Sur la
courbe du Golfe du Lion, lancés comme par une fronde gravitationnelle, passant
le Rhône, la Durance, survolant, les pays de Provence, nous avons croisé Emilie
Carles défendant bec et ongles, la Clarée et son
Val-des-Prés contre les bétonneurs du Briançonnais.
Holà !
ne sondons pas au-delà du système solaire ! ne gommons pas ce grand segment du feston oriental du Massif-Central[1], soulevé
par la surrection des Pyrénées et des Alpes, de l’Espinouse aux Cévennes, en
passant par l’Escandorgue, le rebord du Larzac, le petit causse de Blandas, la
Séranne, la montagne du Lingas, le massif de l’Aigoual, la corniche cévenole,
le Tanargue ardéchois !..
Pas si
vite ! nous ferons étape à Saint-Bauzille-de-Putois, au pied de la grotte
des Demoiselles.
Toujours à St-Pons, sous-préfecture jusqu’en 1926, perdant aussi son
activité textile, une abbatiale forteresse promue cathédrale au XIVème, forte
des 2.45 m d’épaisseur pour les murs de sa nef, mais souvent prise et pillée.
Et cette réserve de truites apprivoisées[2] et
grasses de tout ce que les gens lancent depuis les platanes du foirail… Et
Ardouane, le pensionnat de curés… Le pauvre Patrick racontait comment il les
rendait chèvres ! Quelle rigolade !
Depuis la garrigue de Fleury, vers l’intérieur des terres, au-delà des collines aux moulins ruinés de
nos voisins héraultais, se reconnait la belle dent du Caroux plantée dans les
Monts de l’Espinouse : monts de granit, de bruyère, sinon de sapinières à
cèpes. Sait-il que ce versant tourné vers lui tombe jusqu’au Jaur puis l’Orb,
vallées de cerisiers. A-t-il idée que plus haut, une soulane de châtaigniers,
chère à Jean-Claude Carrière[3], ne
compte plus les générations échinées à griffer les granites et les schistes, à monter les pierres ?
« … Avec leurs mains
dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes[4]
Jusqu'au sommet de la colline
Qu'importent les jours, les années […]
Ils avaient monté des murettes[4]
Jusqu'au sommet de la colline
Qu'importent les jours, les années […]
Pourtant, que la montagne
est belle… »
La
Montagne (1964), Jean Ferrat (1930 – 2010).
A l’évidence, un mode de vie comparable
jusqu’à ce que les « trente Glorieuses » ne portent le coup de grâce,
jusqu’à ce que « le progrès » n’en arrive à tout effacer, jusqu’au
vol d’hirondelles de l’automne qui vient d’arriver. Qu’elles soient « Pyrénées »,
« Cévennes », « Préalpes », les montagnes restent belles même si l'homme, et plus encore le natif, ne peut que ressentir un pincement au cœur quand les
buissons et la forêt reprennent les terrasses ancestrales, les anciennes prairies… Fini, les papillons
aussi !
"... Les vignes, elles courent dans la forêt,
Le vin ne sera plus tiré..." La Montagne. Jean Ferrat.
"... Les vignes, elles courent dans la forêt,
Le vin ne sera plus tiré..." La Montagne. Jean Ferrat.
Toujours chez Carrière, aux gorges
d’Héric, au hameau de même nom, une maison étrange, sans fenêtre, de pierre, aux
poutres brutes, couverte de schistes. La porte est entrebâillée. On ne fait
rien de mal. Surprise, une épaisseur de châtaignes sèches, noircies, dures, uno
cledo, un séchoir à castagnous ! Le plancher est à claire-voie. Restons
sur le seuil, il vaut mieux. C’est en bas qu’ils allumaient un feu étouffé
générant beaucoup de fumée. On dirait que l’endroit a été abandonné hier, en
catastrophe… A moins que ce ne soit qu’une passade de hippies, ces
« revenants » à la terre… Tandis que les gens de la ville viennent de
loin, mais véhiculés, ventripotents, pour faire bombance... écrevisses, truites, sanglier, au Rec
Fourcat, jadis dans les pentes, à Mauroul.
Bédarieux et sa célèbre marquise…
« …
En effet, on ne peut passer à Bédarieux sans évoquer cette vieille demoiselle
Noémie Berthomieu, qui ne voulut pas mourir sans doter la gare de Bédarieux de
cette superbe marquise, cette halle[5]
qui recouvre d’une seule volée les quais de la gare… »
La ligne aux quatre visages
(Montpellier – Toulouse) / La Vie du Rail
n° 1218 (16 novembre 1969) / Henri Vincenot (1912 – 1985).
Au-delà de Bédarieux, la ligne
Béziers-Neussargues-Paris doit se hisser sur le grand causse. Avant 1931et
l’électrification, ce tronçon réputé le plus dur de France nécessitait
une locomotive de queue en renfort, la « pousse » dans le vocabulaire cheminot,
précise Vincenot.
Parmi les curiosités à découvrir à
deux pas de chez nous, pardon de ne donner que des pistes en gros, méritant
d’être affinées tant les reliefs, les milieux, les villages ont toujours à
offrir leur originalité. Dans ce coin du département de l’Hérault : les
Hauts Cantons, ses forêts et pâtures, les mines de houille, de bauxite ; la
haute vallée de l’Orb, les gorges, le barrage d’Avène, le plateau basaltique de
l’Escandorgue avec des volcans liés au Massif Central sur une faille qui descend
sur Saint-Thibéry et Agde ; les terres rouges ou lie-de-vin autour du
barrage du Salagou en lien peut-être avec le volcanisme ; le rebord
escarpé du Causse du Larzac avec le cirque du Bout du Monde ; les gorges
de la Vis avec le cirque de Navacelles, les dolmens ; plus insolites
encore, les pivoines de la Buèges.
Plus accessibles, mais déjà dans la plaine, Saint-Guilhem-le-Désert,
les gorges de l’Hérault, Saint-Bauzille-de-Putois, un village au nom improbable
au pied de la grotte des Demoiselles, nymphes et déesses d’un monde rustique de
bois, de sources et de grottes…
[1] Le
Massif-Central, un ensemble de hautes terres n’ayant qu’une relative altitude
comme point commun. Ces « Hautes terres » furent débaptisées par Paul
Vidal de La Blache, le monsieur du relief de la France à portée sur le mur, le
gentil parrain des cartes murales en cadeau pour les petits écoliers en mal d’évasion.
Me revient aussi la voix de papa, révisant, comme quand il portait la blouse :
Charolais, Maconnais, Lyonnais, Vivarais, Cévennes…
[2]
Dans l’Aguze, affluent du Jaur dont la source sort du rocher à peine un peu
plus bas.
[3]
Jean-Claude Carrière a raconté la vie entre les Avants-Monts et le Caroux dans
« Le Vin Bourru » (2000). La vallée de l’Orb est aussi le pays de
Michel Galabru (1922 – 2016).
[4] A
l’instar de nos murs de pierres sèches, ci et là, à Granouillet, à Carabot ou
dans la combe de Caussé par exemple…
[5]
Copiée sur celle de la gare de Lyon, de dimensions plus modestes certes, mais
plus en courbes, plus mignonne, plus bonbonnière.
Photos autorisées :
1. Saint-Pons-de-Thomières cathédrale mur meridional Author Fagairolles 34.
2. Châtaignes 2008 Author JLPC.
3. marquise Bédarieux Author Scanné par Claude villetaneuse.
4. "Ruffes" du lac du Salagou Author Gerard Witzke.
Photos autorisées :
1. Saint-Pons-de-Thomières cathédrale mur meridional Author Fagairolles 34.
2. Châtaignes 2008 Author JLPC.
3. marquise Bédarieux Author Scanné par Claude villetaneuse.
4. "Ruffes" du lac du Salagou Author Gerard Witzke.
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