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vendredi 5 mars 2021

JEAN-CLAUDE, il faut que je te dise... / A J-C Carrière (fin).

Et le peuple te ferait peur ? Dis-nous : 
«  Le mot de peuple n’a pas de sens. Le peuple, c’est vous, c’est moi c’est tout le monde. Sous la révolution française on parle des petites gens […] mais en fait le peuple c’est tout le monde, le peuple est très influençable… » je te cite... et là, plutôt que de t’appuyer sur ton autre jambe, campée au pied du mont Caroux, tu rejoins Macron... 
 
Depuis Vieussan le massif du Caroux au loin wikimedia commons Author Christian Ferrer

Sauf qu’à moi pas plus le mot que la signification ne font peur s’il y a à comprendre que nous sommes un groupe soumis aux mêmes lois consenties, à l’autorité qui les porte, qui dispose de la possibilité de les proposer mais qui n’a pas à les imposer en faussant la légitimité des procédures... des vœux pieux, malheureusement, avec une majorité de députés godillots (encore un mot du Général, celui qui vient mettre à mal ton avis sur le référendum). Tu te dis contre le peuple parce que tu n’en ferais pas partie ? 

Jean-Claude_Carrière_à_la_BNF wikimedia commons Author Roman Bonnefoy
 

En écho, le Spiderman des façades, peignant un peuple au paradis qui se croirait en enfer, cité par Salamé. En écho, les points de vue des gens célèbres avec qui tu travaillas, Buñuel, Forman... ne pouvant être que partiaux en rappelant le franquisme ou le communisme, le dévoiement de bons principes au départ, pour faire court. Mets donc en parallèle nos journalistes qui me ramènent à ceux de la Tchécoslovaquie après 68. Bien sûr, l’école gratuite, la santé gratuite en France... juste le fric en dénominateur commun ? Pour quelle qualité ? Et même si c’était l'idéal, va donc en parler à la chèvre de monsieur Seguin ! Et ne me prie pas de considérer la manière dont l’histoire finit... des scénarios, tu en as assez écrits pour ne pas avoir plusieurs variantes positives à proposer, ce qui me semble moins possible pour le premier terme de ma proposition « la petite chèvre ne pouvait vivre que libre...».    

Sinon ta jambe lancée vers le Monde, tes sujets d’études si lointains, comme l’Inde, l’Espagne, le Mexique, l’étaient depuis la capitale, un Paris qui t’a englué dans la bulle élitiste du pouvoir promouvant une culture d’État et qui, dans une politique de vassalité protégée a besoin de l’alibi culturel pour perdurer. Qu’est-ce que tu lui as trouvé, à ce guignol qui perpétue l’ère des promesses fallacieuses et qui au lieu de proposer un monde nouveau continue tout et en pire ?

Et quand on passe onze ans à travailler sur le Mahabarhata, Jean-Claude, on réfléchit cinq minutes de plus si un scorbut démocratique ronge notre pays... Reprends-toi macarel, tu vaux mieux que ça ! Tu ne disais qu'en privé sûrement :

"... madame Macron me récite parfois des passages de la controverse de Valladolid... " 

Je ne sais pas si « ta fille » du festival de Nîmes t’as rendu service en dévoilant cette accointance courtisane... Et pour ta gouverne, la télé repasse "Mourir d’Aimer" avec Girardot... Tu fus plus humble avec tes promotions de grades jusqu’à atteindre celui de commandeur dans l’honneur et le mérite... Tu n’y es pas allé en tennis et dégaine décontractée, sûrement, comme pour tes interviews et interventions dans les médias ?  

Je lie cette idée à Napoléon qui promut ces décorations et n’en pensait pas moins : « C’est avec des hochets que l’on mène les hommes ! »

Pardonne-moi de m’être permis d’évoquer cette première raison, la plus dure à faire passer mais ce n’est pas parce que j’ose un point de vue que je crois acceptable sinon lucide que je ne t’aime pas pour autant. Monter à Paris, c'est un choix, une circonstance atténuante à condition de rester indulgent avec les ambitieux... Moi-même je reste coupable de m’être éloigné de ce que tu devenais, de m’être persuadé que je ne t’aimais plus. Il faut malheureusement un contexte aussi définitif que la mort pour que la réalité des sentiments submerge. Une détresse, une tristesse active poussant à aller lire et relire les infos et vidéos te concernant comme s’il était possible de compenser les deux années perdues. Lors de la disparition de quelqu’un qui comptait dans notre paysage affectif, la question de savoir si on l’a assez aimé se pose. Cela doit faire partie de ces «Regrets éternels» qui se répètent... au cimetière.   

Et que tu reviennes au pays, à la maison qui te vit naître avec... Arêne, Bosco, Giono, Jean Carrière, Delteil, Valéry, Vilar, Lapointe, Poubelle, Brassens,Trénet... ajoute ton nom à ma liste dans une lumière qui les berça "A ses dignes enfants, le Midi reconnaissant."... Autre chose que la pierre froide et sombre du jacobinisme triomphant et ramenant tout à lui. Entre les deux, j'y pense sans savoir, Jean Camp (1891-1968) de Salles-d'Aude, décédé aussi à Paris, où repose-t-il ? Il n'y a pas de hasard dit-on, pourtant issu du même coin, avec un tropisme marqué pour l'Espagne, le Mexique (son fils André (1920-2004), né à Armissan, reprenant ce flambeau...) dont les parents aussi, partirent pour la capitale, si je ne fais pas erreur, écartelé comme toi, entre l'éblouissement limité d'un projecteur de poursuite à Paris et le rayonnement durable d'un magma spirituel méridional. Une sève originelle portée par la langue et là encore comme l'occitan compte, pour Camp comme pour toi. Je te le lirai, Lou Doublidaire : 

"... E viren l'espallo à la jasso, 
Partis, un jour, capo Paris..."   

Camp a écrit "Vin Nouveau" : au moins un troisième point commun avec ton "Vin Bourru" ! Mais je ne sais pas où il est enterré... Vos voix, vos voies ne sont pas rien... Comment ne pas vous pardonner d'avoir composé avec le maelström centripète parisien ? 
 
Rapportés au sens profond de la vie à cause de la mort, les mots « je t’aime » pèsent leur poids, très lourd et j’ai su pourquoi, une seconde après : c’est que toi Jean-Claude, tu nous a tant aimés, nous les gens du Sud, pour nous revenir, chaque année, avec un sourire de contentement « Ne vous l’avais-je pas dit, aux dernières vendanges, que je reste des vôtres ? »      

Et là, alors que chaque jour j’imagine les mimosas que tu appréciais tant sur ton dernier chemin, pardonne plus encore au ver que je suis, luisant parfois, j’espère oui, de ceux «... qui brillent la nuit dans les chemins sombres, appelant l’amour...» comme tu le notas dans Le Vin Bourru... mais par une nuit pleine d’étoiles dont la tienne, comme il me plaît de voir cette «bucolie». 

Les premières asperges sauvages sont sorties, tu sais...

samedi 3 février 2018

PLURIELLES, LES CÉVENNES / Tour d'horizon depuis la plage

Sur la courbe du Golfe du Lion, lancés comme par une fronde gravitationnelle, passant le Rhône, la Durance, survolant, les pays de Provence, nous avons croisé Emilie Carles défendant bec et ongles, la Clarée et son Val-des-Prés contre les bétonneurs du Briançonnais.
Holà ! ne sondons pas au-delà du système solaire ! ne gommons pas ce grand segment du feston oriental du Massif-Central[1], soulevé par la surrection des Pyrénées et des Alpes, de l’Espinouse aux Cévennes, en passant par l’Escandorgue, le rebord du Larzac, le petit causse de Blandas, la Séranne, la montagne du Lingas, le massif de l’Aigoual, la corniche cévenole, le Tanargue ardéchois !..  
Pas si vite ! nous ferons étape à Saint-Bauzille-de-Putois, au pied de la grotte des Demoiselles. 

Toujours à St-Pons, sous-préfecture jusqu’en 1926, perdant aussi son activité textile, une abbatiale forteresse promue cathédrale au XIVème, forte des 2.45 m d’épaisseur pour les murs de sa nef, mais souvent prise et pillée. Et cette réserve de truites apprivoisées[2] et grasses de tout ce que les gens lancent depuis les platanes du foirail… Et Ardouane, le pensionnat de curés… Le pauvre Patrick racontait comment il les rendait chèvres ! Quelle rigolade ! 
Depuis la garrigue de Fleury, vers l’intérieur des terres, au-delà des collines aux moulins ruinés de nos voisins héraultais, se reconnait la belle dent du Caroux plantée dans les Monts de l’Espinouse : monts de granit, de bruyère, sinon de sapinières à cèpes. Sait-il que ce versant tourné vers lui tombe jusqu’au Jaur puis l’Orb, vallées de cerisiers. A-t-il idée que plus haut, une soulane de châtaigniers, chère à Jean-Claude Carrière[3], ne compte plus les générations échinées à griffer les granites et les schistes, à monter les pierres ?

« … Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
[4]

Jusqu'au sommet de la colline
Qu'importent les jours, les années […]
Pourtant, que la montagne est belle… »
La Montagne (1964), Jean Ferrat (1930 – 2010). 

A l’évidence, un mode de vie comparable jusqu’à ce que les « trente Glorieuses » ne portent le coup de grâce, jusqu’à ce que « le progrès » n’en arrive à tout effacer, jusqu’au vol d’hirondelles de l’automne qui vient d’arriver. Qu’elles soient « Pyrénées », « Cévennes », « Préalpes », les montagnes restent belles même si l'homme, et plus encore le natif, ne peut que ressentir un pincement au cœur quand les buissons et la forêt reprennent les terrasses ancestrales, les anciennes prairies… Fini, les papillons aussi ! 

"... Les vignes, elles courent dans la forêt, 
Le vin ne sera plus tiré..." La Montagne. Jean Ferrat. 

Toujours chez Carrière, aux gorges d’Héric, au hameau de même nom, une maison étrange, sans fenêtre, de pierre, aux poutres brutes, couverte de schistes. La porte est entrebâillée. On ne fait rien de mal. Surprise, une épaisseur de châtaignes sèches, noircies, dures, uno cledo, un séchoir à castagnous ! Le plancher est à claire-voie. Restons sur le seuil, il vaut mieux. C’est en bas qu’ils allumaient un feu étouffé générant beaucoup de fumée. On dirait que l’endroit a été abandonné hier, en catastrophe… A moins que ce ne soit qu’une passade de hippies, ces « revenants » à la terre… Tandis que les gens de la ville viennent de loin, mais véhiculés, ventripotents, pour faire bombance... écrevisses, truites, sanglier, au Rec Fourcat, jadis dans les pentes, à Mauroul. 

Bédarieux et sa célèbre marquise… 

« … En effet, on ne peut passer à Bédarieux sans évoquer cette vieille demoiselle Noémie Berthomieu, qui ne voulut pas mourir sans doter la gare de Bédarieux de cette superbe marquise, cette halle[5] qui recouvre d’une seule volée les quais de la gare… »
La ligne aux quatre visages (Montpellier – Toulouse) / La Vie du Rail n° 1218 (16 novembre 1969) / Henri Vincenot (1912 – 1985). 

Au-delà de Bédarieux, la ligne Béziers-Neussargues-Paris doit se hisser sur le grand causse. Avant 1931et l’électrification, ce tronçon réputé le plus dur de France nécessitait une locomotive de queue en renfort, la « pousse » dans le vocabulaire cheminot, précise Vincenot. 
Parmi les curiosités à découvrir à deux pas de chez nous, pardon de ne donner que des pistes en gros, méritant d’être affinées tant les reliefs, les milieux, les villages ont toujours à offrir leur originalité. Dans ce coin du département de l’Hérault : les Hauts Cantons, ses forêts et pâtures, les mines de houille, de bauxite ; la haute vallée de l’Orb, les gorges, le barrage d’Avène, le plateau basaltique de l’Escandorgue avec des volcans liés au Massif Central sur une faille qui descend sur Saint-Thibéry et Agde ; les terres rouges ou lie-de-vin autour du barrage du Salagou en lien peut-être avec le volcanisme ; le rebord escarpé du Causse du Larzac avec le cirque du Bout du Monde ; les gorges de la Vis avec le cirque de Navacelles, les dolmens ; plus insolites encore, les pivoines de la Buèges. 

Plus accessibles, mais déjà dans la plaine, Saint-Guilhem-le-Désert, les gorges de l’Hérault, Saint-Bauzille-de-Putois, un village au nom improbable au pied de la grotte des Demoiselles, nymphes et déesses d’un monde rustique de bois, de sources et de grottes… 
 


[1] Le Massif-Central, un ensemble de hautes terres n’ayant qu’une relative altitude comme point commun. Ces « Hautes terres » furent débaptisées par Paul Vidal de La Blache, le monsieur du relief de la France à portée sur le mur, le gentil parrain des cartes murales en cadeau pour les petits écoliers en mal d’évasion. Me revient aussi la voix de papa, révisant, comme quand il portait la blouse : Charolais, Maconnais, Lyonnais, Vivarais, Cévennes…  
[2] Dans l’Aguze, affluent du Jaur dont la source sort du rocher à peine un peu plus bas. 
[3] Jean-Claude Carrière a raconté la vie entre les Avants-Monts et le Caroux dans « Le Vin Bourru » (2000). La vallée de l’Orb est aussi le pays de Michel Galabru (1922 – 2016).
[4] A l’instar de nos murs de pierres sèches, ci et là, à Granouillet, à Carabot ou dans la combe de Caussé par exemple…
[5] Copiée sur celle de la gare de Lyon, de dimensions plus modestes certes, mais plus en courbes, plus mignonne, plus bonbonnière. 

Photos autorisées : 
1. Saint-Pons-de-Thomières cathédrale mur meridional Author Fagairolles 34. 
2. Châtaignes 2008 Author JLPC. 
3. marquise Bédarieux Author Scanné par Claude villetaneuse. 
4. "Ruffes" du lac du Salagou Author Gerard Witzke.