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mercredi 24 mai 2023

BOUZIGUES, Étang de Thau.

Lou cranc (du latin « cancrum », accusatif de « cancer »), le crabe en est l’animal totem mais c’est l’oursin qui représente le village lors des festivités (est-ce pour éviter de faire doublon avec Marseillan ?). Et le blason, lui, n’a été créé qu’en 2003, oh, en suivant bien des règles vieilles de mille ans au moins...

La population (1600 hab.) a perdu une centaine d’habitants depuis 2012, une tendance inverse à ce qui se passe pour les autres localités du secteur.  

Au début étaient les pêcheurs qui n’utilisaient les terres que pour des besoins ponctuels. Ensuite arrivèrent les agriculteurs devenus viticulteurs et riches grâce au succès de la vigne par rapport aux petites maisons toujours pauvres des pêcheurs, en bas, au bord de l’eau. Longtemps les deux communautés ne se sont pas fréquentées, que ce soit pour boire un coup ou jouer aux boules. Ont-ils connu des Roméo et Juliette aux tragiques destins ?  

Bouzigues_(Hérault,_France) the Creative Commons Attribution 3.0 Unported Auteure Stéphanie de Nadaï

C’est d’ici, au début du siècle dernier, qu’est partie l’idée d’élever des huîtres et des moules.

Nous quittons la nationale exprès pour descendre dans Bouzigues jusque sur le quai, c’est l’année où on a suivi le rugby, avant 1963. J’étais loin de me douter que dans ce coin, seul le foot comptait alors... Papa avait encore la Dauphine bleue. Quelle heure pouvait-il être ? Onze heures a quicon proche, à quelque chose près, soit, peu importe, debout, sur le quai même nous avons mangé des moules sur le pouce, de Bouzigues, bien entendu. L’appellation est restée même si Mèze et Marseillan produisent davantage et pèsent bien davantage en population. Papé debout, le couteau et une moule à la main, je le revois. Un ciel bien bleu, plein soleil. La nuance de lumière me reste. C’est la fois où nous avons pique-niqué au Pont du Gard... 

Aux vendanges, papé Jean et de dos, l'oncle Noé.

Et maintenant cette petite cousine de loin qui tient un restaurant ici, à Bouzigues... C’est tout saudada et nostalgie mais ça plonge profond et cet instantané d’un souvenir revenant de la mort, cette sincérité de l’instant me touchent vraiment. 

jeudi 16 février 2023

La NOURRITURE avant (1850-1950) puis dans les années 60... (3)

Gâteaux et pâtisseries. Le circuit court pour les plus modestes. A la maison et au collège dans les années 60.  

Les oreillettes de Laeti, ma neubeude ! gros poutous de tonton ! 

La tradition voulait aussi qu'on fasse des gâteaux pour certaines fêtes ou lors de périodes particulières : barquettes de Toulouse, gimblettes d'Albi, floues de St-Affrique, biscottins de Bédarieux, galettes quadrillées de Carcassonne, fouacets, alleluias et rausels à l'anis de Castelnaudary, raouzels du Minervois pour le " Dius-a-vol ", oreillettes de carnaval... 

C'est dans les couches populaires que l'alimentation et la façon de cuisiner collent aux ressources locales, aux circuits courts... les bourgeois, les gens aisés, eux, veulent manger comme à Paris. Puis le fait de se nourrir s'est nivelé, uniformisé (déjà en 1950, d'après l'article !). La magie, la religion, la géographie ne pèsent plus, on ne mange plus de millas dans les pays de maïs, les crêpes à la Chandeleur sont facultatives, les châtaignes, on les donne aux cochons, les poissons, sauf peut-être en été, viennent de l'océan. Tout le monde mange à peu près la même chose : pain, viande... Depuis la fin de la guerre de 39-44, ouvriers et paysans mangent mieux et pour moins cher. Et si le poste nourriture reste le premier  dans le budget, ceux du logement, des vêtements, des loisirs commencent à compter. 

Vendanges cassoulet Carcassonne Wikimedia commons Auteur BrokenSphere

Il n'empêche, le cassoulet qu'on peut manger partout en France, reste un plat typique si on lui garde son originalité dans sa forme bourgeoise (bien améliorée par rapport au plat paysan plus cassoulet de mounjetos qu'à la viande comme on dit en parlant d'un plat avec seulement des haricots), par ses ingrédients (couennes fraîches, jarret de porc, salé d'oie, saucisse), le toupin ou la cassole en terre du Lauragais (surtout Castelnaudary) pour le cuire serait-ce sans plus disposer d'un four à bois où flamberaient des ajoncs (dit genêt épineux, ce qui peut prêter à confusion).  

Pour finir et témoigner de ce qu'on mangeait à la maison dans les années 60, au risque d'en oublier (vous pouvez, vous devez et me corriger s'il faut, et compléter), nous avions, à table, dans la semaine, 

* en entrée, salade ou charcuterie, pâté, boudin ; 

* des pommes-de-terre (achetées par sacs de 50 kilos) bouillies, en purée, en frites, au four, plus rarement en brandade ; 

* une à deux fois des légumes secs (lentilles, pois chiches, pois cassés, haricots), 

* le soir, toujours la soupe (souvent de légumes) ou potage aux vermicelles lorsqu'il y avait du pot-au-feu ; 

* des pâtes d'abord nouilles ou macaronis avant que la diversité de formes que nous connaissons de nos jours ne s'impose (certains portaient le plat à gratiner au boulanger, moyennant une modeste participation) ; 

* de la viande surtout en sauce (blanquette, daube, bourguignon), souvent des abats (foie, rognons) ; le dimanche, un poulet fermier, de la saucisse ou de l'entrecôte (alors moins chère que la tranche) sur la braise de sarments ; 

* le vendredi du poisson, plus souvent en été avec le poisson bleu (sardines, maquereaux, thon rouge), merlan, plie, raie en poisson frais sinon la morue mise à dessaler ; 

* pour ce qui est du fromage, sans qu'il y en ait tout un plateau, le choix était plus restreint qu'aujourd'hui (gruyère, cantal, roquefort, camembert de Mariotte (fait au Fousseret, dans le département de la Haute-Garonne), un pyrénées assez insipide couvert d'une peau élastique noire, augurant de ce que serait l'ère du plastique omniprésent. 

* au dessert, des pommes au four, du riz-au-lait, du flan, du yaourt de Rieucros dans l'Ariège (le pot de verre était consigné tout comme pour la bouteille de lait / il y avait encore des laitières au village, dont Émilienne). 

Rouzilhous, lactaires délicieux. 

Comme il était apprécié alors de suivre les saisons (raisins, azeroles, coings, châtaignes, pommes, poires, rouzilhous à l'automne), poireaux (de vignes et sauvages éventuellement), choux, betteraves, cardes, endives en hiver... épinards, asperges sauvages, fèves, asperges vertes, petits pois, puis fraises, cerises au printemps, tomates, haricots verts, cèbe de Lézignan en été, abricots, pêches...     

Et au collège Victor-Hugo, à la demi-pension : salade verte ou betteraves ou carottes, fayots, lentilles, nouilles ou macaronis, purée, pommes-de-terre dans les ragoûts, blanquettes, frites le samedi, omelette, sardines, morue ou brandade le vendredi et toujours... de la sixième à la terminale, un litre de vin pour huit ! Et en dessert, j'ai oublié... un fruit ? un bout de fromage ? Le goûter était de rigueur : la vache qui rit, la pâte de fruit de marque Dumas (Pézenas), le chocolat qu'on partait faire fondre en tartine sur les poêles à charbon des classes ouvertes. Il y avait aussi une gelée de raisin présentée en portion plastique (pas moyen d'en retrouver la trace peut-être en lien avec l'usine UVOL de jus de raisin alors à Nissan-lez-Ensérune encore dans les années 60).  

lundi 9 janvier 2023

Le CINÉMA au village : JOSELITO...

 Le dimanche après-midi : la séance de cinéma. Est-ce que tous les films sont adaptés à nos âges ? En attendant, si les affiches collées sur les grandes vitres des cafés Mestre et Billès correspondent, ce sont quinze ou vingt gosses qui prennent place sur les bancs de devant, les parents ont donné les 70 centimes, l'équivalent d'une flûte de pain (400 g) ; ils savent ce qui est programmé, au moins ils nous demandent, je suppose, avant de permettre alors qu'ils poursuivent leurs discussions de grands. 

Juste derrière le comptoir de bois tenant lieu de caisse, non loin de madame Calavéra, une mamé avec ses quelques friandises sur le plateau d'osier suspendu à son cou (elle ne doit pas rouler sur l'or), le patron, monsieur Balayé, nous place d'autorité, sur ces bancs de devant, pour nous avoir à l'œil, à trois ou quatre mètres de la scène, à sept de l'écran, les fauteuils ne nous sont pas permis... bénéficions-nous d'un tarif réduit ? je pense. Un demi-siècle plus tard, ce ne sont peut-être que des impressions qui m'ont marqué ; Monsieur Balayé, de Salles, le village non loin, nous tient à carreau, un long bambou à la main aidant, dissuasif : il lui suffit de tapoter l'épaule de celui qui taquine, rit avec le voisin, qui n'est pas sage. 

Paper_cinema_ticket années 80 domaine public Auteur Tangopaso (2)

Au comptoir, si un retardataire entre, son épouse allume la lampe de poche... j'ai oublié mais avons nous un ticket en retour, de ces petits rectangles jaunes détachables d'un rouleau ? Un dessin animé, les actualités, la publicité de Jean Mineur envoyant son pic dans le mille de la cible, un court-métrage de Charlot, un soupir de satisfaction lorsque le titre s'affiche (on fait les difficiles avec les entrées pourtant variées !).  
Andalousie 1984. 

Joselito, on le connaît pour avoir vu "Le Petit Vagabond", "Le Rossignol des Montagnes,", "L'Enfant à la Voix d'Or", "Écoute ma chanson". C'est vrai qu'il a de la voix et qu'il n'y aurait pas d'histoire s'il était riche avec une carrière toute tracée. Or, on peut vivre modestement sans que sa destinée n'expose à de tristes situations et aux épreuves qui vont avec... 
Nous le retrouvons orphelin de mère, confié à une femme qui ne l'aime pas ou orphelin de père, habitant avec le grand-père parce que le nouveau mari de sa mère le rejette...  Une fois, berger dans la montagne, il ne descend au village que pour porter sa paye à sa mère, sauf que le père est violent et alcoolique... Une autre fois, le père, forgeron, mène son éducation et lui fait travailler la voix... 
Il doit se défaire des méchants, les enfants jaloux qui lui en veulent ou un impresario qui veut l'exploiter. Il tombe aussi sur des gentils, le vagabond Pepino qui l'amène chanter de foire en foire, les gitans qui le recueillent et l'intègrent dans leurs spectacles. 
Enfin, tout finit bien lorsque Joselito arrive à gagner l'argent qui permet de soigner son amie, la petite fille aveugle, lorsqu'il retrouve ses parents et un père libéré de l'alcool, lorsque sa mère, réalisant qu'elle est la fille d'un riche marquis, le retrouve après l'avoir longtemps cru disparu. 

Les villages blancs de lumière, débarbouillés d'un gris sans nuance imputé au Nord, comme l'exprime si bien Aznavour ("Emmenez-moi") en ajoutant que la misère lui semble plus légère au soleil. Si Sud ! je ne peux m'empêcher de déborder jusqu'au Pirée et ses enfants par Mélina Mercouri ou Dalida... Tout ce qui me transporte dans mes années fin 50, 60, disons de mes 8 à mes 17 ans, un emballement très Mare Nostrum avec Zorba le Grec, le sirtaki et toujours cette déduction faite axiome que le pognon ce n'est pas la vie...  
Laurel_and_Hardy 1930 Author Hal Roach Studios

Charlie_Chaplin_reads_Film_Fun,_1915 Author Anonymous

Aujourd'hui, Franco s'invite dans les histoires de Joselito, tolérant la préférence du petit chanteur pour le flamenco au café plutôt que le chant religieux chez le curé, ne permettant pas un misérabilisme qui nuirait à l'image de l'Espagne même si le besoin de devises est prégnant. Aujourd'hui je ne fais plus le parallèle avec les miséreux puisque chez les gens ordinaires et dignes des films du rossignol à la voix d'or, les intérieurs sont chaleureux s'ils ne sont pas riches, et, dans la pièce à vivre, il y a le poste de radio. Le cinéma au village m'emporte positivement alors qu'à la maison, mon père impose Copperfield et Sans Famille, toujours pour me culpabiliser, me claironner que j'ai de la chance, sans qu'il réalise qu'il m'enferme dans un mal être qui n'en finira pas de me bloquer encore, en tant que jeune adulte... Enfin, sans vouloir ni accuser ni accabler, je me découvre faible de ne pas me défaire d'un fardeau psychologique certain... Aujourd'hui, alors que j'écris ces lignes, le hasard fait que Arte nous passe les destins de Laurel et Hardy puis de Charlot (8 janvier 2023), preuve que le passé est porteur, le présent volatile et qu'on ne sait rien de ce qui est à venir...  

Andalousie 1984. 

Le cinéma au village a contribué à me garder de la perdition... Avec d'autres bonheurs comme l'amour de la nature, l'importance des copains, mon attrait pour le yin, le goût du voyage, l'évasion, l'imaginaire, il a grandement contribué à me donner envie de la vie... Ne dit-on pas que tout se joue à l'enfance ?     

vendredi 7 janvier 2022

DERRIÈRE LA FÊTE, LE PARC DU CHÂTEAU. Balade à Salles-d'Aude.

Oh ! comme ce titre évoque le grand Meaulnes, le roman si célèbre : la jeunesse qui, des environs, va à la fête, un château et son parc. Mais le parallèle s'arrête là ; nous sommes à Salles-d'Aude et à l'atmosphère brumeuse d'Alain-Fournier répond la lumière du Sud, fin septembre, même sans les joyeuses colles de vendangeurs dans les vignes...

<< Chères Salloises et Sallois,

Le Maire et les élus en charge des festivités avaient prévu de relancer les animations à dater du mois de janvier 2022, accompagnées de la fête foraine sur la place Germain Canal.

Force est de constater que les services de l’Etat ont pris la décision de renforcer les mesures sanitaires ( variant OMICRON ).
De plus, plusieurs forains sur lesquels nous comptions afin d’assurer notre fête locale, nous ont informé de leur impossibilité d’être présents, étant eux même atteints par la COVID.
C’est le remord dans l’âme* que nous nous voyons contraints de ne pouvoir assurer les festivités telles que prévues....>> 

* "la mort dans l'âme" : correction faite sur la page facebook. 

Était-ce pour fêter un des Julien du calendrier ou Basilisse (1), démembrée puis décapitée pour cause de chrétienté ?  S'il n'y avait la municipalité pour informer des annulations dues au covid, on en oublierait la fête du village, un temps trois jours autour du 7 janvier. 

Pour clore, decrescendo, les fêtes de fin d'année, nous partions en groupes à Salles voir la fête foraine, souvent par un dimanche après-midi... Je parle pour nous autres, encore scolarisés, qui n'allions pas là-bas pour danser. Et puis, à Fleury, nous avions déjà bien profité des festivités de la Saint-Martin, ensuite de Noël et du jour de l'an, d'où le "decrescendo" de tout à l'heure. Une balade, une sortie ; la route passait par le four à chaux, en bas des oliviers qui, déjà plus le théâtre de guéguerres entre les boutonneux attardés des deux villages, servaient peut-être encore de lieu de rendez-vous amoureux. A Salles, les tirs, les loteries, l'odeur de nougat, les manèges, les autotamponneuses, les musiques et lumières arrivant à peine à estomper l'idée trop présente du lundi trop proche, des grilles, de la masse du lycée-prison à Narbonne. 

Une partie des attractions s'installait devant l'église Saint Julien et Basilisse, entre le square avec le monument aux Morts et le mur du château, dominé par un Christ monumental, peut-être ce qui reste de l'enceinte démolie en 1920. 

Le château de Salles, un temps domaine viticole, à présent à la mairie on dirait, avec un parc en bordure de la départementale, avec une aire de jeux... Fin septembre, covid oblige, en attendant les résultats du test (la pharmacie est en face), l'occasion d'aller voir surtout que nous avons tant tendance à négliger ce qui, pourtant à deux pas, nous reste inconnu. Qui plus est, un parc, des arbres vénérables, certes à la main de l'homme et pourtant si nature, et la satisfaction de profiter d'un bien jadis réservé à une élite sociale possédante... Si, si, ce n'est pas anodin dans un village ensuite socialiste... même si, en ce moment, la page politique narcoleptique LR.UMPS semble bien tournée, serait-ce vers des horizons incertains...     

(1) dans son dictionnaire topographique de l'Aude, l'abbé Sabarthès ne retient que saint Julien.

Une pensée pour Francis, qui a longtemps travaillé à Saint-Pierre et qui vient de nous quitter, à 71 ans... 

 Note : exceptionnellement les photos prises par un matin lumineux sont techniquement assombries, en plus du couvert initial sous les arbres, pour cadrer avec une nostalgie certaine sinon le spleen lors de la visite poussée plus loin.

Pin d'Alep.

Un cyprès on dirait... pour cause de contre-jour.

Un piboul, peuplier d'Italie ?

Laisser les arbres morts : une tendance actuelle très écolo... tant qu'il n'y a pas menace sur la personne...

 
Au milieu, ce qui fut peut-être jadis, une pièce d'eau avec nénuphars et poissons rouges... un peu le jardin de la Révolution à Narbonne, où les mariés se faisaient photographier... 

Et quand l'internet avoue ses faiblesses pour quelques photos légères en pixels, une seule solution, reprendre avec un nouveau post...

dimanche 11 juillet 2021

APPEL A TÉMOIN (Coursan)

Rien de grave et de stressant, soyez rassurés... 

Années 60... Et oui, la nostalgie reste ce qu'elle a été depuis qu'elle est... Du noir et blanc, du témoignage argentique, de valeur... Il est de Coursan ou alors il y a des attaches solides... 

Dans un exposé illustré de huit photos, sur un drôle de format à carreaux rectangulaires, à l'encre, dans une écriture soignée tant pour la forme que pour l'orthographe, il nous présente son village. 

Il devait être élève à Victor Hugo, le collège de Narbonne. 

S'il se reconnait, afin que son travail lui soit restitué,50 ans, au moins, plus tard, qu'il décrive les deux dernières photos. 





dimanche 13 décembre 2020

RAISINS de la PLAINE, CHÂTAIGNES des VERSANTS.... les filles du Poumaïrol...


Châtaignes sur le marché d'Apt 2010 wikimedia commons Author Véronique Pagnier

La finalité du manuel scolaire parle d'autant plus d'elle même qu'elle précise "orthographe, grammaire, conjugaison..." etc, alors que nous nous proposons de continuer notre page sur un produit à part, un fruit de saison qui, après les raisins des vendanges, les coings en pâte ou en gelée, participait à la livrée de l'automne. 

Au village, seulement en montant la rue de la porte Saint-Martin, il y avait au moins quatre ou cinq épiceries proposant des cageots de châtaignes, succédant, en produits d'appel, aux caissettes rondes, en bois tendre, des alencades salées bien rangées en éventail. Ces harengs, marquant la présence des vendangeurs espagnols, exprimaient un exotisme ravigotant dans une mentalité villageoise pour le moins retranchée. Les châtaignes, elles, outre de corriger la perception qu'on avait alors de l'étendue de la plaine, accentuée par le moutonnement toujours recommencé des vignes en monoculture, alors qu'au Nord-Ouest, la vue distincte de la bordure méridionale du Massif-Central confirmant l'aspect d'amphithéâtre depuis l'Espinouse et, en descendant vers la côte, les garrigues, le Minervois, marquaient aussi la présence d'une main-d’œuvre de Mountagnols, décrochant d'un millier de mètres, plus avant dans le temps, pour la récolte des raisins, quand ce n'était pas pour d'autres travaux.   

Les filles du Poumaïrol, descendues pour les vendanges, ne remontaient dans la Montagne Noire qu'avant Noël, après les pommes, les châtaignes de l'Argent-Double, et en bas, les olives et parfois les premiers sarments à ramasser !  

Châtaigne Cévennes wikimedia commons Author historicair 29 décember 2006 UTC 15 h18
 

P. Andrieu-Barthe parle d'elles dans le numéro 156 de la revue Folklore (hiver 1974) : 

"... Les Châtaignaisons duraient une grande partie du mois d'octobre et parfois de novembre 

Portant un grand tablier de sac relevé en sacoche, des mitaines aux mains, elles ramassaient les châtaignes tombées à terre, armées d'un petit marteau de bois, "le massot", pour ouvrir les bogues piquantes.../... Le soir à la veillée, elles rangeaient la récolte du jour à l'aide d'un grand tamis "la clais" suspendu au plafond, dont le fond grillagé calibrait les fruits. Les jours de pluie, elles triaient les haricots secs, les petits "moungils" réputés ou "enfourchaient" les oignons, c'est à dire les liaient par douze sur des tresses de paille de seigle. C'était, avec les pommes-de-terre et les navets noirs, la principale nourriture du pays. 

La récolte des olives était redoutée à cause du froid et celle des sarments aussi car le vent glacé de Cers balayait la plaine. Elles attachaient solidement "la caline" sur leur tête et glissaient sur leurs vêtements des blouses de grosse toile. Les voyageurs étrangers qui passaient, remarquaient avec étonnement ces femmes qui paraissaient en chemise, en plein hiver, dans les vignes.../

... Ces filles du Poumaïrol étaient réputées pour leur vaillance à l'ouvrage ; robustes et fraîches, leur gaieté résonnait en chansons et plaisanteries, parfois d'une rustique verdeur. Les gars des villages, émoustillés par leur venue, se livraient à des farces d'usage, faisant enrager les employeurs, qui se croyaient, à cette époque, responsables de la vertu de leurs employées. 

Mais, depuis la guerre de 14, le plateau du Poumaïrol s'est lentement dépeuplé, les belles haies de hêtres sont retournées au taillis, les prairies se plantent de sapins et les filles sont descendues vers les usines du Tarn où leur gaieté n'est plus si sonore. On ne mange plus de châtaignes et de haricots, la diététique moderne les ayant rendus suspects, à leur place croissent les genêts et la broussaille, et qui se souvient encore des chansons des châtaigneuses ? 

"... Barraquet eit mort
Eit mort en Espagno
E l'en enterrat amé de castagnos 
Ah ! qui pouyen trouba
Per la Barraquetto
Ah ! qui pouyen trouba 
Per la marida
Las castagnos et le bi noubel 
Fan dansa las fillos, 
Fan dansa las fillos. 
Las castagnos et le bi noubel 
Fan dansa las fillos et lou pandourel."

 

lundi 3 février 2020

LE GRAND PIN ET LA FRÊLE VIOLETTE / Pézenas, Languedoc.

La ville de Toulouse fête ses violettes, me dit Régine. Et une petite flamme toujours en veille, dans l'attente d'une étincelle, vient aussitôt rallumer un tableau qui souvent m'effleure et se propose avant de retourner, en attendant mieux, dans la pile aux souvenirs. 

Mieux ce ne sera pas, mais au moins serons nous quelques uns à la savoir vivante, la petite flamme.

Pins de Trémolières, garrigue de Fleury.

En bas de Moyau, sur l'ancienne route dite "des campagnes".

Un parc de propriétaire récoltant, symbole du boum de la vigne, un siècle plus tôt. Des grands pins plus hauts encore que ceux de la garrigue, plus gros car venus dans la riche plaine de l'Hérault, domestiqués, qui peuvent devenir plus vieux, atteindre les deux-cents ans. Plus hauts, plus gros parce que l'espace et les volumes sont encore en expansion pour un gamin de dix ans, en prime. 

Un parc, un grand rectangle pris sur les cultures, enclos d'un mur respectable mais échancré, de place en place, par des longueurs de grilles, ouvertures sur les vignes du domaine. Des allées larges et bien tracées, encore graveleuses, classiques, à angles droits, à parcourir en casanier, au rythme lent des pas crissant parfois sur le gravier inégal. Couvertes d'aiguilles brunies, bordées de buis avec des manques de ci de là, elles ne restent pas associées à des rires, à des jeux partagés. 

Un parc à rêveries pour promeneur solitaire, à introspection même si, à cet âge, il n'y a pas matière à analyser. Un âge qui néanmoins emmagasine en secret sensations et impressions, tel une éponge et qui un jour vous les jette à la figure sans demander la permission ! L'exploration met des années à se décider, à se mettre en branle, des dizaines d'années sans s'annoncer davantage mais toujours positive, valorisante. Une surprise qui parfois saisit et vous laisse le souffle court.    
 
Un parc bien languedocien, avec de grands pins sûrement centenaires, malencontreusement dits "d'Alep" mais plutôt caractéristiques du bassin occidental méditerranéen, d'Espagne aussi, d'Afrique du Nord. Des pins d'ici, parce qu'il faut les entendre faire front et taillader de leurs aiguilles dans le vent de terre, le Terral (Tarral ?), un peu comme le Cers mais en moins fort ! Une impression de hachures sonores qui couperaient ces bulles oblongues qu'on croit voir à forcer de regarder l'azur. De houppiers en houppiers, les hachures, sur fond de ciel comme seuls le Midi et la Grande Bleue savent les peindre.

A présent, pour tout dire, ce qui suit ne fait pas partie du tableau originel. Juste une autre petite flamme, bien que d'origine aussi, mais rallumée des dizaines d'années après, encore sans permission. 

Sous le buis et surtout dans une exposition nord, à l'ombre du mur, un tapis de petits pétales de soie parme, qui semblent profiter d'un couvert encore clair. Quelle envie de printemps au cœur de l'hiver ! Des violettes ! Une image pour les yeux, un parfum aussi, comme dans ces cartes postales d'alors à passer sous le nez. 

Les petites violettes, discrètes, terre à terre, les grands pins qui bruissent en haut, entre ciel et sol. Entre les deux, un maelström qui n'en finit pas de m'emporter. 

Je suis toujours en 1961, début mars ou peut-être encore en février. J'ai toujours dix ans. Nous louons à Saint-Christol, la campagne du docteur Rolland à Pézenas. L'intérieur m'échappe complètement ; dehors par contre, comme si c'était hier. Un jour un ami à papa est passé avec un petit avion de la compagnie pour laquelle il travaille, avec des ramequins bleus comme pour l'eau de fleur d'oranger, des calepins au nom de Royal Air Maroc. Pas pour moi ! Et puis le petit avion je l'aurais écaillé ou cassé... Plutôt le laisser présider ces retrouvailles entre grandes personnes... Non, le petit avion ne m'a pas fait rêver, de voyages, d'exotisme, d'horizons lointains... D'instinct je suis sorti m'immerger entre, en haut les grands pins dans le vent, et en bas, au calme, les violettes... 

Viola odorata wikimedia commons Author Strobilomyces

"J'ai longtemps habité sous de vastes portiques..."
La Vie Antérieure. Charles Baudelaire.

vendredi 25 octobre 2019

A LA VIE, A LA MORT...DU PAIN POUR LE PEUPLE (suite et fin) / Les vendanges à Fleury-d'Aude

 
2587 pages de vie... 



... et un peu avant, Raoul gâté par sa grand-mère, une mami douce et tout sourire de la boulangerie Andrieu où Roger pétrit plus encore en période de vendanges. 


De là, par la rue-escalier bordée par le mur de la forge, on rejoint l’ancienne ligne des remparts, le boulevard qui fait le tour du village et où nous pouvions refaire le monde sans que personne n’en soit alarmé ! Thérèse, Bernadette… ne cherchez plus leur maison, un parking a fait le vide. Après Rosine et Florence peut-être, Alain le fils Vizcarro. On dit « chez Pierrot » en allant y chercher le pain. Jean-Pierre aussi, le mitron, en sort blanc de farine... 

Depuis notre départ de la Terrasse, c’est la première boulangerie dans les faubourgs, les Barris, les nouvelles constructions hors l’enceinte fortifiée et les fossés avec une nouvelle rue Neuve alors que la première, historique, antérieure à 1750, est celle que nous avons suivie entre le porche et la tour Balayard, en passant par la perception. 


Ensuite, entre la Porte du Cros et la Porte saint-Martin, fleurissent toujours des prénoms (pardon pour les plus jeunes qui ne trottent pas encore) : Yvette, Pascal, Jean-Louis, Claudine, Jean-Marie, Chantal, Anne-Marie, Dominique... 

Le cœur du village  a forcément débordé dans ses faubourgs. L'ensemble écoles-mairie, très Troisième République s'est construit sur l'ancien cimetière... nous allions donc à l'école au-dessus de plusieurs siècles de tombes... un plein de vie sur un trop-plein de mort ! En face, certainement dans son périmètre défensif, notre église Saint-Martin avec ses airs de cathédrale pour une âme d'enfant impressionnée par la lecture de Notre-Dame-de-Paris du grand Hugo et imaginant tout un petit peuple logeant entre des contreforts encore occupés par des appentis communaux et même la pissotière. C'est vrai que maintenant que le vide a été fait autour, si le monument a été mis en valeur, n'a-t-il pas aussi été coupé de sa sève populaire, dépouillé de l'émanation montant vers le ciel... Inutile d'appeler Christo pour l'empaqueter... restons-en là d'une parenthèse qui ne pourrait que s'emballer... 



Et sur le bitume, roulant un fut de carburant vers son fournil, en marcel et pantalon au discret pied-de-poule blanc-bleu, Titin, le mégot de maïs aux lèvres... heureusement que depuis chez lui, c'est en pente ! Et à cause de ce roulage métallique, Eliane, Martine, Marie-José, José, Roger, Paulette, mettent le nez à la fenêtre. 
Avec Geneviève, Jean-Pierre, René, Bernard, Marcel et Roger plus loin... en face du grand café qui n'est plus, la boulangerie d'Augustin Gabignaud où parfois Marie-Thérèse ou Jacqueline font une apparition. 

Des vendanges au pain si indispensable pour rentrer la récolte, j'en suis arrivé à retrouver le village vers 1960 avec tous ces prénoms d'enfants et d'adolescents qui ont voulu à tout prix m'accompagner. Un flot de vie et d'émotions. Quand on a un âge certain, celui qui donnerait la sagesse et la faculté de continuer à apprivoiser peu à peu la mort, les deux se mêlent, la réserve qui nous ferait passer pour insensibles se craquelle... Pour bien se rappeler de ceux qui sont partis, les sentiments se libèrent, on se prend à louer, à aimer ceux qui continuent la route, du moins à ressentir plus d'empathie... Vivants ils restent, tous, comme si l'évocation du groupe scolaire sur le cimetière en constituait le symbole... Et puisque les mots de Pierre Bilbe me rejoignent, autant les partager : 


" Viens avec moi petit... viens... Donne-moi la main
[...] Quand tu retourneras dans les rues du village
Où tu rencontreras des enfants de ton âge
Dis leur... "


"Viens avec moi petit". Pierre Bilbe. 

jeudi 24 octobre 2019

A LA VIE, A LA MORT...DU PAIN POUR LE PEUPLE / Les vendanges à Fleury-d'Aude

A partir du 23 septembre, plus aucune donnée sur le journal des vendanges 1939. Il faut attendre le 8 octobre pour comprendre que la récolte se poursuit mais sur le journal pas plus d’indication de quantité que de qualité. Le bec dans l’eau bien que toujours dans l’ambiance de ce moment fort que sont les vendanges dans l’année, la vie et l’Histoire du midi viticole depuis près de deux siècles, dussions-nous regretter la tendance au productivisme reléguant dangereusement l’art de vivre au rang des inutilités oiseuses, je me suis laissé aller à compter les pages d’une correspondance avec mon père à Fleury. 

Plus de 2587 pages a minima, qui me font l’effet d’une consolation, d’un baume au cœur pour insensibiliser la déchirure non cicatrisée de la séparation, pour tenter de maîtriser positivement l’éloignement qui mine, l’absence qui fait mal.
Pour sûr, plutôt que de toujours relire les auteurs qui nous plaisent, ce serait dommage de ne pas reprendre aussi cette chronique certes personnelle mais, sur bien des points, à partager. Sur cette bonne intention, par désœuvrement sans doute, je me suis demandé ce que donneraient ces 2587 feuilles côte à côte, 21 centimètres chaque fois… Cela donnerait une ribambelle longue en tout de 543, 07 mètres. Et comme, par hasard je songeais devant un plan de Fleury, que ce demi-kilomètre de papier ne suffirait pas pour faire le tour du village (740 m.)… Dire qu’avec Toutou et la Moustelle, pour retarder encore le moment du coucher, nous le parcourions, la nuit, jusqu’à quatre fois d’affilée, dans des discussions sans fin, sans susciter le moindre souci chez les riverains… Il n’y a pas à dire, la vie était plus simple et plus tranquille alors… 

Sinon, en cette période de vendanges où le pain quotidien comptait beaucoup pour les efforts à fournir, ce désœuvrement  me fait aligner ces 2587 feuilles A4 pour rallier toutes nos boulangeries des années 60 qui travaillaient plus encor grâce à l'afflux des vendangeurs surtout espagnols. 



En partant du haut de la Terrasse, vestige du château, l’itinéraire commence étrangement par un passage couvert. Un étage de la maison d’Henri, nichée dans le coude et dessus, couvre la ruelle qui, n’en étant pas à cela près, décrit un coude à quatre-vingt-dix degrés à droite. En face c’est chez Maryse et Gérard. Au niveau de leur pas de porte en regardant vers la chapelle des Pénitents dont la cloche muette semble toujours vouloir nous dire quelque chose, encore des prénoms : Jean-Pierre, Francis, Josette, Régine, deux Louis, un Roland. 



Sur la Placette Alain et Christine, la Boulangerie-Pâtisserie d’Aimé Monestier. Continuons de descendre mais de suite à gauche passons sous ce porche qui ne peut pas mieux évoquer le Moyen-âge, sans les colombages mais les poutres qui soutiennent toujours une habitation ne manquent pas d’allure. Et là, la deuxième boulangerie du parcours, Théron le boulanger. Avait-il pris la suite d’un Soriano ? Encore des prénoms qui flottent bien que flous : Christian, Viviane ? A côté, Françoise… cette rue sur laquelle donne le haut de la perception retourne vers le vieux village au niveau de la tour Balayard (rue de la Tour, justement). 



Et là, dans ces années 60, entre le linge, les radios, les cris, les rires, les discussions bruyantes, les odeurs de cuisine, comme couleur locale, ce ne peut être que le Sud ! Et quelle ribambelle de garçons et de filles au cœur du village, le long de ruelles tortueuses qui ont valu au quartier d’être surnommé « médina » : Guy, José, un Gérard, un René, car d’autres suivront, Eliane, Francis, deux ou trois Christian, peut-être deux Paulette, Michel, Georges, Pierre, Serge…(à suivre).