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lundi 11 avril 2022

CHEMIN D’ÉCOLE (11) L'arbre qui s'accroche...


 Deux vélos s'annoncent au loin puis passent, à fond, ils viennent de Saint-Pierre-la-Garrigue, la campagne voisine, par la piste qui, dans la combe courbe, suit la barre rocheuse, si particulière de ce coin de Clape, que l'on voit de loin depuis le nord-est. Un couple, pas contemplatif du tout, le sport avant tout. 

Oh ! dans la vigne au-dessus, une compagnie de perdreaux

Oh ! dans la vigne au-dessus, une compagnie de perdreaux qui file dans une rangée. Je repense à mes chers disparus de la Pierre... Le père d'Etienne, parrain de papa faisait office de garde-chasse. Travaillait-il les vignes par ailleurs ? Toujours est-il qu'il mangeait beaucoup trop souvent du gibier. 

Pézenas_Grange_des_Prés wikimedia commons Auteur Fagairolles 34

Le docteur l'ayant averti qu'à ce rythme il n'irait pas loin, l'oncle François est parti comme maître de chai à Pézenas, à la Grange des Prés. Ce devait être sérieux. C'est là, dans cette plaine rappelant la venue de Molière, que, rentrant chez lui, encore sur la voie d'accès au domaine, non loin de ces muriers par centaines qui descendaient jusqu'au fleuve, bien avant le passage à niveau qui peut-être n'existait pas, il est tombé de vélo, se blessant profondément avec les débris de la bouteille du vin quotidien qu'il emportait. Mais n'était-ce pas le malaise qui lui avait été fatal ?   

En cascade, d'une pensée à l'autre, les gens de la Pierre avaient-ils un puits à disposition ? Devaient-ils aller chercher l'eau à la source dite de Fontenille (1), en amont de la combe dans ce pays si sec, si loin de la verte Ariège, des eaux vives de l'Arize, des nombreux ruisseaux et des papillons bleus dans les prés apparemment généreux. Sur leur chemin d'école, les enfants des Karantes la suivaient, cette combe, avant de remonter l'échancrure de la barre rocheuse, pour traverser non pas un désert de garrigues mais une nature et quelques arpents cultivés des métairies et bergeries bien vivantes. En haut, sur le plateau du Cascabel si bien chanté par l'ami Pierre (Bilbe), la Caune, une grotte, du bas-latin cauna, pouvant abriter un troupeau entier et dont l'exploration reste dangereuse. En poursuivant, merci aux chroniqueurs Pérignanais pour les noms de famille cités (2) et dont il devait rester des descendants, les Cros, Vivorer, Thiers, Coural, Peyre, Sigala, Trémoulet, Rouger, Bloye, Fabre, Marcelin, Blayac, Granier... le long de ce chemin d'école, à l'entrée des années 1900, entre les Bugadelles, le Courtal-Naout, le Courtal-Cremat, la Broute, sans compter Tarailhan sur la commune de Vinassan, et enfin, au-dessus de notre village le moulin de Montredon.   

A mon tour de tirer le fil de cette perruque familiale inextricable. Sur les traces de Jean, le père de mon père, je me retrouve avec une petite dizaine de personnes, au bout des sept ou huit kilomètres qui le séparent du village, sur son chemin d'école. Et si j'ai enfin vu le gîte familial de la Pierre, entre la garrigue, la mer et les vignes, en espérant que le paragraphe sur mon grand-père me reviendrait, en me replongeant dans l'atmosphère des années 1900, des mots pour le dire rien ne m'est revenu... 

Depuis Fleury puis la mer, j'ai du mal à l'imaginer gamin, mon arrêt sur images le montre tel qu'il est vers 1960, lors des vendanges, à sa vigne du Courtal-Crémat, sous son "chapeau bob". On ne voit pas son visage mais il est halé par le soleil et les bourrasques du Cers. Le nez est busqué, comme d'un bourbon des montagnes, la moustache pérenne, de neige comme les cheveux... 

Ce qui l'incarne, tant lui que son époque, c'est le pantalon magnifique de ce qu'il dit de l'intelligence de l'espèce (une qualité apparemment perdue avec ces ridicules tailles basses d'aujourd'hui... pour les moutons qui se croient beaux en suivant la mode (3)... trop peu pour moi, est-il nécessaire d'insister sur ma ringardise ?!). Le pantalon fait mon grand-père, le coutil, de cette toile forte gris-bleu adaptée à la saison, laine l'hiver, lin aux beaux jours, écolo car fait pour durer, d'autant plus attachant qu'il est rapiécé par les ans comme un texte bien retravaillé, une protection remontant aussi haut sur les reins que les pans de la chemise descendent bas, c'est qu'il ne faut pas prendre froid, un mal potentiellement mortel alors. 
Proche de la nature, attentif aux nuages qui courent, aux saisons, le côté pratique reste allié à un haut niveau de vie intérieure, de pensée, de connaissance, de respect pour la culture. Ah le niveau en orthographe du certificat d'Etudes ! Est-ce toujours aussi ringard d'en éprouver remords et regrets ? Et l'esthétique, faut-il que j'en rajoute ? cette martingale pour moduler autour de la taille ! ces pattes pour les boutons dévolus aux bretelles "Hercule" : soutenir joliment sans comprimer ! Bref tout sauf la superficialité liée à ce que nous sommes devenus ! 

"Je suis venu ici cultiver l'authentique" affirme Jean de Florette à un Ugolin tout désappointé, en bon paysan qu'il est, pour cette "culture" inconnue de lui ! 

Je tourne autour mais je n'en suis qu'à l'enveloppe. Pourtant elle représente tout ce que j'ai pu prendre, voler de ce grand-père qui jamais ne laissa le moindre trait d'affection transparaître à mon égard. Vide le regard. Quant à la parole... aussi rare que sans-cœur... lui arrivait-il d'exprimer un sentiment ? 
Qu'à cela ne tienne, sans demander la permission, j'ai plongé, j'ai greffé ma racine à travers lui, pour grandir, me développer, l'obliger à faire maillon tant vers les aïeux que vers les descendants, forçant la voie vers qui je devais être. S'il se trompait en m'affublant du prénom du cousin, plutôt que de faire mal, cela m'aidait à prendre du recul. S'il ne m'emmena qu'une fois et miraculeusement à la chasse, je ne me souviens que de l'échine de garrigue parcourue. S'il prit de haut et vite fait, sans un mot, sans chaleur, l'examen de mon succès au brevet alors que mon père m'avait poussé à lui soumettre ma performance, à lui faire allégeance, cela m'émoussa à peine. D'ailleurs, en me louant chez des étrangers pour les vendanges, je ne fis que rendre la monnaie de la pièce, riposter, sans état d'âme, à cette indifférence, à ce désamour. 

Que dire de plus, on croit trop mécaniquement à l'amour, aux gens qui aiment, à la réciprocité. Mon grand-père Jean, je l'ai en blason, en photo. Je vous l'ai dépeint avec même la lubie de le peindre, de passer du temps à le représenter, à coups de brosse, de pinceau, de griffures. Tant pis si je n'en ai que l'apparence, lui non plus n'a rien eu de mon cœur, de mon âme. Il n'a rien partagé, j'ai pris. Cela m'a endurci peut-être, mais après le grand-père, le père aussi, qui excusait ce trait de caractère familial en disant "bourru". Tant bien que mal, cela n'empêche pas le sentiment... 
Janvier 2023. Neuf mois plus tard, quelque chose m'a dit de revenir sur ce constat d'ailleurs incomplet. C'est que Jean, mon grand-père, a connu deux guerres, dont la première, terrible, au paroxysme de Verdun ! Mon père la deuxième... Impossible d'être le même, ensuite... Alors, le papy-boomer que je suis, qui a eu la chance de ne pas voir sa personnalité complètement broyée par des années de survie dans la barbarie, la négation de ce qui se veut humanité, se doit de ne pas jauger, ne pas juger hâtivement... La faute aux autres pour se se donner bonne conscience ? Aimer est au-dessus de tout ça.   
Regardez-le l'arbre qui s'accroche sur un bout d'endroit impossible...   

(1)"De l'occitan fontanilha qui signifie petite source" http://www.maclape.com/rubriques/sources/filtering.html#0 Ce site ami (remarquable soit dit entre nous) en entretient le mystère quand, dans l'inventaire poétique des "sources, puits & norias"  il ne classe pas Fontenille en résurgence, pas plus qu'en exsurgence, mais simplement en émergence parce que son origine ne nous est pas connue.  

(2) CHRONIQUES PERIGNANAISES (free.fr) 

(3)  ... et cette imbécillité de la "mincitude corsetée" qui leur fait remettre la veste de leurs 14 ans... 



dimanche 10 avril 2022

Chemin d'école (10) la métairie, la borio de la Pierre.

Il arrive que ça vienne, comme d'une source généreuse mais c'est aussi rare que passager ; et là, parce que sur commande, c'est bouché ; en dépit des jours et des jours qui passent, de la confiante patience qui s'y attache, la résurgence ne donne plus... Ugolin et le papé ont aveuglé, cimenté le filet d'eau ; Manon a fait taire la fontaine du village, à force de chagrin contenu. 

Dans un cadre, une ambiance bien du Midi, Pagnol a bien manigancé, bien romancé l'intrigue, quitte à faire passer Jean de Florette pour un demeuré... les grands aussi aiment croire au merveilleux des belles histoires, à tout ce qui va au-delà de la vie vraie. Derrière l'ordinaire des jours, se cache l'extraordinaire. Vouloir le voir c'est passer de l'autre côté du miroir. 

... les voix, je les entends, celle de Jean mon grand-père, celle du cousin Etienne et surtout celle de papa, le passeur...

Devant ce lieu-dit de La Pierre, cette métairie, cette ferme, peut-être une borio (1) en parler du Sud, les mots en occitan de la chanson festive ne me viennent pas aux lèvres. Comment dire, une vanité indicible me fait penser "Vois-tu, je sais que tu m'attends". Un grand n'importe quoi, pardon Hugo, et si je reste "fixé dans mes pensées" c'est pour honorer la vie plus forte que la mort, pourtant inséparables... Comment dire, un recueillement, une spiritualité respectueuse, comme sur l'allée des naufragés, à Notre-Dame-des-Auzils, avec l'inspiration de Valéry pour le cimetière marin "... Le Temps scintille et le Songe est savoir...". Non, pas n'importe quoi, pas n'importe qui, tous de grands hommes d'une humanité harmonieuse, entre ceux qui ensemençaient la terre, ceux qui fécondaient l'esprit et au milieu, l'entremetteur dans toute son immodestie... les voix, je les entends, celle de Jean mon grand-père, celle du cousin Etienne et surtout celle de papa, le passeur... Hier Nougaro disait de même à la télé "Ô moun païs.../... l'écho de la voix de papa...". 

Je cale toujours pour le paragraphe sur mon grand-père Jean mais je vais vous trouver ce que m'en a transmis, mon père... page 144, vous allez voir ! Mince, le livre s'ouvre sur Pantazi, le "Russe" de Pérignan ! Et vlan ! c'est page 45, voilà l'erreur, voilà ce qui arrive aux prétentieux ! Toujours l'allégorie de la peau de l'ours ! Repassons ces lignes qui valent témoignage :   

"... Raymond Grillères nous a vus passer et il est venu lui aussi... /... On en est venu à parler de Marcel Subra.../... A mon tour je lui ai appris que Marcel Subra était né comme mon père aux Karantes. Je l'ai su moi-même le jour où j'y suis allé avec papé Jean et son cousin germain Etienne Peyre. C'est René, le fils d'Etienne, qui était venu nous rendre visite à Saint-Pierre, qui nous y a conduits, jusqu'à cet endroit qu'on appelle "la Pierre". Maison en ruine. Nous étions dans l'ancienne cuisine. 

"C'est ici que tu es né, Jean, lui dit Etienne. Et c'est ma mère qui t'a reçu dans son tablier." Et plus tard, papé Jean, montrant la "maison" d'en face, ajoute : "Et là c'est Marcel Subra qui y est né."

Il fallait monter une pente assez raide pour y parvenir, et mon père, soucieux de précision : "Le papé Simon, à quatre-vingts ans, portait sur ses épaules une grosse balle de fourrage et la montait jusque là-haut !" C'était une autre époque.../... 

Et Raymond m'a dit qu'il venait lui aussi à l'école à Fleury, mais à bicyclette, et qu'il rencontrait souvent à la Chapelle les copains qui venaient, eux, des Karantes.../... "C'est curieux, dit-il. Marmorières appartient à Vinassan, comme les Karantes à Narbonne et nous sommes tous venus à l'école ici à Fleury, et nous avons toujours fait travailler les artisans de Fleury." ..." François Dedieu, Caboujolette p. 45, 2008.

Encore entre parenthèses, Porfiri Pantazi a eu travaillé la vigne à Marmorières, nous le savons grâce au geste de Momond Billès qui y était employé aussi. 

... D'abord deux parties dont il ne reste plus que les murs mais fermées, qui servent de remise au domaine... 

Je découvre les lieux avec seulement en mémoire, le détail de la balle de fourrage, dans ce que m'en a dit et écrit papa. Première réaction : c'est grand, loin de la masure racornie où j'imaginais tant de personnes entassées. D'abord deux parties dont il ne reste plus que les murs mais fermées, qui servent de remise au domaine. 


Ensuite, sous un toit bien qu'effondré en partie, avec les cheminées décapitées par le Cers ou le Grec, l'habitation, là où les encadrements de pierre (il ne reste ni portes ni volets) marquent quatre logements distincts. Sur trois côtés de la bâtisse, ils se partageaient 120 mètres carrés au sol, en gros, peut-être : en bas la pièce à vivre, à l'étage une chambre, c'était souvent la norme. 



Un taillis est arrivé à boucher une entrée, celle qui donne, allez savoir, sur la cuisine où mon grand-père a taché de sang rosé le tablier de sa tante, le 4 juin 1897. Cette pièce comprend un four à pain, du moins, la tablette, la bouche ainsi que le conduit de fumée, imposant et dont la souche résiste encore, en haut à côté des tuiles. De dehors sa construction en tourelle pourrait faire penser aussi à un puits couvert mais le conduit nous fait pencher pour le four. Je n'ai pas osé m'attaquer au barrage végétal devant l'entrée... je reviendrai... comme Mac Arthur... Ils devaient s'entendre pour cuire en commun, et jusqu'à quand ont-ils fait le pain ? était-ce la cas vers 1907, du temps de mon grand-père sur son chemin d'école ? ou le portait-on déjà du village ? 



Un autre foyer, donnant au sud, semble avoir été occupé récemment. Des vendangeurs ? ou pour se mettre au vert, à une vie rustique, couper un peu avec cette mondialisation dévoreuse de bienveillance, favorisant les égoïsmes ? 


Dans le délabrement ambiant quelques déchets laissent l'impression désagréable, et c'est souvent le cas, du passage de malpropres, ivrognes parfois, vandales, ça arrive : des gens peu recommandables laissant malheureusement leurs souillures. Les vestiges du passé  ne méritent pas ce type d'avanies. 


De la maison où est né Marcel, ne reste qu'un chicot de mur. 

1) "... tant que faren atal croumparen pas de borio, tan que faren atal, croumparen pas d'oustal..." (tant que nous ferons ainsi nous n'achèterons pas de ferme, tant que nous ferons comme ça, nous n'achèterons pas de maison). 

lundi 4 avril 2022

Chemin d'école (9) vignes & vins, domaines & châteaux.

"... Je pressai d'autant plus le pas qu'au-dessus d'une légère montée, sur le bistre de la sécade, le jaune des fenouils et le vert des pampres, se dessinaient les contours un peu à contre-jour, du gîte où la pelote familiale s'était jadis emmêlée en une perruque inextricable afin de mieux résister au stress de l'exil..." 

C'est la vision avec laquelle je vous ai laissés, l'autre jour, pour clore le 8ème volet. Depuis, si le paragraphe perdu sur mon grand-père reste toujours à écrire, avant l'approche sensible de cette métairie, de cette borio,  quelques mots sur la campagne des Karantes (1), d'un abord plutôt accueillant. 

Les pages qui font la promotion des vins ont quand même le mérite, en présentant et le site et les circonstances, d'élargir le propos, ce qui peut donner le plaisir de grappiller quelques grains de connaissance. 

Ici, grâce au relief relatif de la Clape, les vignes dominent la mer. Façon de parler, puisque, pour prospérer, les vignes ont besoin du fond des combes où l'eau s'est infiltrée amenant avec elle nombre d'éléments nutritifs tirés de la désagrégation chimique du minéral. A propos de sa culture en Languedoc, un raccourci partial citait avant tout les Romains alors que les Grecs les avaient précédés. C'était aussi sans compter, toujours plus loin dans le temps, sur les Phéniciens, thèse adoptée par les auteurs chargés de présenter le château des Karantes, avançant même une date, à savoir vingt-trois siècles avant nous. Et si c'étaient les Étrusques, d'après les résultats des analyses biomoléculaires sur des amphores d'Étrurie, aux abords de Lattes dans l'Hérault ? Fermons la parenthèse.  https://www.larvf.com/,les-etrusques-ont-introduit-la-viticulture-en-france-au-ve-siecle-avant-j-c,2001118,4300502.asp 

 La page internet nous apprend aussi l'origine du nom "Karantes"; on le devrait aux Élisyques, ces tribus ibériques perméables aux brassages réguliers (Ibères, Grecs, Celtes... et tous ceux qui n'ont fait que passer), liés à la civilisation des oppida : oppidum de la Moulinasse à Salles-d'Aude, oppidum d'Ensérune à Nissan pour ne citer que ceux à proximité immédiate. Le terme "karants" en celte se traduit par "ami". 

Un dernier mot sur le vignoble avec l'évocation du Carignan, un cépage ancien me tenant à cœur puisqu'à Fleury il était le roi des coteaux tandis que le plantureux Aramon bedonnait dans la plaine. A l'approche de la Pierre, c'est vrai que de vieilles souches bien chenues, me rappelant trop bien le lien intime entre le village et la vigne au fil des saisons, mon grand-père Jean, mon oncle Jojo, n'avaient pas manqué de m'attendrir. Les renseignements sur le domaine nous disent que ces ceps datent de 1928 ! 

Les vins d'aujourd'hui sont bien sûr, autrement élaborés qu'à l'époque : cela ne peut qu'être lié à l'évolution de sa consommation, le breuvage passant de l'assignation de remontant nutritif au statut de boisson plaisir (vers 1875, la production était deux fois plus importante qu'aujourd'hui !). D'où cette tendance intéressée à nommer les domaines "châteaux" alors que nous disions simplement "campagnes". Sur le chemin d'école de mon grand-père Jean, pour preuve que nos vieilles terres à vignes sont porteuses de qualité, alors que, pour raisons politiques, le vin du Languedoc n'a souvent subi, par le passé, que mépris dans la bouche des politicards, (n'oublions jamais les propos haineux du ministre de l'agriculture Christian Bonnet "Si ceux qui produisent de la bibine doivent crever, qu'ils crèvent !", le 24 décembre 1976, en guise de vœux de Noël !), les nouveaux propriétaires ont investi dans les domaines : des Suisses, des Anglais, des mercantis de la grande distribution et ici, aux Karantes, un copropriétaire Etatsunien.  

On vante la qualité, le terroir, les assemblages, le marchandisage fait l'objet d'un soin particulier. Certes on vend au domaine mais surtout on expédie, on exporte... en Russie notamment... du moins en temps de paix... Ce n'est plus le vin des mineurs, des maçons, des Chtis, des sidérurgistes, des Bretons d'avant au pays de Bonnet Christian... 

Et quand on est d'ici, comment ne pas penser et soutenir les viticulteurs du village ? S'ils sont comme tout le présent, poussés et portés par le temps qui passe et qui a persisté, en moins d'un siècle, par de bonnes ou mauvaises mutations, à chambarder les méthodes quitte à vouloir prendre le dessus sur la loi naturelle, force est de constater qu'il faut rentrer dans le rang. A nous, aussi raisonnables qu'eux pour une culture raisonnée, de les accompagner... Avec les vignes en héritage, ils perpétuent une histoire d'au moins deux millénaires, une histoire qui se poursuivrait même à la marge, s'il fallait se remettre au blé (2). 

Ah qu'il était bon de solder l'été avec les vendanges et les trois litres de vin quotidiens (3) auxquels une journée d'homme donnait droit ! Banale nostalgie d'une jeunesse fringante loin derrière et pourtant seulement d'hier...  

(1) le nom du village de Quarante, pas loin d'en l'Hérault, à côté de Cruzy, viendrait de quarante martyrs. 

(2) En 1952, la vigne de Perrucho, entre les faubourgs et la garrigue de Caboujolette, aujourd'hui avec les tennis et le lotissement, était un grand champ de blé plus haut que moi, et avec des coquelicots, des bleuets... 

"Il n'y a pas de pays en France qui puisse être comparé pour l'abondance de ses récoltes en grains à la fertilité de la plaine de Coursan..." 1788, Balainvilliers "Mémoires d'un intendant du Languedoc" in "Canton de Coursan" Francis Poudou. 

(3) livrés avec la paye, la récolte une fois rentrée.