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samedi 1 novembre 2025

TOUS le disent : S'AIMER VIVANTS !

Les jeunes, allez lire ailleurs, c'est pas de vos âges ! et pardon à tous les autres au nom de la vie qui continue... Hésitations : le garder pour soi ? Partager ? C'est le jour pour le dire... demain, pour les autres, on remettra le gilet pare-émotion...  

Assailli par la floppée de dates rappelant malheureusement le départ pour l'autre monde de visages plus ou moins familiers, reconnus, connus, plus ou moins appréciés, dans tous les cas non sans respect, serait-ce seulement celui de la mort. Parmi eux, ceux que nous aimons un peu, beaucoup, avec un brin d'empathie sinon passionnément, jusqu'à les emporter avec nous jusqu'au bout. 

Alors, on fait son possible pour retenir des dates, malheureusement éparses, de tristes anniversaires. 

Plus facile à retenir alors que les pages des jours tournent si vite, déjà un mois, on se recueillait pour les cendres de Louis Marchante (25.12.1963 / 30.09.2025), 61 ans... Faut-il préciser “ seulement ” puisque de toute façon c'est toujours trop tôt ? Louis qui vient télescoper mon souvenir, remonter loin dans l'album, Louis de la rue du porche comme nous disions familièrement, Louis, petit garçon du temps des vendanges, jouant dehors, souvent sous la garde de sa sœur à peine plus grande, en amont de la menuiserie Jeannot Guiraud. Lorsque je descendais au village, lavé de frais du moût de la journée non sans penser un instant à André, le copain de classe, si heureux de partir en vacances et parti pour de bon, à neuf ans “ seulement ”. C'est mort tout ça, avec les files de charrettes et presque celles des tracteurs ronflants au quotidien. C'est à peine aujourd'hui si on entend le vacarme d'une remorque brinquebalante repartant sans rien. La faucheuse, elle, ne repart jamais à vide...  

Louis Marchante (25.12.1963 / 30.09.2025), le petit garçon “ des vendanges”




Autour de Louis, “ le petit Espagnol ” (chose que j'ai toujours dite, contrairement à certains esprits aussi tordus qu'étroits, familièrement mais avec sentiment d'abord pour un enfant et aussi par respect pour nos cousins et semblables d'outre Perthus) (1), un pied de vigne dans une jarre, hommage émouvant à Jean-Marie, 54 ans. 

Dans ce troisième et nouveau cimetière, hélas, avec le vieux et l'ancien nouveau, l'endroit le plus peuplé du village, mon copain José David, qui y repose (28.06.1949 / 26.02.24) (2), 

“ Jo ”de la carabine et de la pêche à Aude, José David (28.06.1949 / 26.02.24)

le copain, mon double presque pour la carabine, le cross, la pêche au muge, l'été à Saint-Pierre, la Simca 1000, bref, une complicité forte, profonde, “ parce que c'était lui, parce que c'était moi ”... Et sur sa tombe, quelques mots échangés avec Viviane... 

Avec Viviane, c'est Louis son mari, parti à 41 ans (13.12.1947 / 19.06.1989), vaillant ouvrier de Julien Sierra (lui de 1922 comme papa, (20.08.1922 / 24.03.2021), qui, en 1956, parce que j'en revenais, me chantait « Joseph est au Brésil »... Triste jour pour les Louis, lui, toujours attentif aux autres, toujours au mot gentil, qui revient souvent me sourire. 

“ Mazo” du croquet et des falcinelles, Joseph Romain (7.09.1950 / 2.12.2020).


Et puis au colombarium, s'il n'est pas ailleurs, Joseph justement, Joseph Romain (7.09.1950 / 2.12.2020, 70 ans) aussi, je cherche, “ Mazo ” de son surnom, du quartier aussi, copain de classe dans tous les sens du terme, qui sarcissait lou crouquet pour mieux tenter le poisson, qui espepissait comme il disait pour signifier qu'il allait chercher minutieusement une info dans les bouquins, qui était venu me chercher pour photographier des falcinelles au marais avant que les gardes, sur demande des patrons, ne les aient tous tués à fin d'empaillage, Mazo qui s'appliquait le « viure al pais », Mazo de nos rares rencontres bien que pleines de tout ce que nous avions en partage... 

Encore un Romain de mon temps, du village, Michel (13.02.1949 / 23.02.2017, 68 ans), perdu loin à Lyon... belle ville certes, dix ans de ma vie mais trois semaines de retard pour le renouveau des platanes... 

Toujours Romain, ne l'aurais-je pas connu, Arnold, de l'âge de mes grands fils (1.11.1972 / 4.12.2024, 52 ans), si dynamique, mort sans avoir vu ses filles...   

Paisible, cet endroit du dernier repos. Pointant vers le ciel, dans la force de l'âge, les cyprès (130-150 ans seulement...) du vieux cimetière, protégeant de la canicule d'été, donnent déjà le frisson de Toussaint malgré la douceur des températures. Pensées pour Sylvie, Patrick (le cœur), Michel (? capitaine, promu chef d'état-major de la gendarmerie, contemporain des affaires des frégates de Taiwan ou d'Arabie Saoudite sinon des sous-marins de Karachi...), Florence, Sébastien (accident routier), Jacky 54 ans, mon cousin (accident de chasse), pour seulement l'allée principale à parcourir... sans savoir s'il faut s'attarder ou hâter le pas par pudeur pour ceux que l'instant oublie...        

Alors, survivants que nous sommes, à la merci d'un hasard incertain mais défini, aimons, aimons-nous vivants ; justement, malgré octobre, j'ai appris que Gérard de nos âges revenait définitivement à Fleury, mais vivant parmi les vivants, tant que nous le sommes ! 

“ JFK ” du goyavier « ...pour la bouche gourmande des filles du monde entier. Jean-François Knecht (30.9.1957 / 28.4.2007) 


« Porte-toi bien ! » lui aurait-dit Jean-François, de son nom Knecht, frère plus que colocataire, à Mayotte, (30.9.1957 / 28.4.2007, 49 ans)... 

Dois-je m'excuser de mettre le doigt sur une réalité de l'existence ? Bien sûr, auprès des jeunes adultes qui n'ont pas encore apprivoisé cette évidence. Et puis, comme le disait Marcel Pagnol (1895-1974) : 
 
« … Telle est la vie des hommes : quelques joies très vite effacées par d’inoubliables chagrins… Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants… »

Peut-être faut-il atteindre un âge certain pour prendre la mesure d'une vie terrestre... tant mieux si les bons moments, la joie de vivre sont d'abord un privilège de la jeunesse... de quoi tolérer l'entrain allowinesque, entre parenthèses, pas loin de minuit, avec un coup de sonnette rappelant si bien nos martelets d'antan...  

Et si eux, eux tous aussi sur l'autre bord de la vie, disent qu'il faut s'aimer ici-bas, ne pas trouver nos croisements aléatoires anodins, nos bonjours échangés dérisoires, dans ce cas ils sont nombreux les prénoms “ vivaces ” qui nous accompagnent, qui expriment sans le dire qu'il faut nous aimer vivants tant que le chemin s'ouvre devant nos pas...  (3)

(1) dimanche soir, sauf erreur, une chaîne donne “ Franco, le dernier dictateur ”... partant prier après avoir signé la liste des condamnations à mort... 

(2) et aussi Danielle, Louisette de la même famille. 

(3) peut-être vaudrait-il mieux essayer de retenir les dates de naissance ?  

mercredi 19 avril 2023

FAUT SE LANCER !

 Le Bon À Tirer (BAT) est validé !


c'est au mot, même au caractère près... mais les 296 pages sont là !

lundi 4 avril 2022

Chemin d'école (9) vignes & vins, domaines & châteaux.

"... Je pressai d'autant plus le pas qu'au-dessus d'une légère montée, sur le bistre de la sécade, le jaune des fenouils et le vert des pampres, se dessinaient les contours un peu à contre-jour, du gîte où la pelote familiale s'était jadis emmêlée en une perruque inextricable afin de mieux résister au stress de l'exil..." 

C'est la vision avec laquelle je vous ai laissés, l'autre jour, pour clore le 8ème volet. Depuis, si le paragraphe perdu sur mon grand-père reste toujours à écrire, avant l'approche sensible de cette métairie, de cette borio,  quelques mots sur la campagne des Karantes (1), d'un abord plutôt accueillant. 

Les pages qui font la promotion des vins ont quand même le mérite, en présentant et le site et les circonstances, d'élargir le propos, ce qui peut donner le plaisir de grappiller quelques grains de connaissance. 

Ici, grâce au relief relatif de la Clape, les vignes dominent la mer. Façon de parler, puisque, pour prospérer, les vignes ont besoin du fond des combes où l'eau s'est infiltrée amenant avec elle nombre d'éléments nutritifs tirés de la désagrégation chimique du minéral. A propos de sa culture en Languedoc, un raccourci partial citait avant tout les Romains alors que les Grecs les avaient précédés. C'était aussi sans compter, toujours plus loin dans le temps, sur les Phéniciens, thèse adoptée par les auteurs chargés de présenter le château des Karantes, avançant même une date, à savoir vingt-trois siècles avant nous. Et si c'étaient les Étrusques, d'après les résultats des analyses biomoléculaires sur des amphores d'Étrurie, aux abords de Lattes dans l'Hérault ? Fermons la parenthèse.  https://www.larvf.com/,les-etrusques-ont-introduit-la-viticulture-en-france-au-ve-siecle-avant-j-c,2001118,4300502.asp 

 La page internet nous apprend aussi l'origine du nom "Karantes"; on le devrait aux Élisyques, ces tribus ibériques perméables aux brassages réguliers (Ibères, Grecs, Celtes... et tous ceux qui n'ont fait que passer), liés à la civilisation des oppida : oppidum de la Moulinasse à Salles-d'Aude, oppidum d'Ensérune à Nissan pour ne citer que ceux à proximité immédiate. Le terme "karants" en celte se traduit par "ami". 

Un dernier mot sur le vignoble avec l'évocation du Carignan, un cépage ancien me tenant à cœur puisqu'à Fleury il était le roi des coteaux tandis que le plantureux Aramon bedonnait dans la plaine. A l'approche de la Pierre, c'est vrai que de vieilles souches bien chenues, me rappelant trop bien le lien intime entre le village et la vigne au fil des saisons, mon grand-père Jean, mon oncle Jojo, n'avaient pas manqué de m'attendrir. Les renseignements sur le domaine nous disent que ces ceps datent de 1928 ! 

Les vins d'aujourd'hui sont bien sûr, autrement élaborés qu'à l'époque : cela ne peut qu'être lié à l'évolution de sa consommation, le breuvage passant de l'assignation de remontant nutritif au statut de boisson plaisir (vers 1875, la production était deux fois plus importante qu'aujourd'hui !). D'où cette tendance intéressée à nommer les domaines "châteaux" alors que nous disions simplement "campagnes". Sur le chemin d'école de mon grand-père Jean, pour preuve que nos vieilles terres à vignes sont porteuses de qualité, alors que, pour raisons politiques, le vin du Languedoc n'a souvent subi, par le passé, que mépris dans la bouche des politicards, (n'oublions jamais les propos haineux du ministre de l'agriculture Christian Bonnet "Si ceux qui produisent de la bibine doivent crever, qu'ils crèvent !", le 24 décembre 1976, en guise de vœux de Noël !), les nouveaux propriétaires ont investi dans les domaines : des Suisses, des Anglais, des mercantis de la grande distribution et ici, aux Karantes, un copropriétaire Etatsunien.  

On vante la qualité, le terroir, les assemblages, le marchandisage fait l'objet d'un soin particulier. Certes on vend au domaine mais surtout on expédie, on exporte... en Russie notamment... du moins en temps de paix... Ce n'est plus le vin des mineurs, des maçons, des Chtis, des sidérurgistes, des Bretons d'avant au pays de Bonnet Christian... 

Et quand on est d'ici, comment ne pas penser et soutenir les viticulteurs du village ? S'ils sont comme tout le présent, poussés et portés par le temps qui passe et qui a persisté, en moins d'un siècle, par de bonnes ou mauvaises mutations, à chambarder les méthodes quitte à vouloir prendre le dessus sur la loi naturelle, force est de constater qu'il faut rentrer dans le rang. A nous, aussi raisonnables qu'eux pour une culture raisonnée, de les accompagner... Avec les vignes en héritage, ils perpétuent une histoire d'au moins deux millénaires, une histoire qui se poursuivrait même à la marge, s'il fallait se remettre au blé (2). 

Ah qu'il était bon de solder l'été avec les vendanges et les trois litres de vin quotidiens (3) auxquels une journée d'homme donnait droit ! Banale nostalgie d'une jeunesse fringante loin derrière et pourtant seulement d'hier...  

(1) le nom du village de Quarante, pas loin d'en l'Hérault, à côté de Cruzy, viendrait de quarante martyrs. 

(2) En 1952, la vigne de Perrucho, entre les faubourgs et la garrigue de Caboujolette, aujourd'hui avec les tennis et le lotissement, était un grand champ de blé plus haut que moi, et avec des coquelicots, des bleuets... 

"Il n'y a pas de pays en France qui puisse être comparé pour l'abondance de ses récoltes en grains à la fertilité de la plaine de Coursan..." 1788, Balainvilliers "Mémoires d'un intendant du Languedoc" in "Canton de Coursan" Francis Poudou. 

(3) livrés avec la paye, la récolte une fois rentrée.  

jeudi 21 octobre 2021

Soir de VENDANGES / 10. G.Gaudin, L. Bréchard, F. & J.F. Dedieu.

La plaine de Vinassan commune aussi avec Coursan et Narbonne. Parcourue de canaux (de Ste-Marie, de Lastours, ici de Grand Vignes) partis de l'Aude et débouchant dans les marais en amont de l’Étang de Campignol, ils permettaient la submersion des vignes (avec la contrainte de drains devant être creusés et régulièrement renouvelés). Aujourd'hui des friches ont en partie remplacé ce vignoble à trop haut rendement. A droite, une vigne pourtant... (Photo de fin juin 2020).    

 "... Vous savez les Ariégeois qui descendaient de la montagne n'avaient pas l'habitude de boire du vin. Et là, ils l'avaient à volonté. Ça chauffait surtout après souper quand il faisait bien chaud. Le Parisien avait acheté une maison en bas du village. Le soir il y avait grand bal et on dansait avec les sabots... [...] Moi Clémentine, j'ai dansé plus que mon compte [...] J'ai appris avec les vieux la mazurka et la scottish avant de me lancer dans la valse et surtout le tango... " 

Témoignage de Clémentine Roques (Vinassan), Le Puits de Mémoire, Gilbert Gaudin, 2001. 

 

Caboujolette, quatrième de couverture.

Fin de journée : "... A l’époque des vendanges, un petit bal avait lieu tous les soirs au café. L’animation du village était alors fort grande, les familles de vendangeurs venus d’abord de l’Ariège, puis d’Espagne, non seulement de Catalogne ou d’Aragon, mais aussi de la lointaine Andalousie, mettant une note exotique où résonnaient différentes langues ou divers dialectes et pidgins savoureux. Dès l’arrivée de la vigne, une toilette s’imposait à la fontaine du coin de la rue, et on allait se promener, puis danser un peu. Vers 22 heures, tout redevenait calme : la journée du lendemain allait être encore rude à la vigne, et on serait heureux si les nuées de moustiques voulaient bien se dissiper sous l’effet d’un petit cers (1) salutaire ou d’un vent marin bienvenu sous un soleil accablant..." 

François Dedieu, Caboujolette Pages de vie à Fleury-d'Aude II, 2008, auto-édition. 

Vignobles du Beaujolais vers Avenas 2008 Wikimedia Commons Author Alainauzas
 

 "... La fête se prolongeait souvent tard [...] Il y avait d'abord le repas, puis souvent les chants, la danse. Les jeunes prolongeaient la soirée [...] jusqu'à 2 heures du matin parfois. 

Quand on avait vingt ans [...] on avait la force de vendanger la journée, souvent de travailler au cuvage le soir, et même de bonne heure le matin [...] On avait vingt ans... Ça ne nous empêchait pas de participer aux chants et aux danses. De ce côté-là, les vendanges avaient une certaine attirance auprès des jeunes. [...] nous chantions des chansons [...] du folklore du moment [...] "J'ai deux grands bœufs dans mon étable..." [...] aussi des chansons patriotiques dans le genre Déroulède [...] Et puis l'on proférait des malédictions envers les Prussiens [...] C'était avant 1914 [...]

Il y avait toujours, au moins, un battement de deux heures au minimum avant d'aller dormir. Et l'on dansait, et l'on chantait [...]

Nous dansions les danses de l'époque, bien entendu, les polkas, même les mazurkas [...] Il n'y avait déjà plus, déjà, de danses paysannes [...] Mais nous avions les quadrilles [...] La valse faisait figure de nouveauté,quoiqu'elle eût sans doute non pas un siècle, mais peu s'en fallait..."

"Papa Bréchard Vigneron du Beaujolais", Jean-Pierre Richardot, La France Retrouvée, Rombaldi Éditeur, 1980.  

Quatrième de couverture.

"... Les vendangeurs, parfois logés à la rude, dans la paille, se lavent au puits ou à la fontaine. Ensuite, le village sort de sa léthargie, les rues s'animent, les épiceries, les boucheries, les boulangeries retrouvent l'affluence. les femmes font les commissions pour le repas du soir ; elles prévoient aussi la saquette du lendemain. Les groupes d'espagnols parcourent et remontent les avenues sur toute la largeur de la voie, filles et garçons séparés, recréant l'ambiance ibérique des paseos et ramblas, laissant dans le sillage, avec la bonne odeur du savon, des parfums de patchouli, d'eau de Cologne et de brillantine qui se croisent. Au crépuscule, pour éventuellement favoriser les échanges, las guapas dépassent la limite du dernier néon, ce qui permet aux muchachos de les rattraper pour un madrigal ou quelque flatterie intéressée qui fait rire le chœur des demoiselles sur la défensive..."

Reprise d'un extrait du chapitre Les Vendanges, Le Carignan, Pages de vie à Fleury-d'Aude I, Jean-François Dedieu, auto-édition, 2008. 

(1) le Cers, fort vent de terre local, apparenté au Mistral, soufflant entre Agde et La Franqui, malheureusement trop souvent assimilé à la tramontane...   

mercredi 20 octobre 2021

RETOUR DE VENDANGES / 9. Louis Bréchard, François Tolza, François Dedieu.

Si les vendanges ne font pas souvent les titres des livres, la vigne, le vigneron tenant, en la matière, la tête d'affiche, le contenu, par contre, les pages sur le rite ancestral, elles, ne manquent pas. Après Signol, Carrière, Clavel, Tolza, Camp, Baissette, Girou, Poudou, les femmes de "Jours de Vigne" et celles de Gaudin à Vinassan, il me faudra ajouter "Papa Bréchard, vigneron du Beaujolais" mais pour raconter comment ce joli monde des vignes s'occupait, la journée finie (1). 

Nous sommes le 20 octobre et comme un occultisme instinctif me lie à la course des jours et des saisons (vous ne me ferez pas manger des tomates et des fraises forcées en janvier !), je veux entendre et revoir ces kyrielles de vendangeurs gagnant le village avec le clocher déjà à contre-jour (2). Je l'ai trop au fond de moi ce tableau du dernier chariot chargé, sur le chemin de la plaine, au couchant, le relief modeste mais déjà marqué par le crépuscule des coteaux de Saint-Genyès, Besplas et Carabot, un retour que papa aussi, a su exprimer... 
 
Mais avant, une courte incise dans ADORACIÓN, le roman de Tolza, François de son prénom, èl tabés, lui aussi... (c'est déjà dit et publié me diront les lecteurs les plus appliqués... Oui je sais, mais c'est ésotérique chez moi, je vous dis, je lis, je relis, je reprends , je me souviens, j'y reviens et je médite en boucle...)
 
Saint-Laurent-de-la-Salanque-Sols 2021 wikimedia commons Author Roland45 / avec la D 83 qui est peut-être avec la N 9, la nationale dont parle François Tolza, le secteur où se situerait son roman "Adoracion".

 "... A l'ouest, le soleil était encore haut. Il pouvait être cinq heures. Des quatre coins des Planes, les « colles » affluaient vers les chemins, pressées de gagner, avant le crépuscule, la route nationale, plus sûre, où l'on était certain de trouver du secours en cas de besoin. La journée finie, les femmes enlevaient les foulards de tête, passaient leurs doigts dans leurs cheveux collés, enfouissaient au fond des paniers les tabliers sales et les espadrilles trouées. Lentes de tous leurs dos meurtris, de leurs jambes raides, elles s'en venaient vers le village..."

ADORACIÓN, François Tolza, Les Lettres françaises, 1945. 

François Dedieu (1922-2017).

 "... Et les vendanges d'autrefois défilent dans ma tête, avec leurs couleurs et leurs bruits, la théorie des chariots se dirigeant vers les vignes à l'allure de nos anciens chevaux de trait, percherons, bretons, ardennais, voire ariégeois ; leurs travaux pénibles aussi, surtout les premiers jours où il fallait s'habituer à voir les autres libres dès l'arrivée au village, alors que les tout petits exploitants que nous étions devaient achever leur journée de labeur à la lueur vacillante de la bougie, les jours devenant plus courts et les comportes devant impérativement être vidées dans les foudres. Avec cela, papé Jean commençait parfois sa longue journée à quatre heures du matin, pour profiter un peu de la pression de l'eau qui permettait de laver les cuves. Et chaque jour il fallait bien étriller Lamy, et lui permettre de manger avant le départ…"

"... Où sont les vendanges d'autrefois, avec leur flux de « mountagnols » et d'Espagnols occupant des maisons fermées le reste du temps, la vie vespérale du village revigorée pour un petit mois, en attendant le cliquetis des vieux pressoirs ?..." 

Lettre FD du 23 sept. 2001. " ... /... Ces vendanges se terminent dans une indifférence absolue de notre part : aucune fièvre perceptible, aucun mouvement de foule, pas de bal le soir, pas de chariot orné dans chaque comporte de petits sarments aux feuilles vertes indiquant « le dernier voyage », pas de vendangeurs étrangers se lavant à grande eau aux bornes-fontaines des coins de rue, pas de « colles » bruyantes dans les vignes, tout cela a bien disparu..." 

François Dedieu, Caboujolette, Pages de vie à Fleury-d'Aude II, auto-édition, 2008.  

Louis Bréchard, dit "Papa Bréchard" (1904-2000).

(1) Entre parenthèses, sur le caponnage, Louis Bréchard écrit par exemple que les vendanges étaient l'occasion de "rapprochements" "assez sensibles"... "... A cette époque où les vêtements des femmes n'étaient pas du tout ce qu'ils sont aujourd'hui, il était dit que lorsqu'une vendangeuse avait laissé du raisin sur la souche, le videur qui venait derrière avait la permission de frotter les mollets de la fille [...] Je pense qu'il se bornait aux mollets. Mais ça pouvait aller plus loin dans certains cas..."

"Papa Bréchard Vigneron du Beaujolais", Jean-Pierre Richardot, La France Retrouvée, Rombaldi Éditeur, 1980.  

(2) Octobre aux deux tiers, les vendanges se poursuivaient pourtant dans les Hautes-Corbières. A cette occasion, Tati Paulette et tonton Vincent se payaient un séjour chez les cousins de Cucugnan. Je le dis avec humour vu qu'ils se levaient tôt pour vendanger, mais l'ambiance, la mine rubiconde et couperosée du cousin Constant, celui de la campagne d'affiches à Londres, pour les vins des Corbières, les sourires gourmands des cousins pour les pâtés et civets de sangliers, avec le château de Quéribus dans le décor, le sermon du célèbre curé pour parler du passé, la paix retrouvée après les touristes... Je le dis toujours avec envie et nostalgie, moi qui étais depuis plus d'un mois, déjà, à Lyon pour le boulot...