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samedi 8 janvier 2022

DANS NOS TÊTES ET NOS ÂMES, LES OISEAUX (3)

Sans donner dans le verbiage, est-ce que quelques idées et pensées arriveront à plaider pour ces oiseaux petits ou grands, qui chantent leur quotidien puis disparaissent sans faire de bruit... Mais qui donc a écrit un roman au titre évoquant la légende de ces volatiles qui s'empalent sur des épines afin de mieux chanter en mourant, manière d'illustrer le choix cornélien, pour un ecclésiastique, entre l'amour de Dieu et celui, terrestre, d'une femme. Bien que ne comprenant pas le parallèle entre l'oiseau et le prélat, ou la femme, ou les deux partenaires, qui sait ? la traduction en français :   "Les oiseaux se cachent pour mourir" m'a beaucoup touché...  

Ce n'est pas qu'elle rappelle ce qui est arrivé à l'abbé qui a encadré notre "retraite" avant la communion solennelle, lui qui a préféré la femme, quitte à fuir loin des dénigrements. Chose qui, dans le temps, ne m'a jamais choqué, au contraire. Non, c'est ce remords pour les oiseaux, qui dure, anachronique certes, mais parce que nous balancions entre sensibilité et barbarie. 

A l'école, mieux que ne l'auraient fait des films, parce que le poème imprime les images de la lutte pour la vie de ces compagnons de tous les jours, comment ne pas s'émouvoir de la mort alors qu'une peur irraisonnée, éludée par les adultes, assaille en permanence les enfants que nous sommes. 

"... Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l’hiver !
Pourtant lorsque viendra le temps des violettes,
Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes
Dans le gazon d’avril où nous irons courir.
Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir ?

François Coppée. 

" La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.../

... Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n’ayant plus l’asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.

Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur œil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu’au jour la nuit qui ne vient pas."

Nuit de neige. Guy de Maupassant. 

A la maison, parce que même sous la lampe, en hiver, avec celui des fleurs, bien en couleurs, le loto des oiseaux contribue à attendre sereinement le printemps, à rêver du vert sur les arbres encore dénudés...   

Sauf que, en grandissant, devenu galopin, le garçon en vient à ricaner de la sensiblerie de Coppée ou de Maupassant. Il se coltine à ceux de son âge et ne veut que suivre l'exemple des grands qui ne s'en vantent pas mais ont du sang sur les mains. Alors il chasse à la "flèou", au lance-pierre (1), facile à cacher sous la veste ou dans une poche large car les gardes veillent, la chasse étant un droit réglementé. Quelques années plus tard, s'étant loué pour les vendanges, il part à Narbonne, acheter une carabine à plombs (2) allemande, chez l'armurier. 

Et une des chasses les plus lâches est celle dite "à la luminaïre". Le faisceau d'une lampe de poche dévoile un oiseau dans le lierre, les cyprès ou platanes, jusque ceux devant la mairie. Le temps de se réveiller, de se demander ce qui arrive, les pattes du petit animal qui dit son étonnement, décrochent ; et il tombe, mort.

Pour preuve de mon remords ineffaçable, toujours aussi difficile à exprimer, dans ce blog même : 

moineau friquet au Japon wikimedia commons Author Laitche
 

en juin 2017 : 
"... Il est sorti, le garçon à la carabine, de sa cachette. il a ramassé les petits cadavres encore chauds, plutôt content. Mais pas cette satisfaction instinctive du paléolithique. Pour preuve : il a jeté sa chasse à quelque chat en maraude.
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2017/06/lou-muraillet-cest-le-moineau-lete-en.html
 
mésange bleue wikimedia commons Author Estormiz

 
en avril 2019 : 
"... Le ruisseau, lui, entretient le souffle vital sur ses bords : des arbustes, des frênes de belle taille, des bergeronnettes hoche queue. Le rouge du sang dans ma main, une mésange bleue, me rappelant à jamais que le respect de la vie n’est pas à prendre à la légère..." 
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2019/04/prisonnier-comme-jamais-le-dernier.html 
 
Carduelis_carduelis Chardonneret élégant wikimedia commons Author Marie-Lan Nguyen

(1) pour les moins dégourdis, une armature en fil de fer fort et torsadé pour donner un manche rigide. Pour les gamins de la campagne, la fourche d'une branchette dont la base a la grosseur du pouce. Gris et carré, fixé avec un bout de cuivre ou de nombreux tours de fil de laine (rouge dans mon souvenir), l'élastique s'achète au mètre chez la buraliste. José, qui habitait la rue Neuve, était un as de la "flèou" (une seule syllabe). Je ne sais toujours pas ce qui lui a pris lorsque, lors d'un plein-air scolaire vers la bergerie, il m'a indiqué un nid de catarinettes (chardonnerets) dans un vieil amandier. J'étais si heureux de cette confiance inattendue, que pour rien au monde, je n'aurais divulgué le secret à quiconque ! 
La flèou a fait aussi beaucoup de victimes chez les colombrines, les lézards des murailles, si rares aujourd'hui, tout comme le lauzèrt, le lézard vert.  

(2) de marque Diana. José, de la rue du Pré, avait une 25 (le nombre indique le poids je pense), moi une 27. La plus puissante au village, une 35, était celle de Gérard, développant deux fois plus de joules que la 25. En gardant le canon armé, on arrive à la camoufler, sous une veste ample et dans une manche, le temps de sortir du village... José, j'espère que tu tiens le coup... Gérard nous a quittés en 2014 (67 ans) tout comme Néné (61 ans) qui nous ouvrait l'accès aux vastes dépendances du plus gros propriétaire local. En 2002, c'est le cœur de Patrick qui lâchait (50 ans). il était un peu sabraque, un peu brise-fer. je lui avais prêté la carabine... il me l'a rendue avec la hausse cassée... Il y a longtemps que je ne lui en veux plus. La hausse, je ne l'ai jamais réparée, j'aime penser à lui chaque fois que je touche l'arme...
 
... Parler de ceux que nous avons aimés, plus ou moins proches, d'une manière ou d'une autre, c'est honorer la vie en prenant d'autant mieux conscience que même souvent si cruelle, elle reste pourtant extraordinaire... Au sein de la nature, les oiseaux aussi, bien sûr, chantent la vie, formidablement... Que chacun, à son niveau, fasse en sorte d'être positif à leur égard. 

PS : et moi je voulais parler des observations faites par les "ornithos", entre le Grau de Vendres et Gruissan... Nous remettrons l'ouvrage sur le métier, ils le valent bien les oiseaux qui, pour ne pas nous culpabiliser, se cachent pour mourir...