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dimanche 19 juillet 2020

Histoires au CABANOT (fin) / Les cabanons de la plaine.


Encore Toumassou, agacé qu'à tout moment on porte des escargots à Ernestine qui les met dans une grande poche de son tablier de travail :
"S'en pas aïci per lous cagaraous !" (On n'est pas là pour les escargots !).




Lou CABANOT... je crois aussi avoir entendu dire "lou GRANJOT" et peut-être lors d'une lecture oubliée "lou MAZOT". Au-dessus nous avons la métairie avant le domaine appelé campagne, la bastido, la ferme ou lou bastidoun, la petite ferme chez Pagnol.

Quant à François Tolza, cet auteur d'autant plus attachant qu'on ne sait rien de lui (et que ses lignes sont magnifiques), dans la plaine de la Salanque, il parle du "CASOT" (1) où l'homme voudrait renouveler son rendez-vous galant :
"... Dedans cela sentait le fumier sec, le rat, la boite de sardines vide..."

http://www.cealex.org/pfe/diffusion/PFEWeb/pfe_002/PFE_002_024/files/pfe_002_024_w.pdf  
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2018/09/vendanges-davant-guerre-fleury-daude-en.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/07/la-revue-du-caire-adoracion-francois.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/11/raisin-vendanges-adoracion-francois.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/07/francois-tolza-adoracion-6-sur-la-piste.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/07/francois-tolza-adoracion-4-presser-les.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/07/francois-tolza-adoracion-3-compte-rendu.html



Du CABANOT au CASOT, du Languedoc au Pays Catalan en passant par la Provence, dans la plaine et les métairies il y a aussi l'Espagne des émigrés politiques voire économiques. Certains sont restés, ont fait souche, d'autres sont repartis à la mort du Caudillo et si, contrairement aux cabanots, les campagnes, pas toujours en tant que domaines viticoles, continuent d'être habitées, à la vue d'une bastide abandonnée, le destin des gens qui passent en même temps que nos vies ne peut que nous interpeler.
 
En partant des cabanons de la basse plaine de l'Aude, des canaux (jusqu'au Pô), des deltas (2), du Rhône à l'Ebre, décliner encore une fois un pan historique et culturel de notre Méditerranée Occidentale comme on déplierait un éventail depuis l'Italie jusqu'à la Catalogne a quelque chose de humble et de grand à la fois, ma sensation n'en serait que trop subjective...    

(1) roman ADORACION (1946). En catalan, la langue sœur. Voici ce qu'en dit l'auteur : "casot : petite construction, généralement sans étage, aun milieu des vignobles, où s'abritent bêtes et gens en cas de mauvais temps."
(2) voir articles antérieurs. 


lundi 24 septembre 2018

VENDANGES D'AVANT GUERRE / Fleury d'Aude en Languedoc

Je tombe sur ce brouillon oublié, sur François Tolza, un auteur inconnu, nimbé de mystères, resté dans les brumes du grand Meaulnes mais qui a su faire passer les battements d'un monde d'avant, pourtant toujours palpitant...  Un souffle à partager, absolument...  



15 août 2017, les vendanges ont bien 15 jours d’avance. A Frontignan on cueille le muscat petit grain. A Limoux où tout se coupe à la main, Blanquette oblige, le chardonnay et le pinot sont rentrés et il faudra attendre pour le chenin et le mauzac... 

A l’image du blé, le raisin a fait l’objet, pratiquement depuis l’antiquité et peut-être jusque dans les années 70, d’une récolte sacrée. Si la mécanisation et plus que tout la chimie avec ses maux en -cide lui ont fait perdre son caractère rituel, une collecte improbable, d’un autre genre (que l’Internet en soit remercié), peut faire revivre la liesse des hommes soucieux du ciel quand la terre daigne offrir en retour le fruit de leurs efforts. 

Une recherche aussi aléatoire que chanceuse nous a donc amenés à ouvrir un numéro de « La Revue du Caire », "Revue de littérature et d'histoire" dans sa huitième année. Les numéros 76 et suivants publient « ADORACION », une œuvre de François Tolza.
http://www.cealex.org/pfe/diffusion/PFEWeb/pfe_002/PFE_002_029_w.pdf 

Est-ce une longue nouvelle ? un petit roman ? une novella ? Comment nommer, en effet, un ouvrage de 152 pages ? Et qu’il est déconcertant de réaliser qu’il a été écrit entre 1941 et 1942 à Alexandrie... Alors que l’Afrikakorps de Rommel menace le Canal de Suez, artère vitale des Britanniques. L’auteur se replonge dans une ambiance qu’il connaît trop bien, celle d’un village du Roussillon, du microcosme de ses habitants aux mœurs peu charitables.
Tous ceux qui aiment le monde de la vigne s’y retrouveront. Sans doute sonderont-ils aussi le mystère d’un auteur apparemment sorti de l’anonymat par ce seul titre  « ADORACION ». 


Qui était François Tolza ? Sur une plume qui gagne à sortir de l’ombre, l’opacité d’un brouillard demeure...


 François TOLZA :
« .../... Depuis huit jours la « colle » (1) du Bagne allait et venait dans les vignes de la Plane. Chaque fois qu'arrivée au bout d'une rangée elle se rabattait pour prendre une rangée nouvelle, cela faisait un mouvement d'éventail qui se ferme et puis s'ouvre. Quarante coupeuses se penchaient vers la terre, brassaient les ceps de leurs bras habillés de sac. Derrière elles, les vignes étaient pareilles à un velours froissé. Les hotteurs venaient par derrière, le corps droit, les doigts appuyés aux bretelles de leur hotte. Ils se penchaient tantôt à gauche, tantôt à droite, recevaient les seaux en arquant les jambes pour se parer du poids, puis, la hotte pleine, sautaient deux ou trois coups, jambes pliées, afin de répartir et de consolider sur leur dos blessé, leur charge. Après quoi ils s'en retournaient, courbés et lents, pareils à des scarabées, une feuille de vigne aux dents pour oublier la douleur de leur dos, jusqu'au chemin vicinal où s'alignaient les comportes. Faustin leur désignait la comporte où ils devaient vider leur charge.../...

.../... C'était un homme fort. Il n'avait pas son pareil pour les coups de main. Il était capable de hisser jusqu'au talon de la charrette une comporte pleine, une main à chaque cornelière. Cela lui arrivait quelquefois lorsqu'il fallait faire vite, que la pluie tombait et que l'on craignait pour le degré ... Sortir une roue d'une ornière était un travail pour lequel,  disait-il, il n'y avait pas de quoi péter. Il faisait tout d'un effort lent et sûr, presque imperceptible. A le voir hisser une comporte, on ne devinait pas le moment de la plus forte tension. Une fois la chose dans  ses mains, on la voyait quitter le sol et lentement monter comme soulevée par une machine. Ce n'était pas à  cause de sa force qu'on l'avait mis à faire des comportes. Il avait un coup d'œil étonnant pour répartir les chargements. Au charretier qui revenait de la cave, de loin,  il criait :  
- Alors ? un peu plus que la dernière...   dans les 1250 ...
Le charretier ne répondait pas,  tendait le ticket rouge de la coopérative. Faustin y  jetait les yeux, souriait. La différence n'allait pas au delà de 20 kilos .../...


.../... Ce jour-là,  le train de midi avait depuis longtemps haleté derrière les collines Les coupeuses dépliaient leur dos, les unes après les  autres,  s'immobilisaient en bavardant,  dans l'attente du déjeuner. Ce n'est pas que « la colle » du Bagne fût plus vaillante que celles d'alentour. Il y avait là beaucoup de jeunesse résolue à  faire des vendanges  joyeuses, sans coups de colliers, avec des  pauses à l'heure.  Les vieilles ne formaient que l'armature, les cadres. Depuis vingt ans la Cagotte était « moussègne» (2) et elle connaissait son métier. Elle amenait tout son monde dans son sillage sans qu'il y eût jamais un grincement. A la pointe de la file, elle allait de son train régulier de femme besogneuse devant une « colle » qui avait souvent le nez en l'air. Mais, lorsque la distance se faisait par trop grande, tout bavardage cessait. Les hotteurs ne faisaient plus de plaisanteries. Les mères aidaient les jeunes qui s'empêtraient dans les feuilles. On n'entendait plus qu'un froissement de plantes, le bruit sec des sécateurs et le glissement des seaux sur les cailloux plats de la vigne.../...

.../... De sa poche, il tira, au bout du lacet de soulier qui lui servait de chaîne, la montre qui virevolta. Irma et la petite d'Angle lui bourrèrent les côtes, abattirent sur la montre leurs mains poissées, vérifièrent l'heure.
~ Voilà que tu ne sais plus voir l'heure mon pauvre Faustin.  C'est-y que tu aurais trop de travail à "quicher" les comportes ? ou bien que le vin du Bagne serait trop clair ?
Elles lui mirent la montre bombée sous les yeux. Elles lui tirèrent les cheveux et les oreilles. Lui riait de bon cœur comme un enfant. Déjà les vieilles promenaient leurs hardes et leurs paniers, à la recherche de l'ombre. Aux comportes, les filles lavaient leurs mains avec des grappillons verts et durs dont le jus acide piquait les yeux. Derrière le hangar de roseaux, sous un arbre que le vent devait peigner durement l'hiver, toutes les branches en fuite vers la mer, la « colle» se rangea en rond. Ils mangeaient en silence, les jambes bien allongées sur le sol, le regard délivré. Faustin coupa une tomate, mit les deux lobes sur une large tranche de pain, arrosa le tout d'huile et de vinaigre, sala, poivra.../...

.../... Ils étaient tous, hommes et femmes, des quatre coins de Sainte-Marie. Les premiers jours ils s'étaient sentis un peu étrangers les uns vis-à-vis des autres.  Ils avaient mesuré leurs paroles,  vérifié les images qu'ils se faisaient de chacun. Puis, très vite, les préférences avaient maçonné des groupes. On les retrouvait le long de la file des coupeuses, rassemblés aux heures de repos. Seules, deux ou trois vieilles vivaient à  l'écart, traînantes au bout de la file, sommeillantes et écrasées aux repas. Pour les autres, dont la sieste n'était pas un besoin,c'était deux heures de conversation et de délassement.../...

.../... Maintenant ils chargeaient. Debout sur le talon de la charrette, Idrou, le charretier, donnait la corde. Faustin l'enroulait deux fois autour de la cornelière, puis,  les deux mains au cul de la comporte, il poussait un ah! qui la jetait, avec fracas, sur le plancher du véhicule. Idrou la faisait louvoyer d 'une ridelle à l'autre sur le plancher gluant de grappes écrasées, l'amenait sur le devant, la calait contre les supports de fer entre lesquels couraient les chaînes. La dernière comporte monta lentement. Faustin la soutenait dans ses mains en corbeille ; puis elle s'encastra, jetée d'un bloc, sur le côté de la charrette. Idrou, d'une chaîne, ceintura la jumelée. Il n'avait pas fini de vérifier tous les crochets, que la jeunesse prenait la charrette d'assaut, logeait ses paniers, installait des brassées de feuilles sur les comportes pleines. Le charretier allait et venait des brancards au talon, passait la main sous la ventrière du limonier. Déjà loin, le vieux cheval des Bagnes amenait d'un pas fatigué, dans la jardinière cahotante, les vieilles et les mères. Un coup de fouet, l'effort brutal et silencieux des muscles attentifs, le claquement des traits sur les brancards, la morsure des roues sur la terre et l'attelage s'arrachait de la vigne. A l'ouest, le soleil était encore haut. Il pouvait être cinq heures. Des quatre coins des Planes, les « colles » affluaient vers les chemins, pressées de gagner, avant le crépuscule, la route nationale, plus sûre, où l'on était certain de trouver du secours en cas de besoin. La journée finie, les femmes enlevaient les foulards de tête, passaient leurs doigts dans leurs cheveux collés, enfouissaient au fond des paniers les tabliers sales et les espadrilles trouées. Lentes de tous leurs dos meurtris, de leurs jambes raides, elles s'en venaient vers le village.  Il faisait un vrai temps de vendanges. Quoique les matins fissent prévoir des après-midi chaudes, il y avait quelque chose dans l'air qui démentait les orages et la canicule. Dès dix heures, la campagne se dorait. Le ciel  prenait un bleu fatigué de début d'automne. A peine si les midis brûlaient aux flancs des pierres et faisaient l'air plus lourd autour des souches. On ne mangeait pas au fort des ombres, mais dans cette zone tiède à  la lisière de l'ombre et du soleil. Au ciel, pas un nuage, mais cette immobilité limpide, purifiée, de tout de qui n'est pas durable. Les soirs se teintaient d'orange, éclaboussant les vignes de verts ternis où les cépages blancs tournaient au jaune pâle.../...

(1) La « colle » désigne l’ensemble du personnel préposé à la récolte d’une propriété.
(2) Pour «moussègne», l’auteur indique « chef de colle ».

Photos autorisées commons wikimedia
1.  Vendanges Maestri,_Michelangelo - Busto_di_Bacco - 1850
2. Vendanges Colle de vendangeurs. Corbières
3. Vendanges Repas de vendanges dans l'Hérault vers 1900.

jeudi 13 juillet 2017

François TOLZA / ADORACION (6) / Sur la piste d’une plume qui le vaut bien !

En septembre, ce sera un plaisir de reprendre toute la partie sur les vendanges même si la recherche sur la « moussègne » en a décrit certains aspects... (voir 3 novembre 2016)
https://dedieujeanfrancois.blogspot.fr/search?q=Tolza

Revenons plutôt à ces destins croisés : Lucien, ses parents, surtout sa mère, le Corse qui a une relation cachée avec Adoracion. Manquent le Nègre qui, depuis l’affaire, en veut à Lucien ; et Faustin, la force de la nature portée sur la boisson qui, à force de se l’entendre dire, pense de plus en plus à Adoracion.
Lucien s’est fait embaucher à la coopérative où jusqu’à la nuit, les charrettes attendent de vider. Un wagonnet qui verse par accident et le Nègre s’en prenant à Lucien tombe dans la conque du fouloir.
Entre Lucien et Claire, le lien reste fort, les jeunes gens aimeraient se revoir. Pour carnaval, profitant de l’anonymat du déguisement, Lucien fait danser Claire mais doit finalement fuir les villageois décidés à tomber son masque.
Après Pâques, sa mère arrive, rassérénée par la nouvelle qui court sur Adoracion, enceinte de trois mois. Lucien, plus embêté que réconforté par cette suite à l’histoire, reste froid ; il annonce qu’il part retrouver Claire ; le pèlerinage à l’ermitage de Saint-Antoine, dans les gorges du Daly, lui en donne l’occasion. Ils sont d’accord pour partir ensemble, un jour... 

Après un printemps chaud, les grappes s’allongent, maigres de quelques grains et l’orage de l’été n’y changera rien. Le village, lui, se retrouve plus exposé aux éclairs et au tonnerre.
Faustin s’ivrogne avec le Nègre et parle de se marier avec Adoracion, la "putain", mais sans prendre le Corse, son "maquereau". Le Nègre rumine sa vengeance sanglante tandis que le Corse ne veut plus prendre sa femme Philippine tant il désire Adoracion qu’il court rejoindre malgré le déluge. 
Le train de cinq heures siffle en quittant Sainte-Marie. Une main forte se mêle à des doigts plus fins pour frotter la buée sur une vitre du wagon... « Ni Claire, ni Lucien n’avaient pensé à baisser la vitre. »

La mention « Alexandrie 1941 - 1942 » clôt cette longue nouvelle, ce petit roman, cette novella... comment nommer ton ouvrage de 152 pages ?
François Tolza tu es donc loin du décor, d’une l’ambiance villageoise que tu connais trop bien. En 1942, l’Afrikakorps de Rommel est à peine à 200 km d’Alexandrie et cela ne t’empêche apparemment pas de faire revivre Sainte-Marie des Corbières, cette localité inventée parce que tu as la prudence, même depuis l’Égypte, de ne pas provoquer un retour de bâton : le qu’en-dira-t-on irascible, si typique des villages du sud est sans pitié !
Tu dis "Corbières" mais les seuls reliefs dont tu parles sont les Aspres... et comme par hasard tu ne souffles mot du Fenouillèdes... Et ces canaux d’irrigation de la plaine grasse le long desquels tu fais courir le Corse, sont-ils ceux de la Têt, ou de l’Agly et de la Boulzane ?
Tu dis "Sainte-Marie", on pense de suite à la Salanque mais le « saint » est peut-être pour Saint-Paul-de-Fenouillet car tu connais trop bien la route qui monte à l’ermitage de Saint-Antoine-de-Galamus, au pied de cette barre des Corbières, justement, sans nom, qui court pourtant de la Forêt des Fanges jusqu’au château de Quéribus en atteignant plus de douze-cents mètres d’altitude, le Pech de Bugarach, point culminant des Corbières en faisant partie ! Tu y fais pédaler Lucien, ton personnage principal qui monte retrouver Claire. Tu précises que le Daly sort de ces gorges de Galamus, alors ce ne peut être que l’Agly : une seule lettre en plus et ce couple de voyelles "a" et "y" m’avaient mis sur cette piste je crois...  
  

Tu parles des garrigues, un écosystème caractéristique des milieux calcaires or les chênes verts calcifuges poussent dans les Aspres principalement schisteuses (peut-on parler de "maquis" ?). Autour de St-Paul-de-Fenouillet, deux tènements portent le nom « La Garrigue ». Dans le même ordre d’idées, on trouve, du côté de Caudiès-Fenouillèdes, les gorges de Jaume, prénom que porte le père de Lucien, et encore un pont de Rec Nègre, l'adjectif « nègre » signifiant « noir » en occitan et en catalan).
Quoi qu’il en soit, pour tâcher de retrouver ta trace en cherchant d’abord le long de ce sillon du Fenouillèdes, il faudra relire tous ces noms de vignes qui fleurissent tes lignes. On pourrait juger que 152 pages c’est peu.  Certes mais de grande qualité tant pour les descriptions ciselées, les caractères fouillés, que pour la bonne connaissance de la monoculture de la vigne, la mentalité campagnarde bien sentie. 
    

Lire « Adoracion » c’est faire tourner entre ses doigts un grenat du Canigou dont les facettes brillent toutes d’un éclat unique. Les mots de François Tolza présentent des facettes si éblouissantes que l’artiste, aurait-il créé un seul bijou, doit sortir d’un anonymat à peine dévoilé, sur l’autre bord de la Méditerranée, par une Revue du Caire, aussi exotique qu’inattendue, dans un contexte historique très particulier.    

http://www.cealex.org/pfe/diffusion/PFEWeb/pfe_002/PFE_002_024/files/pfe_002_024_w.pdf  

crédit photos commons wikimedia : 
1.Gorges de Galamus et ermitage de Saint-Antoine. Auteur Vassil.
2. Saint-Paul-de-Fenouillet. Author Babsy.       

lundi 10 juillet 2017

François TOLZA / ADORACION (5) / Le temps n’est plus...

   

Les colles, ces équipes de vendangeurs (coupeuses, seaux, porteurs) sont formées et n’attendent que le jour que le patron choisira.

L’auteur nous transporte chez Claire dont le père est propriétaire.
Ambiance : « ... Au repas du soir, les femmes attisaient l’impatience des hommes. Elles en avaient de bonnes, les femmes ! Pour un raisin qu’un coup de soleil avait molli, la récolte s’en allait... /... 
- Oui, oui, le degré c'est bien beau, mais plus que 14, ça ne se paie pas... et tu apporteras de la confiture... comme toujours... »

Les hommes se veulent confiants mais personne ne peut être sûr :
«... Ils étaient tous d’accord pour dire que le temps était de choix, mais, au fond d’eux-mêmes, couvait la peur d’un raisonnement erroné. Le temps, c’était l’inconnu de leur problème que, jusqu’au ticket de la bascule de la cave coopérative, ils n’étaient pas sûrs d’avoir résolu. Ils le connaissaient bien le temps : avec leurs yeux qui savaient suivre le vent très haut au-dessus des arbres, même quand il n’y avait pas de nuages pour en mesurer la marche : avec leurs oreilles et leurs joues plus sensibles plus sensibles que la paume de leurs mains ; avec leurs genoux qui décelaient à journée le vent marin ; avec toutes les maladies dont leurs corps étaient perclus... »

La problématique est au moins double, sinon multiple. Celle du temps, d’une menace à laquelle on peut échapper quitte à rentrer moins de degré, à moins qu'on ne l'affronte pour perdre beaucoup ou courir la chance d'une récolte plus titrée. Celle, plus liée à notre nature d’êtres sociaux rassurés d’agir comme les autres... Alors quel caractère, quelle personnalité à part, quel esprit d’initiative va se décider à partir pour sa première journée de vendanges pour que les autres suivent, au compte gouttes puis en nombre ? 

Et maintenant, bien que né sur les bords du Golfe du Lion, essayer de prévoir le temps demande un effort presque vain puisque l’alternance des vents, leurs forces, leurs fréquences ont sensiblement changé. 
Avant, la mer, plus chaude, appelait le Cers, communément nommé "vent du nord". Un dicton précisait que ces périodes de vents très forts (des wagons ont été renversés !) pouvaient durer 3, 6 ou 9 jours. Plus léger et se levant le soir, il annonçait un temps de plage avec un gentil marin (Sud-Est) tournant vers onze heures et un vent d'Espagne (Sud) soutenu au cours de l'après-midi mais cédant en fin de journée. Trois périodes de quelques jours suffisaient à marquer un bon mois.
Tout a changé et les locaux ne sauraient dire aux estivants si le sable va voler ou s'il va faire un temps de mer... Cet été, les vents marins soufflent plus souvent. Et quand on croit que l'humidité accumulée va tomber en orage ou en grosse averse, c'est à peine s'il tombe trois gouttes ! Est-ce parce que l’intérieur des terres s’est plus réchauffé ? Le fait est que la température a grimpé de 1,5 degré en 30 ans et que l’évolution sur la présente décennie n’est pas pour nous rassurer,nos plages seraient-elles plus agréables et accueillantes.  
       
   Météo France précise que ce réchauffement est plus marqué au printemps et en été, que les précipitations diminuent (sécheresses plus marquées) ainsi que la période d’enneigement en moyenne montagne. 
Au bord de la mer, les écarts sont moins marqués que dans l’intérieur de l’Occitanie qui a encore subi des chaleurs caniculaires ces derniers jours...

samedi 8 juillet 2017

François TOLZA / ADORACION (4) / Presser les grappes et les corps...

A lire :  http://www.cealex.org/pfe/diffusion/PFEWeb/pfe_002/PFE_002_030_w.pdf

Approche des vendanges. Le Corse éclaircit la végétation : 

« ... De ses mains et de ses pieds, il écartait les longues ramures des ceps bien nourris de terre grasse et d’eau claire. Leurs bras montaient haut, quelquefois à hauteur d’homme, se terminaient par les petites mains pâles des feuilles nouvelles... »  

« ... L’hiver, elles suffisaient, ces lignes (roseaux), à lacérer le vent en mille bandes hurlantes. Et son poing lourd à assommer un bœuf, à arracher un arbre, passait au travers. Et il en ressortait mille petites mains d’enfants, pleines de remous qui ne faisaient qu’agiter les feuilles... »

« ... Seule, la charrette, au beau milieu, attestait du vieillissement du matériel avec les rayons de ses roues où la boue collait et ses brancards abattus comme des pattes paralysées où les harnais avaient fait des évidements luisants... » 


 
Dans ce nouvel épisode, si on peut voir des pieds, des bras, un poing, des mains, des pattes, nous voyons le Corse travailler dans la plaine où les haies de roseaux forment des coupe-vent efficaces. L’auteur le dit plus à l’aise dans les Aspres. Cette petite région naturelle qui forme le contrefort oriental du Canigou, entre le Conflent et le Vallespir, éloigne d’autant plus des Corbières qu’après le sillon de la Têt, se dresse encore le Fenouillèdes. Il est question d’un canal certainement d’irrigation dans cette plaine fertile où deux villages en bordure se nomment Corbère et Corbère-les-Cabanes.

Le Corse a donné rendez-vous à une femme ; le lecteur comprend vite qu’il s’agit d’Adoracion ; il apprend aussi qu’elle est belle, avec un corps superbe.

Préparation des vendanges : « ... Les comportes s’épaulaient, alignées, le long des façades, ou s’empilaient autour de l’humidité des pompes. On défaisait les seaux rentrés les uns dans les autres et collés ensemble depuis la dernière vendange. Avec les "masses", faites d’une branche de chêne prise avec un nœud terminal, et la collerette de fer blanc dont on pare les comportes pour les remplir, c’était, à peu près, tous les instruments du sacrifice... » 

On vendange en chapeau, et pour ma grand-mère, avec la caline.
 
Hormis la masse, plus "manufacturée", pour quicher le raisin et cette collerette de fer blanc, la préparation des vendanges au début des années 60 ressemblait beaucoup à celle décrite par François Tolza. 


Petite vendangeuse qui quiche !

mercredi 5 juillet 2017

François TOLZA / ADORACION (2) / Espagnols, mountagnols, commérages...

Dans sa chambre, Lucien songe tandis que :
« les platanes de la placette respirent la nuit avec un bruit fluide de feuilles... »
«... En bas, dans la vallée, miroite le filet d'eau du Daly que l'été finit de boire...» 
Le Daly serait-il une interprétation de l’Agly, fleuve côtier venu des Corbières ? 


Il s’en veut de s’être mis à l’écart des misères des hommes.
« Il les aime parce que, dans ce pays, l’acharnement du ciel et de la terre à détruire leur bonheur a quelque chose de tragique ; que s’abat, au milieu de l’été brûlant, l’orage de grêle qui dévaste, aussi imprévu, aussi subit que le destin : que s’installe et dure et persiste encore, jusqu’à la cruauté, la canicule impitoyable dans un ciel innocent ; que la tramontane défait, d’un geste délibéré et en plein ciel, les plus belles promesses de récoltes, cueillant les fleurs et les épandant sur le village désolé comme une dérision... »

« ... La promenade, elle, amarrée au bord du Daly, avait l’air d’une de ces bâches vertes dont les rouliers « ariégeois » recouvrent les charretées de foin quand ils descendent de la montagne... » 


C’est vrai qu’avant les Espagnols étaient les mountagnols, ceux qui descendaient dans la plaine pour les grands travaux, moissons vers le Lauragais, vendanges chez nous vers Narbonne, commodément appelés ainsi parce qu’ils venaient des montagnes, du Massif Central ou des Pyrénées, qui bordent notre amphithéâtre méditerranéen.

  

On apprend que Lucien travaille chez monsieur Bastide le percepteur et qu’il a Claire... 
«... fiancée découronnée qu’un destin aveugle vient d’anéantir parmi ses rêves... »
Un jour de fin d’été, au cours d’une balade, il vient de cueillir des raisins :
«... On y voyait de vieilles souches, musclées comme des bras, barbues, nourries de terre saine. Les raisins, portés haut, préservés des dangers du sol, étincelaient au soleil. Il y avait des grenaches serrés comme des poings noirs, des picpouls aux teintes de pigeon, des muscats dont les grains avaient la transparence des prunelles claires... » 
C’est alors qu’il croise Adoracion, la petite simplette qui travaille chez le Corse, le mari de Philippine, revenant elle aussi avec un panier.
On dit qu’il aurait abusé d’elle. 

Sa mère doit résister aux commérages perfides :
« ... les bonnes (nouvelles), on y intéresse le plus de personnes possible, au grand jour. Les mauvaises on n’a pas l’air de le dire, on les enrobe comme des pilules ; on tâche à les ouvrir sans les déflorer... »
«... Non on ne lui dirait pas :
- Ton fils est un foutu vaurien.
C’eût été trop beau cette bataille.
Mais plutôt, chez l’épicier, au milieu de la place, là, cernée de regards, ou peut-être dans le fournil du boulanger :
- Ce n’est pas vrai, Nane, ce qu’on raconte. Que les gens sont donc méchants... » 

     

Suivent six pages qui expliquent le mariage de Nane avec Jaume, la façon dont ils articulent leur ménage, la petite qu’ils ont perdue, tout ce qu’elle a fait pour que Lucien échappe à la terre. 

 

Photos autorisées : 
1. Agly Author The original uploader was Leguy at french Wikipedia. 
2. Fabien grenache noir.  
3. picpoul noir Author Vbecart 
4. Muscat_blanc_et_Muscat_noir Auteur Jean-Marc Rosier