Le Vigan, la soie, les bas de luxe.
André Chamson (1900 Nîmes – 1983 Paris) confié à sa grand-mère, le temps des
vacances. Si, devenu académicien, il suivit la voie par excellence de la méritocratie
jacobine, il fut homme de convictions, pour le Front populaire, le soutien aux
républicains espagnols, la résistance dans laquelle il s’engagea malgré ses
idées pacifistes de jeunesse. Son œuvre raconte la vie dans les Cévennes,
l’homme aux prises avec une nature sans pitié. Avec le temps, il s’attachera à
témoigner de la rébellion déterminée des Camisards confrontés aux dragons d’un
Louis XIV devenu dévot après avoir engendré seize ou dix-sept enfants naturels…
un « grand » roi par ailleurs ! Au col de la Lusette, sur les
pentes de l’Aigoual, sa tombe porte l’inscription « REGISTER »,
résister[1]
en occitan[2]
du Vivarais.
« Dans l’ordre humain, je
ne connais rien de plus beau que cette aventure héroïque d’un peuple montagnard
qui semble avoir voulu donner la preuve de la primauté de la conscience
humaine » André Chamson, 1935.
Au Vigan toujours, avec Jean
Carrière (1928 – 2005), Goncourt en 1972 avec l’Épervier de Maheux, la porte sud des Cévennes ouvre sur une
nature rude, rêche, à l’opposé de la plaine plus conciliante. Le milieu
modelant les consciences a poussé une majorité de Cévenols à refuser
viscéralement un catholicisme corrompu, suppôt du pouvoir, versé dans la
vénalité, les plaisirs terrestres, au point d’atteindre au puritanisme.
Après
André Chamson, Jean Carrière en témoigne avec son personnage principal,
contemporain des années 50. Dernier habitant d’un hameau où il est
déraisonnable de s’accrocher pour seulement survivre, Abel dont le père s’est
marié de justesse grâce à des lettres d’amour recopiées sur un magazine,
s’entête à trouver de l’eau après que la source se soit tarie. La Noiraude, la
femme, est finalement redescendue au village, auprès des siens :
« …
Le matin, il fallait se laver à la source, boire où venaient boire les
sangliers ; la barbe, il ne la coupait plus. Plus de femme, à quoi bon se raser… »
Abel a son secret, il fait sauter la
montagne à coups d’explosifs. Il a sauté avec. Accident ? Suicide ?
Il mourra enseveli.
Ici le hameau éteint d’Abel, là-bas celui
rallumé de Panturle. Ici un néant après sa mort, là-bas, la réhabilitation de
Florette grâce à Manon, sa fille. Ici le maquis, là-bas la garrigue. Ici la montagne austère, là-bas la plaine
souriante. Étrange point commun, la quête primordiale de l’eau, le rôle des
explosifs… Gravitation dissymétrique autour d’un même barycentre de deux
écrivains formidables : Carrière, Pagnol.
Le Mont Aigoual[3]
« château d’eau » avec les sources du Tarn, du Gard, de l’Hérault. Mont de tous les
records : rafale de marin en tempête à 360 km/h ! 908 mm de pluie,
186 cm de neige, 120 cm de givre en 24 heures ! Le Mont Aigoual, une arène que se disputent les influences de l'Atlantique et de la Méditerranée...
Aigoual des camisards, des
maquisards… le repaire de Castanet[4],
ce chef qui, prenant pour femme Mariette, de bonheur exalté libéra d’un coup
vingt-cinq prisonniers. Par malheur, une milice catholique prit Mariette, lui promettant
un sort tragique. Un homme de cœur comme Castanet ne pouvait laisser faire :
il fit irruption à Valleraugue d’où il repartit avec une femme en otage. Ce
fut, paraît-il, le seul échange de prisonniers de cette guerre ignoble.
Des ombres hantent l’Aigoual quand
la grisaille accroche ses nuées sur ses pentes. Mais par beau temps, serait-il plus
incertain, il offre un panorama exceptionnel du Puy-de-Sancy au Monte Viso en
Italie, du Mont-Blanc au Pico de Aneto en Espagne et à ses pieds, les chances
sont plus grandes de découvrir tout le Golfe du Lion, depuis Marseille jusqu’au
Cabo de Creus !
[1]
Inscription gravée dans la pierre par Marie Durand, sœur d’un pasteur du Désert
et pour cette raison, prisonnière 38 ans à la Tour de Constance (Aigues-Mortes)
(les hommes étaient envoyés aux galères)… Louis XIV ? Un grand roi…
[2]
Chamson Majoral du Félibrige qui écrivit aussi des poèmes en occitan se laissa
embringuer dans une secte d’auteurs irrédentistes revendiquant seulement le
parler de Provence. Dommage !
[3]
Jean Carrière a habité quarante ans au pied de l’Aigoual.
[4]
J’avais dix ans. Mon professeur de piano, Mlle Florac ou peut-être était-elle
de ce bourg des Cévennes m’avait raconté cette histoire que je retrouve non
sans émotion, par André Chamson : http://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2016/11/98fb1c59e84c9626e119a3fe0fa1668f.pdf
Photos autorisées :
1 & 2. wikimedia commons Le Vigan Author DePlusJean / André Chamson en 1962.
3. flickr : versant ouest de l'Aigoual.
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