûr ou pourri, récolté en juin et juillet, d'aspect tendre et laiteux et de saveur délicate..." Wikipedia).
Les expressions citées par Mistral pour expliciter l'entrée semblent confirmer :
* Suça jusqu'à l'ameloun, sucer jusqu'à la moelle.
* gela coume un amelloun, gelé jusqu'aux os... (l'amande est la graine de l'arbre, issue de la fécondation du pistil, un carpelle entouré d'étamines. Cette graine parfois jumelle (philippin, philippine*), rarement triple ou même quadruple (porte-bonheur protégeant de la foudre et des... hémorroïdes !) se forme à partir d'une gelée originelle.  
* philippin, plilippine jeu qui consiste à partager l'amande bessouno, le premier revoyant l'autre gagne s'il salue d'un "Bonjour Philippine !)