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lundi 18 octobre 2021

J'AIME comme ELLES ont raconté leurs VENDANGES 7. Jours de Vigne.

 Au début des années 80, les femmes témoignent de leur travail à la vigne. De la taille aux vendanges, elles ont tout fait. Dans "Jours de Vigne", collection Terre d'Aude, Christiane Amiel, Giordana Charuty, Claudine Fabre-Vassas ont recueilli les récits de près d'une cinquantaine d'intervenants. Le thème des vendanges y est particulièrement fourni. 

Vendanges Aramon après la véraison Bessan Août 2017 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author FHd   

"A la Santa Matàlena.../... le rasim vairat..." une petite stance parlant des noix, du raisin, du blé et de l'oiseau parti du nid, laisse entendre que les vendanges commenceront quarante-cinq jours après. 

 La guerre a pris les hommes et les chevaux. l'armée en prêtait mais seuls les plus profiteurs en bénéficiaient.

LE MATIN.

"... au domaine de Lune, entre Narbonne et l'étang [...] c'était affreux [...] pas question d'avoir les bras nus [...] on avait le visage enflé et comme remède [...] on prenait des raisins verts qu'on écrasait et on les passait sur les piqûres des insectes [...]" 

Par temps froid, les hommes allumaient un feu qui servait aussi à réchauffer des galets à mettre dans les poches pour réchauffer les doigts.

Alencades ou arencades à Majorque Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Friedrch Haag

A huit heures, le régisseur donnait le signal du déjeuner. 
"... Des sardines salées, qu'est-ce qu'il se consommait pendant les vendanges ! On en mangeait beaucoup avec du fromage de cantal, du vieux cantal. Alors un grain de raisin, de la sardine, du cantal, c'était un repas extraordinaire..." 

LA COLLE (l'équipe)

Les coupeuses sont menées par la moussègne, quatre souches devant. Parfois, celle-ci alterne les à-coups et un rythme plus posé. 

"... La seconde coupeuse, la trempe, qui emprunte son nom à la piquette [...] donne trois souches à la moussègne. [...] On peut être de ligne avec la trempe..." Ces meneuses reçoivent parfois des turres, des mottes de terre anonymes [...] Alors la moussègne, avec celle de derrière qui était moussègne aussi, il fallait qu'elle fasse le cercle..." On l'appelle "la cuga" (la queue), "la truèja", la truie. Après la meneuse, les ouvrières du domaine, ensuite les villageoises, enfin les "étrangers". Des vendangeurs raillés parce qu'étant du Pays de Sault" ont coupé devant et plus vite que la moussègne pour la faire enguirlander par le patron... Un porteur porte quatre femmes..." il doit se proposer lorsque le seau est plein. 

VENDANGES ET CARNAVAL. 

 L'arencada, la sardine salée, nourriture de carême, se pend à un bâton pour carnaval.

" Qu'est-ce que vous mangez à midi ? 
~~ La quiche à la Marie Stuart... 
~~ A quoi elle est ? 
~~ Moitié merde, moitié lard !" 

Dans les rigolades, figurent, plus ou moins graveleux, cucu et caca, trou de balle et chiasse... Les auteures font un parallèle entre les vendanges et carnaval : la charrette devient char, la colle devient bande avec ses boute-en-train :

"... Une fois, dans un paquet de Bonux, j'avais trouvé une moustache avec le nez qui tient et les lunettes, je m'étais mis ça et un bonnet de nuit, et une poire pleine d'eau, vous savez, de ces poires à lavement, en caoutchouc !"  

On farde (Carrière, Baissette), on caponne (Signol), on barbouille (Camp), on mascare et ici on chaponne, on mouste, on cascamèlhe "... mais la punition apparaît plutôt comme un prétexte à l'expression du désir amoureux..." de la part des deux sexes. La fille se fait mordre si elle ne veut pas rendre le poutou, le baiser du garçon. Le dernier jour, dans certaines colles, ce sont les femmes qui rendaient la pareille aux hommes : ils se font mouster et farcir le pantalon de feuilles !  

LE REPAS. 

"... Moi j'ai une belle-sœur à Saint-Polycarpe, elle tue trois cochons. Parce que pour les vendanges, ils nourrissent les vendangeurs [...] Toutes les charcuteries séchées, on les gardait [...], du jambon, des cansalades qu'on avait gardées aussi dans des torchons et dans des cendres [...] on s'en servait pour tous les travaux pénibles, les moissons, les vendanges..." 

Dans des petits pois, des ragoûts, sinon ce sont souvent les haricots qui accompagnent la viande. 

Cassoulet de Carcassonne Wikimedia commons Auteur BrokenSphere

 "... La cuisinière du château et le cuisinier faisaient cuire une grosse marmite en cuivre, comme ça, de haricots.[...] Tous les jours, tous les vendangeurs, quand vous arriviez, vous alliez avec l'assiette et on vous donnait une grosse louche |...] Des haricots bien préparés, avec de la saucisse, oh pas avec du confit de canard ! [...] Mais bien préparés, bien cuits et tout..."

LES ENFANTS. 

Ils suivent à la vigne ou sont gardés. Les municipalités peuvent organiser des garderies souvent à l'école sauf le jeudi et le dimanche. Il fallait les lever tôt, leur faire le repas et le soir les récupérer en plus des commissions et de la cuisine pour le lendemain. 

Vers 9-10 ans, ils mènent une rangée à deux. Quand les voisines ont un "dimanche", un manque, elles font une souche aux enfants. L'argent des vendanges sert à habiller la famille et à acheter le charbon pour l'hiver.  

Source : JOURS DE VIGNE, Christiane Amiel, Giordana Charuty, Claudine Fabre-Vassas, ATELIER DU GUé collection Terre d'Aude, 1981   

dimanche 13 décembre 2020

RAISINS de la PLAINE, CHÂTAIGNES des VERSANTS.... les filles du Poumaïrol...


Châtaignes sur le marché d'Apt 2010 wikimedia commons Author Véronique Pagnier

La finalité du manuel scolaire parle d'autant plus d'elle même qu'elle précise "orthographe, grammaire, conjugaison..." etc, alors que nous nous proposons de continuer notre page sur un produit à part, un fruit de saison qui, après les raisins des vendanges, les coings en pâte ou en gelée, participait à la livrée de l'automne. 

Au village, seulement en montant la rue de la porte Saint-Martin, il y avait au moins quatre ou cinq épiceries proposant des cageots de châtaignes, succédant, en produits d'appel, aux caissettes rondes, en bois tendre, des alencades salées bien rangées en éventail. Ces harengs, marquant la présence des vendangeurs espagnols, exprimaient un exotisme ravigotant dans une mentalité villageoise pour le moins retranchée. Les châtaignes, elles, outre de corriger la perception qu'on avait alors de l'étendue de la plaine, accentuée par le moutonnement toujours recommencé des vignes en monoculture, alors qu'au Nord-Ouest, la vue distincte de la bordure méridionale du Massif-Central confirmant l'aspect d'amphithéâtre depuis l'Espinouse et, en descendant vers la côte, les garrigues, le Minervois, marquaient aussi la présence d'une main-d’œuvre de Mountagnols, décrochant d'un millier de mètres, plus avant dans le temps, pour la récolte des raisins, quand ce n'était pas pour d'autres travaux.   

Les filles du Poumaïrol, descendues pour les vendanges, ne remontaient dans la Montagne Noire qu'avant Noël, après les pommes, les châtaignes de l'Argent-Double, et en bas, les olives et parfois les premiers sarments à ramasser !  

Châtaigne Cévennes wikimedia commons Author historicair 29 décember 2006 UTC 15 h18
 

P. Andrieu-Barthe parle d'elles dans le numéro 156 de la revue Folklore (hiver 1974) : 

"... Les Châtaignaisons duraient une grande partie du mois d'octobre et parfois de novembre 

Portant un grand tablier de sac relevé en sacoche, des mitaines aux mains, elles ramassaient les châtaignes tombées à terre, armées d'un petit marteau de bois, "le massot", pour ouvrir les bogues piquantes.../... Le soir à la veillée, elles rangeaient la récolte du jour à l'aide d'un grand tamis "la clais" suspendu au plafond, dont le fond grillagé calibrait les fruits. Les jours de pluie, elles triaient les haricots secs, les petits "moungils" réputés ou "enfourchaient" les oignons, c'est à dire les liaient par douze sur des tresses de paille de seigle. C'était, avec les pommes-de-terre et les navets noirs, la principale nourriture du pays. 

La récolte des olives était redoutée à cause du froid et celle des sarments aussi car le vent glacé de Cers balayait la plaine. Elles attachaient solidement "la caline" sur leur tête et glissaient sur leurs vêtements des blouses de grosse toile. Les voyageurs étrangers qui passaient, remarquaient avec étonnement ces femmes qui paraissaient en chemise, en plein hiver, dans les vignes.../

... Ces filles du Poumaïrol étaient réputées pour leur vaillance à l'ouvrage ; robustes et fraîches, leur gaieté résonnait en chansons et plaisanteries, parfois d'une rustique verdeur. Les gars des villages, émoustillés par leur venue, se livraient à des farces d'usage, faisant enrager les employeurs, qui se croyaient, à cette époque, responsables de la vertu de leurs employées. 

Mais, depuis la guerre de 14, le plateau du Poumaïrol s'est lentement dépeuplé, les belles haies de hêtres sont retournées au taillis, les prairies se plantent de sapins et les filles sont descendues vers les usines du Tarn où leur gaieté n'est plus si sonore. On ne mange plus de châtaignes et de haricots, la diététique moderne les ayant rendus suspects, à leur place croissent les genêts et la broussaille, et qui se souvient encore des chansons des châtaigneuses ? 

"... Barraquet eit mort
Eit mort en Espagno
E l'en enterrat amé de castagnos 
Ah ! qui pouyen trouba
Per la Barraquetto
Ah ! qui pouyen trouba 
Per la marida
Las castagnos et le bi noubel 
Fan dansa las fillos, 
Fan dansa las fillos. 
Las castagnos et le bi noubel 
Fan dansa las fillos et lou pandourel."