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mercredi 15 février 2023

LA NOURRITURE, avant, dans nos contrées... (1)

Un résumé d'un très bon article " L'alimentation en Languedoc et dans le Comté de Foix de 1850 à nos jours " de la revue Folklore n° 61, hiver 1950, par René Nelli (1906-1982), poète occitan, philosophe, historien du catharisme. 
L'âge me le permettant désormais, je joins, dans le troisième volet, ce qu'on mangeait à la maison et au collège en demi-pension, dans les années 60... et là il faudra m'aider pour tout ce qui m'a échappé... 

Sorgeat licence wikimedia commons 3.0 Unported Author jack ma

Vers 1828, dans la montagne d'Ax-les-Thermes, entre la farine de sarrasin, le lait, les patates et jamais de pain, l'ordinaire était plus que limité. L'auteur confirme les disettes récurrentes de 1845, de 1853. En 1846, le préfet écrivait au ministre " On ne vient pas à bout du désespoir avec des bayonnettes. ". En temps normal, la situation des paysans est aussi misérable qu'insuffisante. Avec 10,20 francs par semaine, un journalier peut à peine nourrir sa famille de 5 enfants sans acheter de viande, seulement 2 douzaines d'œufs. la situation ne connaîtra une amélioration qu'à la fin du XIXe siècle. 

Cassagnoles Montagne Noire Hérault Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Tybo2

Dans la Montagne Noire, c'est un peu mieux si on peut faire venir le cochon, avoir une chèvre et cultiver un potager (légumes verts, graisse, lait). Dans la montagne on cuit du pain de seigle, en moyenne altitude, on mange du millas. Ils ne boivent du vin que pour les grandes fêtes et lors des grands travaux (fenaison, moisson) c'est le propriétaire qui fournit. Du vin ils en auront quand ils pourront se payer une vigne dans la plaine... ce sera toute une expédition pour l'entretenir et vendanger (voir les derniers épisodes des filles du Poumaïrol). 

Pour remplacer la viande, au moins en avoir l'odeur et un peu le goût, il est d'usage d'utiliser le " sabourial ", un morceau de lard plus que rance enfermé dans un tissu cousu, trempé un moment grâce à une ficelle dans la soupe aux choux avant puis mis à sécher à nouveau sous le manteau de la cheminée. 

Ferme caussenarde Causse Méjean Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author HPB48150

Sur les Causses, les gens mangent aussi la soupe aux choux, du lait caillé ou du fromage, des pommes-de-terre, du potage au riz. le pain est toujours d'orge ou de seigle. 

En Lozère, la disparition des grandes fougères fut préjudiciable aux troupeaux qui en disposaient malgré la neige et surtout aux abeilles.

 


Dans les Cévennes, sous forme de bouillies, de galettes, de soupe, de castagnous au lait, les châtaignes permettent de tenir la moitié de l'année. partout, le mildiou a causé une grave crise dans la production de pommes-de-terre. 

Plaine de l'Aude depuis l'Alaric au niveau de Barbaira creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Tylwyth Eldar

En plaine, on mange mieux (80g/j de viande en moyenne (boucherie, volaille, gibier)sinon du poisson, des oeufs et 1/2 l de vin. pourtant, à Carcassonne le pain est la nourriture principale (le Baron Trouvé en donna un détail trop optimiste). Les tisserands ne disposaient souvent que d'un œuf unique écrasé dans une sauce très allongée (farine, ail, persil) pour y tremper le bout de pain. Parfois il y a des harengs mais pas de viande. Les salaires ne permettent pas une nourriture suffisante. Les ouvriers agricoles et valets de ferme sont mieux lotis que les artisans et ouvriers Jusqu'en 1914, la différence de situation était grande entre les favorisés et les pauvres. 

Vue vers Lespignan de la plaine de l'Aude depuis la route entre Fleury et Les Cabanes.

 
Agde le Port début XXe siècle Domaine public Auteur Spedona

Dans la plaine littorale, au début du XXe siècle, on mange de la morue, des harengs saurs, des échalotes, tomates, piments et ail, une nourriture méditerranéenne aussi chez les Italiens et Espagnols qui économisent pour acheter une vigne.  Au bord de la mer, le poisson a nourri la population côtière durant trois siècles (bourrides). L'huile d'olive et le miel ont de toujours augmenté la valeur nutritive de la nourriture.           

vendredi 26 août 2022

Il faut savoir danser...

"Pour passer le Rhône... il faut savoir danser..." La chanson enfantine raconte-t-elle autre chose ? Toujours est-il que de part et d'autre des flots puissants du fleuve, après avoir divagué dans les montagnes avec la Durance, l'esprit se sent encore libre de danser en suivant l'ourlet des Cévennes...    

Ensuite, la plaine, l’opulence du Vaucluse, le flux tendu des vacanciers vers la Méditerranée contrastent complètement. Pourtant d’autres noms : René Char, Jean Giono, Alphonse Daudet dansent dans ma tête comme les balancelles sur les vagues d’Henri Bosco. 

Delta du Rhone wikimedia commons Photo par Aldipower / Sous l'aile de l'avion, le Petit Rhône entre la Camargue et la Petite Camargue au-delà. Plus loin les étangs de la côte montpelliéraine ; au fond l'étang de Thau : on distingue même "l'île singulière" de Sète. 

Le fleuve et son delta, la Camargue, portent les tempéraments en partage du Sud et de la Méditerranée, violemment passionnés, que les amours contrariées exacerbent. C’est le pays de Mirèio de Mistral et d’une Magali séduite par les accords d’une guitare gitane : des amours sublimées finalement si proches des scénarios des romans-photos, qui captivent même pour leurs fins tragiques.

Pour passer le Rhône il faut être deux... Allons passe passe passe, allons passe donc... Revenons en Languedoc, repassons-le fleuve. L’Ardèche, de Ferrat, des châtaigniers, de la montagne encore puisque notre Sud est riche des hauteurs du Massif-Central aussi, des contrées courues par la Burle ce vent des neiges mauvais comme le blizzard. Un camarade de classe, à l’Ecole Normale, venait, comme la Loire, d’une ferme au pied du Gerbier-de-Jonc... Des pensées qui nous ramènent au cinéma, derrière le café Mestre et le tabac Prola de madame «Zan». Ah ! Fernandel en moine dans l’Auberge Rouge !

Gard_Le_Mont_Aigoual wikimedia commons Auteur rené boulay. 

Les Cévennes, Robert Louis Stevenson dans son voyage avec un âne à travers les Cévennes ! Modestine, qui l’accompagnait, dans le titre même de l’ouvrage, de ces animaux fidèles qui ont tant aidé à sortir les humains de la survie. Et ce prénom ! Adeline, Pauline, Joséphine, Céline, Ernestine, mes aïeules, directes ou non, ne m’en voudront pas d’associer Modestine à la grande tendresse qu’il me reste d’elles. C’est que les ânes aussi, reviennent dans ce large panorama, comme quelques notes d’une ritournelle (« Je connais une histoire... Hugues Aufray) sur un monde perdu même si les Cadichon, ,jadis compagnons de travail, vivent aujourd’hui seulement pour être aimés ou apporter dans la zoothérapie. Les Cévennes mythiques aux limites incertaines suivant les époques, jusqu’à désigner toute la bordure est du Massif Central pratiquement jusqu’au Morvan. Cévennes du mûrier et du ver à soie, Cévennes des Camisards, en butte aux dragonnades par la volonté d’un roi trop catholique, persécutés, en écho, plus au sud, aux Cathares éradiqués quelques siècles auparavant. Cévennes des mines de charbon... Cévennes sévères de Jean Carrière, auteur nîmois ("L'épervier de Maheux", "La caverne des pestiférés"). Cévennes d’André Chamson... « Cévennes », le nom de guerre de Jean Guéhenno... En suivant, ces montagnes ourlent aussi les Causses ; c’est souvent le rugby qui a contribué à nous éveiller à toutes les nuances de relief, de climat, de végétation, de cultures qui brident et modèlent les modes de vie. Suivre nos bleus et noir, au rugby. Accéder au Larzac en laissant un cirque du Bout du Monde à droite. Évaluer le printemps qui tarde par rapport à la plaine. Réciter «Lou pastre» d’Antoni Roux avec la consolation de voir la langue occitane respirer encore puisqu’elle figurait en option au baccalauréat et qu’elle grave dans la mémoire la grande humanité d’un professeur, monsieur Couderc... « Gardaren lou Larzac » contre un camp militaire qui envahit comme le firent les dragons du Roy ou les barons du Nord ! Les Causses, grands ou petits, Larzac, Sauveterre, Méjean, Rouge, Noir, de Campestre, de Blandas... Que n’irais-je revoir la grotte des Demoiselles, le cirque de Navacelles, les gorges de la Vis, de l’Hérault ? Et voir une fois dans la vie les pivoines de la Buège ?  A découvrir aussi, en poursuivant au-delà des ruffes rouges du Salagou, du cirque de Mourèze, des hauteurs de Pézènes-les-Mines où naît la Peyne, la rivière de Pézenas, la haute vallée de l’Orb. Les coulées stromboliennes qui ont rempli les sillons forment le plateau de l’Escandorgue depuis le Larzac jusqu’en bas, au pays de Michel Galabru.  des envies de découvertes tant notre territoire est riche de ses diversités ? Les Monts d’Orb couverts de forêts et où, comme dans le bassin minier d’Alès, on extrayait le charbon. En haut des Monts-d’Orb, parfois à près de 1300 mètres d’altitude, les Monts de Lacaune, ses lacs, sa charcuterie, ses eaux minérales (La Salvetat-s-Agout... et ses champignons). Un peu moins haut mais ligne de partage des eaux vers l’Atlantique ou la Méditerranée, les Monts de l’Espinouse, le Caroux, les Monts du Somail.  

Vieussan,l'Orb et la Caroux au fond wikimedia commons Auteur Christian Ferrer


dimanche 13 décembre 2020

RAISINS de la PLAINE, CHÂTAIGNES des VERSANTS.... les filles du Poumaïrol...


Châtaignes sur le marché d'Apt 2010 wikimedia commons Author Véronique Pagnier

La finalité du manuel scolaire parle d'autant plus d'elle même qu'elle précise "orthographe, grammaire, conjugaison..." etc, alors que nous nous proposons de continuer notre page sur un produit à part, un fruit de saison qui, après les raisins des vendanges, les coings en pâte ou en gelée, participait à la livrée de l'automne. 

Au village, seulement en montant la rue de la porte Saint-Martin, il y avait au moins quatre ou cinq épiceries proposant des cageots de châtaignes, succédant, en produits d'appel, aux caissettes rondes, en bois tendre, des alencades salées bien rangées en éventail. Ces harengs, marquant la présence des vendangeurs espagnols, exprimaient un exotisme ravigotant dans une mentalité villageoise pour le moins retranchée. Les châtaignes, elles, outre de corriger la perception qu'on avait alors de l'étendue de la plaine, accentuée par le moutonnement toujours recommencé des vignes en monoculture, alors qu'au Nord-Ouest, la vue distincte de la bordure méridionale du Massif-Central confirmant l'aspect d'amphithéâtre depuis l'Espinouse et, en descendant vers la côte, les garrigues, le Minervois, marquaient aussi la présence d'une main-d’œuvre de Mountagnols, décrochant d'un millier de mètres, plus avant dans le temps, pour la récolte des raisins, quand ce n'était pas pour d'autres travaux.   

Les filles du Poumaïrol, descendues pour les vendanges, ne remontaient dans la Montagne Noire qu'avant Noël, après les pommes, les châtaignes de l'Argent-Double, et en bas, les olives et parfois les premiers sarments à ramasser !  

Châtaigne Cévennes wikimedia commons Author historicair 29 décember 2006 UTC 15 h18
 

P. Andrieu-Barthe parle d'elles dans le numéro 156 de la revue Folklore (hiver 1974) : 

"... Les Châtaignaisons duraient une grande partie du mois d'octobre et parfois de novembre 

Portant un grand tablier de sac relevé en sacoche, des mitaines aux mains, elles ramassaient les châtaignes tombées à terre, armées d'un petit marteau de bois, "le massot", pour ouvrir les bogues piquantes.../... Le soir à la veillée, elles rangeaient la récolte du jour à l'aide d'un grand tamis "la clais" suspendu au plafond, dont le fond grillagé calibrait les fruits. Les jours de pluie, elles triaient les haricots secs, les petits "moungils" réputés ou "enfourchaient" les oignons, c'est à dire les liaient par douze sur des tresses de paille de seigle. C'était, avec les pommes-de-terre et les navets noirs, la principale nourriture du pays. 

La récolte des olives était redoutée à cause du froid et celle des sarments aussi car le vent glacé de Cers balayait la plaine. Elles attachaient solidement "la caline" sur leur tête et glissaient sur leurs vêtements des blouses de grosse toile. Les voyageurs étrangers qui passaient, remarquaient avec étonnement ces femmes qui paraissaient en chemise, en plein hiver, dans les vignes.../

... Ces filles du Poumaïrol étaient réputées pour leur vaillance à l'ouvrage ; robustes et fraîches, leur gaieté résonnait en chansons et plaisanteries, parfois d'une rustique verdeur. Les gars des villages, émoustillés par leur venue, se livraient à des farces d'usage, faisant enrager les employeurs, qui se croyaient, à cette époque, responsables de la vertu de leurs employées. 

Mais, depuis la guerre de 14, le plateau du Poumaïrol s'est lentement dépeuplé, les belles haies de hêtres sont retournées au taillis, les prairies se plantent de sapins et les filles sont descendues vers les usines du Tarn où leur gaieté n'est plus si sonore. On ne mange plus de châtaignes et de haricots, la diététique moderne les ayant rendus suspects, à leur place croissent les genêts et la broussaille, et qui se souvient encore des chansons des châtaigneuses ? 

"... Barraquet eit mort
Eit mort en Espagno
E l'en enterrat amé de castagnos 
Ah ! qui pouyen trouba
Per la Barraquetto
Ah ! qui pouyen trouba 
Per la marida
Las castagnos et le bi noubel 
Fan dansa las fillos, 
Fan dansa las fillos. 
Las castagnos et le bi noubel 
Fan dansa las fillos et lou pandourel."

 

mardi 6 février 2018

AUX MARCHES DE L'AIGOUAL, LE VIGAN / André CHAMSON, Jean CARRIERE.



Le Vigan, la soie, les bas de luxe. André Chamson (1900 Nîmes – 1983 Paris) confié à sa grand-mère, le temps des vacances. Si, devenu académicien, il suivit la voie par excellence de la méritocratie jacobine, il fut homme de convictions, pour le Front populaire, le soutien aux républicains espagnols, la résistance dans laquelle il s’engagea malgré ses idées pacifistes de jeunesse. Son œuvre raconte la vie dans les Cévennes, l’homme aux prises avec une nature sans pitié. Avec le temps, il s’attachera à témoigner de la rébellion déterminée des Camisards confrontés aux dragons d’un Louis XIV devenu dévot après avoir engendré seize ou dix-sept enfants naturels… un « grand » roi par ailleurs ! Au col de la Lusette, sur les pentes de l’Aigoual, sa tombe porte l’inscription « REGISTER », résister[1] en occitan[2] du Vivarais.



« Dans l’ordre humain, je ne connais rien de plus beau que cette aventure héroïque d’un peuple montagnard qui semble avoir voulu donner la preuve de la primauté de la conscience humaine » André Chamson, 1935.



Au Vigan toujours, avec Jean Carrière (1928 – 2005), Goncourt en 1972 avec l’Épervier de Maheux, la porte sud des Cévennes ouvre sur une nature rude, rêche, à l’opposé de la plaine plus conciliante. Le milieu modelant les consciences a poussé une majorité de Cévenols à refuser viscéralement un catholicisme corrompu, suppôt du pouvoir, versé dans la vénalité, les plaisirs terrestres, au point d’atteindre au puritanisme. 
Après André Chamson, Jean Carrière en témoigne avec son personnage principal, contemporain des années 50. Dernier habitant d’un hameau où il est déraisonnable de s’accrocher pour seulement survivre, Abel dont le père s’est marié de justesse grâce à des lettres d’amour recopiées sur un magazine, s’entête à trouver de l’eau après que la source se soit tarie. La Noiraude, la femme, est finalement redescendue au village, auprès des siens :  



« … Le matin, il fallait se laver à la source, boire où venaient boire les sangliers ; la barbe, il ne la coupait plus. Plus de femme, à quoi bon se raser… »



Abel a son secret, il fait sauter la montagne à coups d’explosifs. Il a sauté avec. Accident ? Suicide ? Il mourra enseveli.



Ici le hameau éteint d’Abel, là-bas celui rallumé de Panturle. Ici un néant après sa mort, là-bas, la réhabilitation de Florette grâce à Manon, sa fille. Ici le maquis, là-bas la garrigue. Ici la montagne austère, là-bas la plaine souriante. Étrange point commun, la quête primordiale de l’eau, le rôle des explosifs… Gravitation dissymétrique autour d’un même barycentre de deux écrivains formidables : Carrière, Pagnol.




Le Mont Aigoual[3] « château d’eau » avec les sources du Tarn, du Gard, de l’Hérault. Mont de tous les records : rafale de marin en tempête à 360 km/h ! 908 mm de pluie, 186 cm de neige, 120 cm de givre en 24 heures ! Le Mont Aigoual, une arène que se disputent les influences de l'Atlantique et de la Méditerranée... 

Aigoual des camisards, des maquisards… le repaire de Castanet[4], ce chef qui, prenant pour femme Mariette, de bonheur exalté libéra d’un coup vingt-cinq prisonniers. Par malheur, une milice catholique prit Mariette, lui promettant un sort tragique. Un homme de cœur comme Castanet ne pouvait laisser faire : il fit irruption à Valleraugue d’où il repartit avec une femme en otage. Ce fut, paraît-il, le seul échange de prisonniers de cette guerre ignoble.

Des ombres hantent l’Aigoual quand la grisaille accroche ses nuées sur ses pentes. Mais par beau temps, serait-il plus incertain, il offre un panorama exceptionnel du Puy-de-Sancy au Monte Viso en Italie, du Mont-Blanc au Pico de Aneto en Espagne et à ses pieds, les chances sont plus grandes de découvrir tout le Golfe du Lion, depuis Marseille jusqu’au Cabo de Creus !   




[1] Inscription gravée dans la pierre par Marie Durand, sœur d’un pasteur du Désert et pour cette raison, prisonnière 38 ans à la Tour de Constance (Aigues-Mortes) (les hommes étaient envoyés aux galères)… Louis XIV ? Un grand roi…
[2] Chamson Majoral du Félibrige qui écrivit aussi des poèmes en occitan se laissa embringuer dans une secte d’auteurs irrédentistes revendiquant seulement le parler de Provence. Dommage !
[3] Jean Carrière a habité quarante ans au pied de l’Aigoual.
[4] J’avais dix ans. Mon professeur de piano, Mlle Florac ou peut-être était-elle de ce bourg des Cévennes m’avait raconté cette histoire que je retrouve non sans émotion, par André Chamson :  http://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2016/11/98fb1c59e84c9626e119a3fe0fa1668f.pdf 

Photos autorisées : 
1 & 2. wikimedia commons Le Vigan Author DePlusJean / André Chamson en 1962. 
3. flickr : versant ouest de l'Aigoual. 

samedi 3 février 2018

PLURIELLES, LES CÉVENNES / Tour d'horizon depuis la plage

Sur la courbe du Golfe du Lion, lancés comme par une fronde gravitationnelle, passant le Rhône, la Durance, survolant, les pays de Provence, nous avons croisé Emilie Carles défendant bec et ongles, la Clarée et son Val-des-Prés contre les bétonneurs du Briançonnais.
Holà ! ne sondons pas au-delà du système solaire ! ne gommons pas ce grand segment du feston oriental du Massif-Central[1], soulevé par la surrection des Pyrénées et des Alpes, de l’Espinouse aux Cévennes, en passant par l’Escandorgue, le rebord du Larzac, le petit causse de Blandas, la Séranne, la montagne du Lingas, le massif de l’Aigoual, la corniche cévenole, le Tanargue ardéchois !..  
Pas si vite ! nous ferons étape à Saint-Bauzille-de-Putois, au pied de la grotte des Demoiselles. 

Toujours à St-Pons, sous-préfecture jusqu’en 1926, perdant aussi son activité textile, une abbatiale forteresse promue cathédrale au XIVème, forte des 2.45 m d’épaisseur pour les murs de sa nef, mais souvent prise et pillée. Et cette réserve de truites apprivoisées[2] et grasses de tout ce que les gens lancent depuis les platanes du foirail… Et Ardouane, le pensionnat de curés… Le pauvre Patrick racontait comment il les rendait chèvres ! Quelle rigolade ! 
Depuis la garrigue de Fleury, vers l’intérieur des terres, au-delà des collines aux moulins ruinés de nos voisins héraultais, se reconnait la belle dent du Caroux plantée dans les Monts de l’Espinouse : monts de granit, de bruyère, sinon de sapinières à cèpes. Sait-il que ce versant tourné vers lui tombe jusqu’au Jaur puis l’Orb, vallées de cerisiers. A-t-il idée que plus haut, une soulane de châtaigniers, chère à Jean-Claude Carrière[3], ne compte plus les générations échinées à griffer les granites et les schistes, à monter les pierres ?

« … Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
[4]

Jusqu'au sommet de la colline
Qu'importent les jours, les années […]
Pourtant, que la montagne est belle… »
La Montagne (1964), Jean Ferrat (1930 – 2010). 

A l’évidence, un mode de vie comparable jusqu’à ce que les « trente Glorieuses » ne portent le coup de grâce, jusqu’à ce que « le progrès » n’en arrive à tout effacer, jusqu’au vol d’hirondelles de l’automne qui vient d’arriver. Qu’elles soient « Pyrénées », « Cévennes », « Préalpes », les montagnes restent belles même si l'homme, et plus encore le natif, ne peut que ressentir un pincement au cœur quand les buissons et la forêt reprennent les terrasses ancestrales, les anciennes prairies… Fini, les papillons aussi ! 

"... Les vignes, elles courent dans la forêt, 
Le vin ne sera plus tiré..." La Montagne. Jean Ferrat. 

Toujours chez Carrière, aux gorges d’Héric, au hameau de même nom, une maison étrange, sans fenêtre, de pierre, aux poutres brutes, couverte de schistes. La porte est entrebâillée. On ne fait rien de mal. Surprise, une épaisseur de châtaignes sèches, noircies, dures, uno cledo, un séchoir à castagnous ! Le plancher est à claire-voie. Restons sur le seuil, il vaut mieux. C’est en bas qu’ils allumaient un feu étouffé générant beaucoup de fumée. On dirait que l’endroit a été abandonné hier, en catastrophe… A moins que ce ne soit qu’une passade de hippies, ces « revenants » à la terre… Tandis que les gens de la ville viennent de loin, mais véhiculés, ventripotents, pour faire bombance... écrevisses, truites, sanglier, au Rec Fourcat, jadis dans les pentes, à Mauroul. 

Bédarieux et sa célèbre marquise… 

« … En effet, on ne peut passer à Bédarieux sans évoquer cette vieille demoiselle Noémie Berthomieu, qui ne voulut pas mourir sans doter la gare de Bédarieux de cette superbe marquise, cette halle[5] qui recouvre d’une seule volée les quais de la gare… »
La ligne aux quatre visages (Montpellier – Toulouse) / La Vie du Rail n° 1218 (16 novembre 1969) / Henri Vincenot (1912 – 1985). 

Au-delà de Bédarieux, la ligne Béziers-Neussargues-Paris doit se hisser sur le grand causse. Avant 1931et l’électrification, ce tronçon réputé le plus dur de France nécessitait une locomotive de queue en renfort, la « pousse » dans le vocabulaire cheminot, précise Vincenot. 
Parmi les curiosités à découvrir à deux pas de chez nous, pardon de ne donner que des pistes en gros, méritant d’être affinées tant les reliefs, les milieux, les villages ont toujours à offrir leur originalité. Dans ce coin du département de l’Hérault : les Hauts Cantons, ses forêts et pâtures, les mines de houille, de bauxite ; la haute vallée de l’Orb, les gorges, le barrage d’Avène, le plateau basaltique de l’Escandorgue avec des volcans liés au Massif Central sur une faille qui descend sur Saint-Thibéry et Agde ; les terres rouges ou lie-de-vin autour du barrage du Salagou en lien peut-être avec le volcanisme ; le rebord escarpé du Causse du Larzac avec le cirque du Bout du Monde ; les gorges de la Vis avec le cirque de Navacelles, les dolmens ; plus insolites encore, les pivoines de la Buèges. 

Plus accessibles, mais déjà dans la plaine, Saint-Guilhem-le-Désert, les gorges de l’Hérault, Saint-Bauzille-de-Putois, un village au nom improbable au pied de la grotte des Demoiselles, nymphes et déesses d’un monde rustique de bois, de sources et de grottes… 
 


[1] Le Massif-Central, un ensemble de hautes terres n’ayant qu’une relative altitude comme point commun. Ces « Hautes terres » furent débaptisées par Paul Vidal de La Blache, le monsieur du relief de la France à portée sur le mur, le gentil parrain des cartes murales en cadeau pour les petits écoliers en mal d’évasion. Me revient aussi la voix de papa, révisant, comme quand il portait la blouse : Charolais, Maconnais, Lyonnais, Vivarais, Cévennes…  
[2] Dans l’Aguze, affluent du Jaur dont la source sort du rocher à peine un peu plus bas. 
[3] Jean-Claude Carrière a raconté la vie entre les Avants-Monts et le Caroux dans « Le Vin Bourru » (2000). La vallée de l’Orb est aussi le pays de Michel Galabru (1922 – 2016).
[4] A l’instar de nos murs de pierres sèches, ci et là, à Granouillet, à Carabot ou dans la combe de Caussé par exemple…
[5] Copiée sur celle de la gare de Lyon, de dimensions plus modestes certes, mais plus en courbes, plus mignonne, plus bonbonnière. 

Photos autorisées : 
1. Saint-Pons-de-Thomières cathédrale mur meridional Author Fagairolles 34. 
2. Châtaignes 2008 Author JLPC. 
3. marquise Bédarieux Author Scanné par Claude villetaneuse. 
4. "Ruffes" du lac du Salagou Author Gerard Witzke.