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jeudi 1 août 2024

INDIEN des vieilles LUNES, le voyage en TCHÉCO (5)

Montargis : nous sommes bien à une centaine de kilomètres de la capitale et pourtant, la circulation dense, le métissage de la population font penser déjà à la présence tangible de Paris, ville cosmopolite, tentaculaire. 
Nemours, belle cité historique… L'ex- nationale 7 ne contourne pas l'agglomération. C’est joli ; qu'un axe majeur soit coupé par un angle droit pour le pont étonne ; la circulation n'arrête pas de gonfler. Pour plus de tranquillité, d’instinct, il faut anticiper un évitement de la capitale, plus marqué vers l’Est, à partir de Melun, disons.

Fontainebleau : certes la forêt (des feuillus historiques plus esthétiques que les pins plantés : une divergence jusqu'au conflit entre protecteurs d'un patrimoine et exploiteurs économiques [Victor Hugo, George Sand, les peintres de Barbizon, se sont engagés dans ce combat, suivis par des associations de protection]). Sinon, en pendant aux allées forestières, la forêt est trouée d'axes routiers encombrés qui croisent des routes secondaires aussi chargées, des variantes qu'ils sont nombreux à emprunter, des raccourcis, combines, itinéraires bis mais avec des files de véhicules aussi, des embouteillages plus ou moins chronophages aux carrefours. 

Melun : tant pis pour les autoroutes vers le nord, trop de monde, vraiment, plutôt s'écarter à l'est, vers Guignes et poursuivre jusqu'au carrefour de l'obélisque (monument de 1735, après le croisement de Napoléon avec le pape, encore une rencontre pas en rase campagne, entre grands personnages ici, Louis XV et le duc de Brandebourg).  

Lagny-sur-Marne avant 1923- Bords de Marne. Domaine public. Est-ce un pêcheur ou un haleur ? Chou blanc, en attendant, sur wikimedia commons, concernant une vue plus actuelle de Lagny ou Thorigny pourtant sur la Marne, rivière remarquable... opposable à la Seine... à juste titre... 
 

Jolie ville, Lagny, sur la Marne, des maisons à colombages comme avant. Remontée assez raide sur Thorigny, charme des bords de Marne ; quelques achats (tomates, pain, cacao de celui qu’on croyait avoir pris et qu'on a laissé). Annet, Claye-Souilly et encore un contournement pour plus de tranquillité (mais en face, dans le sens des retours à la maison après le boulot, ils se suivent, à bonne vitesse... quitte à vivre en accéléré du matin au soir). 

 




Messy, Thieux, tel un indien sur le sentier de sa guerre, il approche l'aéroport par l'Est même si un flot de voitures souvent pressées de rentrer joint ces villages dortoirs et sans vie du pourtour de la capitale. Bas en l'air, un flux régulier d'avions contre les vents d’ouest ; à terre, comme pour donner le change aux ailes du ciel, quelques fleurs, rustiques voire plus surprenantes, touches de couleurs flamboyantes, clins d'œil des bords de route. 
Attente quelque peu impatiente mais positive, confiante. 
 
 
Entre le ciel menaçant et les flaques résiduelles, le contraste avec ses terres du Midi demeure saisissant...

19h 50 144.745 km. Le Mesnil

20h 43 « Je crois que je t’ai vu atterrir !

20h 48 — Coucou, je suis bien arrivé. J’ai passé le contrôle des passeports, je vais aux bagages. Tu es vers où ?

    Ok, je suis en campagne pas loin, à 15 minutes maxi.

Premier tour des terminaux ; au téléphone :

« Tu es où ?

    Je ne sais pas…

    Faut que tu saches, j’ai fait un tour complet sans te voir…

    Ah ! terminal 2B…

    Tiens-toi en un endroit accessible, que je te voie sans doute possible. »

Florian a eu la bonne idée de sortir de la zone où le camping-car aurait peut-être été trop haut pour accéder. La fin justifiant les moyens, le père lui, a eu l'instinct d’y aller au culot, à la parisienne, écartant de la main celui au visage étonné arrivant de la gauche et au cligno la voiture qui voulait se glisser sur la droite. La porte est vite ouverte, la valise vite enfournée ; encore une voiture à ralentir, un geste d'excuse de la main et c’est bon pour la sortie de l’ensemble aéroportuaire (6 km de tour).

Retrouvailles malgré la circulation, la nuit, la pluie, ce trafic toujours dense malgré l'heure, les phares qui éblouissent… Enfin la possibilité d’un arrêt pour nettoyer le pare-brise, finir de s’énerver malgré la boue en prime, garder son self-control d’énergie pour plus de tranquillité une fois la RN4 atteinte.

Ouf ! RN4, nationale des grands élans vers l’Est, vers l’Europe… C’était avec la 403, une année où il avait fallu récupérer les visas de l’ambassade à Paris ; la nuit précédente avait été passée au camping “ libre ” de Cosne-sur-Loire (voir plus haut)… pour en retrouver la trace, quelle difficulté aujourd’hui avec les extensions commerciales, artisanales, industrielles, économiques et, au soir, comme pour se libérer de l’emprise, plus heureuse que celle de Louis XVI plus au Nord, avec sa fuite ratée vers le cœur de l’Europe, les grandes lignes droites parfois montagnes russes dans les champs de blé, dans les rougeurs du soir, derrière. Et aujourd’hui, la pluie, les camions, l’heure trop tardive pour aller plus loin dans le souvenir. Il est minuit ou plus, manger au moins… Seulement une place devant l’un de ces gros bahuts submergeant le moindre stationnement possible. Partir. Plus loin. Cesse bientôt la voie rapide autoroutière et, peut-être vers Beton-Bazoches, alors que l’esprit se distend, à gauche un havre possible peut-être attenant au “ point-dèj ” planté là… (vers 1h 30 environ...). Pourquoi pas un p’tit café pain au chocolat à venir, manière de marquer, de remercier le passage… 

 Dans les 500 kilomètres parcourus dont 140 depuis l'aéroport... 

vendredi 11 février 2022

LE POUMAÏROL (12) un fameux cassoulet !

Décembre 2020. Roger et Serge, copains de toujours, ont décidé de faire un pied de nez au covid. Ils ne sont pas à court d'idées quand il s'agit de partir quelques jours, en célibataires. Cette fois, c'est un article de 1974 de la revue Folklore, traitant du département de l'Aude et des contrées voisines, qui les a décidés pour un pays perdu dans les brumes, aux confins du Tarn, de l'Hérault et de l'Aude, le Poumaïrol. Les filles de là-bas, aussi pimpantes qu'exotiques, descendaient s'embaucher dans la plaine, des vendanges aux olives et au ramassage des sarments de vigne...  
 
Roger : et non... à la tienne, va, que je n'en reviens pas de ton blanc, bio et pourtant bon, même si les sulfites, à faible dosage, ne donnent plus le mal de tête comme avant...
Serge : c'est le nom je crois qui fait peur, je parle des sulfites... le Saladou c'est gentil, au début d'une boucle à l'ouest de Ferrals, comme un plateau d'où la vue donne sur les Corbières et jusqu'aux Pyrénées ! Passage, ensuite, par le Serre d'Alaric, pas l'Alaric de Gaston Bonheur, à portée de l'Aude, qui change le temps qu'il fait, pas loin de Carcassonne, dans le couloir du Cers... tu les a entendus ces couillons, se gargariser de longue avec la "tramontan" quand ça souffle à 120 km à l'heure ? 
Roger : moi je les collerais à l'oral, ces météorologues au rabais !
Serge : surtout que Météo France le reconnais, le Cers... un des plus vieux noms de vent en France quand même !  
Roger : oui mais ton Serre d'Alaric, il est au pays des filles ? 
Serge : tu es terrible, tu sais ! oui, en descendant de "la" Serre d'Alaric, plutôt, au féminin, je crois, pour dire la montagne, ça doit venir de l'occitan... on y arrive au pays du Poumaïrol, pour consoler tes pieds qui chauffent, et pas qu'eux, pour des rêves fantasmés !
Roger : à mon âge qu'est-ce qu'il me reste sinon des rêves qui font revisiter ma vie en mieux ? Quoique, tu sais, Lacarrière Jacques, cet auteur amoureux-fou de la Grèce et qui a écrit au moins deux versions de son livre "Chemin Faisant", des Vosges à Leucate, par le Massif-Central, justement, il a quand même eu au moins deux ou trois aventures amoureuses en route... je te dis pas la puissance érotique d'une rencontre dans la platitude désertique et glacée du Causse Méjean, quand il cogne à une maison, que c'est une femme seule qui lui ouvre et que tout est possible... au premier regard, ils ont su qu'il y aurait une suite...  
Serge : tu vas bien toi, il devait être bien plus jeune que nous... 
Roger : "ça c'est vrai"... 
Serge : ne nous refais pas la Mère Denis que cette pub nous ensuque d'un petit coup de vieux en prime !
Roger : si tu avais connu mamé Antoinette, une grand-mère formidable à Vinassan... un grand bol d'oxygène de penser à elle... avec son tablier, on aurait dit la mamé de la pub !
Serge : je comprends... moi j'ai eu un grand-père formidable, comme tu dis, qui finalement ne languissait pas trop de redescendre dans le Midi, la guerre finie, la première s'entend... Il racontait, m'oubliait tant il entrait dans les détails, parfois de ce qui se dit avec les yeux, mais finissait toujours par m'aviser : "Ne le dis pas à ta grand-mère !".
Roger : hum, ton cassoulet ! 
Serge : je m'y mets rarement mais si je me lance, tu me connais, il faut que ce soit bien ! D'abord tu fais tremper tes lingots toute la nuit... 
Roger : dans l'Ariège ils font avec des cocos, enfin, certains... sinon figure-toi que je me souviens d'un que je n'ai pas mangé, tellement mon père en a bien parlé, c'était à Sainte-Colombe-sur-l'Hers, un restaurant connu pour sa recette mais qui a fermé une paire d'années plus tard. Ils y sont allés pour, en janvier, enfin, en hiver... le feu dans la grande cheminée... on en oublie que le système et le foie sont devenus plus fragiles... Combien tu mets de haricots ? 

2006 photos familiales

janvier 2006. Photos familiales

janvier 2006. Photos familiales. Ste-Colombe-sur-l'Hers.

Serge : toujours pareil, que j'aie du monde ou que je congèle. Là c'est pour quatre personnes, 500 grammes de haricots. Pour la recette, que veux-tu, chacun a la sienne, je serais bien en peine de te dire si le mien rappelle Carcassonne, Toulouse ou Castelnaudary ! Dans l'eau de pluie je les laisse tremper ; le matin, je les cuis dans l'eau froide avec un pied de cochon, les couennes, un oignon piqué de clous de girofle, le bouquet garni ; quand ça a bouilli, une heure de cuisson encore, à petits bouillons... Ah, j'oubliais, je sale à mi cuisson. Ensuite je fais revenir la viande et les couennes du bouillon, je réserve, puis, dans la même cocotte, sans la laver, deux oignons hachés, quatre ou cinq gousses d'ail et les couennes ; je mets tout dans la cassole. Par-dessus,  les haricots, les tomates, quatre ou cinq, les viandes sauf les bouts de saucisse, je mouille en allongeant le jus de cuisson... au four, pour finir, à 180 degrés ; trois heures après, j'ajoute la chapelure, la saucisse et si j'y pense, je casse la croûte au moins une paire de fois. C'est comme pour la bouillabaisse, faut se lever matin !
Roger : c'est du boulot mais c'est bon... Qu'est-ce que tu as mis comme viande ? 
Serge : oh je le fais simple, sans être au top de la gastronomie, je m'arrange pour mettre un peu plus d'un kilo de viande, presque un kilo et demi disons : là je n'avais que des côtes dans l'échine et de la poitrine, pas de jarret, puis des couennes, du confit de canard, de la saucisse de Toulouse.  
Roger : avec ce rouge de Fleury, super ! 14 degrés quand même, c'est beaucoup et demain il pourrait rester des traces... En Europe de l'Est, la police contrôle de bon matin et certains sont loin du zéro réglementaire ! 
Serge : oui ! faut voir ce qu'ils picolent aussi ! Si ce n'était que la bière... et suite à une nuit courte, pardi ! 

Un petit tour du camion, sans trop s'éloigner, manière d'apprécier la nuit si tranquille dans ce coin perdu. Démarrage, au matin, vers neuf heures. Trois degrés au thermomètre : supportables. 
 
La route du Poumaïrol à la belle saison.

Serge : c'est beau, des arbres partout avec la route qui monte ! 
Roger : et là les bois sont nus ; en été par contre, quelle verdure !
Serge : et oui, à l'opposé du versant méditerranéen, ils nous étonnent ces grands arbres, un dépaysement complet... des séquoias même ! et de belle taille !
 

mercredi 31 mars 2021

VOLEURS NATURICIDES, destructeurs et pollueurs / Ariège.

Ariège : plus de 300 chênes centenaires abattus sans autorisation dans les Pyrénées par des bûcherons espagnols

Plus de 300 arbres centenaires déracinés et coupés sur une dizaine de parcelles boisées de Perles-et-Castelet, une commune des Pyrénées ariégeoises. Les propriétaires, dévastés par l'action de bûcherons espagnols, montent une association pour porter l'affaire devant la justice.

Exit la forêt de chênes centenaires sur la commune de Perles-et-Castelet en Ariège. Elle n'est plus que souvenir pour les propriétaires des parcelles boisées qui ont été "exploitées" sans autorisation par des bûcherons espagnols.
Exit la forêt de chênes centenaires sur la commune de Perles-et-Castelet en Ariège. Elle n'est plus que souvenir pour les propriétaires des parcelles boisées qui ont été "exploitées" sans autorisation par des bûcherons espagnols. © Pascal Dussol / FTV

Des arbres abattus par centaines et des habitants abattus également devant l’ampleur du désastre. Les faits remontent à fin février 2021. Des bruits répétitifs de tronçonneuse attirent l’attention de Hélène Rameil, la propriétaire d’une parcelle sur laquelle se trouve une forêt de chênes centenaires. Elle et son mari sortent pour localiser l’origine du bruit et tombent sur des bûcherons espagnols en train de couper tous les arbres sur leur propriété. Le maire du village intervient et les hommes finissent par quitter les lieux. Au petit matin, le bois a disparu.

Hélène Rameil confie que ces chênes centenaires avaient été légués par les grands-parents de son époux. Au delà du préjudice financier, qui leur importe finalement peu, c’est surtout un préjudice moral pour leur famille.

On dirait qu’une tempête est passée, c’est un véritable « massacre à la tronçonneuse" ! Il y avait des chevreuils, des sangliers, des murs en pierre sèche construits par les ancêtres, il n’y a plus rien ! Cette nature ne nous appartient pas ! Elle doit être transmise à nos enfants.

Hélène Rameil, propriétaire d'une des parcelles de chênes centenaires

Un désastre écologique

Et au delà de cela, il s’agit aussi et surtout d’un gros préjudice environnemental. En effet, la zone a subi une grosse pollution au gasoil, des ordures ont été entassées, des murs en pierre sèche qui délimitaient les parcelles ont également été détruits, « les parcelles sont saccagées » comme le confie cette propriétaire emplie d’émotion.

Danièle Segato, une autre propriétaire de bois coupé et volé, confirme le « désastre écologique ». 

De la forêt entretenue par les propriétaires, il ne reste rien. Sauf l'impact écologique durable.
De la forêt entretenue par les propriétaires, il ne reste rien. Sauf l'impact écologique durable. © Pascal Dussol / FTV

Elle fait ainsi l’inventaire : « Certains arbres faisaient plus d’un mètre de diamètre. Le ruisseau a été dévié, il y avait des flaques de gasoil partout, des ordures laissées sur place. Ils ont tout détruit de manière inqualifiable. Et le pire, c’est qu’ils continuent à agir impunément dans l’Ariège et dans l’Aude »

En cause : une entreprise de bûcheronnage espagnole

Les auteurs des faits sont pourtant identifiés. Des bûcherons espagnols qui disent « ne pas parler français et obéir aux ordres de leur patron : tout couper ! ». Ce sont pas moins de 300 arbres qui ont été coupés sur une dizaine de parcelles en tout, même si toutes les parcelles sont impactées de manière inégale.

Danièle Segaro se confie, les larmes aux yeux et la gorge serrée : «cela fait 32 ans que nous entretenons cette forêt, que nous débrouissaillons, que nous faisons tout notre possible pour préserver la nature et aujourd’hui, nous sommes anéantis par ces actes »

La dizaine de propriétaires spoliés a décidé de monter une association « pour avoir plus de poids devant la justice et faire punir ces gens ». En attendant, le « saccage » continue sur d’autres communes, conclut-elle.

 

 

lundi 8 avril 2019

8 avril 1915 / Louis Pergaud


Louis Pergaud 1882 - 1915.

Entre Marchéville-en-Woëvre et Saulx toujours en Woëvre, à trente cinq mètres à droite du pont sur le fossé Saint-Pierre, le sous-lieutenant Pergaud entraîne ses hommes à l’attaque de la Côte 233. Il faut les voir !.. Trempés par l’eau des marais où ils ont dû patauger jusqu’aux genoux, ils dégoulinent aussi de l’eau du ciel qui ne cesse de tomber ! Regardez-les bien, c’est la dernière fois : beaucoup n’en reviendront pas !
Ernest Florian-Parmentier écrira même, sur la foi du sergent Desprez, blessé lors de cet assaut : « ... Les débris de celle (la section) de Pergaud rentrèrent seuls ; notre brave confrère avait disparu... ». C’était le 6 avril 1915, un mardi, par une nuit sombre et pluvieuse, après 2 heures du matin. Blessé, récupéré par les Allemands, il disparut dans le bombardement par l'artillerie française de l'hôpital où il avait été évacué. Son corps ne fut jamais retrouvé. 
 





Sur la moitié droite de la stèle de Marchéville-en-Woëvre : 
"Reverrons-nous les champs reverdir et les fleurs pousser ?" (1er avril 1915 / signature Louis Pergaud 1882 - 1915). 

Sur la partie gauche : " Parti d'ici à la tête de ses hommes, Louis Pergaud, prix Goncourt 1910, auteur de la Guerre des Boutons, disparut la nuit du 7 au 8 avril 1915 dans l'attaque de la côte 233 de Marchéville. 

Forêt enneigée dans le Doubs Auteur Nelson 25 sur Wikipédia français

Extraits de la vie en lui, pour la femme aimée :
A Delphine, mardi 2 mars 1915. Nous sommes retombés dans l’hiver. Il a neigé ces jours passés il fait un peu froid un peu plus froid qu’auparavant... /...

A la même mercredi 3 mars 1915. ... Il faisait un temps à ne pas mettre un Boche dehors : bourrasques de pluie et de neige, coups de vent et tout ce qui caractérise les heures troubles d’avant printemps. Malgré cela ce ne fut pas pénible, j’avais mon caoutchouc et je pouvais me foutre de la neige et du vent. La campagne ne reverdit pas vite tout de même, c’est encore gris avec des raies d’eau qui zèbrent les champs de lames d’argent. Les arbres non plus ne se pressent pas de bourgeonner mais les oiseaux commencent à revenir, il y a déjà des pinsons jolis comme des amours, quelques chardonnerets et des bandes d’alouettes et de verdiers. Enfin on commence à trouver des pissenlits et presque tous les soirs l’ordinaire s’enrichit d’une plantureuse salade dont on se pourlèche les badigoinces comme dirait feu Rabelais.../... Il serait bien absurde que les destins qui semblent me protéger avec tant de zèle ne persistent pas.../... Il ne me manque vraiment que votre présence mon cher amour. Bien souvent quand mes yeux courent le long des lignes,votre chère image vient s’interposer devant mes yeux et les mots dansent parce que le souvenir de notre bonheur passé me tourmente jusqu’au fond le plus intime de ma chair et de mon cœur...

A la même vendredi 5 mars 1915... Il faisait un temps adorable de printemps, tiède et presque parfumé.../... on flânait, on rêvait... 

 A Delphine, lundi 8 mars 1915. Pour changer un peu aujourd’hui il neige. Déjà dans la nuit paraît-il ça a commencé et ce matin c’était tout blanc... /... J’ai eu à mon réveil le spectacle un peu attristant d’une campagne grise et d’un ciel de suie mais j’ai pensé à toi et ça m’a mis dans le cœur le coup de soleil qui manquait à ma fenêtre.

A la même mardi 16 mars. .. / ... Aujourd’hui et hier aussi le temps s’est remis au beau, le soleil s’est montré, les routes se sont séchées. Il faisait chaud, il faisait bon et j’aurais bien voulu t’avoir à mes côtés.
A la même mardi 16 mars 1915.... Mes cheveux ont encore grisonné mais je suis toujours aussi jeune de caractère et surtout toujours aussi amoureux de ma femme bien aimée...
A la même mardi 16 mars 1915... /... Il a fait une journée délicieuse d’avant-printemps? les alouettes chantaient, des bandes de petits oiseaux passaient dans les grondements du canon et c’était bizarre et joyeux et un peu triste aussi.

A la même mercredi 17 mars 1915... /... Quelle journée délicieuse ! Et quel beau soleil il fait ! Cela nous met en joie et les Poilus aussi. Personne dans les caves et tout le monde est dehors... /... Ma bien aimée qu’il ferait bon se promener, au bras l’un de l’autre, dans quelque quartier du bois de Landresse... 

 A Delphine 21 mars... Nous avons attaqué la ligne ennemie.../... nous sommes restés sur nos positions et nous avons perdu quelques hommes... Au milieu de tout cela, ma bonne petite chérie, vos gentes lettres me parvenaient et je puisais dans votre amour toutes les forces dont j’avais besoin pour tenir jusqu’au bout... 

A la même lundi 22 mars... Les hommes sont gais, il fait soleil. 

Pays de Pergaud (Doubs). Cascade de l'Audeux en amont de l'abbaye cistercienne de la Grâce-Dieu (vallée des hiboux).




vendredi 10 août 2018

VOYAGE EN TCHÉCO...

Dix petits jours pour une rapide migration au pays de maman, là où tant d’êtres chers désormais reposent, à l'âge où il est de plus en plus vain de se raccrocher aux édifications des humains, des châteaux de cartes qui se défont et se succèdent. 

Depuis la retenue d'Holoubkov, prise vers l'Est, la forêt.
Encore qu’avec la géographie des cours d’eau et des monts, il reste la grande forêt. Même si sa temporalité, l’inversion entre les jeunes plantations et les vieilles futaies arrive à matérialiser l’inéluctable fuite du temps, l’être peut s’y situer entre les générations en amont et celles qui, par le futur, peut-être continueront à se nourrir aux mêmes racines. 

Au-delà des considérations qui précèdent, heureusement qu’à l’opposé de la légèreté propre aux pérégrinations de loisir, demeure, dans le prolongement sempiternel des migrations humaines pour la perpétuation de l’espèce, le voyage retour vers ceux qui sont restés. Les mots d’Andrée Chedid (1920-2011) entre un petit qui part à jamais et son grand-père qui reste, marquent pour toujours ces déchirements familiaux liés à l’émigrant quittant le quai :

« … Je te quitte, dit l’enfant retenant ses larmes.
- Tu m’emportes, dit le vieux… » L'enfant multiple 1989.

Alors, dans la mesure du possible, la priorité doit rester aux vivants qu’il faut revoir. En avoir conscience et se soustraire à cet appel, c’est se trahir.

Du samedi 28 juillet au mardi 7 août 2018, nous sommes donc partis pour la « Tchéco » comme nous persistons à l’exprimer. Il s’agit bien de l’ex Tchécoslovaquie désormais Tchéquie, République tchèque vers où, tels des oiseaux, nous suivons plus ou moins, depuis 1957, malgré un fil de l’Histoire subi car bien trop empreint de bêtise humaine, une même route migratoire.  

Tchéco Greater_coat_of_arms_of_Czechoslovakia_(1918-1938_and_1945-1961).svg Author SHazz
   

mercredi 18 octobre 2017

DIX-SEPT ANS, IL Y A DES LUNES (fin)... / Československo, Holoubkov


Devant nous, l’usine. Pour ne pas être en reste avec la forêt qui fume, sa respiration paisible (le rythme n’est plus celui, plus poussé, de la semaine) exhale des bouffées de vapeur diaphane qui se lovent puis déroulent au-dessus des ateliers. 
 

Une fois en bas, il faut prendre à gauche. Le vieux corps de logement ouvrier, aux allures de château, haut perché sur un soubassement de pierres de taille, nous domine. J’y connais des gens aimants qui en faisaient trop pour un petit Français resté si tchèque... La grand-mère de Tonda y habite. Sa cuisine reste imprégnée des senteurs d'épices, du cumin (khmin), de skořice, la cannelle de tous les strudel sortis du four ! Côté usine, c’est le réfectoire transformé parfois en cinéma, le samedi. J’y ai vu “Sur un arbre perché” ; Louis de Funès parlant tchèque, ça ne s’oublie pas ! 
  
Le raccourci débouche sur le barrage avec la route de Hůrky ou Medový Újezd suivant qu’on prend à droite ou à gauche après le pont du chemin de fer, là où le vallon se resserre. Elle a décrit une longue boucle descendant vers le lac. Sur l’eau, se mêlent aussi des écharpes de brume... Sûr qu’au-dessus du déversoir, le vodník, le génie des eaux, médite dans les ronds de fumée de sa pipe... 
Dans l’air frais qui les fait résonner, des halètements de locomotive se font entendre. A la faveur de la nuit passent souvent les lourds convois de l’armée. Enfant, je ne voulais que l’éruption d’escarbilles des machines à vapeur, aux grandes roues couplées patinant sur les rails, crachant leurs entrailles d’acier dans la rampe. Par la suite, malgré les bâches de camouflage, j’étais bien obligé de voir, souvent, braqués vers les étoiles, les canons des tanks d’une troisième guerre mondiale en suspens, des fûts autres que ceux, souples, oscillants, des épicéas abattus. 
Un sentier dévale vite le remblais à main droite. Strěda (tonton) s’arrête pour pisser et nous nous retrouvons à trois à arroser longuement (la bière) les pieds de bardane qui n’en demandaient pas tant. Silence. Le regard se perd au loin ou plus loin encore. Là-bas, montant du thalweg, les volutes de la loco de tête se détendent ; elles voilent quelque peu la lune. Plus bas, à l’arrière du convoi, la machine qui pousse crache, dans une quinte n’en finissant pas, un panache puissamment comprimé dont les boursouflures cachent un instant la forêt qui fume.

“ Dedo, grand-père, quand pourrons-nous aller aux champignons ? “

En descendant vers le fond glauque de la smrdlava ulička, la ruelle puante pas si désagréable pourtant (il faut que je la raconte un jour, promis), grand-père se lance dans une tirade improvisée, presque un exposé sur la pluie, les sorties, la pousse, la croissance, les lieux propices, ceux à explorer en début de cycle si les circonstances ne sont pas favorables, les conditions météo dans les mois sinon l’année qui précède. Il se laisse même aller à raconter le cèpe roi, les gros cachés sous la mousse, la rencontre avec le cerf, des histoires à repasser des dizaines de fois, dont on ne se lasse jamais, parce qu’elles sont ces pulsions de vie léguées en héritage, ces petites graines fragiles, semées à tous les vents et qui ne peuvent toutes s’éteindre.
La maison n’est pas loin et sous le pont j’aimerais plutôt prendre la route forestière de  Hůrky pour l’entendre encore des kilomètres durant, par cette nuit à la magie éternelle... Il marche, nous parle, parle aux grands arbres. Dans le fossé, les biches, les chevreuils, les lutins des sources, les gnomes des mines, les sorcières apaisées, le vodnik pensif, apprécient et se confortent de voir passer un émissaire des hommes auprès des sylves... 
  

Děda n’est plus, strejda non plus et papa qui a parfois été de la sortie vient de nous quitter. Pourtant, pas seulement l’envie, la nécessité aussi de les garder vivants, s’impose telle une évidence... L’oubli, la fuite en avant ne peuvent que précipiter la perte de la seule espèce prétentieuse de sa capacité à se pencher sur son passé.

Aujourd’hui comme quand j’avais dix-sept ans, la forêt continue de peser dans notre histoire au point de conditionner notre survie. Malheureusement, la toute puissance mortifère de l’argent sape et réduit dangereusement sa biodiversité : plus de la moitié des oiseaux a disparu depuis 1980... 

Doit-on, peut-on décemment accepter une mise à mort programmée des générations à venir parce que nous sommes coupables d’avoir tué la poule aux œufs d’or, lâches que nous sommes d’accepter des poisons chimiques dans un présent trop facilement lié à un progrès global ?   

“Rien n’est plus vivant qu’un souvenir.” a dit Federico Garcia Lorca... Que ce ne soit pas celui d’un monde mort et disparu à jamais... Quel malheur ! quelle honte pour notre génération de devoir raconter un jour à nos enfants un paradis qui leur serait interdit... 

J’avais dix-sept ans... il y a bien des lunes... 

photo autorisée : 2. l'usine derrière le barrage http://www.obecholoubkov.cz/cs/o-obci-holoubkov/

dimanche 16 juillet 2017

PETITE CHRONIQUE DE MA FORÊT PERDUE... / Tchécoslovaquie / Jiřina Burketova

C’est vrai que les gens du pays connaissent les coins. Certains venaient pourtant en voyage organisé : le bus se garait même en lisière de forêt mais quand ils en portaient un ou deux kilos, nous, nous en ramenions dix ! Maman me disait « j’ai besoin d’un ou deux cèpes pour la sauce » (" Potrebuju jednu nebo dvě hriby na omáčku" ? ) ... Elle les avait en temps voulu... 

Jiřina Burketova. 




mardi 12 juillet 2016

LES CORBIÈRES VIII / Un pays de Cers !


Un des cœurs des Corbières plurielles bat entre deux plis comme aux ordres du Pech de Bugarach (1230m) au midi et qui descendent vers l’Est. Le premier court sur 15 kilomètres au sud de la D613, la route des Corbières, entre les localités de Serres et du Pont d’Orbieu (de 800 à 515 mètres) (1). Le second, sur 23 kilomètres en gros, passe au nord de la D14, entre les villages de Bugarach et Rouffiac-des-Corbières, dépassant souvent les 900 mètres (Serre de Bouchard 931 m., Milobre de Massac 908 m.) pour redescendre autour de 600 mètres vers Laroque-de-Fa et Davejean (2). 


Vous êtes perdus ? Alors ne parlons pas des confins, de la Table des Morts vers Dernacueillette, de ce levant limité par la masse Mont Tauch (917 m.),  d’où sortent le Sou affluent de l’Orbieu et le Torgan qui rejoint le Verdouble lui-même allié de l’Agly.
Repérons-nous plutôt sur la D 74, à peu près entre les deux lignes de relief initiales, depuis Rennes-les-Bains vers la source salée puis le cours de l’Orbieu (3), par Sougraigne, Fourtou puis le contrebas d’Auriac, autant de villages où les morts des monuments pèsent plus que les vivants qui restent... 


Vous y êtes ? Rien de grave... Chacun reste libre de rêver, d’imaginer... Pour moi, néanmoins, pas question d’inventer : les Corbières sont porteuses de tant de beauté, de nature, d’humanité et d’Histoire, de mystères... élucubrer serait leur manquer de respect.
Avec les reliefs apparemment en désordre à cause des Pyrénées, il faut considérer le climat sinon les climats. L’Océan, la Méditerranée, l’altitude influent sur notre secteur. La température moyenne annuelle (11,7°) est de 3,5 degrés moindre qu’à Carcassonne ou Narbonne mais les vents (4) et surtout le Cers (de NO) y sont également forts. L’été est chaud mais moins sec qu’autour du Golfe du Lion. Il pleut plus régulièrement et davantage en moyenne d’octobre à mai (750 mm à Arques). L’humidité relative est favorable à la forêt qui profite des espaces désormais vides d’hommes, des hommes qui subissaient jadis des hivers plutôt froid, avec des brouillards et la neige parfois (5). 


En descendant vers Arques, je me souviens d’une combe aux châtaigniers où nous avions acheté du miel (peut-être vers le lieu-dit Perruche et vers 1961 ?). En montant le col du Linas depuis Camps-sur-l’Agly, je me souviens des fraises des bois. A Bugarach (6), je me souviens des bergeries qui se touchaient avec le panneau haut de la porte ouvert pour que les chèvres profitent du jour (vers 1975, le village vivait à l’écart des racontars farfelus qui le mirent il y a peu, sous les feux des projecteurs !).
Depuis ce cœur des Corbières, viennent chanter la Rialsesse, la Blanque et la Sals, l’Orbieu et bien des ruisseaux, l’Agly avec, parce que Nougaro nous en livre un instantané à Paziols, le Verdouble que nous chercherons et suivrons avec un plaisir toujours neuf !      
   
(1) Passe au col du Paradis 627 m..
(2) Passe les cols du Linas (667 m.), de Bancarel (496 m.), d’en Guilhem (477 m.).
(3) Après le col de la Fage (731 m.).
(4) "Les  vents  : le  cers  est  un  vent  de  secteur  nord-ouest, violent  et  froid  qui  apporte  les  pluies océaniques. Le vent d’autan (marin) est un vent de  secteur  sud-est  qui  fait  remonter  les  masses d’air humides de la Méditerranée et apporte aussi des précipitations" Centre Régional de la Propriété forestière Languedoc-Roussillon 2001.
(5) Un joli conte de Noël a pour cadre la neige entre Limoux et Saint-Louis-et-Parahou du temps des charrettes. Demandez toujours, si j’oublie, en décembre. 
(6) Les lutins Bug et Arach n’ont-ils pas intercédé auprès de Jupiter pour que les habitants soient délivrés des destructions colériques de Cers, fils d’Éole ?    
photos autorisées : 
1. Bugarach_vue_générale auteur Arno lagrange GFDL CC-BY-SA-3.0 
2. Carte_des_Corbières.svg auteur Boldair
3. Rennes-les-Bains,_pont_sur_la_Sals auteur CORLIN
4. Arques château auteur Romain bréget

dimanche 25 octobre 2015

LES BÉBÊTES (fin) / Mayotte

LA SCOLOPENDRE. Hier soir, Flo a repéré une scolo. Petite ou moyenne qu’il disait... Vous auriez vu le morceau ! Mais il n’y avait pas que mon corps allongé en position relax et quand j’ai réagi, la scolo avait disparu. Bombe insecticide à la main, il a fallu dégager autour de la bibliothèque et en premier, tirer le fauteuil pour fainéant ! Des pschit par-ci, des pschit dessous... mais c’est le chat qui est parti de son tapis. Etait-ce l’odeur ou la scolo sortant à découvert de l’endroit d’où elle était venue ? A coups de sandales, on s’y est mis à deux ! “V" de Churchill avant de flemmarder à nouveau devant la télé...   


    LES MAKIS. Pas grand’chose pour les lémuriens en ce moment. Le plus vert des papayers les attire même sans rien d’orange. Ils viennent par le fil téléphonique. Ils vont me le casser, à force ! Je leur balance l’eau du chat pour fluidifier le trafic !  





    LES OISEAUX. Du coup, nous n’avons plus pensé, un temps, aux petits oiseaux, les pauvres, qui en 40 ans ont perdu la moitié de leurs effectifs... à cause des chats, soit dit en passant, et des hommes surtout ! Sinon, au coucher du soleil, on dirait que la saison des guêpiers est finie. Avec l’obscurité, on entend la chouette-effraie qui nous aide contre les rats. Au lever du jour, dans le ciel, peut-être les derniers martinets... Le petit hibou n’appelle pas encore. Dans les arbustes, ce sont les bulbuls qui semblent se mettre en couple. Le plus remarquable reste le minuscule souimanga, l’oiseau-mouche butineur : un vrai ténor ! Formidable une si belle voix dans un si petit corps ! On en oublierait presque les martins si familiers, pas tristes du tout, au répertoire plus que divers. 



    LES ROUSSETTES. Rien à signaler non plus pour la grande chauve-souris peu farouches qui vient au nectar des futures mains de bananes.     



CONCLUSION : Euréka pour Coco ! Ce sera une chatière sur le principe des trous circulaires que tous les portails du midi viticole arboraient à l’époque de mon grand-père... Il faut juste prévoir que les minous, avant, étaient bien plus menus qu’aujourd’hui. 
    Et les rats du débarras aimeront peut-être la coûte du gâteau de riz dans le piège !
    Avant de fermer, j’allais oublier les moustiques pour la bonne raison qu’ils se font rares. Attention au palu néanmoins !
    Ah, et pour ceux qui aiment les pages autrement bien écrites sur les animaux, les “Bestiaires” de Maurice Genevoix donnent un vrai plaisir : chaque tableau est ciselé comme un joaillier l’aurait fait d’un bijou rare !

http://gepomay.fr/spip/?lang=fr association ornithologique
le Souïmanga de Mayotte (Nectarinia coquereli)
le Courol malgache (Leptosomus discolor) 
Visiblement, bonne documentation référencée... mais j’aurais aimé trouver quelque chose sur les inséparables, la petite perruche vert fluo qui semble avoir disparu depuis que les îliens ne cultivent plus de riz pluvial.

LES BÉBÊTES / Mayotte


Pour s’oxygéner régulièrement et respirer autre chose que les miasmes et autres pollutions humaines, soir et matin il est possible d’humer, ouïr et contempler dame nature. Ici, la mer reste toujours bleue même si la baie de Chiconi se teinte de brun après la pluie des mangues. Sur terre, la végétation, enfin, ce qu’il en reste parce que les gueulantes des tronçonneuses ne sont pas près de s’arrêter, respire néanmoins la quiétude. Il suffit d’écouter, d’observer et d’oublier un temps les gesticulations des bipèdes.

    LE CAMÉLÉON. Vite, vite, l’appareil photo : y’a un caméléon dans le jardin. Qu’il se cache ensuite avant que le courol (1) ne l’estourbisse pour l’avaler ! (pour le moment on ne l’entend pas crier, l’oiseau prédateur). 


    LA GENT TROTTE-MENU. Un rat se promenait sur la tringle de rideau. Je l’ai descendu et achevé au bâton sur le carrelage ! Par chance rien de sali sur le buffet ! Mais ils ont mangé la moustiquaire donnant sur le débarras... Faudra bricoler... Faut pas oublier non plus la souris qui a troué le sac de croquettes !

    LE CHIEN. La chienne du voisin fait dans le jardin. Dungulululu a cru que ça sentait la crotte... Les femmes ont l’ouïe fine, pardon, le nez... mais c’était plutôt le roquefort de monsieur ! C’est de l’engrais, enfin, pas mon fromage, même si, pour les bourrelets !.. Et puis la chienne, elle garde bien ! Et gentille qui plus est, pas comme la petite folle, un temps en pension, qui n’arrêtait pas de déterrer son pied de citronelle !
    
LES CHATS. Un chat errant est venu tabasser notre vieux Coco. Le matou a braillé “Au secours”. La lumière s’est allumée, le renfort est vite sorti sur la terrasse. Le maraudeur n’a pas attendu mais a laissé des touffes de poils : le coupable est un gros caïd noir et Coco boîte. Pour la première fois, il a fini sa nuit à l’intérieur. Comment le protéger ? L’entourer d’un grillage comme pour une volière ? Lui construire une caisse telle un donjon avec un pont-levis ? Sauf qu’une fois sorti, il ne pourrait pas regagner ses pénates... A suivre...

(1) http://www.olivieresnault.com/tag/mayotte/
“ Le Courol Malgache (ou Courol Vouroudriou), un Oiseau Etrange / Par Olivier Esnault le 5 mai 2011.
Le Courol Malgache fait partie des oiseaux remarquables de Mayotte.
Cet oiseau étonnant appartient à une famille (les Leptosomidés) dont il est l’unique représentant. Cet oiseau à forte tête ressemble à un rollier. Et à un coucou, d’où son nom anglais de Cuckoo Roller.
C’est le seul oiseau avec le hoatzin (oiseau primitif amazonien possédant entre autres des griffes sur ses ailes…) à n’avoir pas une position systématique claire. Un vrai casse-tête pour les scientifiques !
…autre particularité, ses pieds sont dits zygodatctyles…

mardi 6 octobre 2015

“ LA VIE EST A PEINE PLUS VIEILLE QUE LA MORT” / Československo / Holoubkov ma forêt perdue...

 “ LA VIE EST A PEINE PLUS VIEILLE QUE LA MORT.” Paul Valéry.    

Vendredi 2 octobre 2015. 13 heures à Mayotte, une de moins sur un chemin à l’orée d’une forêt tchèque, de celles qui annoncent déjà la taïga russe, le galop des Cosaques vers l’est lointain et, dans l’autre sens, la chevauchée des hordes aux yeux bridés. Aujourd’hui, pourtant, ce n’est pas l’enfant qui se laisse aller à sonder ses mystères profonds et magiques, c’est l’adulte qui, par la pensée, passe et repasse sur ce chemin familier où certains se retrouvent écrasés par la force du destin, parce qu’on n’en revient pas quand sonne l’heure. Vendredi à midi, tonton a pris ce chemin sans retour ; il a rejoint les nôtres, ceux qui reposent dans la clairière et vivent dans nos souvenirs. 

                                                                                     Tonton Stáňa (août 1965).

    Est-ce que je peux être là-bas malgré les kilomètres par milliers qui nous séparent ? Comment est-ce possible alors que l’installation d’une guirlande et des lampions est prévue, qui plus est, parce que ce 2 octobre marque aussi les neuf ans de mon dernier ? Qui se permettrait de gâcher la fête, d’entamer chez les enfants un pécule d’optimisme si précieux pour la suite ? Pas moi en tout cas ! Va aussi pour la musique malgache : quel que soit le ferment, tout vient, tout irradie de l’intérieur... comme quand tu t’exclamais, tonton, avec gourmandise, à propos du métissage de mon fils « Takovej pěknej čokoládovej ! » (un si joli "chocolaté") ! 

                                                      Florian vers ses 3 ans (juillet 2009)

                                                                                          Tonton Stáňa (juillet 1969)

Sa mère a fait des gâteaux au chocolat, justement ! La Vzpominka na Zbiroh de Vačkař, ce sera pour un autre moment, au calme. “To chce klid”... On le dit ainsi, non, au pays des sombres forêts ? J’ai posté des photos pour les miens, sur facebook en me demandant s’il était convenable de s’afficher ainsi ? Mais puisque ça vient de l’intérieur... Et puis nous savons tous que tout et son contraire trouvent à se justifier urbi et orbi ! Il y a des pays où les gens banquettent et trinquent sec pour un enterrement !
    Chacun garde les portraits, les scènes et les décors qu’il peut, distillés, passés par le filtre des ans, contrairement au film accéléré qui défile pour ceux sur le point de franchir le pas, s’il faut en croire ce qui en est dit. Mes images convergent, lumineuses, dans le clair-obscur du chemin où l’armée des sapins tolère une délicate bordure de noisetiers. Dessous, des framboisiers dont la tendre verdure avait attiré une biche, une fois. Instantané fugace et fragile d’un regard partagé, exaltation même de la vie avant qu’elle ne se fonde dans la coulisse ! Sûr que pour l‘avoir précédée, elle est plus forte que la mort ! Sa sérénité rassure, grandissante, palpable quand le chemin donne dans la lumière foisonnante, au grand soleil du matin.
    Dormez tranquilles, cœurs aimants... Une première ligne d’arbres garde et protège la clairière. Derrière, en renfort, la forêt veille sur l’empreinte d’un passé qui seul peut répondre de  nos traces. La famille, les amis s’en retournent et moi je reste là, les yeux baissés, la semelle roulant mes pensées avec le gravier léger, du laitier peut-être, là où la biche s’est enfuie.
    Oui, tonton, chacun partagera ses images, ses sensations, en prenant soin d’éviter les sujets qui fâchent. Nos tableaux familiers s’animeront, dans la cuisine, au jardin, près du clapier, sous les pommiers, autour du taborak, le feu de camp, dans la forêt pour les myrtilles, les champignons, pour la bière du samedi dans la fumée de l’auberge, au lac... Dis, tu te souviens du brochet qui voulait se réfugier dans les roseaux ?
    Par-dessus les pointes des sapins, une locomotive poussive halète son effort dans la côte et si l’herbe est désormais lavée du poussier des escarbilles, l’écho des bouffées se répète comme ces voix qui se sont tues mais continuent à porter...
    Excuse-moi tonton, je pars chercher tante Joséphine : j’allais l’oublier, avec ses fleurs, sur la photo de famille... 

                                                                    Tante Joséphine, assise, avec des lunettes (1985).

mardi 7 avril 2015

L’ANGELOT BOUFFI ET LA MAGICIENNE GRISE / Mayotte en Danger

L’ANGELOT BOUFFI ET LA MAGICIENNE GRISE.


Un peu de poésie et de contemplation pour ne pas toujours donner dans l’aigreur et l’acrimonie.


Midi, un courant d’air veut chasser un instant le temps immobile, lourd et moite de la saison des pluies. La mousson n’est que rétention ; la nature souffre. Des cheveux flottent dans un ciel à blanc. Désespérant. L’instinct cependant, du moins l’expérience fait tourner vers le nord qui appelle les bouffées. Oh la belle vision ! Un cumulo-nimbus aspire autour de lui et gonfle ses boursoufflures. Haut dans l’éther, sa tête est décidée : ça va tomber, vous allez voir, ça va péter ! Oh le beau bébé, on se prépare au spectacle ! C’est son corps à présent qui enfle ses volutes ! Les tons chou-fleur s’oxydent, tournent au gris, foncent encore un peu. Encore une rafale ! Vive le vent, vive le vent, vive le vent d’orage ! Le deuxième acte se précise quand... Mais que se passe-t-il ? La tête ne tient plus, les boucles fondent comme des filaments de barbe à papa et le corps n’est pas loin de subir un même sort. Nimbus se dégonfle d’un coup ; Cumulus s’effiloche parallèlement au lagon. On attendait la bourrasque et c’est le soleil qui se rengorge sur les bleus de la mer et la verdure du mont Chiconi ! Rien alors que le déficit en eau est flagrant... L’angelot baroque ne put pisser l’eau du ciel, penaud il s’éclipse vers la barrière de corail, au ponant... A-t-il péri comme Tycho Brahé, l’astronome qui s’était retenu pour respecter l’exigence protocolaire de ne point quitter la table avant le roi ?
Le lendemain, à l’Est, sur l’échine montagneuse qui coupe l’île en deux. Moins théâtrale, plus efficace, une nuée opaque arrose les hauteurs puis le plateau de Barakani. Elle approche. La rumeur gonfle, devient huée, enfle en bacchanale, culmine en sabbat. Un rideau d’eau hachure l’espace, inonde la varangue, balayant tout ce qui n’a pas été rangé à temps mais pour la terre assoiffée, craquelée, cela ne pouvait mieux tomber. Il pleut à verse sur la paysanne qui poursuit son labeur. Son turban, ses cotonnades vives sont trempes mais une douce tiédeur dilue la sueur et soulage l’effort. C’est si bon qu’elle ne se dit pas qu’elle devra repasser pour les herbes qui ne vont pas tarder à buissonner sous peu. Une magicienne grise enveloppe le pays de ses oripeaux ternes, une fée plutôt, bienfaisante, qui ne fait que passer, sans éclats, sans baguette, sans faire sonner les tambours de l’orage et les éclairs de ces angelots bouffis gonflant les joues sur leurs trompettes et qui parfois font peur et se cacher pour rien. 

C’est bien la poésie mais il faut garder les pieds sur terre !
En saison des pluies l’espoir que toute la ressource voudra bien tomber gentiment prédomine. Il n’empêche que des passages perturbés allant jusqu’aux tempêtes et cyclones font toujours craindre des excès de pluviométrie, avec pour conséquences, des morts, des dégâts, des glissements de terrain, des difficultés d’approvisionnement. En troisième lieu, notons encore la préoccupation latente de manquer d’eau.
Malheureusement, et c’est plus marqué depuis ces cinq dernières années, les périodes de sécheresse sont plus longues et plus sévères. Cette année, même si les chiffres ne sont pas encore disponibles, est-ce lucide d’évoquer un manque de ressource lié à des réserves déjà basses ?
Ce n’est qu’un sentiment, qu’une impression mais quand on sait que l’île (peut-être 300 voire 400.000 habitants d’après certains élus) nécessitera de toujours plus de surfaces agricoles et que pour cela des pistes s’ouvrent en forêt, des arbres sont abattus on ne peut pas ignorer qu’un couvert végétal diminué c’est moins de pluies dans le cycle local. 


Sur les hauts de Sada, des paysages sont défigurés et cela n’est pas sans rappeler les saignées en Amazonie. Tout autour de la ville, les zones jadis agricoles se construisent à tout-va au prix de dizaines d’arbres abattus ou « étranglés » sur pied. Même légalement, comment un propriétaire peut-il supprimer, quand ce n’est pas par les clandestins qu’il tolère, des arbres que son grand-père sinon un aïeul plus éloigné a connus ? 

Bien sûr que la ressource en eau est compromise mais il ne faut pas oublier aussi que lors d’épisodes cycloniques tels Kamissy, la disette aurait été pire sans les mangues et les jaques (le fenesi) dont on consommait même les noyaux ! 

photos autorisées : 1. Ange baroque cathédrale de Strasbourg (commons wikipedia)