vendredi 28 janvier 2022

...ASPERGES VERTES, AMANDIERS BLANCS...

Non, il n'y a pas de comparaison possible entre la flopée d'amis entre guillemets des réseau sociaux et les copains de toujours du réseau du cœur, du quartier, du village. Bien sûr que la vie, en plus de ceux qui s'aiment, sépare ceux qui ont fait un bout de chemin d'enfance ensemble. Pourtant, parfois, l'informatique permet de renouer avec certains de ses camarades d'école, de ses copains du quartier. 

Nous avons joué aux billes, refait le monde à la nuit tombante, et parlé des filles, aux abords du parc de Gibert, même en hiver quand plusieurs couches d'habits arrivent mal à empêcher la froidure du Cers de pénétrer...

"... Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi
Et le vent du nord les emporte
Dans la nuit froide de l'oubli..."
chantait Montand dès le début des années 50.  

On a couru ensemble le coteau de Fontlaurier sans la peur mais sans trop approcher non plus la masure et le feu des gitans, sur l'aire devant. 

"... Chante gitan,
Ton château en Espagne.
C'est le chant des errants qui n'ont pas de frontière,
C'est l'ardente prière
De la nuit des gitans."
chantaient les Compagnons de la Chanson, et Dalida aussi (vers 1958). Je ne préméditais pas de raconter ces souvenirs en chansons mais comme elles accompagnaient et encadraient bien nos premières impressions et sensations ! 

Quelle magie quand on est gosse ! quelle impression de pays béni ce coteau de Fonlaurier ! En vis à vis, la colline du moulin, en limite le tracé ondoyant allant vers les quatre chemins, bordé tout le long, d'amandiers, de bouteilhetiers (azeroliers), de touffes de genêts, de mattes d'asperges. En haut une garriguette parfumée de thym. Tout au bout encore des moulins et le phare dans le souvenir des avions de l'Aéropostale !

Oui, il est entré loin en nous, ce coin qui nous a vu grandir. Nous y avons déterré les poireaux sauvages dans des vignes en larges terrasses, cueilli les asperges sauvages de ses hauts talus, goûté la magie de la fleur d'amandier qui réveille les abeilles pionnières et nos premiers émois d'adolescents... 

"Quand nous jouions à la marelle
Cerisier rose et pommier blanc
J'ai cru mourir d'amour pour elle
En l'embrassant..."
chantait André Claveau, toujours dans ces années 50.

Alors quand un copain de toujours, après les soixante et quelques années qui nous voient survivre aux rouleaux et remous de leurs vagues, publie, du premier bouton au diadème entier de la ramure, son premier amandier fleuri de 2022, sa première botte d'asperges, tous ces souvenirs reviennent fort : ce paysage, ses couleurs, son relief particulier, ce ciel toujours aussi bleu, l'ambiance de la vie d'alors... 

Merci Loulou de mon quartier pour ton partage sur l'Internet... On boira un coup, lou cop qué vèn, la fois prochaine, on revivra Fontlaurier, les gitans, les filles qui nous faisaient jouer à la marelle, la fleur d'amandier messagère des jours meilleurs, tant qu'on peut encore faire la nique à "la nuit froide de l'oubli"...    


Photo Loulou Jourdain (12 janvier 2022) Merci Loulou.

Photo Loulou Jourdain (12 janvier 2022) Merci Loulou.

Asperges sauvages 24 janvier 2022. Photo Loulou Jourdain aimablement prêtée comme celles qui précèdent. 


mardi 25 janvier 2022

CHEMIN D'ÉCOLE (6) Depuis la côte...

Jean, mon grand-père paternel, le vigneron, est né le 4 juin 1897 à la métairie de La Pierre, domaine des Karantes, commune de Narbonne, en pleine Clape. Comme les enfants des châteaux de Tarailhan et Marmorières, administrativement comptés sur le territoire de Vinassan, ceux des Karantes allaient à l'école à Fleury, la seule alors accessible (entre 1903 et 1910). Nous nous devons aussi d'évoquer les enfants dits "des campagnes", des domaines nombreux alors (autour de 20 sur le territoire de la commune !). Ceux des Cabanes, plus loin dans le temps, astreints à plus de dix-sept kilomètres journaliers, ont disposé d'un local provisoire vers 1885, avant que le comte de Villeneuve, propriétaire de Saint-Louis-de-la-Mer n'offre le terrain, vers 1910, en vue d'une construction définitive (1), devaient quitter la classe une heure avant les autres pour ne pas être rattrapés par la nuit. 

"... Je n'ai toujours pas vu La Pierre, ce refuge lové dans une combe en pleine garrigue, un milieu complètement étrange, sûrement, pour mes aïeux, réfugiés économiques descendus des forêts et monts de l'Arize, dans l'Ariège, passant d'un coup du frais au sec, du froid au chaud, des prairies aux garrigues, des papillons bleus aux cigales brunes, des sapins et myrtilles aux pins et asperges sauvages. Nous ne verrons donc pas encore le débouché de ce chemin d'école qu'il serait peut-être judicieux et moins difficile de retrouver par l'autre côté, en partant de la côte, dos à la mer..."

C'est ce que je pensais et écrivais lors du dernier épisode sauf que ces choses-là comptent trop : latentes, elles sommeillent prêtes à se rappeler à vous au moment opportun, même si, par rapport au présent, on fait comme si ce n'était qu'anodin, futile, seulement par curiosité.  

Et un jour, avec l'idée d'aller aux Exals, juste une balade, manière de brûler quelques calories, la petite voix insiste "Ce n'est pas loin dans les terres... et si tu essayais d'aller voir où es né ton grand-père ?" 

Vue vers le Nord-Est avec les constructions des hauts de Saint-Pierre.

Les Exals, ces yeux-de-mer, exsurgences karstiques, sources de la famille des caudiès, suivant l'appellation locale, ces "chaudiers" où l'eau sourd (2 a, b, c) tempérée en toute saison, mais ici comparables à des étangs reliés à la mer, appréciés des pêcheurs pour les migrations de poissons, et tout autour par des mémères, souvent par paires, qui amènent toutou faire la crotte.  

Vue vers l'ouest avec un couvert forestier de pins d'Alep.

Les chemins enserrent un mamelon où les pins serrés, trop nombreux, ne grandiront pas. A contourner par la droite, la carte à l'esprit, pour cheminer, cap à l'ouest, vers cette combe, ce piémont favorable à la vigne où des humains aussi s'acharnèrent à ancrer leurs racines.  

Vue vers l'Est.

Vue vers l'Est.
 

(1) de quand date l'école occupée aujourd'hui en tant que capitainerie, il me semble ?

(2 a) Chaudier, nom commun :  ouvrier chargé de chauffer le métal à bonne température. 
Chaudier, verbe intransitif : entrer en chaleur en parlant des levrettes (Émile Littré). 
Chaudier, nom commun : dommage qu'il n'y ait pas cette entrée en tant que source chaude, admise instinctivement par les occitanisants.
 
(2 b) Les Exals alimentés entre 5 et 10 mètres sous la surface, explorés en plongée à la profondeur de 110 mètres. 

(2 c) Qu'en est-il de l'aquifère sous la Clape ? Hier, un reportage racontait que le Cap, ville capitale de l'Afrique-du-Sud, manquait d'eau. Aussi la municipalité envoie-t-elle des équipes couper des arbres, des pins d'Alep acclimatés jadis pour fournir du bois. L'employé à la tronçonneuse (beaucoup n'ont que des scies manuelles) parlait de 200 litres/jour économisés, la scientifique de service de 80 litres pour un arbre de 15 cm de diamètre dont la racine pivotante volerait en profondeur l'eau de l'espèce humaine... Ainsi, sur la Montagne de la Table, tout au bout de l'Afrique Australe, le pin d'Alep pourtant plus clairsemé que dans la Montagne de la Clape, est à éradiquer... Et si ces racines retenaient la terre ?   


jeudi 13 janvier 2022

LE DELTA DE L'AUDE, UNE PETITE CAMARGUE

En préalable à une balade romantique entre Saint-Pierre et Les-Cabanes, j'en étais resté à démontrer qu'il n'existait aucun lien entre le fait d'être né quelque part et de s'en trouver pour autant "imbécile heureux" (1). Quitte à me demander encore, peut-être sans raison, si nous n'aurions pas plutôt tendance à plaindre un apatride que le contraire, je tourne le dos à la polémique. Dans les facettes nourricières du milieu propre à influer sur les gens, natifs et autres, le delta de l'Aude, aux terres gagnées sur la mer et qui ont rattaché La Clape, hier encore une île, au continent. 


 Saint-Pierre-la- Mer, au pied de la garrigue. A partir des pins de Périmont, la balade vers Les-Cabanes-de-Fleury vient compiler le présent sur les strates de souvenirs plus anciens. Ne suivons pas, le long de la Clape, le sentier vers l'Oustalet, là où nous allions couper les carabènes (2) de la véranda devant la tente. Non, il faut se décider à traverser la zone lagunaire, ces confins que l'étang occupe plus ou moins l'hiver, en période de grandes eaux. 


 L'été en principe, on peut passer même si la surface craquelée reste traître, cachant sous une mince couche sèche, un sable noir, vaseux et collant où l'on s'embourbe en moins de deux. Bien que du coin, j'y bloquai une fois les roues du vélo dans une gangue très adhérente. Étaient -ce les vapeurs du gris-de-gris mis en bouteille au domaine de Gaysart qui m'avaient rendu distrait ? Ce qui est sûr est qu'elles avaient rendu la mésaventure très joyeuse, du moins avant que de devoir nettoyer... Mais je me répète, j'ai déjà raconté ça, fin août me semble-t-il... tout comme de s'embourber avec la voiture... "Non papa, on va s'embourrer ! " redoutait mon aîné... 

 https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/08/pissevaches-saint-pierre-la-mer.html


 Suite à ces espaces plutôt familiers, il fallait et il faut toujours passer la chaussée de la Grande-Cosse, inondable peut-être, en cas extrême, redescendre un peu plus loin, s'engager de l'autre côté où la piste se dirige résolument vers les dunes du littoral. La carte indique bien qu'elle rejoint un ancien lit de l'Aude. Le Payroulet, les Terres Salées, des territoires où l'eau douce le dispute au sel, où le privé veut prendre le pas sur le public : qu'en est-il de cette clôture barrant initialement le passage ? Ou, est-ce ouvert parce que les taureaux camarguais n'y sont plus ? 


 Plus loin, une petite rivière empêche de passer... Étrange : il n'a pas plu depuis belle lurette... N'est-ce pas pour dissuader ? inciter à faire demi-tour ? L'eau pour l'agriculture ?  l'eau pour la chasse ? Et la multiplication des pompages à la rivière, autorisés ou non, qu'en est-il ? Par moments, des salves de coups de fusil derrière la chaussée qui clôt le vaste domaine de Saint-Louis, jadis aux Salins du Midi. Choquant, en pleine journée... Il me semble qu'à l'affût, le gibier se tire le soir, la nuit, le matin mais qu'il se repose durant le jour. Non, excusez mes craintes mais ce n'est peut-être que du ball-trap. Le pouvoir de l'argent donne aussi celui de détruire à grande échelle, est-ce la raison de cet a priori négatif et accusateur ? Pour en finir avec cette eau, si c'était pour entretenir les zones humides afin d'en préserver la biodiversité ?  


 Aujourd'hui, le réalisme voudrait me fermer les portes du rêve alors qu'en post-adolescence romantique, à l'âge des premiers émois, des amours incertaines, c'est ici, sur la piste de limon, de sable et de sel, que je revoyais celle à laquelle je m'accrochais toujours, touché par les destins croisés de l'Arlésienne, Mireille, Magali, la condition première étant le moment de la journée. Il faut que le soleil donne fort, à la verticale presque, quand la nature et les hommes l'évitent. Alors on se retrouve seul, écrasé sous la chape implacable. Alors, la survie commande de rejoindre la forme incertaine, dansante, d'un tamaris ou d'un pin... Sauf qu'entre maléfice et enchantement, sur la platitude désolée de la sansouire, là où des croûtes de sel rappellent un chott du Sahara, les mirages savent faire danser aussi comme une silhouette disloquée et floue d'une femme en perdition : c'est Mirèio, l'héroïne de Mistral, empêchée d'épouser Vincèn, son amoureux aux origines trop modestes. En dernier recours, elle va aux Saintes-Maries-de-la Mer, implorer les saintes mais elle n'y arrive que pour y mourir, frappée d'insolation lors de la dure traversée de la Camargue. Autre histoire contrariée, celle de Jan qui se défenestre pour avoir, par respect des conventions sociales, renoncé à la femme qu'il aime, une "coquette" déjà promise mais à un parti moins intéressant, l'Arlésienne. Et comme pour conforter toute cette mythologie, dans les années 60, on entend à la radio  :  

"... Magali, Magali,
Qu’est-ce qui t’a pris de t’en aller pour le pays de nulle part
Parce qu’un gitan t’a regardée en faisant chanter sa guitare?
Magali (3)..." 

Tout y est : le refrain en occitan "... L’amour que pourra pas se taïre, e ne jamaï se repaua, Magali...", les gitans, le soleil qui rend fou ; en prime, l'évocation de la grande steppe de la Crau, créée par la Durance, encore une fille folle de Provence. 

Mais il faut absolument rejoindre les pins là-bas. Ce n'est que dans leur ombre bienfaisante que la fièvre s'apaisera même si on aime prolonger en imaginant le chaume sur les murs blancs de chaux de la maison du gardian, une cabane de sénils comme dans la Salanque ou celles, à l'origine, des pêcheurs de l'embouchure de l'Aude.  

Plus prosaïque, alors que Mistral est récompensé du Nobel de littérature pour son poème en occitan (autre chose qu'une collection de la Pléiade, à la réputation surfaite, truffée d'auteurs d'extrême droite sinon fascistes), encore pour une histoire de femme, la Vénus d'Arles (1er siècle avant JC), force est toujours de constater qu'elle reste détenue à Paris (4)... Entendez-les donc, ces racistes historiques rejetant la "race du Sud" mais s'accaparant la culture méditerranéenne ! 


 Pourtant, rien ne saurait gâcher la fin de cette balade. Au bout de la piste, le camping, puis toute la poésie du fleuve vers les Cabanes-de-Fleury, d'autant plus qu'en septembre, le pays respire à nouveau après la saison touristique (une pensée pour Gilbert Bécaud)... Le Cers a, une fois de plus, lavé et le ciel et nos âmes... 

(1) "... Je suis né quelque part
Laissez-moi ce repère..." Maxime Leforestier.
 
(2) arundo donax, roseau poussant en rideaux en bordure de cours d'eau ou dont la présence indique aussi celle de l'eau, ici les résurgences des infiltrations dans la garrigue.  Où les copains de la Barjasque allaient-ils donc couper les leurs pour leur campement sur la plage ? 
 
(3) Robert Nyel 1962. 
 
(4) demandez aux Agathois comme ils ont dû se battre pour rapatrier l’Éphèbe d'Agde, plus de vingt ans après sa découverte ! 

 

Maison_de_Frédéric_Mistral,_Maillane,_1914 wikipedia Domaine Public Source BNF, Auteur Agence Rol. La porte à mouches, les moustiquaires à guillotine à la fenêtre, les chaises en paille pour prendre le frais après la chaleur de la journée... 


 

 

samedi 8 janvier 2022

DANS NOS TÊTES ET NOS ÂMES, LES OISEAUX (3)

Sans donner dans le verbiage, est-ce que quelques idées et pensées arriveront à plaider pour ces oiseaux petits ou grands, qui chantent leur quotidien puis disparaissent sans faire de bruit... Mais qui donc a écrit un roman au titre évoquant la légende de ces volatiles qui s'empalent sur des épines afin de mieux chanter en mourant, manière d'illustrer le choix cornélien, pour un ecclésiastique, entre l'amour de Dieu et celui, terrestre, d'une femme. Bien que ne comprenant pas le parallèle entre l'oiseau et le prélat, ou la femme, ou les deux partenaires, qui sait ? la traduction en français :   "Les oiseaux se cachent pour mourir" m'a beaucoup touché...  

Ce n'est pas qu'elle rappelle ce qui est arrivé à l'abbé qui a encadré notre "retraite" avant la communion solennelle, lui qui a préféré la femme, quitte à fuir loin des dénigrements. Chose qui, dans le temps, ne m'a jamais choqué, au contraire. Non, c'est ce remords pour les oiseaux, qui dure, anachronique certes, mais parce que nous balancions entre sensibilité et barbarie. 

A l'école, mieux que ne l'auraient fait des films, parce que le poème imprime les images de la lutte pour la vie de ces compagnons de tous les jours, comment ne pas s'émouvoir de la mort alors qu'une peur irraisonnée, éludée par les adultes, assaille en permanence les enfants que nous sommes. 

"... Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l’hiver !
Pourtant lorsque viendra le temps des violettes,
Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes
Dans le gazon d’avril où nous irons courir.
Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir ?

François Coppée. 

" La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.../

... Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n’ayant plus l’asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.

Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur œil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu’au jour la nuit qui ne vient pas."

Nuit de neige. Guy de Maupassant. 

A la maison, parce que même sous la lampe, en hiver, avec celui des fleurs, bien en couleurs, le loto des oiseaux contribue à attendre sereinement le printemps, à rêver du vert sur les arbres encore dénudés...   

Sauf que, en grandissant, devenu galopin, le garçon en vient à ricaner de la sensiblerie de Coppée ou de Maupassant. Il se coltine à ceux de son âge et ne veut que suivre l'exemple des grands qui ne s'en vantent pas mais ont du sang sur les mains. Alors il chasse à la "flèou", au lance-pierre (1), facile à cacher sous la veste ou dans une poche large car les gardes veillent, la chasse étant un droit réglementé. Quelques années plus tard, s'étant loué pour les vendanges, il part à Narbonne, acheter une carabine à plombs (2) allemande, chez l'armurier. 

Et une des chasses les plus lâches est celle dite "à la luminaïre". Le faisceau d'une lampe de poche dévoile un oiseau dans le lierre, les cyprès ou platanes, jusque ceux devant la mairie. Le temps de se réveiller, de se demander ce qui arrive, les pattes du petit animal qui dit son étonnement, décrochent ; et il tombe, mort.

Pour preuve de mon remords ineffaçable, toujours aussi difficile à exprimer, dans ce blog même : 

moineau friquet au Japon wikimedia commons Author Laitche
 

en juin 2017 : 
"... Il est sorti, le garçon à la carabine, de sa cachette. il a ramassé les petits cadavres encore chauds, plutôt content. Mais pas cette satisfaction instinctive du paléolithique. Pour preuve : il a jeté sa chasse à quelque chat en maraude.
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/06/lou-muraillet-cest-le-moineau-lete-en.html
 
mésange bleue wikimedia commons Author Estormiz

 
en avril 2019 : 
"... Le ruisseau, lui, entretient le souffle vital sur ses bords : des arbustes, des frênes de belle taille, des bergeronnettes hoche queue. Le rouge du sang dans ma main, une mésange bleue, me rappelant à jamais que le respect de la vie n’est pas à prendre à la légère..." 
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2019/04/prisonnier-comme-jamais-le-dernier.html 
 
Carduelis_carduelis Chardonneret élégant wikimedia commons Author Marie-Lan Nguyen

(1) pour les moins dégourdis, une armature en fil de fer fort et torsadé pour donner un manche rigide. Pour les gamins de la campagne, la fourche d'une branchette dont la base a la grosseur du pouce. Gris et carré, fixé avec un bout de cuivre ou de nombreux tours de fil de laine (rouge dans mon souvenir), l'élastique s'achète au mètre chez la buraliste. José, qui habitait la rue Neuve, était un as de la "flèou" (une seule syllabe). Je ne sais toujours pas ce qui lui a pris lorsque, lors d'un plein-air scolaire vers la bergerie, il m'a indiqué un nid de catarinettes (chardonnerets) dans un vieil amandier. J'étais si heureux de cette confiance inattendue, que pour rien au monde, je n'aurais divulgué le secret à quiconque ! 
La flèou a fait aussi beaucoup de victimes chez les colombrines, les lézards des murailles, si rares aujourd'hui, tout comme le lauzèrt, le lézard vert.  

(2) de marque Diana. José, de la rue du Pré, avait une 25 (le nombre indique le poids je pense), moi une 27. La plus puissante au village, une 35, était celle de Gérard, développant deux fois plus de joules que la 25. En gardant le canon armé, on arrive à la camoufler, sous une veste ample et dans une manche, le temps de sortir du village... José, j'espère que tu tiens le coup... Gérard nous a quittés en 2014 (67 ans) tout comme Néné (61 ans) qui nous ouvrait l'accès aux vastes dépendances du plus gros propriétaire local. En 2002, c'est le cœur de Patrick qui lâchait (50 ans). il était un peu sabraque, un peu brise-fer. je lui avais prêté la carabine... il me l'a rendue avec la hausse cassée... Il y a longtemps que je ne lui en veux plus. La hausse, je ne l'ai jamais réparée, j'aime penser à lui chaque fois que je touche l'arme...
 
... Parler de ceux que nous avons aimés, plus ou moins proches, d'une manière ou d'une autre, c'est honorer la vie en prenant d'autant mieux conscience que même souvent si cruelle, elle reste pourtant extraordinaire... Au sein de la nature, les oiseaux aussi, bien sûr, chantent la vie, formidablement... Que chacun, à son niveau, fasse en sorte d'être positif à leur égard. 

PS : et moi je voulais parler des observations faites par les "ornithos", entre le Grau de Vendres et Gruissan... Nous remettrons l'ouvrage sur le métier, ils le valent bien les oiseaux qui, pour ne pas nous culpabiliser, se cachent pour mourir...

vendredi 7 janvier 2022

VISITE DU PARC DU CHÂTEAU, SALLES-D'AUDE (suite des photos).

 

Toujours au centre, mis à l'honneur bien que se marchant un peu sur les pieds, deux essences remarquables...


Le cèdre du Liban et le platane commun d'Orient ou d'Occident...



Au sol, des marrons d'Inde, non ?

Quant aux champignons, l'avis d'un mycologue averti est indispensable !


DERRIÈRE LA FÊTE, LE PARC DU CHÂTEAU. Balade à Salles-d'Aude.

Oh ! comme ce titre évoque le grand Meaulnes, le roman si célèbre : la jeunesse qui, des environs, va à la fête, un château et son parc. Mais le parallèle s'arrête là ; nous sommes à Salles-d'Aude et à l'atmosphère brumeuse d'Alain-Fournier répond la lumière du Sud, fin septembre, même sans les joyeuses colles de vendangeurs dans les vignes...

<< Chères Salloises et Sallois,

Le Maire et les élus en charge des festivités avaient prévu de relancer les animations à dater du mois de janvier 2022, accompagnées de la fête foraine sur la place Germain Canal.

Force est de constater que les services de l’Etat ont pris la décision de renforcer les mesures sanitaires ( variant OMICRON ).
De plus, plusieurs forains sur lesquels nous comptions afin d’assurer notre fête locale, nous ont informé de leur impossibilité d’être présents, étant eux même atteints par la COVID.
C’est le remord dans l’âme* que nous nous voyons contraints de ne pouvoir assurer les festivités telles que prévues....>> 

* "la mort dans l'âme" : correction faite sur la page facebook. 

Était-ce pour fêter un des Julien du calendrier ou Basilisse (1), démembrée puis décapitée pour cause de chrétienté ?  S'il n'y avait la municipalité pour informer des annulations dues au covid, on en oublierait la fête du village, un temps trois jours autour du 7 janvier. 

Pour clore, decrescendo, les fêtes de fin d'année, nous partions en groupes à Salles voir la fête foraine, souvent par un dimanche après-midi... Je parle pour nous autres, encore scolarisés, qui n'allions pas là-bas pour danser. Et puis, à Fleury, nous avions déjà bien profité des festivités de la Saint-Martin, ensuite de Noël et du jour de l'an, d'où le "decrescendo" de tout à l'heure. Une balade, une sortie ; la route passait par le four à chaux, en bas des oliviers qui, déjà plus le théâtre de guéguerres entre les boutonneux attardés des deux villages, servaient peut-être encore de lieu de rendez-vous amoureux. A Salles, les tirs, les loteries, l'odeur de nougat, les manèges, les autotamponneuses, les musiques et lumières arrivant à peine à estomper l'idée trop présente du lundi trop proche, des grilles, de la masse du lycée-prison à Narbonne. 

Une partie des attractions s'installait devant l'église Saint Julien et Basilisse, entre le square avec le monument aux Morts et le mur du château, dominé par un Christ monumental, peut-être ce qui reste de l'enceinte démolie en 1920. 

Le château de Salles, un temps domaine viticole, à présent à la mairie on dirait, avec un parc en bordure de la départementale, avec une aire de jeux... Fin septembre, covid oblige, en attendant les résultats du test (la pharmacie est en face), l'occasion d'aller voir surtout que nous avons tant tendance à négliger ce qui, pourtant à deux pas, nous reste inconnu. Qui plus est, un parc, des arbres vénérables, certes à la main de l'homme et pourtant si nature, et la satisfaction de profiter d'un bien jadis réservé à une élite sociale possédante... Si, si, ce n'est pas anodin dans un village ensuite socialiste... même si, en ce moment, la page politique narcoleptique LR.UMPS semble bien tournée, serait-ce vers des horizons incertains...     

(1) dans son dictionnaire topographique de l'Aude, l'abbé Sabarthès ne retient que saint Julien.

Une pensée pour Francis, qui a longtemps travaillé à Saint-Pierre et qui vient de nous quitter, à 71 ans... 

 Note : exceptionnellement les photos prises par un matin lumineux sont techniquement assombries, en plus du couvert initial sous les arbres, pour cadrer avec une nostalgie certaine sinon le spleen lors de la visite poussée plus loin.

Pin d'Alep.

Un cyprès on dirait... pour cause de contre-jour.

Un piboul, peuplier d'Italie ?

Laisser les arbres morts : une tendance actuelle très écolo... tant qu'il n'y a pas menace sur la personne...

 
Au milieu, ce qui fut peut-être jadis, une pièce d'eau avec nénuphars et poissons rouges... un peu le jardin de la Révolution à Narbonne, où les mariés se faisaient photographier... 

Et quand l'internet avoue ses faiblesses pour quelques photos légères en pixels, une seule solution, reprendre avec un nouveau post...

jeudi 6 janvier 2022

LES OISEAUX (2) A Mayotte aussi...

 https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/12/toi-et-les-petits-oiseaux-1.html

"Toi et les petits oiseaux" j'écrivais pour évoquer ce joli monde volant et chantant devenu rare, malheureusement. Mais pourquoi ce "1" annonçant une suite, or, rien, pas de brouillon en cours, juste quelques notes prises à la volée. Pour ne pas me dédire, l'inspiration du moment va-t-elle me servir ? 

"Dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es."

Et si avec quelques mots sur ce que j'entends et peut voir depuis ma terrasse, ou lire grâce à la petite bibliothèque qui me fait l'honneur de résister encore au climat et aux bébêtes des tropiques ? 
Loin dans la lecture des poèmes de Baudelaire, dont, vers 1995, il restait un exotisme pas encore complètement gâché, des vers sur une nature a priori généreuse, de fil en aiguille, me ramènent aux oiseaux, cette fois, de Mayotte. 
 
"Au pays parfumé que le soleil caresse" (A une dame créole 1841 Les Fleurs du Mal)

"Une île paresseuse où la nature donne 
Des arbres singuliers et des fruits savoureux
des hommes dont le corps est mince et vigoureux
Et des femmes dont l’œil par sa franchise étonne..." (Parfum exotique. Les Fleurs du Mal)

Là encore, concernant la nature, les hommes et les femmes comme tout a changé en moins de trente ans, il ne reste du monde encore dépeint par Baudelaire, que les cartes postales, sable badamier cocotier pour touriste voulant rendre jaloux autour de lui. Je vais avoir du mal à fermer cette parenthèse quand me parviennent les feulements cruels d'une tronçonneuse qui arrivera à mettre à bas les derniers manguiers centenaires. Malheur ! Un engin qui devrait être interdit à la vente ordinaire... Qu'il y ait un port de tronçonneuse comme il existe le port d'arme... L'Occidental en a-t-il pour autant la légitimité d'un donneur de leçon quand, avec la productivité en priorité absolue, nous avons éliminé nos haies, démembré pour remembrer une cohésion fragile que seule une chimie toujours plus agressive peut maintenir et qui à terme ne tient plus... 
 
Foudia_madagascariensis_-_Wüstenhaus_5 licence et auteur  spacebirdy  CC-BY-SA-3.0

Nectarinia_regia-Souimanga wikimedia commons Author Aviceda at English Wikipedia
 
Il y a quelques jours, les petits martinets migrateurs chassaient en zigzaguant, des couples de bulbuls se disputaient le territoire, un foudi, appelé cardinal bien qu'en habits de noce vermillon, babillait sur la pointe coupée d'une palme de bananier... Des présences agréables certes. Pas rancuniers ils chantent pour notre plaisir mais nous devons prendre conscience que ce petit peuple disparaît : moins de foudis, de bulbuls, de martinets, de corbeaux-pies, de martins tristes, de souimangas, ces adorables colibris locaux. Même le courol vouroudriou qui n'a pas tout pour plaire puisque sa vue perçante en fait un redoutable chasseur des caméléons qu'il assomme sur une branche avant de les avaler, semble moins commun. Et si peu de hou hou hou du petit hibou repoussé toujours plus loin pour cause de campagne qui se bétonne. Inquiétude même pour la chouette effraie qu'on n'entend plus si souvent lorsqu'elle se poste en début de nuit, elle qui régule la populace des petits rats des champs moins sympathiques et plus puants quand ils viennent s'installer dans les maisons. Ajoutons les pigeons des Comores toujours braconnés... 

Leptosomusdiscolorcrop courol vouroudriou wikimedia commons Licence Creative Commons Attribution 2.0 Generic Author frank wouters from antwerpen, belgium , België , Belgique

Finalement, avec mes oiseaux de Mayotte en deuxième volet, il faudra repasser pour un numéro 3 : les passionnés de la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) et leurs observations cette fois sur les bords du Golfe du Lion, le valent bien. 

mardi 4 janvier 2022

LE POUMAÏROL (10) Écho de la France profonde face à la morgue d'en haut...

 Roger et Serge, complices depuis des lustres, se jouent (légalement) des limites imposées par l'épidémie de covid. En décembre 2020 ils ont entrepris de monter voir un pays aussi montagneux que mystérieux, pour les filles de là-bas qui ont de toujours laissé un souvenir si pimpant aux hommes émoustillés de la plaine. Mais qui a bien pu entendre parler du Poumaïrol ? Sans l'existence et la disponibilité sur le Net de la revue FOLKLORE, même eux qui filaient d'habitude dans les Pyrénées ou vers la Catalogne, n'auraient jamais rien su de ce pays plus haut que les sources de la Cesse. Dans l'épisode précédent, ils étaient à Minerve, la cité cathare, avant d'évoquer la présence préhistorique des Hommes, avec les grottes et les dolmens. 

voir  https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/12/grottes-et-dolmens-avant-les-filles-du.html

Après les causses et les cañons datant du Jurassique et suite à un virage radical à 90 degrés vers la Montagne Noire, les compères montent droit vers le Poumaïrol. 

Roger : regarde de ton côté si tu ne vois pas comme des carrières de pierres... 

Serge : quel genre ? 

Fleury 1972. Diapositive François Dedieu.
 

Roger : très spéciales, ils en tiraient des meules pour le blé... la localité, plus loin, s'appelle Saint-Julien-des-Meulières. 

Serge : attends, je regarde sur le Net... Oh ! ils disent qu'ils en sortaient déjà vers 1100 : "du calcaire gréseux hérissé de petits grains de quartz" afin de ne pas écraser la farine... 

Roger : surtout que les fines particules de farine peuvent faire exploser le moulin : il suffit d'une étincelle et en frottant les pierres en font...

Serge : ... les meules sont difficiles à transporter : elles se cassent... L'activité a duré jusqu'au chemin de fer, quand, depuis La-Ferté-sous-Jouarre de bonnes meules de silex s'exportèrent dans le monde entier... 750 ans d'activité ici quand même avant qu'ils ne produisent plus que de la roche concassée pour les remblais des routes ou du rail. 

Roger : joli ! je les regarderai d'un autre œil, les meules du jardin public, à Fleury !  

Une rue de Cassagnoles, pour le charme de nos villages que nous nous devons de toujours apprécier, en se défendant de se lasser... wikimedia commons, Author Tybo2


Et oui, le paysage a changé, nous sommes passés de la vigne et garrigues aux prairies et forêts. Cassagnoles église et cimetière wikimedia commons Author Tybo2
 

Serge : à droite, quelque part, la Cesse de nouveau et la petite route à gauche, tu as vu ? Quel joli nom ! Cassagnoles ! 

Roger : et oui, ça fait cassole et cassoulet... comme celui qu'on mange ce soir... j'ai l'estomac dans les talons ! 

Serge : hop hop ! Et la tête, tu l'as pas dans tes chaussettes ? Tu n'avais rien trouvé, tu dis, sur le Poumaïrol ? Et bé, je te signale qu'à propos de cette route, on parle déjà d'eux et du plateau... 

Roger : d'elles ? des filles ? 

Avaient-ils des vignes sur Félines-Minervois ? Quel joli nom encore, entre nous ! Cette vue témoigne du passage net de la plaine à la montagne. Wikimedia commons Author Didierjeanbernardfourcade
 

Serge : comme tu y vas, ce qu'il y a de vrai, c'est que la vallée de la Cesse fait communiquer le Minervois et la Montagne Noire, qu'il n'y avait pas que les filles qui descendaient proposer leur force de travail... je lis qu'ils avaient des vignes dans le Haut-Minervois... ils remontaient la vendange, de nuit, avec les vaches, jusque dans leur montagne... ils ont mis la photo d'un pressoir et une autre d'un foudre... 

Roger : c'est sûr qu'en plein jour, avec la chaleur, au bout d'une vingtaine de kilomètres sinon plus, le moût fermenté bouillonne comme la marmite d'Astérix... 

Serge : je ne sais pas s'ils avaient des comportes mais ils ne devaient pas presser le raisin... 

Roger : tu me fais penser à Marcel Scipion, tu sais, celui qui a écrit "Le Clos du Roi"... 

Serge : Ah oui... pour les parigots, encore un pauvre auteur de terroir, régionaliste, comme ils disent de ceux qui ne sont pas montés à Paris se rabaisser à faire valoir puis se faire voler leur talent ! 

Roger : et passe encore, pour ceux qui, même sans le dire, gardent le Sud, le pays natal au cœur, parfois avec la demande d'y être enterré... 

Serge : les traîtres sont rares mais, comment il s'appelait (1) celui de Corrèze, monté à Paris, qui crachait sur sa campagne et sur le parler abâtardi des gens ? 

Roger : oui, je vois qui tu veux dire. Son nom ne me revient pas... et tant mieux finalement... tu te rends compte qu'il se vantait d'avoir publié les milliers de pages de son journal intime ! de son pipi caca quotidien ! 

Serge : encore un qui se prenait pour Proust ! Et dire qu'il a été invité aux journées de Lagrasse... 

Roger : Oh ! là aussi on a affaire à ces fanfarons puants boboïsés... ils sont à la culture ce que les sectes congrégationalistes sont à la religion... d'ailleurs je crois, à Lagrasse aussi... Et pour monsieur pipi caca, n'en parle pas au passé, je n'ai pas envie de vérifier mais je ne crois pas qu'il soit mort... Et puis, après m'être bouché le nez et retenu la respiration, laisse moi prendre du Marcel Scipion à plein poumon ! 

Serge : dis-moi, oui, pour Scipion... 

Roger : de mémoire alors. Un point commun déjà, il habite un hameau en Haute Provence, à une altitude comparable à celle du Poumaïrol. Un peu de vin pour la force ! même aux pays des sources pures ! C'était un elixir, surtout concernant les longs jours d'été où il faut rentrer les réserves pour l'hiver ! Une force cosmique il disait, le magnétisme des profondeurs de la Terre lié à celui du soleil... Avec un peu d'eau ajoutée, pas l'inverse, je me souviens de ce détail, c'est important... Une vingtaine de kilomètres à faire jusqu'aux vignes de la plaine, là où il y a le lac maintenant... 

Serge : Serre-Ponçon ? 

Roger : non bien plus bas, sur le Verdon, non loin de Moustiers, regarde sur la carte... 

Serge : oui je vois, le lac de Sainte-Croix... 

Roger : si tu le dis... Marcel achetait le raisin à un copain marié là-bas, un berger de chez lui devenu vigneron. Il devait y en avoir pas mal ; ils descendaient avec deux mulets ; c'est vaillant le mulet ; les chemins étaient si cabossés que les grains s'écrasaient et pissaient le jus ; ils devaient presser de suite ; il donne même la recette de la piquette, pardon d'une piquette, rosée, pétillante, je l'ai encore en tête parce qu'ils mettaient dix kilos de bon miel et qu'aujourd'hui... au prix où est le miel, le bon je veux dire, d'une bonne provenance parce qu'avec toutes les arnaques, le sirop de sucre qui n'est pas du miel... 

(1) un nom que je ne dirai pas maintenant qu'il m'est revenu. Indice, il y a le mot "vergogne" dedans, je n'invente rien, avec le "v" se prononçant "b" comme dit en occitan, la langue que le personnage en question abhorre...     

samedi 1 janvier 2022

CHEMIN D'ÉCOLE (5) Le soleil roi, les facettes de la mer et des éclats de révolte...

Quel cépage ? Mourvèdre ? Syrah ?

Le chemin des "quaquatre", pas des charrettes non !

Pour quelle raison devrait-on se sentir inquiet, déjà délinquant, hors-la-loi peut-être, seulement pour vouloir prendre des chemins et fouler des espaces naturels ? Ainsi tout doit être possédé par quelqu'un ? A se retourner à peine sur un demi-siècle en arrière, le fait de voir que la propriété privée a pris le pas sur le domaine public semble flagrant tout comme un enrichissement indécent à milliards accompagne l'endettement, lié au covid, d'une communauté nationale si mal servie par les traîtres qui gouvernent. Non mais, vous l'entendez ce ministre de l'économie, transfuge LR, vendu à la macronie, qui nous assène qu'il faudra payer la dette rubis sur l'ongle ?!?! Et s'il se prenait un 1789 dans les dents, cet outrecuidant ? Et si le peuple souverain en venait à faire comme le monarque, justement, Philippe IV le Bel, affirmant "la plénitude de la puissance royale" ? Allez donc demander au Capétien s'il s'est gêné pour capter tour à tour la richesse du clergé, des Juifs, des Lombards puis des Templiers ! Que le peuple prenne exemple ! Qu'il réfléchisse aussi à ce principe peut-être indien mais si humaniste par rapport à de prétendues valeurs occidentales d'accaparement sinon de prédation... la terre, la Terre, n'appartiennent à personne ! 

Bien sûr que, bien qu'étant sur leurs traces, je suis loin de ces digressions historico-philosophiques alors que, tel un maraudeur, en papi indigne, j'essaie de me fondre dans la nature pour ne pas être repéré. Si le manoir des Bugadelles, par bien des aspects, exclut, repousse, évince, le domaine de Camplazens, ouvert, au contraire, ne campe pas sur ses prérogatives de possédant. Et si, dans le sens de ce qui précède, il y aurait à redire sur l'évolution peu positive de la chasse, touché seulement par le désir de découvrir un paysage qui compte pour notre famille, je monte vers ce qui s'annonce déjà comme une fusion entre le ciel, la mer et la fragile emprise des hommes sous un soleil roi. 

Montée vers la barre de Vires.

 

Vue vers le nord.

Vue vers Agde et plus loin, Sète.

Oh mais c'est donc là que la quête aboutit ? D'abord l'impression magnifique de ce paysage sublimé : les éclats de l'astre sur les facettes taillées d'une Méditerranée sertie dans la courbe du Golfe et la griffe, tout au fond, des Pyrénées. Car cette lumière magique reste liée à la courbure, à l'inflexion grandiose du Golfe du Lion, perceptible seulement du regard, une féérie que les cartes, ouvrant pourtant sur les rêves, ne savent pas montrer... 

Font écho, suite à "... l'enfant amoureux de cartes et d'estampes...", toujours de Charles Baudelaire, dans "Le Voyage", ces vers pour dire un peu l'esprit de cette randonnée : 

"... Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme, 
Le cœur gros de rancune et de désirs amers, 
Et nous allons, suivant le rythme de la lame, 
Berçant notre infini sur le fini des mers..." 
 
Et là haut c'est un autre poète qui prend le relais, plus intimiste, familier, déjà rencontré au cours de cette balade : 
 
"... Tout à coup son regard s’emplissait de merveilles :
Depuis le Mont Saint-Clair jusqu’aux Côtes Vermeilles,
Tel un vaste arc-en-ciel sur le sol allongé,
Le sable, de la mer semble prendre congé ;
Le Golfe du Lion secouant ses crinières
Brillait de mille feux et d’autant de lumières
Et, brassant dans l’air pur le bienfait de ses flots,
Enseignait aux humains la richesse des mots...
Plus loin, elle voyait un bras des Pyrénées
Caresser en rêvant la Méditerranée,
Tel un amant distrait : l’œil pourpre du Levant
Tomber, à l’horizon, une larme de sang..."
Pierre Bilbe "La légende du Cascabel". (1) 
 
Les garrigues de Vires.

 

Avec Pierre qui, rappelons-le, a parcouru ce coin en tant que garde, observateur attentif et amoureux d'une nature qu'il aimait tant partager, le cascavèu est le grelot accroché au cou de la brebis, permettant au berger de retrouver ses bêtes et utile aussi pour protéger le troupeau contre les forces maléfiques... 
 
Pas la peine de chercher la chaumière des aïeux, ce n'est pas ici ! Avec, sur la droite, le radar de l'armée, j'étais préparé à ce demi-échec, il est vrai, poussé vers le sud que j'étais, par les panneaux et grillages comme les palombes le sont, lors de la migration, par les rafales d'un cers puissant. Néanmoins, avec la contemplation de ce panorama hors du commun à venir, la déconvenue sera vite oubliée. Et puis, cette barre rocheuse, le vallon abrité derrière, les vignes, les configurations sont comparables. Je suis au-dessus du domaine de Vires, non loin du point de vue, de la belle inspiration de Pierre, à peine plus au nord avec les campagnes des Karantes et Saint-Pierre-la-garrigue à ses pieds.   
 
Au fond la ligne bleue de la Montagne Noire.
 
 
Pour apprécier l'inflexion du Golfe du Lion, il faut choisir un autre moment de la journée.

Ce chemin d'école, dans son trajet retour, qui procure l'apaisement d'avoir, au nom de tous les miens, cherché à réparer un trou de mémoire, laisse pourtant un petit sentiment d'inachevé. Je n'ai toujours pas vu La Pierre, ce refuge lové dans une combe en pleine garrigue, un milieu complètement étrange, sûrement, pour mes aïeux, réfugiés économiques descendus des forêts et monts de l'Arize, passant d'un coup du frais au sec, du froid au chaud, des sapins et myrtilles aux pins et asperges sauvages. Nous ne verrons donc pas encore le débouché de ce chemin d'école qu'il serait peut-être judicieux et moins difficile de retrouver par l'autre côté, en partant de la côte, dos à la mer. De plus, le mot "FIN" a quelque chose de brutal ; dans bien des situations, même positives, il laisse souvent  son goût sucré-salé, aigre-doux, sa pointe d'insatisfaction, comme si on se retrouvait soudain abandonné, orphelin de quelque chose. Alors, pour que ça dure encore, accolons lui un "5", ce n'est qu'un cinquième volet, une balade du cœur à poursuivre...  

(1) Le Cascabel, l'IGN nous le mentionne deux fois. La carte au 25000ème indique deux ruisseaux à ce nom, de ces cours d'eau qui ne savent que rouler la colère des cieux, quelques jours par an. Quand l'un s'en va vers l’Étang de Fleury pour former celui du Bouquet après son cours souterrain, l'autre contribue avec, notamment, le ruisseau de la Combe Figuière (le ravin que seul le chemin des "quaquatre" sait franchir), à former celui de Combe Levrière finissant, hors aigats, en toute discrétion, dans l’Étang de Pissevaches.