mercredi 27 mai 2015

UN ASPECT DU "POLITIQUEMENT CORRECT" DE MEDIAPART (fin) / Mayotte en Danger

Suite et fin des pistes évoquées pour nuancer le "politiquement correct" de Mediapart, figé, partiel, un brin provocateur dans son récent article, limite marronnier : « A Mayotte, "comme au temps des colonies"». (en couleur, ce qui émane de Mediapart d'après la synthèse faite ici dans la presse locale [FMM])

"les ghettos blancs..."
Les administrations jouaient les rabatteurs (à la lecture du livret d’accueil du vice-rectorat, encore en 2011) et le fonctionnaire nommé à Mayotte était systématiquement aiguillé vers la SIM (Société Immobilière de Mayotte / le président de l’époque était le député Henry jean-Baptiste), une SEM impliquée dans des affaires "économico-politiques" encore à la fin des années 90. Ce parc immobilier existe néanmoins : il a  l’inconvénient de regrouper les métropolitains pour la bonne et simple raison que les volontés affichées de mixité sociale ne s’accompagnaient pas d’aides pour l’installation de locataires locaux aux moyens plus modestes. Une situation qui n'a jamais empêché des métropolitains, moins visibles, de louer un logement aux Mahorais. 
http://wongo.skyrock.com/1543717712-Le-premier-grand-proces-d-un-scandale-financier-a-Mayotte.html

 "les expatriés..."
Toujours dans les années 90, chaque année, l’armée organisait, au su et au vu de tous, un exercice « d’évacuation de ressortissants ». Était-ce pour vider la Grande-Terre de tous ses habitants (tout ce qui était "stratégique" se trouvait sur Petite-Terre, à commencer par l'aéroport) ? Était-ce pour sauver des Français plus français que d’autres ? 


                                              Détachement de la Légion Étrangère à Mayotte.


"les plus grands bidonvilles de France..."
Sans omettre de mentionner que la pauvreté est une réalité pour des nationaux, l’arrivée massive et continuelle d’immigrés clandestins (pour laquelle la responsabilité de l’Etat est totale) se traduit par l’édification de bidonvilles partant à l’assaut des hauteurs à Kaweni et Kavani, quartiers nord et sud de la préfecture Mamoudzou. « En brousse », ce sont des baraques de tôles, une installation suivie de défrichages qui viennent encore réduire le couvert forestier (des manguiers centenaires en font malheureusement les frais). 

« certaines pratiques administratives vécues par la population peuvent faire penser au système colonial »...
Inutile d’ergoter, les pratiques des grands corps de l’Etat (nominations, promotions, rivalités internes) entretiennent un néocolonialisme certain et l’ethnocentrisme de certains arrivants métropolitains ne fait qu'aggraver ce ressenti. A noter que malgré le statut de département, le préfet détient une grande autorité ; il chapeaute toute l’administration, comme au temps des gouverneurs. 

Le problème de la langue lié à l’illetrisme,  « le shibuschi étant comparé au créole qui hier était interdit dans les salles de classes »
Le jacobinisme mettant hypocritement en avant « la république indivisible » démontre un despotisme certain qui bride les langues régionales (c’est toujours le cas dans la récente réforme du collège). Il est plus consensuel, moderne et boboïsant de promouvoir la langue arabe après l'anglais comme le fait insidieusement France 24, à longueur de journées, dans son écran de présentation... A Mayotte, le vice-rectorat reste toujours dans le rétropédalage : les annonces périodiques, depuis une bonne vingtaine d’années, au sujet des langues locales, maternelles (le shimaoré empreint de swahili et le kibushi dérivé du malgache) en attestent. Des conférences, colloques, symposiums quand ce ne sont pas les "séminaires" [Ined, Cresoi, etc. et le Centre Universitaire de Mayotte qui a sa « fiche séminaire » !] parce que ce n’est pas grave d’user de terminologie religieuse...) ont bien bénéficié de l’effet d’annonce sauf que les intentions affichées n‘ont jamais débouché sur du concret. 
Sur ce sujet, Mediapart a mis à contribution un syndicaliste apprécié pour son parler vrai, Rivomalala Rakotrondravelo : « On nous interdit de recourir à notre langue avec les élèves, même quand ils se trouvent dans une situation de blocage et d’incompréhension. quoi qu’il arrive, il faut parler français. mais c’est impossible. Alors les collègues se cachent quand ils veulent expliciter certains points. S’ils se font surprendre par la hiérarchie, il arrive qu’ils soient insultés, accusés de ne pas savoir enseigner en français.» Consterné, il ajoute : « les langues régionales ont une vraie place dans l’enseignement des autres départements français mais à Mayotte, on décide de les nier, entièrement. »
Il est gentil "Rivo" mais je ne peux que lui conseiller la désobéissance civile, serait-elle professionnelle... A petites doses, la référence à la langue locale ne peut être que positive tant sur le fond que sur la forme ! Pardon de me mettre en avant mais j’ai été "mauvaise herbe" et la République m’a protégé puisque ceux qui la détournaient en prétendant la servir n’ont pas réussi à me "casser"! Est-ce le cas aujourd'hui ou sont-ce les busards noirs accapareurs de l’École de la République qui auraient pris le dessus sur nos valeurs démocratiques ?  

Médiapart glisse ensuite en terrain dangereux en distinguant par la couleur de peau : les « mzungus » (le pluriel en shimaoré serait plutôt "wazungu(s)") sont « les hommes blancs »
... Pourquoi ne pas parler de "métropolitains" même s’il vaut mieux parler généralement de « l’homme » quand il est pointé, mis en cause. A Mayotte, donc en France, c’est la manière d’être et de faire de notre administration qui est déplorable notamment lorsque perdurent des avantages peut-être indus. Commençons par dénoncer la faveur d’une nomination de préfet « hors cadre » (en métropole) ou la rallonge de 10400 euros ajoutée aux 15000 euros de prime pour « manière de servir », allouée le 28 décembre 2014, en catimini, aux recteurs et vices-recteurs (en France d’Europe et à Mayotte) ! L’exemplarité d’abord avant de pinailler pour le gros de la troupe puisque l’écart entre les pauvres et les favorisés reste trop marqué encore ... 
 
A ce propos, Olivia Müller, la journaliste relève : « "... ces primes sont indécentes et ont des effets pervers très nets. Certains collègues sont persuadés de devoir accomplir une mission civilisatrice, persuadés de devoir apporter les Lumières au peuple mahorais, persuadés que sans eux l’île s’enfoncerait dans le chaos et que c’est précisément pour cette raison qu’ils sont bien payés'' s’indigne un prof de philo au lycée de Sada.»
Encore une fois, tant que l’État dans ses plus hautes sphères ne démontrera pas autre chose qu’un opportunisme à gouverner et à s’arroger tous les pouvoirs, tous les racismes et néocolonialismes trouveront à s’exprimer. 

Sans m'inquiéter davantage, je résilie mon abonnement à Mediapart qui, entre parenthèses, ne m’a jamais donné le mot de passe de connexion malgré les 9 euros que je leur laisse chaque mois... ma BA pour la liberté de la presse. 


photos autorisées 1. pixabay 2. commons wikimedia.


dimanche 24 mai 2015

LE PEUPLE ÉLU DE L'EMBOUCHURE.../ Fleury d'Aude en Languedoc

Parmi les grands projets qui ont concerné notre commune et son voisinage, bons ou mauvais, certains ont abouti, d'autres non.

Chronologiquement, en 1963, suite à la perte de la base de Reggane en Algérie, citons le projet de cosmodrome entre Pissevaches, Lespignan et l'étang de Vendres. Finalement il se fera à Kourou, en Guyane. 




L'aménagement touristique du littoral par la mission RACINE (années 60), se traduira seulement chez nous par les campagnes de démoustication, et, de façon moins directe, par le développement imputable à la création des stations nouvelles (Gruissan non loin).

Au début des années 80, la possibilité d'une centrale nucléaire a mis dos à dos tenants et opposants, heureusement avec le résultat que l'on sait concernant cette énergie soit disant propre et indépendante (sauf que l'uranium vient surtout d'Afrique !) et malgré la manne en milliards potentiellement alléchante...

Encore dans ces années 80, des scientifiques menés par monsieur Pignolet ont repris l'idée du cosmodrome européen sur les étangs de Vendres et Pissevaches. Cette "chance" des 200.000 emplois pour Narbonne-Béziers ne se concrétisera pas, au grand soulagement de ceux qui préfèrent une nature d'étangs et d'oiseaux.

http://www.montpellier.fr/uploads/Externe/d0/398_254_FRAC34172_MNV097_041987.pdf

Dans ces mêmes années 80, l'architecte Roland Castro travaillait sur le projet NYSA (« la vallée retrouvée ») pour une station de 20 000 lits à l’embouchure de l’Aude reliée au canal du Midi ! Plus fort que l'arche de Bercy, un bâtiment enjambant le fleuve était prévu, non sans se soucier, paraît-il, de l'intégration à l'environnement ! Vaut-il mieux être sourd que d'entendre ça ? 


Après tant de périls sinon autant d'occasions ratées, le peuple élu de l'embouchure de l'Aude hérita enfin d'une bulle qui devait accueillir Mitterand sous l'eau et J.L. Chrétien, ex adepte de Pignolet, dans l'espace ! Une "chance" pour nos impôts qui grimpèrent d'un coup de 30 % ! Mais plaie d'argent n'est point mortelle... Et s'il faut refuser les pompes à fric et tout ce qui est sale chez les politiques et les flatteurs divers (1), restons heureux et optimistes, en gardant ce qui demeure de la "vallée perdue" !

http://anticor11.org/?p=366 (17 avril 2010).

(1) dont le publicitaire Séguela qui en aurait eu l'idée... vous savez, celui de la montre de grande marque, ce gars-là... 


vendredi 22 mai 2015

LE NATUREL DE MEDIAPART / Mayotte en Danger


Dernièrement, le site Mediapart a publié un reportage << A Mayotte, "comme au temps des colonies" >>. Localement, Kwezi FM et France Mayotte Matin en ont fait état parce qu’une fois de plus, une certaine bien-pensance trouve normal de toujours aborder le sujet plutôt dans une optique trop sûre de sa morale, de son progressisme, de son sens de l'Histoire. Revenons sur ces écrits pour ce qu’ils disent de partiel, d’univoque... pour quelques nuances sans prétendre que toute la vérité est là, sans tomber dans le travers dénoncé ! (en gras, les thèses de Mediapart)


"Mayotte partage avec les autres îles de l’archipel des Comores, culture, langue, religion et passé colonial..."
Le dire ainsi des Alsaciens, des Bretons, des Chtis, des Occitans, des Basques, des Catalans, des Auvergnats (liste non exhaustive) reviendrait à gommer les différences culturelles (animisme plus marqué à Mayotte), de langue (le shingazidja de la Grande-Comore est incompréhensible pour les trois autres îles). Même l’histoire coloniale n’est pas la même pour ce qui est de la chronologie, du statut (Territoire ou Protectorat). Il ne reste que la religion et si elle est "contenue" à Mayotte parce qu’elle est la France, de nombreux locaux s’en félicitent, serait-ce en toute discrétion. 

« Mayotte devenue le dernier département français par référendum en 2011...»
Le dire ainsi c'est faire croire au lapin sorti du chapeau alors que Mayotte demande inlassablement le statut de département depuis 1958 au moins... En outre il serait honnête de préciser que pour le moment, la départementalisation se marque par plus de devoirs que de droits. Est-ce utile de préciser que le citoyen à Mayotte coûte 4700 euros à la collectivité alors que le métropolitain bénéficie de 17300 euros, soit quatre fois plus ! (certains chiffres de l’Insee ne souffrent pas l’ambigüité).

"soumission à la France de peur de se faire éjecter"
Si la posture reflète le rapport du petit au puissant, la cession d’un territoire est légalement, constitutionnellement impossible sans le consentement des populations intéressées (article 53 de la Constitution). Néanmoins, le fait de ne pas se donner les moyens contre l’immigration clandestine (voir plus loin les conséquences), pourrait aboutir à un largage, issue qui contenterait le camp prétendument anticolonialiste et contempteur d’une soit disant légitimité onusienne !
Dans quelle mesure ce rapport de force annihile la demande locale alors que tous les secteurs socio-économiques sont sinistrés ?

"La petite île de 374 km2 pour 212000 habitants..."
Le dire ainsi, c'est oublier que l'Insee justement a pour consigne d'embrouiller si des chiffres fâchent, ce qui rend ces derniers d'autant plus difficiles à trouver, à trier, à décrypter. Depuis 2014, dans les interventions publiques des édiles, des élites, le fait que les étrangers seraient plus nombreux à Mayotte que les nationaux est implicitement reconnu. Pour contourner les statistiques officielles, en mars 2014, une enquête reprise par FMM (France Mayotte Matin) pour évaluer la population par rapport au tonnage de riz importé donne, au bas mot, un nombre compris entre 300 et 400.000 habitants (évaluation aussi avancée en 2015 par la Maire de Sada). 

"îles éparses et ZEE"
L’article lie la présence française à des intérêts sonnants et trébuchants liés aux ZEE (Zone Économique Exclusive) que Mayotte et les Iles Éparses valent à la France. Tout n’étant pas blanc ou noir, il serait utile de nuancer ces arguments lapidaires grâce à quelques pistes historiques comme :
- Andrian Tsouli, le sultan qui a vendu Mayotte l’aurait proposée aux Anglais...
- En 1974-75, la situation internationale (guerre froide, décolonisation, la France expulsée de la base de Diego Suarez, les immixtions dans la zone des Sud-Africains, des Chinois, etc...) a pesé sur le passage à l'acte de Mayotte
- Pourquoi garder Mayotte et non Djibouti au débouché stratégique de la Mer Rouge ?
(A suivre)

photos autorisées 1. flickr.fr A Moroni. 2. pixabay Vue de Sada. 

DES CERISES MAIS AUSSI DES CASCAMELS A TRAUSSE ! / Aude, Languedoc



Les cascamèls désignent les grappillons de raisin, parfois laissés, lors de la vendange, parce que leur maturation est décalée par rapport aux grappes... certains faisaient le bonheur des vadrouilleurs et des grives, encore en novembre. Toutes ces allusions ne peuvent mieux tomber : Luc, mon « vieux copain » cultive la vigne et fait son vin en Minervois, entre l’Argent-Double et la garrigue ! 





Trausse dans le dictionnaire topographique de Sabarthès :
Église paroissiale dédiée à saint Martin.
Évolutions du nom : Villa tesautani 842 ; Villa Tecsetani 843 Villa Trenciani in pago Narbonensi, in suburbo Ventaionensi 866 ; Trencianum 1142 ; Trauzanum 1167 ; Traucan 1216 ; Treussanum 1231 ; Traussanum 1245 ; Traucianum 1245 ; Trautianum 1270 ; Trausan 1595 Trausse 1781 Troòuso (vulg (1)).
Parmi les appellations diverses, les plus "plaisantes" : Cantecocu, lieu dit Trausse, 1231, Cantecouyoul (vulg) / Couscoulholes, localité disparue au contact des communes de Laure, Caunes, Trausse 936...
Les édifices religieux outre l’église paroissiale : Saint-Brès ancienne chapelle XVIIIème / Saint-Roch chapelle rurale Sant Roc 1536 Saint-Roch chapelle 1781 / Saint-Sernin ancienne chapelle Sainct Cerny 1644.
Autres : Chamans f / A l’estanholh 1536 / La leude, ancien péage le même que celui de Peyriac / Paulignan château ancien fief de l’abbaye de Caunes 1270 / Prax lieu dit 1163 / / Sainte-Férigoule col entre Trausse et Félines-d’Hautpoul Al colh de Santa Ferygolha 1536 / / Saisset ferme / La Treille ferme /

Luc, avez-vous des vignes, avec Jean-Yves, sur ces tènements ? Et à l’occasion, tu me préciseras ce que vaut le retour d’affection, à moins qu’il ne soit que commercial, pour le carignan, ce cépage qui me tient particulièrement à cœur... 



Dans le Trésor du Félibrige de Frédéric Mistral, nous pouvons lire :
Trausso, Tròusso n.de l. Trausse (Aude) village dont les habitants ont une réputation de naïveté comme ceux de Martigue en Provence.
PROV : A Trausso lous Auvergnasses dison la messo. A Trausso lous sants bufon.
Pour le premier, si "auvergnasse" signifie aussi pour les Lyonnais un vent de nord-ouest, sont-ce les gens de l’extérieur et que viennent faire ici les Auvergnats qui seraient plus écoutés que les locaux. Quant au second proverbe est-ce une allusion à la dévotion des habitants ? Une explication serait la bienvenue...
Mistral ajoute : Traussés, Trausseis, Traussanèl, Trauseso, Trausello habitant de Trausse v beco, estestassa
Autres allusions au village : Trausse localité disparue entre salines et l’île del Lec commune de Narbonne.

PS : à propos de la Calandreta, l’école occitane, est-ce celle des Cascamèls (les grappillons de raisin) ? Pour l’école encore, je ne peux que revenir sur cette jolie réflexion de l’ancien maire Julien Boutet : « En 1914, ceux qui sont partis à la guerre ne parlaient pas français mais occitan, on leur devait bien cela ! ».

(1) la mention "vulg" pour "vulgairement" signifie "dans la langue locale", donc en languedocien... Et comme Sabarthès ne saurait être coupable de mépris à l’encontre de son pays, on ne peut que penser qu’en 1912, c’était dans l’air du temps... Et puis, encore aujourd’hui, ils sont nombreux, les tartuffes de la démocratie à ravaler notre langue en tant que "patois"... Partageons et gardons en mémoire, plutôt, le respect, la dignité des paroles de l’ancien maire de Trausse ! 

 photos 1 & 2 http://www.domaineluclapeyre.fr/ 3 commons wikipedia

mercredi 20 mai 2015

LES CERISES DE TRAUSSE / Fleury d'Aude en Languedoc

En parcourant le dictionnaire topographique de Sabarthès, en plus de nos villages, une curiosité subjective m’a aussi amené à mieux connaître Sallèles, Ouveillan, en attendant la suite puisque le livre reste une porte ouverte sur notre département. Pour Trausse, ce fut d’instinct parce que, sur deux générations, une vieille amitié nous lie à ce coin du Minervois.
Il me reste au moins un éclair, un flash de ce voyage à vélo entre Fleury et Trausse, sur le porte-bagage paternel : l’eau, l’eau du canal du Midi ou du fleuve Aude sinon d’un étang, avant la "cluse" d’Argens. Nous devant, maman derrière. Le Cers, les kilomètres, moi dans un panier, l’époque difficile (1), rien ne les aurait empêchés de rallier ce clocher du Minervois. L’amitié appelait. Ils étaient jeunes. 



Pour vous dire combien ce village continue de compter pour nous, les souvenirs prendraient-ils le pas sur le présent, les années passant, parce que les amis aussi partent et que la vie sépare ceux qui restent. Reste l’espoir, néanmoins, qu’à un moment donné, deux vers partagés de la "bonne chanson" (2) confluent pour renouer le fil rompu, pour ne pas repartir aussi bêtement, chacun pour soi, dans le tourbillon de la vie (3).
Avec mon "vieux" copain, les voix se répondent comme si c’était d’hier, même si elles font comme si ce n’était rien d’échanger des dizaines d’années en quelques phrases à peine, en résumé, au plus court, bouclées en deux ou trois phrases ! En attendant la revoyure, promise cet été, cochon qui s’en dédie, les souvenirs affleurent...
Moi : Un panier de cerises chez ta tante à Laure...
Lui : Non, tu te trompes, la terre ne leur va pas...
Moi : Pourtant, et c’est ton père qui nous avait amenés...
Lui : Tu es sûr ? parce que les cerises, c’est à Trausse, même qu’on s’en est fait une spécialité et qu’on les fête chaque année !
Moi : Une « espécialité » (4), tu dis ? Tu fais référence peut-être à une traditionnelle fête des guines, non ? Mais puisque tu le dis, nous viendrons les manger à Trausse, les cerises ! Tu sais que mes parents parlent encore de ce panier que ton père avait descendu du Minervois... » 



Oui, félicitons-nous de ces manifestations qui entretiennent la vie des villages : Trausse fêtera ses cerises le 31 mai, pour la douzième année consécutive ! Une vitalité marquée aussi, pour les 500 habitants (ça se maintient, bon an mal an, même à 25 kilomètres de Carcassonne), par le souci qu’ils manifestent pour une Calendreta, l’école associative occitane. La langue, comme l’accent, au même titre que le vin... ou le Cers, expriment assurément la résistance contre un pouvoir central jacobin. Ne nous y trompons pas, le mépris, la vanité, l’ethnocentrisme de la capitale continuent de peser parce qu’"ils" honorent et respectent les différences au-delà des frontières autant qu’ils les dénigrent et les combattent en deçà... des Pyrénées !
Aussi, merci à l’élu de Trausse qui prend congé de ses administrés comme devraient le faire tous nos élus du Sud : « Adiusiatz a totes ( au revoir à tous ).Le Maire J-F Saïsset ».
Mince, nous n’avons pas parcouru la fiche de Sabarthès ? Ce sera pour lo cop que vèn, la prochaine fois, sans faute !


(1) 1952, après les vendanges. Le pays se ressent encore de la dernière guerre.
(2) j’aime ce titre du recueil de Verlaine qui, au lendemain de ses fiançailles, croyait voir l’avenir lui sourire. Ce que nous savons de sa vie témoigne, malheureusement, du contraire.
(3) comme dans la chanson.
(4) « La sardine Michaud est sur la place...
- Es uno especialitat d’aïci ? » Yves, père de mon «vieux copain » et copain de pension de mon père, lors d’une de ses visites à Fleury, alors que l’appariteur annonçait l’arrivée du poissonnier au village.

photos autorisées  1. Commons Wikipedia Canal du Midi à Ventenac Minervois (Peter Haas). 
                            3. Flickr.com Fête de la cerise à Trausse.