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mardi 19 juillet 2016

SI TU REVIENS JAMAIS À SAINT-PIERRE, UN DIMANCHE.../ Fleury d'Aude en Languedoc




« Quand on allait à Farinette, le dimanche... » (Maurice Puel). Ça sonne comme un prélude, quelques mesures, une ouverture. De Ravel ? Qui sait ? Ou alors une opérette ? Sinon une chansonnette à fredonner ?

« Si tu reviens jamais danser chez Temporel, un jour ou l’autre... »
                   Paroles André Hardellet, chanté par Guy Béart (1957 ?)

Si tu reviens jamais à Saint-Pierre, un dimanche...
«... Tu sais qu’on (sans doute Georges Laffon) avait pastiché la chanson de Georges Milton « C’est pour mon papa » au café des Pins qui appartenait alors au Cuxanais Maurice Fabre dit Moriss... / ... A Saint-Pierre, il avait cette année-là l’orchestre George Laffon (George était censé faire plus chic) et un garçon d’une grande dextérité, très élégant dans sa tenue et qui imprimait à son plateau chargé de verres et de boissons des arabesques remarquables. Un passage de la chanson disait :

« Tous les bons pastis ça c’est pour Moriss
Servir vite et fort ça c’est pour Victor
... Filets de bœuf, langouste et bouillabaisse
On en a tellement qu’on en laisse !
... Les jolis bostons, ça c’est pour Laffon...
La gaieté et l’entrain
Sont au Café des Pins
Et les bons pastis ça c’est pour Moriss !! »
                                              François Dedieu / Caboujolette / 2008.

Ce matin, le grec pousse ses nuées humides. Les estivants roupillent encore mais des fourgons foncent vers le marché, vrai ventre du secteur et de plus loin encore. Quelques "villas" (des cabanons plutôt, ce qui ajoute encore, à leur charme), se souviennent, comme celle de la petite tour, telle un castellet. En face, une plaque, énigmatique, indique la rue « du tunnel ». Qui peut bien se douter des défenses creusées pour les Allemands et de ce tunnel justement, utilisé par la suite comme champignonnière par Daudel, l’épicier de mes jeunes années ? 


Ce matin, sous la grisaille, Saint-Pierre vieillit mal et cette pinède dont elle ne se souvient pas veut rappeler que là où les maisons, les résidences et immeubles s’agglutinent, la garrigue de Périmont embaumait. Un vieux pêcheur désabusé me dit que c’est Alzheimer. Pour quelqu’un qu’on connaît, ça fout un coup !

Et le Saint-Pierre de l’oncle Maurice à la mine rougeaude dont le souvenir ne peut associer qu’un bon repas mêle aux cadavres de bouteilles en tas dans un coin ? 

Avant hier, depuis le front de mer, les Albères, l’échancrure du Perthus, la majesté du Canigou inscrivaient comme une signature sur la courbe du Golfe vers le sud.

«... et les Pyrénées chantent au vent d’Espagne
Chantent la mélodie qui berça mon cœur...»
                                      « Mes jeunes années » Charles Trénet 1949.

Était-ce l’annonce d’un temps marin et humide à venir ? Ce n’est pas le frais vent d’Espagne ni le gentil marin, plutôt le grec, lourd et amenant le mouillé (les viticulteurs seront contents). Entre le changement climatique et cette fraîcheur qui vient tout contredire, on ne sait plus sur quel pied danser... 

«... En passant avec les enfants, on dansait un air ou deux... Qu’est-ce que j’aimais ça ! Depuis la baraque ou même la caravane, on entendait les flonflons, c’était agréable » (maman).
Et papa de préciser ce que je ne savais pas :  « C’était la guinguette de "Binsou" : « Mets un disque Marie-Louise, on ne sait jamais...». Il n'a pas tenu longtemps, elle n’avait pas beaucoup de succès... »

Il se montrera le soleil, aujourd’hui ? Mon fils se lève. Le voici mon soleil et sa bonne petite bouille. Je ne lui dirai rien, pour l’alzheimer, ni pour cette nostalgie qui ronge telle la rouille en bord de mer. Il rit, il vit et Saint-Pierre toujours aussi accueillante, rend si heureux, même quand le drapeau rouge interdit le bain. 

« Une chanson, c’est peu de chose,
Mais quand ça se pose,
Au creux d’une oreille, ça reste là, 
Allez savoir pourquoi... »
                                                Les Compagnons de la Chanson.

lundi 18 juillet 2016

NOS CLASSES AVANT / Hommage à « Monsieur Puel ».

QUAND LE POÈTE RATTRAPE LE PROFESSEUR. 



Comme on cherche dix fois au même endroit tant on s’en veut de ne pas avoir mis de de côté ce qu’on ne retrouve plus, je l’ai longtemps cherché. En vain. Ne restaient plus que les regrets et ce chagrin de ce qui est perdu presque définitivement. Ainsi vont les clics sur le Net quand ce qui peut en sortir ne répond pas au caprice, au désœuvrement sinon à une pique de curiosité sans suite.
L’approche de l’été me reprochait en particulier la perte de ce témoignage sur cette ambiance d’antan pour nos Méridionaux qui allaient à la mer d’avant les touristes parce que le hasard avait mis la grande Bleue devant leur porte.

Au bout de l’Aude, nous gardons bien sûr, présents dans nos pensées le camping sauvage des années 60, la baraque sur le sable de 1934, le refus de tante Adeline qui, de peur de gâcher son souvenir, ne voulait plus revoir ce qu’était devenu le Saint-Pierre de ses vingt ans. On rappelle même combien les chevaux aimaient le bain.
Il n’empêche, ce qu’en dit Maurice Puel vient non seulement conforter la mémoire mais l’enrichir de l’ambiance des années 1900, de la pruderie des mœurs, des divers attelages, pedibus, avec l’âne, le mulet, le cheval suivant qu’on était « pauvre ou cossu » ou entre les deux. Et le tableau dépeint par le poète est bien celui de chez nous, dépassant, sur le pourtour du Golfe, les 20 kilomètres qui voient nos trois fleuves (1) embrasser la mer.
Mais laissons la nostalgie sépia. Nous évoquions des clics anodins pour ne pas trop dire, en négatif, ceux qui, sur l’écran, pèsent lourd, si l’actualité amène à chercher un proche après un attentat ou une catastrophe. S’il n’est heureusement pas porteur de gravité et de malheur, le mien, néanmoins, dépasse la légèreté apparente liée à la quête esthétique d’une plage du temps de mes arrière-grands-parents.

Le poète, en effet, était mon professeur de français-latin en quatrième. J’ai même pris des cours chez lui, rue Voltaire, ne me demandez pas de quoi d’ailleurs. Sans perdre l’idée de Balzac « ... Nous ne pardonnons pas plus à un sentiment de s'être montré tout entier... » (v. Oc, Oc, NougarOC), je peux néanmoins avouer que les vers du poète (2), un demi-siècle après, me firent l’effet d’un trésor recouvré. Je crois bien m’être écrié sinon avoir pensé très fort « J’ai retrouvé mon professeur ! ». C’est que ses vers venaient conforter une grande humanité que les us de l’époque s’acharnaient à taire, à réprimer même. Le travail, la discipline ne s’accompagnaient que de sévérité, de dureté aussi, les sentiments, les émotions, la distraction étant, eux, trop facilement assimilés à la mollesse sinon la paresse et quoi qu’il en soit à une déficience coupable.
Moi, j’étais dans ma bulle, pour me protéger de la concurrence, rude, peu charitable, entre bons élèves. J’étais donc à côté, décalé, déphasé et monsieur Puel, pourtant tenu d’appliquer la grille d’évaluation étrécie de l’époque, ne m’avait pas accablé, lui, commentant seulement à mon père : « L’èimé ven pas avant l’age... » (L’entendement, le discernement ne viennent pas avant l’âge). 

Je n’ai compris que trop longtemps après. La voix douce, le phrasé du parler, le regard bienveillant, un certain sourire : autant de signes d’une clémente affection loin de la rigide inhumanité de rigueur chez des adultes aussi procureurs que censeurs. Ce doit être ça car que vaudrait mon intuition si elle n’était pas fondée ?
Maurice le poète m’a fait reconsidérer Monsieur Puel, le professeur de français-latin, au point de dire désormais « mon professeur ». Et ce qu’il a su être ne peut que libérer la tendresse qu’il inspire.

Avec le titre de son recueil, "Bourgeons précoces, fruits tardifs", veut-il nous dire que la poésie, il l’aime depuis toujours même s’il a tant attendu avant de se laisser séduire définitivement ? Sa fille Michèle (2) qui en fait un portrait profond mais tout en pudeur, confirme cette  facette attachante et détachée du poète :
   
« ... Je préfère aux lauriers cueillis dans les concours
Rester le troubadour de mon petit village », 
vers ultimes du sonnet « Modeste ambition ». 

(1) Hérault, Orb, Aude
(2)  grâce à sa fille, Michèle Puel Benoît, dite "Granette" et nichant, cela ne s’invente pas, à Saint-Maurice-Navacelles et qui honore si joliment la mémoire de son père. http://www.contes-recits-sornettes.com/pere.htm

mardi 12 juillet 2016

LES CORBIÈRES VIII / Un pays de Cers !


Un des cœurs des Corbières plurielles bat entre deux plis comme aux ordres du Pech de Bugarach (1230m) au midi et qui descendent vers l’Est. Le premier court sur 15 kilomètres au sud de la D613, la route des Corbières, entre les localités de Serres et du Pont d’Orbieu (de 800 à 515 mètres) (1). Le second, sur 23 kilomètres en gros, passe au nord de la D14, entre les villages de Bugarach et Rouffiac-des-Corbières, dépassant souvent les 900 mètres (Serre de Bouchard 931 m., Milobre de Massac 908 m.) pour redescendre autour de 600 mètres vers Laroque-de-Fa et Davejean (2). 


Vous êtes perdus ? Alors ne parlons pas des confins, de la Table des Morts vers Dernacueillette, de ce levant limité par la masse Mont Tauch (917 m.),  d’où sortent le Sou affluent de l’Orbieu et le Torgan qui rejoint le Verdouble lui-même allié de l’Agly.
Repérons-nous plutôt sur la D 74, à peu près entre les deux lignes de relief initiales, depuis Rennes-les-Bains vers la source salée puis le cours de l’Orbieu (3), par Sougraigne, Fourtou puis le contrebas d’Auriac, autant de villages où les morts des monuments pèsent plus que les vivants qui restent... 


Vous y êtes ? Rien de grave... Chacun reste libre de rêver, d’imaginer... Pour moi, néanmoins, pas question d’inventer : les Corbières sont porteuses de tant de beauté, de nature, d’humanité et d’Histoire, de mystères... élucubrer serait leur manquer de respect.
Avec les reliefs apparemment en désordre à cause des Pyrénées, il faut considérer le climat sinon les climats. L’Océan, la Méditerranée, l’altitude influent sur notre secteur. La température moyenne annuelle (11,7°) est de 3,5 degrés moindre qu’à Carcassonne ou Narbonne mais les vents (4) et surtout le Cers (de NO) y sont également forts. L’été est chaud mais moins sec qu’autour du Golfe du Lion. Il pleut plus régulièrement et davantage en moyenne d’octobre à mai (750 mm à Arques). L’humidité relative est favorable à la forêt qui profite des espaces désormais vides d’hommes, des hommes qui subissaient jadis des hivers plutôt froid, avec des brouillards et la neige parfois (5). 


En descendant vers Arques, je me souviens d’une combe aux châtaigniers où nous avions acheté du miel (peut-être vers le lieu-dit Perruche et vers 1961 ?). En montant le col du Linas depuis Camps-sur-l’Agly, je me souviens des fraises des bois. A Bugarach (6), je me souviens des bergeries qui se touchaient avec le panneau haut de la porte ouvert pour que les chèvres profitent du jour (vers 1975, le village vivait à l’écart des racontars farfelus qui le mirent il y a peu, sous les feux des projecteurs !).
Depuis ce cœur des Corbières, viennent chanter la Rialsesse, la Blanque et la Sals, l’Orbieu et bien des ruisseaux, l’Agly avec, parce que Nougaro nous en livre un instantané à Paziols, le Verdouble que nous chercherons et suivrons avec un plaisir toujours neuf !      
   
(1) Passe au col du Paradis 627 m..
(2) Passe les cols du Linas (667 m.), de Bancarel (496 m.), d’en Guilhem (477 m.).
(3) Après le col de la Fage (731 m.).
(4) "Les  vents  : le  cers  est  un  vent  de  secteur  nord-ouest, violent  et  froid  qui  apporte  les  pluies océaniques. Le vent d’autan (marin) est un vent de  secteur  sud-est  qui  fait  remonter  les  masses d’air humides de la Méditerranée et apporte aussi des précipitations" Centre Régional de la Propriété forestière Languedoc-Roussillon 2001.
(5) Un joli conte de Noël a pour cadre la neige entre Limoux et Saint-Louis-et-Parahou du temps des charrettes. Demandez toujours, si j’oublie, en décembre. 
(6) Les lutins Bug et Arach n’ont-ils pas intercédé auprès de Jupiter pour que les habitants soient délivrés des destructions colériques de Cers, fils d’Éole ?    
photos autorisées : 
1. Bugarach_vue_générale auteur Arno lagrange GFDL CC-BY-SA-3.0 
2. Carte_des_Corbières.svg auteur Boldair
3. Rennes-les-Bains,_pont_sur_la_Sals auteur CORLIN
4. Arques château auteur Romain bréget

vendredi 8 juillet 2016

LES CORBIÈRES VII / Le VERDOUBLE de Nougaro !


« On l'appelle le Verdouble
La rivière qui déroule
Ses méandres sur les pierres
La rivière des hautes Corbières... »


Les muses ont toujours été généreuses avec Nougaro. Elles n’avaient pas besoin d’un cadre aussi beau que celui des Corbières pour s’épancher. Il n’empêche, entre grandeur et mystères, parmi tous les petits pays sertis dans un désordre de reliefs trop pluriels et regroupés, pour la commodité, en tant que "massif", Nougaro a installé ses pénates et ses muses à Paziols dans l'Aude.
Le village se blottit au fond d’une cuvette rutilante de vignobles qui donnent des vins rubis de carignan et grenache, ambrés de maccabeu ou muscat. Acagnardé au pied de l’imposant Tauch, un peu protégé des rafales du Cers qui, en compensation dispense un soleil généreux, le bassin respire une vraie douceur de vivre. Les fontaines, les Verdouble, grand et petit, apportent une fraîcheur tenant du miracle sous ces paysages grecs... Attention pourtant aux humeurs changeantes sinon coléreuses de la Méditerranée : des Pyrénées au Mézenc, la bordure montagneuse reçoit en automne des précipitations en quantité et l’eau vive des Corbières peut faire peur (1).

« Il scintille le Verdouble
Mais le cours de son argent
Ni les dollars ni les roubles
Ne te le paieront comptant... »


Certes Claude mais il en a coûté des misères, le gentil Verdouble.
1999 reste dans les mémoires mais en 1987 à Padern, à la confluence du Torgan, la crue est montée plus haut. En 1962 et 1970, à Paziols l’eau a atteint des niveaux comparables et 1940 l’a vue à peine en dessous tandis qu’à Padern, le pont après le Torgan était emporté. En 1920, à Paziols, l'inondation, un mètre encore plus haut, a envahi le village et la mairie. (2) 

Sinon, comment refuser le positif et la vision poétique, mythique même de la rivière ? La sinistrose est hors sujet, et puis elle n’a jamais empêché les sinistres...

«... Pas la peine que tu te mouilles
À percer ses coffres-forts
C'est dans l'œil de ses grenouilles (3)
Que sont ses pépites d'or... »


Restons au bord de l'eau, là où l'eau court encore vers des gorges. L’ondin, gardien des eaux, participe de cette magie partagée. Pépites d’or, argent, mixite émeraude... Entre autres trésors, Claude Nougaro a gardé plus que des "cailloux blancs" :

«... Dans les gorges du Verdouble
Sur un lit de cailloux blancs
J'ai composé ces vers doubles
Que j'espère ressemblants... »


Nougaro, échanson des nectars bacchiques, porteur d’eau des sources sacrées veillées par Divona, nous enchante de ses derniers vers d’une simplicité miroitante :

«... Si aux eaux de mon Verdouble
Tu préfères l'océan
C'est facile, tu les ouble...
Tu les oublies simplement. »


Toujours gosse, je les poursuis, les rivières des Corbières, hautes ou non, derrière toi, Nougaro, NougarOc plus que jamais !.. Depuis gosse... pour côtoyer les muses qui se sont penchées sur ton berceau !
Mais ce que je peux en dire... Autant écouter et réécouter Claude qui court en nous avec l'eau du Verdouble. 

http://www.dailymotion.com/video/xok33_claude-nougaro-riviere-des-corbiere_music

(1) Attention aussi aux orages violents de l’été.
(2) http://www.aude.gouv.fr/IMG/pdf/note_de_presentation_cle77e45e.pdf
(3) un gragnot, uno gragnoto, grenouille quel que soit son sexe en français, surnom des habitants de Paziols... (Mistral le notait dans le Trésor du Félibrige).

Photos autorisées Commons wikimedia 
1 village de Paziols auteur Frachet (2009). 
2 grenouille verte auteur Holger Gröschl (2003).  

jeudi 7 juillet 2016

OC, OC, NougarOC ! / Fleury d'Aude en Languedoc


La vie, par instants, s’éclaire d’une vive flambée mais c’est sous la cendre qu’elle couve longtemps son lot d’amour, quelques flammèches en témoignent, des fois. Sauf que ça ne se fait pas de se consumer en public, si, chez ces gens-là, « J’aime » c’est épancher son flot ! Et affirmer ses sentiments, en assumer la vigueur serait une preuve de faiblesse.

"Notre cœur est un trésor, videz-le d'un coup, vous êtes ruinés. Nous ne pardonnons pas plus à un sentiment de s'être montré tout entier qu'à un homme de ne pas avoir un sou à lui."
Honoré de Balzac --Le Père Goriot (1835)

Grillé, carbonisé ! Plutôt s’accepter dans le paradoxe, pleinement frêle et fort, yin et yang, braise qui s’éteindrait de ne pas déclarer ses flammes, de ne plus partager un feu avec d’autres entretenu.

Parmi les tisons qui sommeillent, entre âme et contre-cœur, il y a Nougaro. Nous parlions d’Occitanie à cause des turpitudes politiques, du jacobinisme exacerbé, macro sinon hydrocéphale... je ne sais plus et puis on boit du vin, dans le Sud, macarèl ! Avec Nougaro, l’accent, « il est loin mon pays, Toulouse », chantent l’Occitanie et si personne n’a oublié Nougayork, Nougaroc aussi nous prend aux tripes. 



Claude, c’est l’écho de la voix de papa, l’écho d’un pays qui aimerait vivre et respirer sans que tout ne soit dicté et imposé d’en haut. Claude, jongleur de mots dans la langue de tous, raison de plus pour ne plus tolérer la ségrégation visible d’un iceberg de racisme lampant contre le parler des ancêtres, dont ceux de 14, contre notre langue d’Oc (1). 



Claude est venu à moi, j’avais onze sinon douze ans, un jour que je me sentais libéré, passé le porche au classicisme imposant du collège municipal mixte de Pézenas, de l’emprise d’Henri IV, Vidal de la Blache et surtout des professeurs plus pressants et austères. Comme délivré de l’ascendance du Commandeur, m’adonnant aux rêveries aussi futiles qu’oisives de mon âge, je rentrais à la Buvette des Rosiers par le square du Poilu. Entre la mairie et le Cours Jean Jaurès, un quartier populaire de petites rues, d’habitations modestes et collées, à l’opposé des hôtels particuliers si prisés mais plus loin. Une mémoire facétieuse m’a longtemps fait fredonner « ...sous ton balcon, comme Roméo, ô ô, Marie-Christine...», alors que Nougaro était juste papa de Cécile, sa fille...
Monté à Paris, sésame incontournable puisque la province ne reste ouverte qu’à pas grand chose, Claude Nougaro, reste enraciné dans le Sud, « solide comme un roc ». Occi... occitan, son cœur reste entre Toulouse et les Hautes Corbières, en l’occurrence... 

(1) mise à l’honneur notamment par un autre Claudi, Marti de son nom occitan.    


    

vendredi 24 juin 2016

A BICYCLETTE ! / Fleury d'Aude en Languedoc.

C’est vrai qu’il y a les guines que nous chantons avec le Temps des Cerises et les beaux jours revenus, les bords de la rivière qui invitent à la pêche, les potagers qui étalent leurs offrandes (oignons, pommes de terre nouvelles, artichauts...), la vigne en fleur qui promet ses présents. Les frênes foisonnent dans les friches, formant un taillis serré où des passereaux cachés répondent aux trilles des chardonnerets, aux verdets et aux romances des rossignols gardiens de nids. Juin ! bouquet final du renouveau avant qu’un été torride ne l’accable. Le grand air oxyde les pétales pâlots des derniers coquelicots, on dirait avril : le printemps reste frais et s’attarde. Des amateurs de ce même grand air ont peint des coccinelles sur le goudron, la température est idéale pour la marche et les jeux de pistes.  

Un pont à voie unique, pavée de galets, passe l’Aude. Une petite plaque précise « Syndicat du Pont de la Gare Basse. 1928. Passage privé ». Un flot rapide fait onduler une chevelure d’algues, sur un haut-fond, peut-être un gué ancien. Malgré les orages d‘hier, l’eau reste verte, d’un vert précipité : on dirait le pernod des extraits de jadis, interdits et pourtant présents dans tous les placards des cuisines. 

De l’autre côté, la maison du pontonnier : son délabrement, suite à son énucléation, les poubelles déversées font l’effet d’un outrage ultime. Le contraste est total avec la grande vanne fonctionnelle, fraîchement repeinte,  qui, juste derrière, sur deux paires de mètres, ferme  le Canal des Anglais, un des épanchoirs drainant le lointain étang de Capestang (1). Le gardien du pont en était-il aussi chargé ?

Le chemin vicinal longe l’Aude : dans l’autre sens, en venant de Lespignan,  il permet de ne pas faire demi-tour quand la chaussée sous l’autoroute s’inonde.. Que les ploucs du coin s’en accommodent, eux qui ne pèsent rien contre le business vers Toulouse ou l’Espagne !
Un aigle ou une buse patrouille en se jouant d’un Cers qui fait pourtant défiler un chapelet de nuages. Entre les guigniers, les martelièiros (2), les vannes des fossés de la plaine rappellent le temps des immersions contre le terrible phylloxera... Plus bas, à La Pointe, papé Jean pompait aussi, à l’aide d’un moteur Bernard.



De ci, de là, une grange, offrant l’abri aux vignerons et aux montures, parce que le village se trouve à une heure et plus de route, avec sa réserve de bois pour la flambée, son gril, ses rats et tant d’anecdotes liées à la saqueto (3), la musette, la besace qui contenait le déjeuner.
Au bord du chemin, un cabanon à étage... pour le foin ou pour habiter ? Il en émane une beauté épurée, ruinée mais empreinte de dignité ; tout a été dépouillé, même le râtelier des chevaux, il ne reste que la mangeoire. Pourtant, vu de loin, le muret descendant vers le chemin apporte à l’esthétique et les tons crème de la chaux se marient bien à l’ombre tendre de deux platanes vénérables, ceux-là mêmes qui encadrent les pierres du portail et qui m’ont fait revenir pour la photo.

(1) l’Aude, fleuve côtier, appelé familièrement «rivière», est, comme nombre de cours d’eau méditerranéens, sujet à de brusques inondations, les Audencos. Ces crues sont causées par des aigats, plus communément nommés « épisodes cévenols ». Dans la Basse-Plaine, des étangs permettent d’écrêter ces excès (étang de Capestang, La Matte à Lespignan, étang de Vendres). Le lit du fleuve est artificiel ; le tracé de l’ancien lit subsiste, ses sinuosités qui marquent des limites plus nord avec le département voisin de l’Hérault attestent d’un apport important d’alluvions. (v. IGN géoportail).
Un deuxième drain, le Canal de France, débouche un peu en amont, à quelques dizaines de mètres à peine. Les noms sont-ils liés à une page d’Histoire ? 
(2) l’eau indissociable de la forge : une plaque indique le constructeur de la vanne, de son mécanisme : « Guiraud Jeune à Carcassonne », « Verlinde à Lille » et la troisième que je vous laisse déchiffrer.
(3) « Porter la saqueto » signifie « apporter son manger »  





jeudi 16 juin 2016

FRANÇOIS CAVANNA ET L’AMOUR DES LANGUES / mémoire de l'Europe

FRANÇOIS CAVANNA ET L’AMOUR DES LANGUES



François Cavanna, LES RUSSKOFFS, pages 154 à 157, édition Livre de Poche 1981, extraits :

« ... J’en profite pour travailler mon russe. Et aussi mon allemand. J’ai découvert que j’aime ça les langues. Surtout le russe. J’ai toujours sur moi des petits calepins que je me fais avec des prospectus de la Graetz A-G cousus ensemble. Avant la guerre la firme fabriquait des lampes à vapeur d’essence, marque « Petromax », ils en vendaient dans le monde entier (1)... /... le verso est blanc, c’est chouette.
Je note tout avec mon bout de crayon, j’arrête pas de poser des questions... /...
... Je suis pour la première fois de ma vie confronté à des langues à déclinaisons. Dépaysement brutal. Je demande : « pourquoi tu dis des fois "rabotou", des fois "rabotié", des fois «"raboti"», des fois «"rabota"», des fois «"rabotami"», et des fois encore de bien d’autres façons... /...
... la seule Russe qui parle un peu français, la grande Klavdia, m’avait dit : nominatif, accusatif, génitif, datif, instrumental, prépositionnel, vocatif. J’étais bien avancé. Rebuffet qui a été au lycée m’a expliqué... /... C’est là que j’ai compris la différence entre l’instruction primaire, même «supérieure» et l’instruction secondaire. Tu te rends compte ? Pendant qu’on t’apprend «complément d’objet direct», à eux, au lycée, on leur apprend «accusatif». A toi, on t’apprend «sujet», à eux «nominatif» !.. /... Voilà qu’il y a une grammaire pour les riches et une grammaire pour les pauvres, dis donc !
Enfin, bon, le russe, je m’en suis vite aperçu, est aux autres langues ce que les échecs sont à la pétanque. Comment des moujiks arrivent-ils à se dépatouiller là-dedans, et même à faire des choses drôlement subtiles, le russe est la langue des nuances infinies, va savoir ! Mais quelle récompense ! Quel éblouissement ! Dès les premiers pas, c’est la forêt enchantée, les rubis et les émeraudes, les eaux jaillissantes, le pays des merveilles, les fleurs magiques qui lèvent sous tes pas... L’extraordinaire richesse des sons dont est capable le gosier russe, la fabuleuse architecture de sa grammaire, byzantine d’aspect, magnifiquement précise et souple à l’usage... Oui. je tombe facilement dans le lyrisme quand je parle du russe. c’est que ça a été le coup de foudre ! J’aime le français, passionnément, c’est ma seule vraie langue, ma maternelle, elle m’est chaude et douce, depuis ma dixième année, elle n’a plus de coins noirs pour moi, je m’en sers comme de mes propres mains, j’en fais ce que je veux. l’italien, que je comprends un peu, que j’apprendrai un jour, je ne le connais qu’à travers le «dialetto» de papa, je pressens un parler doux et sonore, à la grammaire jumelle de la nôtre, un jeu d’enfant pour un Français. J’ai fait de l’anglais à l’école, j’étais même bon, maintenant je m’attaque à l’allemand, c’est une langue formidable, restée toute proche du parler des grands barbares roux casseurs de villes en marbre blanc, si je n’avais pas connu le russe au même moment, j’en serais tombé amoureux, je le suis, d’ailleurs, mais la souveraine fascination du russe surpasse tout, balaie tout... /...
... Il y a une autre raison, bien sûr. Sans doute la plus puissante : le russe est la langue de Maria !.. /...
... Les babas entre elles parlent plutôt ukrainien. C’est très proche, c’est un dialecte russe, mais enfin il y a des différences. «khleb» le pain devient «khlib» en ukrainien; «Ougol» le charbon devient «vouhil»... /...
... En une semaine j’ai su l’alphabet cyrillique. Je lis et j’écris maintenant couramment. ça aussi ça fait partie du jeu, cette écriture irritante pour un non-initié... /...
... Je traîne partout mes calepins crasseux. je repasse les listes de déclinaisons aux chiottes, et puis je me les récite en bossant, en marchant, avant de m’endormir... »



FACULTATIF VOIRE SUPERFLU CE DÉCRYPTAGE SUBJECTIF :
François Cavanna (1923-2014) appartient à ces auteurs plus témoins de leur temps que prosateurs ex nihilo... On dit qu’il écrit comme on parle, sans réaliser la complication et le travail en regard.
Dans LES RUSSKOFFS, il prend de la distance et n’a que peu d’indulgence pour les peuples, confrontés à l’Europe des dictatures et des démocraties molles, trop manipulables, changeants, lâches, capables du pire à partir du moment où ils sont menés par des bergers trop mielleux pour être honnêtes, trop au fait de l’emballement, plus négatif que bon, des foules.
En lisant Cavanna, on se convainc que les peuples savent forcer des germes aussi mauvais qu’endormis ; ils cultivent la haine, une exécration qui a culminé lorsqu’un d’eux a voulu en effacer un autre de la surface de la Terre.  
Mais cela n’empêche pas l’auteur de faire passer aussi la sociabilité aimante de ces mêmes peuples, le vivre ensemble propre à chacun d’eux, les particularités qui en font des communautés uniques, autant d’intimités différentes, qu’une langue seule sait si bien traduire pour peu qu’on ose frapper à la porte.
Cavanna, sous ses airs bourrus et provocateurs, aime les langues parce qu’il aime des semblables. Il va toujours vers eux : c’est une de ses facettes positives, cachée sous un vernis "grande gueule". Et quand l’amour pour Maria, une déportée du travail ukrainienne,  s’en mêle, dans le crépuscule du Berlin hitlérien, dans le chaos et les brassages tragiques, sa fougue pour les langues de notre chère Europe (2) sonne telle une grande espérance.
Soixante-dix ans après, malgré la paix globalement sauvegardée, qui ne piétine pas d’impatience face à l’inertie, à l’immobilisme trop facilement consenti ? A l’heure où une politique détestable veut imposer une langue venue d’ailleurs, dès le cours préparatoire, à l’heure où une certaine opposition, oublieuse des guerres induites par la testostérone nationaliste, ne prône qu’un repli derrière les frontières, pourquoi ne pas recevoir la déclaration d’amour de François Cavanna pour nos langues en tant qu’aiguillon vers une Europe où l’humanisme prévaudrait sur le cynisme d’une économie ouverte, ouverte surtout à l’exploitation des êtres, à l’addiction consumériste, au pillage généralisé ?
En ce début de millénaire qui voudrait faire porter aux langues une symbolique économique, politique, religieuse, sans parler de l’espéranto que Cavanna promut un temps pour contrer l’hégémonie de l’anglais (son côté électron libre), il est urgent pour les peuples d’imposer ses idéaux au cynisme mondialisé.  


(1) Les petits pêcheurs de Mayotte, malheureusement de moins en moins nombreux chaque année, la ressource se trouvant légalement pillée par des flottes venues d’Europe, partent encore avec les « Pétromax », petites lumières ça et là sur le lagon...
(2) Pour moi... jusqu’à l’Oural et le piémont sud du Caucase sans oublier l’intégration des Balkans !

photos autorisées :
1. Commons wikimedia Cavanna signant "Mignonne, allons voir si la rose" auteur Oscar J. Marianez.
2. Cavanna STO fév 1943 Bundesarchiv_Bild_183-2002-0225-500,_Paris,_Werbung_für_Arbeit_in_Deutschland
3. Cavanna STO juillet 1942Bundesarchiv_Bild_183-H26364,_Paris,_Anwerbung_französischer_Arbeiter

dimanche 12 juin 2016

LA SAISON DES GUINES, C’EST JUIN / Fleury d'Aude en Languedoc.


Nous parlions de l’occurrence peu fréquente entre la fête de Pentecôte et la saison des guines. Wikipedia (1) nous précise que les deux calendriers, le naturel et le religieux, s’accordaient pour confirmer le proverbe seulement en 2000, 2003, 2011, 2014 ; ils coïncideront aussi en 2019 et 2025, ce qui, entre nous n’empêchera personne de fêter tant la fête que le fruit. 
Dans le trésor du Félibrige, Mistral qui associe lou guiniè, cerisier à fruits acides, à l’agriouliè (d’où le nom "griotte" en français), a relevé un extrait de H. Lacombe en occitan : « Filheto de setge ans, frescocoumo uno guino. » (Fillette de seize ans, fraîche comme une guine). 


En cherchant « guine » sans porter la moindre « guigne » (2) (autant préférer le terme languedocien !) : la recherche renvoie au merisier ou cerisier sauvage prunus avium. On trouve quand même prunus cerasus, « petit arbre dépassant rarement 8 mètres» (Wikipedia) drageonnant facilement, buissonnant.
Cela se complique quand la page précise « En France, il pousse spontanément principalement dans la moitié nord du pays ». 
Parce que le long de l’Aude, ce serait du forçage peut-être !
Il est vrai que les confusions sont légion et sans parler des variétés cultivées (Annonay, Précoce de Rivers, Amourette), le petit arbre sauvage est souvent assimilé au griottier, au merisier... 
Le nom vient d’Asie Mineure même si des contreverses subsistent puisque certains maintiennent que la variété de la côte sud de la Mer Noire aurait seulement amélioré, par greffage, des espèces sauvages déjà en Europe à l’époque des Romains.
Si « guigne » vient peut-être de « kign » en celte (« guindo » en espagnol ?), le mot turc « vischna » (cité par F. Mistral), aurait donné « višně » en tchèque, « visna » en espagnol moderne (encore d’après Mistral), éventuellement « weichselkirsche » en allemand.
Laissons la conclusion à Maria Sanchon du temps de ma « grand » qui parlait elle, de "cerises sures". 

(1)https://fr.wikipedia.org/wiki/Calcul_de_la_date_de_P%C3%A2ques
(2) par le passé, les cerisiers sauvages étaient censés abriter de mauvais esprits. 



Photos 1 pixabay guignes. 
2 pixabay sour-cherry. 
3 Commons wikimedia Wisnia pospolita aut Alina Zienowicz. 

samedi 28 mai 2016

LA DINDE A OUVEILLAN ! QUELLE CHANCE ! / Fleury d'Aude en Languedoc

ou CHERCHER LE PRÉSENT DANS LE PASSÉ : OUVEILLAN (2).
 
Tout ça pour vous dire que j’avais des notes sur Ouveillan, l’historique de la paroisse tel qu’il se reconstitue au fil du demi-millier des pages du dictionnaire topographique de l’abbé Sabarthès. J’avais... jusqu’à ce que l’ordinateur me lâche. J’avais... jusqu’à cette envie aussi improvisée qu’incontrôlée de mêler nos vies à ce village sur sa colline...  
       
 L’autre soir, parce qu’un «Racine et des ailes», avec les châteaux pinardiers du vignoble languedocien, est venu titiller insidieusement sur une résolution vaporeuse en sommeil depuis plus d’un an, je repars en quête des belles pages d’histoire d’Ouveillan, en reprenant le dictionnaire topographique de l’Aude (1912) de l’abbé Sabarthès, à la première page ! 


Ouveillanais, vous aussi, êtes à l’origine issus d’un métissage liguro-ibérique lié aux Grecs de Phocée et peut-être même aux Phéniciens, avant que n'arrivent les Celtes pour faire place nette, ici les Atacins, des Gaulois qui s’établirent dans la vallée de l’Aude. C’est chez eux que passa Hannibal  avant que les Romains ne s’en mêlent. Ensuite, les Wisigoths qui tinrent tête aux Francs mais subirent les Sarrasins... Passons sur nos dynasties de fainéants puis de vaillants rois qui vinrent mettre notre Languedoc en coupe réglée.

L’entrée «OUVEILLAN» figure dans le Trésor du Félibrige de Frédéric Mistral sans qu'il soit précisé si le village doit son nom aux moutons ou à sa situation d'île quand la mer était bordée d'étangs salés :
Óuvelhan, Aubelha : les habitants sont nommés Aubelhanot, v. manjopiot (mangeur de dindons) (1), sobriquet des habitants d’Ouveillan (de Fabrezan aussi). 
Prov. Lang. Qu vol sa filho saumeto,
    A Ouvelhan que la meto, à cause de l’eau que les femmes sont obligées d’aller chercher fort loin.

Mentions pour Ouveillan, fief du domaine royal, page 286, dans le dictionnaire topographique de l’Aude de l’abbé Sabarthès datant de 1912 :

Le «Château-Bas ou Vieux» au bord de l’étang desséché, et le «Château-Haut, dans le fort».
Ovilianum 924, Ovelianum 993, Ovellianum 1143, Ovelanum 1192, Oveglianum 1250, Olivianum = Ovilianum 1294, Ovelhanum 1319, le chastel de Ovillan 1334, Ovelhan XIVe s., Hovelhan 1402, Oveilhan 1479, Ovilhanum 1497, Hovelha, Hovellac 1536, Obelhan 1587, Houvelhan 1592, Oveilhan 1639, Ouveilhe 1666, OUVEILLAN 1781, Aubeilhà (vulg)... Sabarthès distingue aussi les mauvaises graphies.
Note sur l’Étang d’Ouveillan, au midi de la localité. 


Les étangs et ruisseaux :
Aiguefer, anc. étang, lieu-dit L’estanhol d’en Agaffer 1497
Les Canimals anc étang 924
Conseyrac anc étang au terroir de Saint-frichoux l’estang de Conseyrac 1147
la Courtine anc étang L’estang de la Courtine 1286
A l’Estanhol, jots les vinhas de Cussac.
Libarda, ruisseau, anc fief mouvant du roi lo Libardar 1411
La Mayral ruisseau, al Maïral 1536.
La Nazoure, 1781, ruisseau, canalisé dans sa plus grande partie pour déssécher l’étang de Toutous, tributaire de l’étang de Capestang Aqua vocata la Neroza 1322.
Recaudier ou l’Aiguille, ruis. (15 kil) affluent de l’Aude (aujourd’hui Ruisseau Audié).
Etang de Toutous, désseché par le ruisseau de la Nazoure L’estang de Totos, 1497.

Les divers fiefs (domaines de vassaux en échange de services et redevances dus aux suzerains) :
Agaret anc fief du roi (col d’Agaret cad.)
La Courbayrole anc fief La Corbayrola 1497.
Erminis anc fief appartint en dernier aux Frégose.
Le Fesc anc fief royal puis de Frégose Al Fesc 1497.
Les Launes anc fief de l’Ordre de malte, dans l’ancien décimaire de Saint-André, aussi sur la commune de Montels Condamina qui dicitur de launis 1275.
Loupian ou Villespassants, anc fief. 
Murviel, anc château dépendant de la seigneurie de Rieux et d’Alzonne, tenu au XIVe par les d’Harcourt, au XVe et XVIe par les Montredon.
Le Peyral, anc. fief royal. Al Peyral 1404.
La Poulverouse, lieu-dit, anc. fief royal. La Polverosa 1497.
Les Pujals, lieu-dit, anc. fief royal Als Pogols 1404.
Trente-Sols, anc. fief du roi. Als Trente Sols 1497.

Les fermes et écarts :
Bailly f. Bailli 1807
Bedos f Alha boria de Bedos 1536
La Bergerie f La Grangette 1774
Le Bousquet f Ad Buscaletum 1255
Cachefigues f.
Chambard f 1497
Colombet f.
Le Colombier château et f. ad Colombierum 1255
La Commanderie f
L’Étang f.
Filère f
Foncalvi, f anc propriété del’ordre de Malte, puis de l’abbaye de Fontfroide. Grangia de Fonte Calvio 1275.
Frayssinet, f., Le Gers (vulg).
Labastide, f.
Mailhère, écart. Le jardin de Maillère 1807.
Montplaisir, f.
Le Pain de Sucre, f., démembrement du domaine de Preisse
Petit-Rabes f.
Pézétis, f., Pézéty, une vieille masure appelée la Chapelle, confrontant d’aquilon la rivière Cesse ; de midi, le Canal Royal 1692.
Pigasse, f., Méterie appellée Pigasse 1776.
Preisse, chât. et f. ; anc. commanderie de l’ordre de Malte ; la chapelle était dédiée à saint Paul. Prexanus 782.
Le Terral, f., ancien prieuré sous le vocable de saint Martin ; anc. propriété de l’abbaye de Fontfroide. Castrum de Tarrallo 1176.
Terre Noire, f.
Le Viguier, f., métairie à Tailhesang..., métairie ditte le Vié, 1776.

Les lieux-dits :
 Belvèze lieu-dit 1776
Cassenac, lieu-dit
Les Faisses lieu-dit A las Fassias 1536
Le Finistère lieu-dit
La Gardiole, lieu-dit Alha Gardyolla 1536
Gazet lieu-dit, in Gizet 1256.
Lombric, lieu-dit, ad Lumbricum 1255.
Montpaho, lieu-dit Monpaho 1497.
Peyrefite, lieu-dit. Peyra ficha 1497.
La Porte-du-Salin, lieu-dit.
Le Pourcel, lieu-dit. Ad Porcairillum 1255.
La Rouquignole, lieu-dit. Via de Mirapisceto, vocata la Roquinola 1595.
Saint-Cristol, lieu-dit, Sant Crystolh, 1536.
Sainte-Marie, lieu-dit. Chemin de Sainte Marie 1692.
Saint-Brès, lieu-dit. Podium sancti Berrichi, 1192.
Taillesang, lieu-dit. Tailha Sanc, 1497.
Les Vases, lieu-dit. Ad Vasa 1255.
Ville méjeane, lieu-dit ; Villemejane, 1339.

Edifices religieux et liés à la charité :
la Maladrerie anc léproserie Als mesels 1497.
Saint-Charles, chapellenie, 1776.
Saint-Paul, ancien hôpital, Saint Paul, l’hôpital 1776.
Saint-Pierre-d’Artiague, chapellenie, 1756.
Sainte-Sixte, chapelle et ermitage ruinés. Podium Sancti Cirici, 1204.

Divers :
Le Bourguet-Neuf, faubourg, Al Bourguet Nou 1697
La Croisade auberge et distillerie
La Fardille A la Fardylha 1536
Le Fort, quartier, de là la distinction entre Ouveillan-le-Haut et Ouveillan-le-Bas.
les Malviès, Als Malviès 1497.
Le Moulin à vent
Saint-André, anc. décimaire au territoire de Montels (Hérault) et, par extension, commune d’Ouveillan. Condamina de Sancto Andrea, ... decimarium Sancti Andree, 1275
Saint-Frichoux, localité disparue, anc. prieuré uni à l’abbaye de Montolieu.
Toutous, loc. disparue ; anc. prieuré sous le vocable de Notre-dame. Villa Totonis 782.
Villa Sancti fructuosi, 932 ? 

(1) le surnom est relativement récent vu que le dindon n’a pu traverser l’Atlantique avant Christophe Collomb... 

photos autorisées :
1. Commons wikimedia / Le Terral, château, aut Flolma. 
2. Commons Wikimedia / Ouveilhan année 1498 aut Eutexie.

vendredi 27 mai 2016

CHERCHER LE PRÉSENT DANS LE PASSÉ : OUVEILLAN / Fleury d'Aude en Languedoc.

Trausse, Lapalme, Sallèles, Vinassan, Salles, Gruissan, Cuxac, Coursan, autant de villages sans lesquels nous ne serions pas ce que nous sommes. A la suite, sur cette liste, de celles qu’on établit pour de joyeuses retrouvailles, j’avais des notes sur Ouveillan, bien fournies, s’ajoutant aux chers souvenirs des condisciples de lycée et surtout liées à une amitié plus forte que les kilomètres à vélo nous séparant... même si lui avait une mobylette... bleue, à en croire la fragilité des souvenirs. 


Nous braconnions alors sans complexe et surtout par provocation, à jouer les croquants dans les pinèdes de ces châteaux et grandes fermes bourgeoises, en plein jour, à une heure et dans des circonstances n’incitant heureusement pas au zèle des gardes. Pire encore quand, la carabine en avant, nous arpentions l’étang en contrebas du village, de la route, des chemins, à la vue de tous ! Loin des escapades furtives et nocturnes d’un Raboliot, nous étions seulement dans l’extravagance des excès existentiels. Surtout pas liée à Sartre qui nous barbait autant que la prof de philo coco ! Non, une extravagance toute rabelaisienne (1) plutôt, de gros rires, comme quand Georges puis Antoine, trop pris par l’excitation d’un gibier tentant mais lointain, tombèrent tour à tour dans une cave* remplie d’une eau froide comme peut l’être novembre en Languedoc, dans les bourrasques d’un Cers* pénétrant venu des montagnes ! Sauf qu’ils m’auraient bien jeté aussi derrière les sénils*, mes copains rigolos, par égalitarisme !
Tel le piégeur flânant l’air de rien sur le théâtre de ses forfaits passés, j’aime repasser par Ouveillan dans un sens ou dans l’autre. L’été dernier, par la Minervoise, puis le carrefour de la Croisade, un jour que la  ramure élancée des platanes balançait sous les coups du Cers justement... Je veux parler des feuillages à terme condamnés par le chancre doré (2) tueur des pauvres arbres. Les gros nids d’agasse* d’autrefois ont aussi disparu... Te souviens-tu Antoine, de ta peur, cette fois-là, à trop jouer au pendule, si haut, pour quelques œufs à piller ? 


En bas du village, la cave coopérative et son architecture superbe (3), tout à l’honneur du raisin et de 1936, année du Front Populaire (prenez vite une photo car elles sont effacées un jour, comme à Vinassan, à Lespignan...). En redescendant vers Cuxac et la plaine de l’Aude, en surplomb de l’étang, feu la distillerie-coopérative d’un temps où la vigne et le vin quotidien rythmaient la vie. Entre la cave et l’alambic, parce que la vanité n’est pas leur fort, on cherche longtemps le monument aux morts. 


Village du midi, assoupi en cette mi-août, désert à l’heure de la sieste, qui veut nous laisser croire que tout à l’heure les gens partiront arroser les jardins, pour profiter au retour, de l’air moins chaud sur le devant de porte, manière de bader* le mouvement des éclats de voix et des boules sur les bancs de la place... Le Sud qui s’offrait en traversant la localité vers l’impasse Camarade (4), en récupérant des efforts liés à la dernière côte (en venant de Cuxac, celle de la distillerie).   
  
Enfin le monument aux morts, pour la paix, de ceux stigmatisés alors par les "braves gens" (4) remontés par les va-t-en-guerre. On le doit à René Iché (5), un enfant du pays, né à Sallèles-d’Aude, à quelques kilomètres à peine et d’Ouveillan par sa mère (il y est inhumé). Il est mal indiqué, la verdure le cache, c’est difficile de le cadrer... Dommage pour un village par ailleurs connu pour ses vendanges du cœur (au profit des Restos du même nom lancés par Coluche). 





Sur la route de Cuxac, à gauche, l’embranchement vers Fontcalvy, une grange fortifiée. Les vieilles pierres en imposent, au milieu des vignes il est vrai. Dans les ruines réhabilitées, l’été, un festival, des spectacles et un repas, pour ceux qui veulent, en bas, dans l’ancienne bergerie... N’espérez pas faire ripaille comme les moines d’antan... ceux-là donnaient plutôt dans l’ascétisme, la rigueur et le travail, règle de Cîteaux oblige. Sans remonter au XIIIe siècle et parce que nous n’étions que des chenapans aux cheveux longs, vers l’an de grâce 1968, nos jeux ne dérangeaient que les vols de corneilles qui logeaient là et la terre et les détritus comblaient presque le bercail des moutons. Maintenant, ils peuvent monter le son et multiplier les projecteurs : fini les troupeaux et plus de corneilles (comme dans la garrigue d’ailleurs). 


A Joël des PO, Georges de Narbonne et Antoine d’Ouveillan, à nos folles années 68-70 ! 
(à suivre)

(1) Ah ! Monsieur Rabéjac qui nous enseignait le XVIème siècle en littérature !
(2) champignon mortel qui serait arrivé d’Amérique avec les caisse de munitions en 1944. Il existerait comme un vaccin porteur d'espoir et testé à Sallèles...
(3) Architecte Gaston Ladousse qui fit aussi celles de Vinassan (1937) et de Trausse (1937), pour parler de cette période.
(4) Nino Ferrer ne chantait pas encore le Sud (1975) mais Jean Ferrat en remontrait déjà au camarade (1969) et Brassens était bien le seul à défendre l’anticonformisme pacifiste. 
(5) René Iché (1897-1954), Croix de Guerre 1914-1918, Médaille de la Résistance. Devenu sculpteur contre l’avis de ses proches, Iché vit son œuvre Forfaiture enlevée pour "indécence" (1923).
«Laissez-moi vous dire...» écrivait-il au préfet de police «... que votre décision, si inattendue pour moi, m’a beaucoup ému. certes, je ne prétends pas avoir fait un chef-d’œuvre et si mon intention fut mal interprétée, c’est peut-être que mon talent ne fut pas à la hauteur de mon ambition. Quoiqu’il en soit, j’ose affirmer que j’ai poursuivi, en sculptant Forfaiture, un but hautement moral. J’ai voulu traduire dans la matière plastique, la douleur et l’angoisse d’une trahison, la trahison de l’instinct génésique, le reniement de la vie elle-même vis à vis de la continuité de la vie : le drame affreux que la loi poursuit car il constitue un véritable crime de lèse-humanité.
«L’illustre maître Bourdelle, qui a bien voulu m’éclairer de ses conseils, m’a répondu que ce sujet, s’il avait été inspiré par le sixième commandement à un imagier de cathédrale, aurait très bien pu trouver sa place dans la pénombre d’une haute ogive. je m’en tiens là et j’accepte de retirer ma statue. Il me suffit de pouvoir affirmer en toute conscience que je l’ai méditée et exécutée sincèrement et que, pas un instant, je n’ai pensé ni visé au scandale mais à un vérisme significatif conforme à l’éthique la plus naturelle.»
Son projet de monument aux morts pour le village de Canet-d’Aude, fut aussi refusé pour «pacifisme» sinon pour excès d’humanité ! 

glossaire :
* l’agassa (o) = la pie.
* bader = fixer, reluquer, afficher sa curiosité sans retenue.
*cave = fossé.
*Cers = plus vieux nom de vent en France, honoré par les Romains parce qu’il chassait les miasmes, malheureusement assimilé par parisianisme à une tramontane par trop générique ! Pour être plus généralistes, nous disons aussi (et certainement à tort) "vent du nord" !
*sénils = roseaux dont on fait le chaume. 

photos autorisées : 
1. Commons wikimedia / Ouveillan aut Map data (C) OpenStreetMap contributors CC-BY-SA
2. Commons wikimedia / Canal_du_Midi near Colombiers 2011 aut Michiel1972 
3. La cave coopérative, personnelle août 2015. 
4, 5, 6. Le Monument aux morts, personnelles août 2015.  
7. Commons wikimedia / grange cistercienne Fontcalvy aut ArnoLagrange. 
8. Commons wikimedia / Ouveillan, Grange cistercienne Fontcalvy aut Rauenstein.

samedi 21 mai 2016

ANTOINE ROUX (1842-1915), auteur du poème « LOU PASTRE »


Antoine Roux naquit et mourut à Lunel-Viel.
Vétérinaire, homme politique, membre du Félibrige Latin, il a aussi écrit des pièces de théâtre et des poèmes chantant son terroir, des Cévennes à la Méditerranée. 


Parmi ses œuvres les plus marquantes «La cansoun dau Dardailhoun (1)» (1896), 350 pages dans lequel le félibre chante toute la région qui s'étend des Cévennes à la mer et les Pescalunetas (1912).
Wikipedia en occitan (2) nous précise qu’un des surnoms des autochtones est «los pets d'ase», l’âne étant, comme chacun le sait, un doux animal sans gêne quand il s’agit de se soulager, et assez malicieux pour le faire sur les humains proches de son arrière-train. L’autre surnom, par contre, «les cabussaires», touche à l’élément liquide puisque une vieille histoire raconte que les habitants (cette fois de Lunel) s’acharnaient à repêcher le reflet de la lune sur l’eau, certainement du Vidourle (3).
Parmi les nombreuses et riches précisions biographiques, le site Vidas Occitanica (qu’ils soit ici remercié) (4) note combien l’attachement au pays compte pour un Languedocien se sentant exilé pas plus loin que Lyon, une idée que je partage pour avoir étudié à l’École Normale de la Croix-Rousse (5). 
Permettez encore au modeste ver de terre regardant les étoiles, de soupirer une dernière fois puisque c’est sur le plateau des Canuts qu’Antoine s’est pris de passion pour la littérature d’oc et Mistral.     

(1) le Dardailhon ouest, cours d’eau passant à Lunel-Viel.
(2)https://oc.wikipedia.org/wiki/Lun%C3%A8l_Vi%C3%A8lh
(3) carte postale «La cansoun d’as giens de Lunel» en vente http://www.delcampe.net/item.php?language=E&id=212512515
(4) http://vidas.occitanica.eu/items/show/28#comment-251
(5) Il n’empêche que Lyon, belle capitale des Gaules, resplendit dans un écrin de «pays» attachants et aussi variés que les monts du Lyonnais, les Dombes, le Bas-Dauphiné. Le soleil a aussi su en faire une porte du Sud puisque nous ne devons sa réserve, sinon sa froideur qu’à ses cercles fermés mais si fidèles en amitié, une fois la porte forcée. 


Photos autorisées Commons wikimedia : 1. vue aérienne du château et du centre de Lunel-Viel. 
2. Félibrige Latin Revue 3. Lunel_Viel_1907 author unknown deriative work by JPS68.jpg

vendredi 20 mai 2016

LOU PASTRE (le pâtre) / Languedoc

LOU PASTRE.

Per causse, en plen ivèrn, quand la magistralada (1)
Balota dins lo cel la neu e lo conglaç,
Dins sa capa amagat, se ris de la gelada
E lou vèspre, am l’aver (2), content s’embarra au jas.

Quand reven lou printens et que la soulelhada
Fa reverdir la terra et florir lo bartas,
Mena sos anhelos dins la prima abaucada (3)
E lo pastre es urós quand sont assadolats.

Desmamat dau païs e luènh de sa familha
Sus lo causse auturòs qu’es coumo sa patrio,
Mestrejo son tropèl que s’augmenta dau creis...

Plantat sus son baston lo vei que s’apastura
E pompant l’air tebés de la bèla natura,
Tot solet, luènh dau monde, amont se crei lo rei.

Antoni Roux. Pescalunetas (4)

(1) magistrau, vent maître, mistral... et surtout pas une "tramontane" trop générique !
(2) chez Mistral, "embarra l’avé ou tout court embarra, enfermer les brebis dans le bercail"
(3) bauco, brachypode rameux, pelouse steppique, baouque chez Harant et Jarry (Guide du Naturaliste dans le Midi de la France). Plante herbacée méditerranéenne (Wikipedia).
(4) le nom du recueil vient peut-être de Pesco-luno, sobriquet des habitants de Lunel, qui eurent l’idée d’aller pêcher, dans un panier percé, le reflet de la lune. 

LE PÂTRE.   

Par le causse, en plein hiver, quand la magistralado
Ballotte dans le ciel la neige et la glace,
Dans sa cape caché, il se rit de la gelée
Et le soir, avec les brebis, content il s’enferme au gîte (bercail, bergerie).

Quand revient le printemps et que le soleil
Fait reverdir la terre et fleurir le buisson,
Il mène ses agnelets dans la prairie nouvelle
Et le pâtre est heureux quand ils sont rassasiés.

Privé de son pays et loin de sa famille
Sur le causse altier qui est comme sa patrie
Il mène son troupeau qui s’augmente des naissances.

Planté sur son bâton, il le voit qui pâture
Et pompant l’air tiède de la belle nature,
Tout seulet, loin du monde, en haut il se croit roi.       
   
Photos autorisées 1, 2, 3, 4, 5 Commons wikimedia

1. La vieille jasse / auteur Jean-Claude Charrié. 
2. Lavogne du Larzac / auteur Toutaitanous. 
3. Larzac près de la Couvertoirade / auteur présumé Sylvagnac. 
4. Brebis en pâture / auteur Jean-Claude Charrié. 
5. Berger sur le Larzac / auteur Mathieu Caunes. 



jeudi 19 mai 2016

LES CAUSSES EN OVALIE... OCCITANE (1) (2e partie) / Fleury d'Aude en Languedoc


A chaque excursion ses impressions, un ressenti particulier qu’on croit évanoui mais qui hiberne seulement. Un seul élément perturbateur suffit, en effet, à le faire refleurir. Mon attrait pour des différences en harmonie, mon attirance pour le Causse si proche mais que tout sépare de la plaine voisine, s’est réveillé d’un coup, lors d’un cours, tard le soir, quand Monsieur Couderc nous présenta « Lou pastre », un poème en occitan d’Antoni Roux. La langue de mes grands-parents, le Languedoc palpitant, la rusticité d’alors, le bonheur d’une géographie du cœur... tout participait à l’enchantement !
    Le temps ensuite a défait son œuvre, détricotant avec une même application ce qu’il avait patiemment tissé. Puis la vie, comme elle le fait avec tous nos morceaux, est revenue me tricoter un pull neuf de cette laine pourtant feutrée et entortillée. J’arrivais bien à recoller les vers mais l’auteur m’échappait jusqu’à ce que l’Internet vienne raviver le charme : c’est bien Antoine Roux de Lunel-Vieil !
    Les écrits restent dit-on quand on oublie, du moins quand la mémoire dort, telle l’ours, l’hiver, dans sa tanière, jusqu’au réveil. Depuis, je ne voyage plus sans mon berger du Larzac !
    Ce dimanche, la relève, les cadets du canton sont allés porter haut nos couleurs pour le championnat de France et si mon propos n’était pas d’écrire ce que le rugby a de chaud et de rassembleur, mes encouragements, certes sportifs,  trimbalaient aussi un merveilleux professeur malgré lui, un petit poème sans prétention, la modeste fleur d’un buisson du causse, le Sud, nos racines, la langue des aïeux, emportés à la sortie du lycée alors que les rouges du couchant viraient au violet au-dessus d’un stade Cassayet encore vibrant des bravos pour Walter Spanghero ! 


(1) L'OVALIE, le pays du rugby dans sa déclinaison occitane à partir du moment où le nord aussi lui fait honneur (la ville bretonne de Vannes vient d'accéder à la proD2).  

  
photo autorisée commons wikimedia : 
1 Larzac près de la Couvertoirade auteur présumé Sylvagnac.
photos personnelles :
2 Les copains du rugby... moins nombreux aujourd’hui.
3 L'A75 au bord du causse (651 m), en bas, Millau au bord du Tarn et le viaduc au fond...