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lundi 10 mars 2025

CARNAVAL, merci la revue FOLKLORE (1ère partie)

 Folklore-Aude est une revue trimestrielle parue de 1938 à 1988, soit 208 numéros par le « Groupe Audois d'Études Folkloriques ». Loin de la connotation moderne péjorative du mot « Folklore », la réflexion, le travail, le choix des thèmes ethnographiques (il s'agit souvent de fixer par écrit des traditions orales) sont menés par d'éminents passeurs de culture passionnés (quelques femmes aussi), impliqués, pour nombre d'entre eux, dans les mouvements de renaissance occitane (dont René Nelli [1906-1982], professeur, écrivain / Louis Alibert [1884-1959], pharmacien, grammairien de l'occitan). 

Revue Folklore par garae.fr

À partir de 1981, grâce à René Nelli (1), le Garae (Groupe Audois de Recherche et d'Animation Ethnographique) prend le relais pour la publication de la revue. Nous lui devons la numérisation de tous les numéros (taper Folklore Garae). 

René_Nelli_à Bouisse 1975 under the Creative Commons Attribution 4.0 International license. Source Mais enfin qu'est-ce que l'Occitanie ? Editions Privat 1978 Auteur Charles Camberoque

Dans le numéro 1 de la 13ème année, printemps 1950, l'article « Carnaval-Carême en Languedoc » de René Nelli, s'avère représenter une mine d'infos et éclaircissements m'amenant à retenir quelques notes au fil de l'article : 

* le jugement concernait Carnaval et également les filles qui “ avaient fauté ”, une tradition remontant aux environs de 1660. 

** la chemise de nuit de femme dans le déguisement récurrent de carnaval, plus longue que celle des hommes est à rapprocher de celle portée lors des révoltes telle celle des Camisards des Cévennes (1702-1710), celle de la Guerre des Demoiselles en Ariège (1829-1832 puis larvée jusqu'en 1872).  

***  vers 1830, le déguisement de l'homme sauvage est en vogue, il consiste à se rouler dans le miel puis dans du duvet ; une couronne de plumes de coq sur la tête le complète.

**** À Limoux la blouse blanche du meunier s'est peu à peu confondue avec le costume d'Arlequin, de Pierrot, de Colombine ; la blouse bleue du charretier dont le fouet s'est mué en carabène porteuse de rubans représente le petit peuple. 

***** En Ariège le déguisements en ours est commun plutôt pour la Chandeleur. (en est-il de même en Roussillon ?). 

*6. Le barbouillage des visages (lie de vin, suie, encre) autorisait les débordements grossiers.

*7. Connexe au défilé de carnaval, le plaisir de souiller les spectateurs : éclabousser en sautant dans la boue, enduire les masques de merde pour danser le branle des paillasses en se frottant aux spectateurs (Cournonterral / Hérault). 

*8. À Carcassonne vers 1900 des masques se baladaient avec une caisse dans le dos : une mince couche de confettis (pour les gens tentés d'en prendre une poignée) surmontait un fond d'excréments...  

*9 les masques jetaient avec violence de l'eau, de la farine, des haricots, des fruits, surtout sur les femmes. Plus de douceur et de gentillesse (bonbons, dragées) après 1939. 

Château_de_Bouisse_(Aude) 1900 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur 2017 Sdo216

(1) Né et décédé à Carcassonne / Docteur ès lettres, professeur de lettres et de philosophie au lycée de Carcassonne puis d'ethnographie méridionale à la faculté des lettres de l'Université de Toulouse, poète essayiste, hermétiste, René Nelli est surtout connu pour ses travaux sur la culture occitane et sur le catharisme. Dans les années 50, il acheta le château de Bouisse, village des Corbières Occidentales au climat “ marges de montagne ”. Mon père, François Dedieu, l'a eu en Lettres, classe de Seconde au lycée de Carcassonne ; les élèves le surnommaient “ Cosaque ”. Nous lui devons  « Un résumé d'un très bon article " L'alimentation en Languedoc et dans le Comté de Foix de 1850 à nos jours " de la revue Folklore n° 61, hiver 1950, par René Nelli... ». 

Partager le Voyage: LA NOURRITURE, avant, dans nos contrées... (1)

Partager le Voyage: La NOURRITURE avant, pendant les gros travaux, les fêtes et le dimanche (2)

Partager le Voyage: La NOURRITURE avant (1850-1950) puis dans les années 60... (3) 

Sources Occitanica avec Daniel Fabre (1947-2016) « Un demi-siècle d'ethnologie occitane : autour de la revue Folklore » Carcassonne, mai-juin 1982.   

André Ducasse-La_Guerre_des_Camisards-Hachette Domaine public. Guerre menée à un contre dix par les protestants porteurs de camisas (chemises) contre les troupes de Louis XIV coupable d'avoir révoqué l'Édit de Nantes (1685). 


FrenchForest Code Code forestier Domaine public, numérisation 2010 Author Lamiot. 

Inspiré de celui de 1669, ce code est promulgué en 1827 : il restreint encore les droits d'usage des paysans sur les forêts. Il déclenche notamment la « Guerre des Demoiselles » en Ariège. 

« ...prive en effet un certain nombre d'habitants de bois mort pour le chauffage, de feuilles mortes utilisées pour les animaux dans les étables ou comme engrais, de bruyères et de genêts qui servent de fourrage, du pacage pour le bétail et de la cueillette des baies et fruits sauvages et de champignons ». Naître et mourir dans l'Outre Forêt, Daniel Peter, directeur de thèse (1835-2020). (L'Outre Forêt se situe à l'extrême nord de l'Alsace).

mardi 6 février 2018

AUX MARCHES DE L'AIGOUAL, LE VIGAN / André CHAMSON, Jean CARRIERE.



Le Vigan, la soie, les bas de luxe. André Chamson (1900 Nîmes – 1983 Paris) confié à sa grand-mère, le temps des vacances. Si, devenu académicien, il suivit la voie par excellence de la méritocratie jacobine, il fut homme de convictions, pour le Front populaire, le soutien aux républicains espagnols, la résistance dans laquelle il s’engagea malgré ses idées pacifistes de jeunesse. Son œuvre raconte la vie dans les Cévennes, l’homme aux prises avec une nature sans pitié. Avec le temps, il s’attachera à témoigner de la rébellion déterminée des Camisards confrontés aux dragons d’un Louis XIV devenu dévot après avoir engendré seize ou dix-sept enfants naturels… un « grand » roi par ailleurs ! Au col de la Lusette, sur les pentes de l’Aigoual, sa tombe porte l’inscription « REGISTER », résister[1] en occitan[2] du Vivarais.



« Dans l’ordre humain, je ne connais rien de plus beau que cette aventure héroïque d’un peuple montagnard qui semble avoir voulu donner la preuve de la primauté de la conscience humaine » André Chamson, 1935.



Au Vigan toujours, avec Jean Carrière (1928 – 2005), Goncourt en 1972 avec l’Épervier de Maheux, la porte sud des Cévennes ouvre sur une nature rude, rêche, à l’opposé de la plaine plus conciliante. Le milieu modelant les consciences a poussé une majorité de Cévenols à refuser viscéralement un catholicisme corrompu, suppôt du pouvoir, versé dans la vénalité, les plaisirs terrestres, au point d’atteindre au puritanisme. 
Après André Chamson, Jean Carrière en témoigne avec son personnage principal, contemporain des années 50. Dernier habitant d’un hameau où il est déraisonnable de s’accrocher pour seulement survivre, Abel dont le père s’est marié de justesse grâce à des lettres d’amour recopiées sur un magazine, s’entête à trouver de l’eau après que la source se soit tarie. La Noiraude, la femme, est finalement redescendue au village, auprès des siens :  



« … Le matin, il fallait se laver à la source, boire où venaient boire les sangliers ; la barbe, il ne la coupait plus. Plus de femme, à quoi bon se raser… »



Abel a son secret, il fait sauter la montagne à coups d’explosifs. Il a sauté avec. Accident ? Suicide ? Il mourra enseveli.



Ici le hameau éteint d’Abel, là-bas celui rallumé de Panturle. Ici un néant après sa mort, là-bas, la réhabilitation de Florette grâce à Manon, sa fille. Ici le maquis, là-bas la garrigue. Ici la montagne austère, là-bas la plaine souriante. Étrange point commun, la quête primordiale de l’eau, le rôle des explosifs… Gravitation dissymétrique autour d’un même barycentre de deux écrivains formidables : Carrière, Pagnol.




Le Mont Aigoual[3] « château d’eau » avec les sources du Tarn, du Gard, de l’Hérault. Mont de tous les records : rafale de marin en tempête à 360 km/h ! 908 mm de pluie, 186 cm de neige, 120 cm de givre en 24 heures ! Le Mont Aigoual, une arène que se disputent les influences de l'Atlantique et de la Méditerranée... 

Aigoual des camisards, des maquisards… le repaire de Castanet[4], ce chef qui, prenant pour femme Mariette, de bonheur exalté libéra d’un coup vingt-cinq prisonniers. Par malheur, une milice catholique prit Mariette, lui promettant un sort tragique. Un homme de cœur comme Castanet ne pouvait laisser faire : il fit irruption à Valleraugue d’où il repartit avec une femme en otage. Ce fut, paraît-il, le seul échange de prisonniers de cette guerre ignoble.

Des ombres hantent l’Aigoual quand la grisaille accroche ses nuées sur ses pentes. Mais par beau temps, serait-il plus incertain, il offre un panorama exceptionnel du Puy-de-Sancy au Monte Viso en Italie, du Mont-Blanc au Pico de Aneto en Espagne et à ses pieds, les chances sont plus grandes de découvrir tout le Golfe du Lion, depuis Marseille jusqu’au Cabo de Creus !   




[1] Inscription gravée dans la pierre par Marie Durand, sœur d’un pasteur du Désert et pour cette raison, prisonnière 38 ans à la Tour de Constance (Aigues-Mortes) (les hommes étaient envoyés aux galères)… Louis XIV ? Un grand roi…
[2] Chamson Majoral du Félibrige qui écrivit aussi des poèmes en occitan se laissa embringuer dans une secte d’auteurs irrédentistes revendiquant seulement le parler de Provence. Dommage !
[3] Jean Carrière a habité quarante ans au pied de l’Aigoual.
[4] J’avais dix ans. Mon professeur de piano, Mlle Florac ou peut-être était-elle de ce bourg des Cévennes m’avait raconté cette histoire que je retrouve non sans émotion, par André Chamson :  http://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2016/11/98fb1c59e84c9626e119a3fe0fa1668f.pdf 

Photos autorisées : 
1 & 2. wikimedia commons Le Vigan Author DePlusJean / André Chamson en 1962. 
3. flickr : versant ouest de l'Aigoual.