dimanche 29 janvier 2023

Année de mangues, année de vent...

Année de mangues, année de vent, dit-on sur l'île de Mayotte. 

Ce mois de janvier semblerait confirmer. 

Si Ashley (tempête au stade le plus haut) et Balita ont inauguré une saison cyclonique 2022-2023 en avance (sept-oct 2022), bien que loin des terres, dans l'immensité marine de l'Océan Indien central, Cheneso vient marquer la période. Pourtant c'est Darian qui a été suivi en décembre, un cyclone très intense avec des vents de 220 à 315 km/h, un œil d'une trentaine de kilomètres, passant, pour sa surveillance, de la zone australienne à celle de La Réunion. Dans ce cas-là, le nom est gardé : il ne faut pas s'étonner si l'ordre alphabétique en est inversé avec Cheneso, le système qui nous concerne à présent, serait-ce de loin. 




Dans la nuit du 17 au 18 janvier la zone perturbée s'est muée en dépression, devant, qui plus est, rejoindre une autre dépression issue de la zone suspecte 90S (effet Fujiwara pour les spécialistes... ce n'est pas moi qui le dis !). A 22 h, atteignant le stade de TTM (Tempête tropicale Modérée), elle prenait le nom de Cheneso. 

Le 19 janvier, au stade de FTT (Forte Tempête Tropicale) elle touchait terre à hauteur de Sambava, au nord-est de Madagascar, toute une région qui en temps de paix météorologique, évoque la vanille, le café, la noix de coco. 

Jusqu'au 21-22 janvier, soit trois jours à déverser des trombes d'eau, après un crochet de 12 heures en mer suivi d'un autre sur terre d'une vingtaine d'heures (il est étonnant de constater que quelle que soit la puissance en mer, dès qu'un tel phénomène débarque, il n'est plus classé que dépression sur terre, serait-il une tempête, un ouragan !), Cheneso a fait des ronds dans l'eau, trois boucles, à 150 km environ de la côte. Boulimique au point de redevenir cyclone, il s'est dégonflé après avoir épuisé, en 2 jours et demi, la chaleur du Canal de Mozambique en surface. (du 24janvier 4h au 26 16 h).   

Au matin du 27, les pertes humaines se chiffrent à 16 décès,19 disparus, jusqu'à 55.000 personnes sinistrées,15.000 déplacées, les cases détruites, six ponts coupés et plus de 5.000 élèves sans école désormais. Et ce bilan n'est malheureusement pas définitif.  

Source BILAN CHENESO - Seize personnes périssent durant les intempéries (lexpress.mg) 

https://www.cycloneoi.com/archives-blog/cyclone/cheneso-le-meurtrier.html

D'après les prévisions, le système devrait s'évacuer vers le sud. Dans la nuit de vendredi à samedi, certainement redevenu cyclone, il devrait passer à une centaine de kilomètres d'Europa, une des Îles Éparses françaises : les scientifiques doivent anticiper le passage de Cheneso. Quant aux tortues vertes, aux moustiques adaptés à l'eau salée, aux nombreux requins, aux rats et aux chèvres introduits... ? Samedi, Cheneso subira enfin le sort de tous les cyclones de la zone, à savoir une trajectoire liée à la force de Coriolis, vers le sud puis sud-est avant d'être avalé par les latitudes inhospitalières du Grand Sud. 

Concomitamment, sans que ce soit lié à Cheneso mais parce que c'est la saison des pluies (inversion de la mousson), il est tombé plus de 400 millimètres sur l'Est de La Réunion, soit, en 12 heures les deux tiers de ce qui tombe à Fleury... dans l'année ! 



Et ici, à Mayotte, au nombre de crabes de terre voulant se réfugier dedans (à la Réunion, les musaraignes et couleuvres...), une chute de la pression était attendue. le vent a soufflé fort, les grains se sont accompagnés de rafales, les cocotiers se sont retouvés le plumet tout ébouriffé, les palmes des bananiers en lanières, dépenaillées. 

Année de mangues, année de vent, cela semble se vérifier sauf que le vent fait tomber les mangues encore vertes... il va falloir prévoir les bocaux pour la confiture... 



PS : 29 janvier 2023 / Cheneso est à 250 km au sud de Madagascar / beau temps revenu sur Mayotte. 

Sources principales : Cycloneoi, météo France La Réunion Cyclone.  



jeudi 26 janvier 2023

La Sauze, poète et messager en langue d'oc (fin)...

 

Aude_-_Ouveillan_-_Eglise_Saint-Jean_l’Évangéliste  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author EmDee  (le clocher a un peu le même aspect que celui de Fleury avant... 

Obsèques d'Émile POUYTES vigneron à Arquette-en-Val (11) 6 mars1976) photo André Cros 1926-2021 (celui des vendanges dans les Corbières) Archives municipales de Toulouse licence CC BY-SA 4.0

Le temps, qui finalement finira mal pour nous tous (plus il passe et mieux on s'en persuade), nous apprend que Marcel (1921-2003), l'auteur du " Vinhairoun " le texte sur le vigneron, est le père d'Alain, dit " La Sauze ", d'une famille d'Ouveillan, que ce dernier a commencé à chanter dans les années 70, qu'il compte dans la nouvelle chanson occitane d'alors, que sa trivialité rabelaisienne, " ... uno grosso cagarèlo te fa fourça per cagar... " (2) (chanson Lou Fenhant), s'accompagne d'une grande humanité notamment lors de sa chanson hommage à la confrontation de Montredon où la fusillade causa la mort de Joël Le Goff, commandant d'une CRS puis en face, d'Émile Pouytès viticulteur, les estimant tous deux victimes, les coupables étant à chercher " ...cap a Paris,, l'Élyséu, Matinhon... ", inutile de traduire surtout lorsque l'hypocrisie, les mensonges des gouvernants sont aujourd'hui flagrants au point de faire honte à leur minorité de soutiens, de députés, d'affidés souvent intéressés...  

On peut classer La Sauze dans les contestataires à condition d'entendre, sous ce vocable, celui qui veut plus d'honnêteté, de justice, de respect ! Contestation contre l'agrandissement du camp militaire du Larzac... il faut reconnaître que la bêtise crasse d'un secrétaire d'État, plus de 21 ans député, a bien aidé : estimer que les Français ne sont que des moutons ou des veaux a des limites ; heureusement que la surenchère se paie, à terme, dans une situation abusive, qui plus est, de mandats électifs  à répétition. 

" Qu'on le veuille ou non, la richesse agricole potentielle du Larzac est quand même extrêmement faible. Donc je pense qu'il était logique de considérer que l'extension du Larzac ne présentait que le minimum d'inconvénients. Alors la contrepartie c'est le fait qu'il y a quand même quelques paysans, pas beaucoup, qui élevaient vaguement quelques moutons, en vivant plus ou moins moyen-âgeusement, et qu'il est nécessaire d'exproprier "
André Fanton, secrétaire d'État à la Défense. 

Ajoutons à ce coup de force pompidolien que venait de se créer le camp de Canjuers, plus de 30.000 hectares, plus proche encore du Plateau d'Albion, alors base de lancement de missiles nucléaires.

La Sauze a chanté en occitan des airs de Brassens, Ferrat... La Mountanho ne traduit que le drame des paysans evant quitter la terre pour la ville ou aujourd'hui, qui se font escroquer par les centrales d'achat des grandes surfaces ou doivent laisser la place à de grandes sociétés de l'agroalimentaire qui concentrent les vaches par milliers, n'empoisonnent pas que les abeilles et confisquent l'eau pour toujours plus de pognon !  

Alors qu'il faut tromper notre impatience dans l'attente des fleurs blanches ou roses de l'amandier, messager du renouveau de la nature et du cœur des indigènes, le Cercle Occitan de Narbonne lui rend hommage en tant que messagiè de nostro lengo resté fidèle à la vigne, aux traditions, à la vie de nos villages. 

Le 8 janvier 2023 Alain Sauzel dit " La Sauze " poète et chanteur occitan d'Ouveillan nous quittait à 79 ans suite à une maladie (1943-2023). C'est bien lui qui grattait ses cordes et nos pensées aux Cabanes-de-Fleury...

(1) Touriste, laisse ta femme et ton argent, et toi va-t-en ! 

(2) qu'une grosse crotte te fait forcer pour caguer (un comble pour un fainéant !). 

https://cercle-occitan-narbona.fr/index.php/notre-amic-la-sauze 

Sur ce blog, les autres articles sur Ouveillan

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/05/la-dinde-ouveillan-quelle-chance-fleury.html

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/05/chercher-le-present-dans-le-passe.html 

Le passé reste vivant, ceux qui nous quittent aussi... En apprenant le décès de La Sauze, je crois devoir accepter aussi celui du copain Antoine, le 10 mai 2020 (Pyrénées Orientales), à l'âge de 70 ans... je l'ai cherché... Téléphoner ? je n'ai pas osé... Ceux qui partent, ceux qui restent... dont tous ceux qui n'osent pas dire "je t'aime" de leur vivant... c'est comme ça... 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/11/festo-felibrenco-ouvelha-aude-en.html

mardi 24 janvier 2023

La Sauze, poète et messager en langue d'oc (première partie)...

Les Cabanes-de-Fleury, fin des années 80, début 90 peut-être, Lou Cabanaïre, le resto au bord de l'Aude, si agréable pour ses tables côté cour, a programmé un chanteur accompagné de sa guitare. Mais c'est qu'il chante en occitan ! Les couverts se font discrets, se posent même quand le vocabulaire devient d'autant plus piquant que la langue est aussi imagée que parlante. Le plaisir des mots et celui des papilles se télescopent. Les plats refroidissent.   

 

Les Cabanes-de-Fleury lors du tournage du Petit Baigneur (1967) (diapositive de François Dedieu). 

" Touristo, touristo, daïsso ta fenno et toun argent et tu vaï t'en ! (1) " Et il le répète en plus ! A en poser sa fourchette parce qu'ils sont là, les touristes, autour, le nez dans l'assiette... Heureusement ils ne comprennent pas, d'ailleurs même d'ici on ne comprend pas tout de cet occitan châtié... Heureusement qu'avec " Touristo, touristo " pas besoin de faire un dessin, c'est du vocabulaire populaire, pour ne pas dire basique ! A mettre mal à l'aise, à moins d'être extrémiste, même si chez nous perdure un fond de contestation contre le nordiste envahisseur qui embarrasse depuis des siècles de même que la complicité de Narbonne avec les Croisés... 

Oh ! mais qui c'est cet artiste ? " La Sauze " ? un nom de guerre ? un surnom ? francisé on dirait... ça donnerait " la Sauzo ", en languedocien quoique " lou sauze ", au masculin, on connaît, dans le dicton " Un sauze fa pas un piboul " : pour dire " les chiens ne font pas des chats ! ", un saule ne fait pas un peuplier. 
" La Sauze " : difficile à articuler en français tant la tendance à dire " lou " en occitan est forte, quoique " la figuièiro ", pour le figuier, c'est féminin. 

En attendant, proche du quai, de la pêche au globe, non loin de l'embouchure par un beau soir d'été sans trop de Cers, les accords de guitare, la voix ferme et pierreuse, les accents romans de notre vieille langue ne peuvent mieux s'allier au cadre, si  languedocien, si Sud... Sûr que des touristes, désireux de compenser l'image lourde et primaire de bronze-cul de l'Europe, apprécient cette authenticité... sans qu'on doive en vouloir aux autres " Il y a le ciel, le soleil et la mer... "(François Deguelt 1932-2014).  

Rue des Barris / Fleury-d'Aude. 

Rue des Barris / Fleury-d'Aude


5 novembre 1981. Henri, "l'Henric das Barris", l'Henri du faubourg dit aussi " lou mecanicièn " de cette rue rayonnant depuis l'ancienne Porte du Cros, hors les remparts du village, Fleury-d'Aude. Célibataire, Henri enregistre des cassettes en occitan, à la radio ou de son propre chef, parfois accompagnées d'un commentaire, dont un papier sur les difficultés à faire venir la vigne : les gelées d'avril -mai " te roustissoun lous bourrés... " et ce qui survivra des bourgeons rôtis sera bien entamé par les chenilles velues " las canilhos bourreudos... " et l'oïdium, le mildiou, l'eau, la grêle, le ministre " I a que l'argen bourdel Que te fa pas la guerro... ". 
C'est joliment dit et comme l'auteur n'est pas précisé, on en arrive à penser qu'Henri pouvait être inspiré. On ferait presque erreur quand sans savoir par quel biais, un nom s'impose, Marcel Sauzel. Ah ! l'artiste qui grattait sa guitare aux Cabanes ! (à suivre)

mercredi 18 janvier 2023

" les ARISTOCRATES on les PENDRA... "

En France, 1789 abolit mais ne réussit point à étouffer les titres nobiliaires. Pire avec Napoléon qui surchargea l'héritage avec une noblesse impériale, pratiquement au nom de la Révolution quand bien même il supprima le vicomte et le marquis rappelant trop l'Ancien régime ! 
En Espagne, le dictateur Franco se déclara régent à vie de la monarchie. Aujourd'hui, les nobles continuent d'exploiter d'immenses domaines que des paysans libres font valoir contre leurs intérêts, citoyens libres certes mais subissant un statut hérité du servage et devant cultiver des productions spéculatives. Le plus terrible est cette fascination des humbles à envier et honorer les dynasties : on suit encore les destinées des maisons royales dotées ou sans royaumes : mariages, naissances, décès, que des magazines continuent de mettre en scène... le futur avènement de Charles III ne devrait pas déroger à la règle.

Le 20 novembre 2014, à Séville, mourait la duchesse d'Albe, 88 ans (1926-2014) dont le père, en exil à Londres sous la Deuxième république espagnole avait été nommé Ambassadeur au Royaume-Uni par Franco. 
80000 personnes ont défilé devant sa dépouille à l'Hôtel de Ville de Séville dont nombre de fidèles, sûrement, du téléfilm " Duquesa ", à la télévision espagnole. Elle était appréciée, dit-on, pour son anticonformisme, un luxe que tout le monde ne peut pas se permettre. Il faut dire que l'exemple vient d'en haut. Que la droite ou la gauche soient aux commandes à Madrid ou localement par les autorités légales, la municipalité, le gouvernement d'Andalousie. Ainsi les socialistes auraient honoré la duchesse du titre de " hija adoptiva, hija predilecta ", fille adoptive, fille préférée, récompensée pour un mécénat... 

Est-ce la plus haute distinction quand on est déjà vingt fois " grande d'Espagne" en duchés, marquisats et comtés sans compter trente-deux autres titres dont " Dame de " pour le plus modeste ? 

Mais quand on s'appelle (prenez votre respiration) 
María del Rosario Cayetana Paloma Alfonsa Victoria Eugenia Fernanda Teresa Francisca de Paula Lourdes Antonia Josefa Fausta Rita Castor Dorotea Santa Esperanza Fitz-James Stuart y Falcó de Silva y Gurtubay0", 
que la fortune est évaluée à 2.800 millions d'euros sans compter la vingtaine de châteaux en Espagne et les 34.000 hectares de domaines, rien n'est trop pour une femme qui aurait été en avance sur son époque (bfmtv, une chaîne pour le pouvoir et l'ordre établi). 
Il est vrai qu'à son passif, existent aussi des critiques à rallonges si méchantes que le moteur de recherche ne veut plus les retrouver : " caniche, babouin, extra terrestre, créature faunesque, gorgone ". Pourquoi donc être aussi primaire et abject quand on a le privilège d'être lu ? 

L'essentiel n'est-il pas de s'insurger parce qu'on ne reprend pas à ces aristocrates tant d'hectares de terre confisqués aux plus modestes ? L'essentiel n'est-il pas de condamner une Union Européenne plus réactionnaire que de progrès lorsque, par le biais de la PAC, elle alloue 5350 € par jour à de tels privilégiés qui continuent d'exploiter et de dépouiller la masse de gens modestes ? 

Comme pour juguler un mécontentement légitime, le gouvernement andalou a bien racheté des domaines mais sans redistribuer ou laisser exploiter ces terres par des gens qui, brassiers ou chômeurs (tant l'immigration contribue aussi à rabaisser les plus modestes) ont besoin de manger ! Le monde libéral, au nom du profit, privilégie tous les abus dont celui de subventionner des cultures à l'exportation alors que la main-d'œuvre locale est maintenue dans le besoin et quand la désobéissance légitime amène à occuper des terres laissées à l'abandon dans le but de spéculer, l'Etat complice organise la répression des mouvements sociaux, l'emprisonnement des syndicalistes... " Suivant que vous serez puissant ou misérable " écrivait La Fontaine...   

2017 centres financiers offshore  Creative Commons Attribution 4.0 International AuteurJavier garcia-Bernardo, Jan Fichtner, Frank W. Takes, Eelke M. Heemskerk / inutile de les situer seulement dans des îles lointaines, 1/4 de ces "puits" et "conduits" se situent en Europe dont l'UE.  

Parce qu'il rappelle trop la minorité dominante qui opprime les peuples, parce qu'il était le cas le plus voyant, le moins dissimulé vu la vie de l'héritière d'Albe, il ne faut surtout pas laisser de côté tous ces milliardaires sans particule, cachés au sein de collectifs d'actionnaires, de banques, assurances, fonds de pension (suite au scandale des maisons de retraite ORPEA, rien n'a changé dans la primauté de la finance sur le respect à la personne !) qui accumulent des profits ignobles sans contribuer à la solidarité collective puisque la fraude aux bénéfices camouflés dans les paradis fiscaux est plusieurs milliers de fois supérieure au détournement des prestations sociales d'un pays dit " développé ". 

Il n'empêche que le Monde continue de tourner toujours pour les mêmes tant que les politiques ne font rien contre un système mafieux qui est le leur... 

lundi 9 janvier 2023

Le CINÉMA au village : JOSELITO...

 Le dimanche après-midi : la séance de cinéma. Est-ce que tous les films sont adaptés à nos âges ? En attendant, si les affiches collées sur les grandes vitres des cafés Mestre et Billès correspondent, ce sont quinze ou vingt gosses qui prennent place sur les bancs de devant, les parents ont donné les 70 centimes, l'équivalent d'une flûte de pain (400 g) ; ils savent ce qui est programmé, au moins ils nous demandent, je suppose, avant de permettre alors qu'ils poursuivent leurs discussions de grands. 

Juste derrière le comptoir de bois tenant lieu de caisse, non loin de madame Calavéra, une mamé avec ses quelques friandises sur le plateau d'osier suspendu à son cou (elle ne doit pas rouler sur l'or), le patron, monsieur Balayé, nous place d'autorité, sur ces bancs de devant, pour nous avoir à l'œil, à trois ou quatre mètres de la scène, à sept de l'écran, les fauteuils ne nous sont pas permis... bénéficions-nous d'un tarif réduit ? je pense. Un demi-siècle plus tard, ce ne sont peut-être que des impressions qui m'ont marqué ; Monsieur Balayé, de Salles, le village non loin, nous tient à carreau, un long bambou à la main aidant, dissuasif : il lui suffit de tapoter l'épaule de celui qui taquine, rit avec le voisin, qui n'est pas sage. 

Paper_cinema_ticket années 80 domaine public Auteur Tangopaso (2)

Au comptoir, si un retardataire entre, son épouse allume la lampe de poche... j'ai oublié mais avons nous un ticket en retour, de ces petits rectangles jaunes détachables d'un rouleau ? Un dessin animé, les actualités, la publicité de Jean Mineur envoyant son pic dans le mille de la cible, un court-métrage de Charlot, un soupir de satisfaction lorsque le titre s'affiche (on fait les difficiles avec les entrées pourtant variées !).  
Andalousie 1984. 

Joselito, on le connaît pour avoir vu "Le Petit Vagabond", "Le Rossignol des Montagnes,", "L'Enfant à la Voix d'Or", "Écoute ma chanson". C'est vrai qu'il a de la voix et qu'il n'y aurait pas d'histoire s'il était riche avec une carrière toute tracée. Or, on peut vivre modestement sans que sa destinée n'expose à de tristes situations et aux épreuves qui vont avec... 
Nous le retrouvons orphelin de mère, confié à une femme qui ne l'aime pas ou orphelin de père, habitant avec le grand-père parce que le nouveau mari de sa mère le rejette...  Une fois, berger dans la montagne, il ne descend au village que pour porter sa paye à sa mère, sauf que le père est violent et alcoolique... Une autre fois, le père, forgeron, mène son éducation et lui fait travailler la voix... 
Il doit se défaire des méchants, les enfants jaloux qui lui en veulent ou un impresario qui veut l'exploiter. Il tombe aussi sur des gentils, le vagabond Pepino qui l'amène chanter de foire en foire, les gitans qui le recueillent et l'intègrent dans leurs spectacles. 
Enfin, tout finit bien lorsque Joselito arrive à gagner l'argent qui permet de soigner son amie, la petite fille aveugle, lorsqu'il retrouve ses parents et un père libéré de l'alcool, lorsque sa mère, réalisant qu'elle est la fille d'un riche marquis, le retrouve après l'avoir longtemps cru disparu. 

Les villages blancs de lumière, débarbouillés d'un gris sans nuance imputé au Nord, comme l'exprime si bien Aznavour ("Emmenez-moi") en ajoutant que la misère lui semble plus légère au soleil. Si Sud ! je ne peux m'empêcher de déborder jusqu'au Pirée et ses enfants par Mélina Mercouri ou Dalida... Tout ce qui me transporte dans mes années fin 50, 60, disons de mes 8 à mes 17 ans, un emballement très Mare Nostrum avec Zorba le Grec, le sirtaki et toujours cette déduction faite axiome que le pognon ce n'est pas la vie...  
Laurel_and_Hardy 1930 Author Hal Roach Studios

Charlie_Chaplin_reads_Film_Fun,_1915 Author Anonymous

Aujourd'hui, Franco s'invite dans les histoires de Joselito, tolérant la préférence du petit chanteur pour le flamenco au café plutôt que le chant religieux chez le curé, ne permettant pas un misérabilisme qui nuirait à l'image de l'Espagne même si le besoin de devises est prégnant. Aujourd'hui je ne fais plus le parallèle avec les miséreux puisque chez les gens ordinaires et dignes des films du rossignol à la voix d'or, les intérieurs sont chaleureux s'ils ne sont pas riches, et, dans la pièce à vivre, il y a le poste de radio. Le cinéma au village m'emporte positivement alors qu'à la maison, mon père impose Copperfield et Sans Famille, toujours pour me culpabiliser, me claironner que j'ai de la chance, sans qu'il réalise qu'il m'enferme dans un mal être qui n'en finira pas de me bloquer encore, en tant que jeune adulte... Enfin, sans vouloir ni accuser ni accabler, je me découvre faible de ne pas me défaire d'un fardeau psychologique certain... Aujourd'hui, alors que j'écris ces lignes, le hasard fait que Arte nous passe les destins de Laurel et Hardy puis de Charlot (8 janvier 2023), preuve que le passé est porteur, le présent volatile et qu'on ne sait rien de ce qui est à venir...  

Andalousie 1984. 

Le cinéma au village a contribué à me garder de la perdition... Avec d'autres bonheurs comme l'amour de la nature, l'importance des copains, mon attrait pour le yin, le goût du voyage, l'évasion, l'imaginaire, il a grandement contribué à me donner envie de la vie... Ne dit-on pas que tout se joue à l'enfance ?     

jeudi 5 janvier 2023

LE LOTO, CHALEUR D’UN TEMPS ÉVANOUI (6)...

Sixième volet, jusqu'à présent le dernier mais c'est psychologiquement toujours aussi dur de mettre "fin" tant on espère la possibilité d'éléments supplémentaires, d'une nouvelle source.   

La preuve : le site OCCITANICA du CIRDOC nous donne encore l’occasion de prolonger...    

https://occitanica.eu/items/show/423 (Lo Lòto : recueil de mots et expressions pour animer un loto ou quine en occitan · Occitanica, Portal collectiu de la lenga e de la cultura occitanas).

A Barcelone, le « loto carton » s’appelle « quinto », à Perpignan ils participent à des « rifles » (au féminin). Ce terme « rifle » est courant aussi dans le Berry ou en Bourgogne (!).

Chez nous, ce seraient les municipalités qui auraient retiré le droit d’organiser (?? explications demandées...).

Dans nombre de départements, les préfectures autorisent les lotos entre le 1er décembre et le 1er février.

Les expressions accompagnant les numéros les désignent sans risque de confusion, c’était plus essentiel encore avant l’invention du micro, qui plus est, dans le bruit ambiant.

En habillant plaisamment la sortie des numéros, le nommeur démontrait des talents d’acteur certains ; ses reparties collaient parfois à la vie du village, souvent à l’actualité (74. La cuve à Clermont-l’Hérault, inutilisable pour la vinification suite à un nettoyage au gas-oil / 42. Allez les Verts ! / 33. Rika Zaraï dont les bains de siège prêtaient à rigoler !).

Le public aussi joue un rôle en anticipant le mot d’esprit attendu ; souvent il aiguillonne le hasard avec un « mounto lou » (monte-le) ou « vai lou quéré » (va le chercher) qui fait monter un marmonnement de dépit dans l’assemblée sinon une rumeur de répit si l’intéressé dit « brigan » ; il arrive qu’un ou une extravertie se permette de commenter « bien compté » « mon âge » ; parfois, par connivence un joueur interpelle le nommeur toujours capable d’humour dans un retour qui fait sourire tous les joueurs... Le public habituel aime (certains viennent tôt pour garder la place dans la salle où aura lieu le tirage), le changement agacerait : pour cette raison, le nommeur reste attitré jusqu’à ce qu’un jour, souvent à l’usure, il faille bien changer d’époque. 

Et pourtant les affiches étaient en français... 
Lieuran_lès_Béziers_affiche_loto_1930_-_Archives_départementales_de_l’Hérault Domaine public.

Avec un brassage des populations favorisé par l’attraction du pourtour méditerranéen, la platitude du français  vient niveler le relief, le piquant propre à notre parler occitan... ce qui est bien à l’image de la domination aussi anachronique que malsaine du pouvoir de Paris, dans l’inclination honteuse pour la gouvernance absolue, la seule en Europe en bute aux langues, au particularisme des régions, mythifiant un Napoléon comme elle le fit d’un Pétain en collusion d’avantages mal placés... dèjà à préférer une soumission dangereuse à l’homme providentiel... pardon si je m’égare, serait-ce sans prêter à conséquence. Si nos lotos survivent, qu’ils soient commentés en occitan puis en français. 

Le site Occitanica nous offre des variantes rafraîchissantes :

2 Tu e ieu (toi et moi),

4 la man del fustier (la main du menuisier), la leca (baguettes en forme de 4 qui maintiennent en l’air la pierre plate d’un piège),  

6 la rèsso (la scie d'où le rasséguet utilisé par le poudaïré lors de la taille),  

7 la dalho (la faux),

14 la flour al fusil (début de la Grande Guerre),

15 lou rugbi, lou Cantal, un talh de cantal (un morceau de cantal),

16 lous ceses (les pois chiches), passo a Bagnols (sur Cèze), ço que se manjo per Rampalms (ce qui se mange pour les Rameaux),

17 Gafa, la déportation en Tunisie du 17e d’infanterie ayant mis la crosse en l’air lors de la révolte des vignerons en 1907.

18 i a pas lou foc (il n’y a pas le feu, en rapport avec les pompiers),

21 la moustardo (de Dijon),

22 las randouletos (les hirondelles),

23 Jan lou papo (Jean XXIII),

25 Nadal (Noël),

27 la soupo de porrès (la soupe de poireaux),

28 la fièiro de Naucèlo (la foire aux bestiaux de Naucelle, en Aveyron, connue pour ses bals, suite aux ventes),

29 l’an del gros ivern (l’année du gros hiver),

30 lou bel atgé (le bel âge) lou traouc de l’amour (le trou de l’amour... peut-être une réminiscence licencieuse du Moyen-Âge),

31 Aprei l’amour, los Toulousens, las violetos,

34 Erau, Bésiérs e Mountpelhier, lous fadolis ( l’Hérault... les timbrés),

40 lou cioul de ma tanto, l’an dau gran Rosé (crue mémorable du Rhône), michanto annado (méchante année),

41 les rutabagas,

42 les topinambours,

44 las cancarinetos (les castagnettes),

45 lou pastis,

48 la Lozero (la Lozère),

51 lou pastaga,

52 BB Brigitte Bardot (son mariage avec Vadim),

55 lous tetouns, lou paradis dels omès, douple,

56 lou gran fret

58 la Constituciou,

59 Lou Nord, lou cal pas perdre (le Nord, il ne faut pas le perdre),

60 la retreto (tu entends Macron ?),

63 Giscard, Danièle Gilbert (du Puy-de-Dôme),

64 lous Bascos, m’en vau a Pau (Les Basques, je m’en vais à Pau),

65 Bernadeto, m’en vau a Tarbes (ou à Lourdes ?),

66 Lous Catalans, lou Pertùs, Perpinhia, dous culhiers dins lous linçols (deux cuillères sous les draps),

67 la choucrouto,

68 las calados (les pierres), la revoluciou,

70 se manjavo de rats (il se mangeait des rats)

74 la néu (la neige dans le Vaucluse, le Gard, l’Hérault),

75 lous Parisiens, lous envahissaïres,

78 Versalho,

79 las dous cabros (ils prenaient déjà en compte Ségolène ?)

81 bougré de Tarnagas (sacré Tarnais),

83 la marino de guerro,

84 Sul poun d’Avignoun, Miréio,

87 Lous d’Argélièrs (les 87 vignerons du départ avec Marcelin Albert en 1907),

88 las dous cacaùetos, las poupos (les cacahuètes, les seins)

La dinde ou le jambon au bout de la soirée, qui sait ? En attendant, de l’Histoire, la paillardise du Moyen-Âge, la libido des hommes, une initiation à la géographie avec toute la convivialité complice des villageois...  

mardi 3 janvier 2023

Sur l'IMMIGRATION ESPAGNOLE...

 Par chez nous, sur la place de bien des villages, on entendait parler espagnol ou catalan, c’est qu’un tiers de nos populations était de cette origine. Si le demi-million de réfugiés lors de la Retirada, a marqué les mémoires, ce sont pourtant, à la fois pour des raisons économiques et politiques, plus de quatre millions d’émigrés qui arrivèrent en France entre 1888 et 1930 (Maria José Fernandez Vicente, 2004) (je n'ai pas trouvé la raison d'une année 1888 en particulier...). Si à vingt ans le service militaire était obligatoire, un tirage au sort emmenait une partie des hommes au Maroc pour des périodes de deux à six ans ! Les riches pouvaient envoyer quelqu’un à leur place ou payer à l’État.

Coups d’États, pronunciamentos, défaites et pertes des territoires en Amérique, aux Philippines, semaine tragique de 1909 Entre le 26 juillet et le 2 août 1909, la semaine tragique surtout à Barcelone : barricades suite à la perte de 1200 réservistes au Maroc et contre l’envoi  de soldats supplémentaires (guerre de Melilla), contre l’appel des réservistes (1500 pesetas pour s’en exempter, l’équivalent de plus de quatre ans d’une paye d’ouvrier).

Bilan : plus d’une centaine de morts, ensuite plus d’une centaine d’églises ou couvents ou collèges religieux incendiés, ce qui va renforcer la tyrannie du pouvoir : intox basée sur un prétendu séparatisme catalan pour ne pas que le pays suive, renforts militaires, mise au pas et exploitation des ouvriers, féodalisme dans les campagnes maintenu, élections faussées par une hiérarchie de caciques au service des nobles...

Conséquences : syndicats interdits, fermeture des écoles laïques, des milliers d’arrestations avec 2000 poursuites pénales, 5 condamnations à mort, 59 à perpétuité, 175 à l’exil. 

Depuis deux siècles et l’unité victorieuse contre Napoléon, l’Espagne n’en finissait pas de toucher le fond avec de brefs sursauts progressistes qui ne pouvaient durer tant que les nobles et l’Église maintenaient une domination féodale archaïque (la « sainte inquisition » n’a été abolie qu’en 1834 avec encore un instituteur pendu à Valence en 1826 !).

Liées aux circonstances politiques, des causes économiques ont poussé quatre millions d’Espagnols à émigrer entre 1890 et 1930. 

Photo autorisée fourche de houx hubertm L'Air du Bois

On part pour ne plus vivre dans une hutte au sol de terre battue, pour ne plus faire la corvée d'eau avec l'âne, pour ne plus labourer avec une mauvaise charrue, pour avoir de bons outils en fer et non du tiers-monde comme ces fourches en bois qui, plus tard, décoreront si bien les intérieurs, ou ces dents de silex des herses pour briser les mottes de terre. On part parce qu'on n'a pas pu faire la révolution contre les nobles latifundiaires. Cette situation était la norme à la veille de la guerre civile ; les occupations des terres ont durement été réprimées par l'extrême-droite franquiste (350 journaliers exécutés à Palma del Rio et pour dire combien la pression des riches spéculateurs est forte, aucun des sites qui mentionnent ce massacre n'ose dire le nom du coupable dont les descendants ont hérité...). 

A partir de 1956, Franco qui bloquait les frontières les ouvre pour diminuer le chômage, alléger le budget public, faire rentrer des devises. 

Nombre d'information proviennent d'un rapport gratuit sur la présence espagnole à Mauguio, des circonstances historiques de l'immigration, des fêtes, votive, camarguaise, espagnole, mais rien sur l'auteur sinon :  

"... Mes parents sont arrivés dans les années 1960, avec les grands parents. Ils venaient de Lorca. Les grands parents venaient pour fuir la dictature.../... Ils ont rejeté l’Espagne. La première chose que ma mère a entendue était « espagnole de merde ». Mes parents parlent français sans accent espagnol. Ils disaient : « devenez plus français que les français »." 

Un grand merci pour ce partage ! 

Vendanges_en_Corbières_(1975) Fonds André Cros Archives municipales de Toulouse  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International


Politiques migratoires espagnoles et françaises – Projet de fin d'etudes (rapport-gratuit.com)

safara10ean187.pdf (mcours.net)