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samedi 7 juin 2025

MAÎTRESSES toujours...

 Maîtresses toujours, instituteurs toujours, cher compagnonnage de la communale, des coquelicots et marguerites pour avoir aussi contribué à faire fleurir le respect des enfants et de soi, malgré la timidité extrême de nos effusions, de belles rencontres me poussent à regratter la page, à moins m'en vouloir aussi d'une nonchalance coupable.

Logés à la même enseigne que tous, des instits femmes ou hommes partent sans que nous acceptions le vide laissé ; raison de plus, au contraire pour resserrer les rangs dans cette solidarité de corps qui nous a tant confortés.

Le souvenir “ tranquille ” d'Alain-Fournier (1886-1914), de Louis Pergaud (1882-1915), celui plus personnel de René Pesqui (1937-2017), dit « L'oncle », parce que du pays et pour le dernier stage CM2 à Grézieu-la-Varenne avec les tilleuls en fleur (juin 1972), celui, plus poignant de Jean-François Knecht (1957-2007), compagnon à Mayotte, forcent d'un coup mes défenses émotionnelles. En cause, un décès soudain, choquant (51 ans), et d'autres dont je n'avais pas idée, tant à la fois que j'en déborde. Pardon.

Le premier, dans les “ tranquilles ”, celui d'André David (1893-1915), certes de l'École Normale Supérieure, pour son travail aussi expéditif que remarquable sur la Montagne Noire. Bien des critères pour rester honoré...

Le second, hélas d'actualité, de Sébastien Saffon (1974-2025) qui après dix-sept ans dans le primaire, a passé une maîtrise d'Histoire. Riche de ce qu'il a transmis sur la vie agricole du Lauragais dont « Ceux de la Borde Perdue », sa trilogie « La Combe » ; il nous quitte du jour au lendemain, nuit du 17 au 18 mai 2025.

On cherche, on prolonge (c'est formidable l'Internet !) pour tomber sur « Les grandes heures des moulins occitans »,encore sur le Lauragais, d'Huguette et Jean Bézian (1935-2015), instituteurs tous deux d'origine.

Alors vagues sous un crâne, je pense à Roger Bels (1921?-2001?) qui nous a laissé un beau livret sur le département de l'Aude... et, tout à fait en accord avec le mot de Michelet

« Chaque homme est une humanité, une histoire universelle »

(petit dépit les majuscules manquantes à « Homme » et à « Histoire » [quel culot !]).

En remontant presque aux sources, je me dis qu'au titre de collègue j'aurais dû aller parler à Francis Patrac (1935-2018) : il a enseigné à Salles-d'Aude où peut-être des publications d'élèves Freinet dorment dans un placard ; il connaissait si bien la faune, la nature de notre garrigue...

Pour finir, en hommage au lien entre Albert Camus et son instituteur Louis Germain (1884-1966), je m'en voudrais de passer à côté des enseignants de notre école à Fleury, chronologiquement Louis Llobet (1935-2009) qui avec son épouse nous ont encadrés en tant qu'ados autour d'une activité Théâtre, et en classe, Louis Robert (1906-1993) malgré sa méthode à l'ancienne et, une fois retraité (lui) plus pour nos promenades complices... et Monsieur Rougé, au CE2, c'est mon Monsieur Germain à moi, de ceux, (il y eut des profs par la suite dont Marcel Sinsollier [1932-2024]) qui vous découvrent un coin de bleu quand votre ciel n'est pas beau...

Nul besoin de coterie entre nous, le lien nous dépasse, pour avoir toujours eu le souci de laisser fleurir nos enfants, restons solidaires aussi des vivants qui de près ou de loin, nous ont côtoyés, nous côtoient, nous ont apporté, nous apportent.

Chers collègues de la communale, des coquelicots et marguerites, institutrices toujours, maîtres toujours !

lundi 26 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE (8), les cultures pauvres.

 En lieux et milieux moins favorisés, les cultures pauvres. 

Châtaigne Cévennes wikimedia commons Author historicair 29 décember 2006 UTC 15 h18

Olives 2014 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Ввласенко

Le châtaignier bon pour tout : le bois en charpente et menuiserie, la feuille en litières, la bogue en engrais pour les oliviers ; la châtaigne est surtout vendue à Villeneuve (Minervois), à Carcassonne, une  partie est consommée à la maison, une part équivalente destinée à faire venir les cochons (3). La châtaigneraie rapporte mais, contrairement à l'olivette, nécessite des rotations, plus de soin et de travail ; il faut renouveler les arbres, les nettoyer à la base des mauvaises herbes et autres arbustes. 

Solanum_tuberosum Atlas des plantes de France 1891 Amédée Masclef (1858-1916) Domaine Public



Champ de seigle 2005 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Letrek


Dans les gorges du Cabardès, la prairie plantée de châtaigniers « ...se vend, à Cabrespine, jusqu'à 10.000 francs l'hectare. » (Il n'empêche que le géographe classe le châtaignier dans les cultures pauvres...). 
De même, la superficie à pommes de terre, dont certaines variétés de renom, se loue aussi cher qu'un bon champ à céréales de la plaine. 
La culture du seigle, par contre, s'avère plus ingrate ; abandonnée pour le pain ainsi que le chaume des toitures, elle ne tient que pour un cycle triennal d'assolement (pommes de terre, seigle, jachère). 

Et le Poumaïrol aux filles joyeuses ? Bien que condamné aux cultures pauvres, à force de travail, le pays produisait des navets, des oignons, des haricots. Pour les sous, grâce aux filles, cela se passait dans le Bas-pays, la plaine de l'Aude, pour les vendanges puis, en remontant, les pommes, les châtaignes et, encore lors d'une seconde migration plus hivernale, les olives, les sarments à ramasser... Sinon, les hêtres sont redevenus taillis d'ajoncs, genêts et autres broussailles. Pourtant, trente ans en arrière, deux boulangers et un éleveur montent l'association « Le Moulin de Poumaïrol » en vue d'obtenir de la farine bio issue de blés anciens, panifiée dans le Minervois jusqu'à Béziers. Le meunier affirme qu'ils se veulent « subversifs », « militants », « autonomes », à échelle humaine, désireux d'animer le territoire. Alors, on y entendra à nouveau la chanson coquine pour la Baraquetto : 

« Las castanhas e lo vin nouvèl 
Fan dansar las filhas e lo pendorèl... » [Les châtaignes et le vin nouveau Font danser les filles et le panèl des chemises (4)]. 

(Voir, dans ce blog, la quinzaine d'articles dédiés au Poumaïrol... et à ses filles...). 

En raison d'un prétexte aussi futile, pardon d'en faire des tonnes à vrombiner autour d'André David, auteur aussi prématurément enlevé à la vie que ceint de lauriers. Moi, je ne suis qu'une mauvaise herbe. À cause de pulsions ordinaires, au nom d'un cheminement pour le moins complexe, j'en arrive à relativiser le sérieux de l'auteur à traiter géographiquement les cultures de la Montagne Noire. Qui plus est, cette proximité avec le Lauragais me soumet avec stupéfaction et tristesse à la perte soudaine de Sébastien Saffon (1974-2025)... Que disait-il de l'élevage du cochon notamment ? Que relevait-il sur le travail des paires de bœufs ? Mon tome de « Ceux de la Borde Perdue » est loin, à Mayotte, de même que le vieux gros et lourd Larousse Agricole 1951. Encore des “ découvertes ” et “ redécouvertes ”, avec la mise à l'honneur par Sébastien de la langue occitane, remises à plus tard dans le meilleur des cas... 
Foin de ces “ découvertes ” alléguées... même si de qualifier ainsi celle de Christophe Colomb ne vaut, après tout, guère mieux... 

(3) André David en sait plus long sur l'élevage du cochon : « Toute famille, dans la Montagne Noire, en possède trois ou quatre, nourris avec les déchets de cuisine; mais les gros troupeaux n'existent que dans les villages de châtaigneraie. Aussi, à Pradelles, doit-on vendre les porcelets aux gens de Labastide-Esparbairenque ou de Cabrespine; de même, sur le versant Nord : Sorèze, plus peuplée que Saint-Amans-Soult, mais privée de châtaigners (sic), a 1.000 porcs; Saint-Amans-Soult en compte plus de 2.000 ». L'auteur semble faire erreur vu que l'élevage du cochon nécessite qu'on lui cuisine, par exemple des pommes de terre, des herbes en fin d'engraissement, sans parler des châtaignes qu'il faut lui peler (réservé en principe à la famille). Sous un appentis accolé à la soue, un gros chaudron était réservé à ce travail. 

(4) dans les dicos Lagarde et Laus, le pendourèl est le pan de chemise qui pend, qui dépasse... est-ce celui des femmes ? des hommes ? Dans Lou tresor dau Felibrige, à l'entrée “ pendourèl ” Mistral ajoute « pont-levis d'une culotte »... Alors, femme ou homme, à chacun de prolonger ou non la portée du mot « pendorèl »...    


dimanche 25 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE (7), les cultures riches.

Ah, le Poumaïrol tant restent prégnants l'effet, les répercussions suite à la “ découverte ” fortuite de ce haut pays perdu pourtant dans la modeste entité afférant à la Montagne Noire ! Quel culot de se poser là en “ découvreur ” pas même d'une invention, mais seulement pour être tombé inopinément sur un article de la revue Folklore de 1974. Encore un hasard, une de ces coïncidences qu'on se trouve forcément parce qu'on se les cherche, en ces années 70, “ ma ” “ découverte ” marquante de « La Vallée Perdue » pour tout ce qui m'a plu d'emblée et plaît toujours dans ce film : Michael Caine (1933-), le Capitaine des mercenaires, plus qu'Omar Sharif (1932-2015), le contexte de la Guerre de Trente Ans, perturbante dans ce qu'elle donne à méditer sur les horreurs des guerres pourtant si ordinairement pratiquées encore de nos jours, et quoi encore, le cadre d'une vallée montagnarde alpine épargnée, les thèmes universels écolos avant l'heure, un cours de la vie simple autarcique, lié à la ronde des saisons, sans la funeste attraction industrieuse à venir des villes, sans la pollution... Il est vrai que de vivre dans un HLM du pourtour lyonnais ne pouvait porter qu'à envier un idéal vécu par des paysans encore moyenâgeux dans un îlot de paix miraculeuse. 

Non sans un regard pour les métairies du Lauragais que Sébastien Saffon (1974-2025), parti si brutalement, faisait si bien revivre, avec André David (1893-1915), revenons à la vie paysanne d'alors. 

Paire de bœufs 2006 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Monster1000

Les paires de bœufs au labour appartiennent bien aux terres grasses d'en bas ; au-dessus de 250 mètres, seuls les replats et fonds de vallées sont capables d'offrir un mitage  de sol  plus profond «... plus argileux et plus épais, riche en potasse et soude... ». Sur les hautes terres schisteuses, cristallines, la Montagne n'est qu'un « ségala » avec surtout du seigle, des pommes de terre. Entre les deux, au Nord, une bande de blé et légumineuses, au Sud des cultures méditerranéennes là où les gorges s'élargissent, partout des prairies permettant l'élevage de bovins de bon rapport, un liseré de châtaigniers. 

Lauragais 2018 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Jean-philippe.miconi

La moindre parcelle exploitable est vouée aux cultures riches. 
Appréciés, rappelant l'opulence de la plaine, le blé, le maïs. Le blé est destiné aux boulangers de la Montagne, le maïs à l'engraissage des volailles de la famille. Au débouché des torrents du sud, sous l'étage des châtaigniers puis les restanques de vignes et olivettes, grâce aux roues à auges ou autres puisages à balanciers (les pousarancos languedociennes), en partant des rigoles d'irrigation des prairies à pommiers, on arrose les maraîchages. 
Les pommes de la Montagne Noire sont renommées jusqu'à Paris. Les amandes, pêches et figues sont consommées localement. 
Les choux dominent dans les potagers. 
Chaque paysan tient à faire son vin. 
Les oliviers ont souffert des hivers rigoureux entre 1789 et 1870 puis des maladies. 
Bien que naturelle, la prairie prétend à conclure cet ensemble. Naturelle, associée aux vergers de pommiers, elle reste en effet tributaire de l'irrigation. Les rigoles suivant les courbes de niveau, soignées, nettoyées, aux vannes révisées, les séparent du bois ou de la lande qu'elles seraient sans la main de l'homme. Elles permettent l'élevage des vaches laitières et à viande (pour, plus particulièrement, les villes de Perpignan, Marseille et Toulon). Avant 1850, leur utilité se limitait au trait, au travail (1). De bon rapport, ces prairies ont conduit à la construction de réservoirs (2) et auraient pu mener à l'édification de barrages à Cenne-Monestiès et Saissac. (à suivre)

(1) Au début du XIXe, élevées pour la viande destinée à l'armée d'Espagne de Napoléon. 

(2) de 108.000 m3 à Saint-Denis, permettant l'arrosage de 142 hectares. Moyennant une redevance de 4,50 fr/ha, un syndicat régulait la distribution d'eau. 

  

vendredi 23 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE (6) Forêts et landes (fin)

Alors, pour améliorer la situation, on demande de poursuivre « les délits commis sur les bois […] On accusait les chèvres, les verreries, les forges, les manufactures de tout ordre, la distillation des vins, etc3… Mais les chèvres, proscrites au XVIIIe siècle, par toute une série d’arrêts n’ont jamais été nombreuses dans la Montagne Noire... ». Par contre les clairières autour accusent les forges, les verreries; « Le déboisement date de la colonisation même de la Montagne Noire […] des villages de défrichement […] les abbayes du versant sud firent reculer la forêt. La destruction du bois de chêne vert a dû cependant être plutôt l’œuvre des mineurs… ». David explique que depuis l’époque gallo-romaine, les galeries se creusaient au feu4, des amas de charbon, des pierres éclatées attestent qu’une « masse énorme de combustible fut ainsi dépensée ».

Toujours à propos de la forêt en recul, dont la hêtraie, à Salles (deux « l », comme sur la carte de Cassini, au lieu d’un seul pourtant sur la carte dite « d’État Major » des années 1850), le village possible du plateau du Poumaïrol, l’auteur note « des jachères furent conquises sur la forêt ; au bout de peu de temps, la dépopulation5 aidant, elles passaient à la lande. ». 

Ulex_europaeus, ajonc, arjalat, 2022 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Michel Langeveld

Castans Aude 2017 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Jcb-caz-11. 2017 : le paysage a changé du tout au tout... 

Avec la pelouse, le genêt, l’ajonc6, le genévrier, la lande est le domaine du mouton en nombre jadis considérable : pacages, drailles, nombre de bêtes, tout était règlementé, ce qui, encore au début du XIXe siècle causa disputes et batailles notamment, entre les bergers de Castans et ceux de Saint-Amans, en dépit de l’influence du maréchal Soult. De 1750 à 1850, une transhumance amena des troupeaux dits « forains » de la plaine audoise. En 1913, David constate « aujourd’hui Pradelles vit de ses bois et de ses troupeaux de vaches, Castans de ses bois et de ses châtaigniers »

Cette lande peut aussi être exploitée comme la forêt : « De Castelnaudary à Revel par la grande route, on rencontre à chaque instant des charrettes chargées d’ajoncs… ». C’est le cas pour les tuileries, les poteries, les fours à chaux, à plâtre, à pain ; « c’est à sa chaleur qu’on cuit les fameux pots qui, dit-on, donnent sa saveur au cassoulet de Castelnaudary : l’emploi des ajoncs de la Montagne Noire est même un des rites de la fabrication […] 1,800,000 fagots d’ajoncs7 par an… » ; on ne brûle rien d’autre dans un rayon de 30 kilomètres… Avec la plaine chauve, la forêt de montagne malportante, le bois étant réservé aux menuisiers et charpentiers, ne restait que la lande souvent en jachères 2 ou 3 ans. La deuxième année, ce sont les genêts qu’on coupe pour les manufactures les préférant aux ajoncs ; sinon on les brûle en tant qu’engrais très apprécié dans la culture du seigle ou des pommes-de-terre.

3 En cause aussi les coupes à blanc fragilisant la repousse, la plantation de châtaigniers, la demande de la plaine de l’Aude, trop glabre.

4 Ne pense-ton pas plutôt au pic alors, qu’apparemment, il n’était que l’outil des nains de Blanche-Neige !

5 Un constat datant de 1913.

6 L’ajonc, qu’es aco ? Ah, dites arjalat (dans les dicos d’occitan « argèla » chez Lagarde, « argelat » chez Lagarde et Glosbe) et c’est le genêt épineux qui n’a rien du genêt sinon ses fleurs jaunes et serrées.

7 « …on coupe les ajoncs après 5 ou 6 ans en général ; après 20 ans on arrache la plante et à 2 ou 3 ans d’intervalle, on sème.

La MONTAGNE NOIRE (5), forêts et landes.

André David, Roger Bels et Marcel Sinsollier, mon bon prof d’Histoire-géo1, un des « brillants soleils », aligné avec ceux qui vous remontent à la surface, grâce à qui, à me pencher, derrière papa que j’ai souvent déçu, j’ai pu accrocher ma vie, positiver, bâtir peut-être du positif, du bon sur du mal… à prendre sur moi, à force, plutôt que la facilité ’à imputer aux autres… De l’Ariège au Lauragais, jamais finie, cette portion de carte du tendre me révèle, tend à l'introspection… Pas plus tard que mercredi, une compatriote, généalogiste passionnée à ses heures, a confirmé qu’on disait bien « de Dieu » devenu « Dedieu », nom de famille répandu en Ariège, à propos d’un enfant trouvé. Et là, la Montagne Noire, abordée jusque là en papillonnant autour des filles du Poumaïrol, sort des brumes en me mettant face à moi-même. Je me revis déjà en enfant compliqué, puis en ado veule, vous m'en voyez bien désolé ; Baudelaire (1821-1867) me l’a bien fait comprendre :

« Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage, 

Traversé çà et là par de brillants soleils

Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage… »

Il en a fallu du temps pour un début de lucidité, restons modeste… Baudelaire, déjà marqué à 40 ans...

« …Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils… »

Charles Baudelaire la quarantaine Domaine Public grossissement du portrait par Étienne Carjat réalisé par Nolwist. 


Comment son spleen aurait pu évoluer s’il avait vécu plus de 46 ans ? “ Vermeils ” ou pas, ce qu’il me reste est que pour le peu qu’il y a à passer sur cette Terre, il faut dire aux autres qu’on les aime, que sacrée est leur existence, qu’elle constitue l’essentiel de nos fruits récoltés. Parce que, « Avec tout le mal que je t’ai fait… », une fausse citation je pense, mais c’est vrai que je ne vaux pas mieux qu’Ugolin implorant Manon des Sources...

Bien qu’exposé à la face du monde, merci Montagne Noire, de si bien me protéger, sous ta cape, des rafales et des intempéries. Une sérénité feinte qui permet d’évoquer tes aspects économico-démographiques. 

Verreries-de-Moussans Eglise St-Thomas 2017 wikimedia commons Author Fagairolles 34

C’est Serge, non, des deux amis partis pour le Poumaïrol2, Serge qui est admiratif de la beauté, de la hauteur des arbres, si grands, si étonnants pour les purs méditerranéens qu’ils sont ? Et Roger, en pensant à l’exploitation abusive des forêts, de seulement poursuivre : « Beaucoup de petites industries du verre dans le coin ; il en fallait du bois ! ». Un peu court, avouons, plus étique encore, à lire la somme de paramètres livrés par André David :

Sur fond de Pyrénées, Saissac 2010 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Jcb-caz-11

page 85 « les gens de Saissac sont obligés d’aller à quatre lieues de leur bourg, du côté des Cammazes, chercher le bois qui leur est nécessaire ; dans les fours comme dans les foyers domestiques, on ne brûle plus guère que des broussailles, sur tout le versant Sud. Au Nord, les forêts sont encore toutes délabrées… ». (à suivre) 

1 Je me revois, lors du contrôle des cahiers, penché à son bureau… il tourne les pages et sans la moindre répulsion pour les marron et orange combinés, association criarde de ces feutres multicolores dont j’abusais tant ça venait de sortir, il me complimente pour la justesse du schéma de la cluse dans un synclinal du Jura ! Inoubliable !

2, Voir les épisodes « Poumaïrol 12 et 13 »



samedi 17 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE (4) Relief, pluie et vent.

Brodequins lacés, sac au dos, avec les David à l'horizon, la Montagne Noire s'offre entre le bassin de Castres et les plaines de l'Aude. 

Copié sur le travail de Roger Bels, instituteur / En pensant à mon prof de quatrième, Monsieur Sinsollier... La coupe part de Saint-Amans-Soult, kilomètre 0 et finit du côté de Pennautier. dans l'impossibilité de situer précisément les cuestas calcaires, je ne me suis pas risqué à faire figurer les points particuliers à cette coupe : Pradelles-Cabardès, le Mont Simel, La Combe-du-Saut, Villegailhenc,   

Au nord, le plateau chute brusquement sur la coupure du Thoré, bien arrosée par les pluies atlantiques, la pente porte de sombres et profondes forêts lui valant son nom ; le Sud, au contraire, au climat plus méditerranéen, offre un paysage de côtes exposé au soleil. À l'est, si André David mentionne le col de la Fenille (451 m. entre La-Bastide-Rouairoux dans le Tarn et Courniou dans l'Hérault), la vallée du Thoré, remonte, elle, au-delà des Verreries-de-Moussans. 
À propos du réseau hydrographique, le travail de l'auteur s'adresse comme pour le reste, aux spécialistes, référence faite à la géologie par exemple, aux cycles d'érosions. Rien n'empêche, néanmoins, d'en retirer une vulgarisation tous publics. 

Sur les 38 figures de l'ouvrage, les dessins au nombre de 19, sont du père Léo David. Ici la n° 17, la plaine éventrée de Castans. 

Relevé hydrographique d'André David. 


Dès lors, non s'en nous en excuser, comparons passé et devenir géologiques des reliefs et rivières par un biais anthropomorphique au vocabulaire déjà utilisé par David. Singulière, la ligne de partage des eaux raconte que, plus rapprochée du Nord, avançant plus loin, l'érosion méditerranéenne a fait gagner le Sud. Oui mais, partant du factuel, la science du jeune géographe est capable d'anticiper l'évolution d'une situation non figée. Le Nord reste cependant sur deux batailles gagnées, celles du Sor et de l'Arnette ; le Sor a capté les affluents du Lampy du coup raccourci, décapité ; de même, l'Arnette primitivement liée à l'Orbiel, a été capturée par le Nord. Sauf que, désireux de se venger, l'Orbiel annonce sa revanche prochaine... Déjà, tel un allié, le Clamoux (“ la ” pour l'IGN) a amputé l'Arnette de ses sources : le Sud est dans une dynamique de reconquête... Et la plaine de Pradelles-Cabardès étant appelée à disparaître, c'est à se croire dans l'épisode de l'enlèvement de la belle Hélène, prélude à la Guerre de Troie ! Chapeau l'artiste... je veux dire « André David » ! 
Pour ne rester que “ grand public ”, laissons le spécialiste à son talent d'enquêteur, retenons cependant que pour alimenter le Canal du Midi, les noms de Paul Riquet et Vauban sont liés aux Rigoles de la Montagne et de la Plaine (60 km environ pour l'ensemble), dédiées au captage des eaux nécessaires au Canal, entre les versants méditerranéen et atlantique. 

Relevé par André David. 

Pleuvait-il davantage, un siècle passé en arrière ? 
Lors de son étude, André David disposait de peu de ressources à propos de la pluviométrie ; c'est qu'à l'époque, l'appellation “ Montagne Noire ” va du Sidobre à Bédarieux, Avant-Monts compris. Si, à l'inverse du relief, les courbes se resserrent au sud, le plus étonnant relève du flou sur les abords de Nore où le schéma ne traduit pas l'abondance des pluies (le pic se retrouve souvent noyé de brume alors que le Cabardès est sous le soleil). 
Une vingtaine d'années plus tard, dans une étude sur « Les Conditions climatiques et la Végétation de la Montagne Noire » et des relevés plus étoffés, J. Dougados (1) note que les récoltes sèchent à Cabrespine « ...pendant que ceux de Pradelles maudissent les longues journées pluvieuses... ». 

Préfacé par A. Cuttoli, directeur de l'École Normale d'Instituteurs de Carcassonne. 

1966, le fascicule de haut niveau pour le public du primaire auquel il était destiné voit Roger Bels proposer une carte très lisible de la pluviosité annuelle du département avec les secteurs les plus arrosés du massif (entre 1300 et 1600 mm des secteurs de Laprade-Lacombe [dont la prise d'eau d'Alzeau à destination du Canal du Midi ], ainsi que celui de Nore entre Pradelles et Castans). 

Enfin, liés aux nuages porteurs de pluies, les vents. 

Comme c'est le cas pour le Cers qui se déleste dans les Corbières pour devenir la Tramontane (2) du Pays Catalan, André David mentionne ce vent amenant la pluie sur le versant nord de la Montagne Noire suivi d'une Tramontane en Bas-Languedoc. Sinon c'est le Marin humide et calme au sud devenant l'Autan violent, chaud et sec (E. de Martonne parle d'un effet de föhn). Le relief et la ligne de partage des eaux détermine cette réalité. Au début du XXème siècle, les vents d'ouest dominaient deux jours sur trois... Qu'en est-il à présent qu'une bascule semble avoir fait des vents venus de la mer des dominants... (Une quête vaine dit néanmoins [site de Montbrun-Corbières]que l'ensoleillement de la région narbonnaise dépasse les 3000 h/an alors qu'au dessus de 2800 h/an ne sont mentionnées que les villes de Marseille, Toulon et Nice...) Sur nos vents, faute d'éléments, ce n'est qu'un ressenti ; maintenant si quelqu'un peut préciser, son aide sera la bienvenue.   

(1) Pas moyen de faire la part entre Jules François Camille Dugados et François Jules Camille Dugados donnés pour être nés en 1855... un même ingénieur sorti de Polytechnique peut-être...  

(2) David met la majuscule aux noms des vents. 

Marcel Sinsollier (1932-2024)

En hommage à Roger Bels (1921 ?-2001 ? Carcassonne ?), instituteur, et toujours mon émotion pour Monsieur Sinsollier (1932-2024), Marcel de son prénom, la trentaine quand je l'ai eu en quatrième comme professeur d'Histoire-géographie et qui m'a instinctivement accompagné quand j'ai dessiné et colorié le schéma emprunté à R. Bels. 

jeudi 15 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE, André DAVID (3 et fin)

André David, tout comme son père Léo David, sont de Saint-Germain-de-Marencennes5, en Charente-Maritime. De venir trois étés de suite sur les traces d'André relève donc du pèlerinage, du voyage consacré à la mémoire de l'enfant, du fils perdu... 

« Vois-tu, je sais que tu m'attends [...] Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. » 

« Demain dès l'aube », « Les Contemplations » 1856, Victor Hugo. 

Emmanuel_de_Martonne Photo antérieure à 1929. Domaine public. Čeština  byl francouzský geograf :  l'Europe Centrale est concernée par les frontières qu'il a contribué à tracer.  Auteur anonyme

Nous livrant à bien des prolongements, le livre sur la Montagne Noire est préfacé par Emmanuel de Martonne (1873-1955), professeur à la Sorbonne, éminent géographe et traceur de frontières. Loin de mettre en avant la technicité géographique brute du sujet entrepris, cette préface s’attache avant tout à la conjoncture humaine qui a tant su nous toucher. De Martonne nous apprend d’emblée qu’une balle allemande a abattu « un des espoirs les plus sûrs de l’école géographique française ». Il connaît personnellement André David, pour reprendre ses mots, plutôt frêle mais d’une bonne résistance physique, timide mais concentré, d’une puissance de travail remarquable, hardi dans ses idées et la verve de ses propos.  

Admis à l’École Normale Supérieure en 1912, à peine un an plus tard, son travail sur la Montagne Noire stupéfie ses éminents superviseurs au point de presque lui conseiller de garder cette production de débutant sous le coude, comme thèse de doctorat. Visiblement ému par ce destin hors normes, l’universitaire accompagne la publication du livre de sa chaleureuse humanité ; il nous confie que deux camarades qui l’aimaient avaient promis de finaliser les chapitres à peine ébauchés… Le premier s’écrasa avec son avion en Macédoine, le second, blessé à maintes reprises, finit aussi par mourir sur le front. Alors ce fut Mademoiselle Marre, amie d’enfance d’André et professeur au Puy qui s’est chargée des passages et même des chapitres incomplets. 

Page de titre.

La Société d’Études Scientifiques de l’Aude a bien voulu concrétiser tous ces efforts conjugués ; son imprimeur attitré, Bonnafous6, 50 rue de la Mairie à Carcassonne, a assumé le tirage du livre.

Ô armoire « ...du vieux temps, tu sais bien des histoires, […] Quand s’ouvrent lentement tes grandes portes noires » (Le Buffet, Arthur Rimbaud) sur les livres couverts de bleu aux belles étiquettes… la 102 pour André David et la Montagne Noire, la 113, sobrement intitulée « Poésies », toutes de Rimbaud… 

Au milieu, ces exemplaires blancs dépareillent, d'où la fausse bonne idée de les ranger par côté et ce, à cause du crochet de fermeture du battant gauche de l'armoire. 

Et si mon père habite toujours la maison de vie d’où j’écris, en ouvrant l’armoire aux livres, comme Nougaro, j’entends plus fort encore « la voix de papa ».

Suite à ce long avant-propos, suite au recueillement, ne perdons pas de vue l'intérêt initial pour notre Montagne Noire jusque là abordée aussi fortuitement que légèrement, suite à une “ leste motivation ”, disons, fomentée par la trouvaille fortuite d’un article de la revue Folklore « Les filles du Poumaïrol ». 

Depuis_le_pic_de_Nore, vue sur la plaine audoise 2018 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur Lucas Destrem. Là où nous croyons tout voir, la vue globale fait heureusement l'impasse sur les vallées encaissées et un plateau de vie cachée comme Le Poumaïrol... 


5 Dans Wikipédia notamment, je ne comprends pas l’absence d’entrées  pour André et Téo David, et qui plus est sur la page de Saint-Germain-de-Marencennes, leur village natal pourtant. Personne, à ce jour, ne s’est chargé d’honorer leurs mémoires… 

Saint-Germain-de-Marencennes se situe à près de 500 kilomètres de la Montagne Noire. 

6 Imprimerie fondée en 1776, mise en liquidation en 2011 suite au décès brutal de Georges Bonnafous 59 ans ; six employés au chômage.  

La MONTAGNE NOIRE, André DAVID (2)

Et André qui nous complique si joliment la tâche à partir du moment où il faut s’engager en vue d’entrevoir l’originalité de la Montagne Noire, bastion avancé de la résistance à la surrection pyrénéenne. André David, si jeune dans le camp des 36 % entre 19 et 22 ans perdus pour le pays… Certes, mes deux grands-parents sans gueules cassées bien qu’au moral brisé au point de n'en pouvoir parler, ont eu la chance, chacun dans un camp adverse, de figurer dans les 64 autres pour cent qui en revinrent. Aridité, froideur des chiffres à côté de la flambée sanglante mais pathétique des coquelicots3… « ...il a deux trous rouges au côté droit »… Pardon, j’oblige André à rejoindre Arthur dans « Le Dormeur du Val »… et deux larmes aux coins mais à ceux des grands yeux mouillés, magnifiques, de Pénélope Cruz dans Volver, le film d’Almodovar que passe Arte ce soir et que je ne veux pas manquer… Je n’en suis pas à une digression près… Ne pas pleurer sur soi, sur ce qu’on a fait à la rigueur mais pleurer avant tout sur les autres.  


Planches de dessins de Léo DAVID (48 cm de long).


André David… Pour s’intéresser à la Montagne Noire, j’imagine4 qu’il est d’autant plus du coin que son père Léo David (1864-1952), professeur de dessin (peut-être trois années avant sa mutation à Libourne, en 1896, a enseigné en 1893 au collège de Pézenas que je devais humblement fréquenter près de 70 ans plus tard… pardon d’encore profiter des coïncidences comme faire-valoir !), son père donc, va courir, trois étés durant, tous les sentiers du fils, pour en tirer plus d’une centaine de vues dessinées. Si je n’ose pas m’embarquer vers le déchirement à vie d’un père qui perd son enfant (c’est déjà terrible seulement de penser que ça peut arriver)… une douleur qu’on pourrait ressentir à travers les innombrables traits minutieux de ses vues de la Montagne Noire… il faut arrêter d’imaginer même si on garde ses suppositions pour soi. 


Village de Pradelles et Pic de Nore 2006 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Jcb-caz-11

Mulets de l'armée suisse 1979 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Sonderegger Christof

3 Sans parler du symbole à rapprocher du bleuet d’une France allergique au rouge rappelant trop la Commune de Paris, la Semaine Sanglante (fin mai 1871), je veux encore relever dans les forums honorant les mémoires de 14-18, des relations plus sensibles relevant, après nos morts et blessés, des mêmes épreuves pour les équidés, ici, dans les Vosges, les mulets. Un journal de campagne, en effet, plus réceptif aux détresses et à la douleur des animaux, au delà des blessures et des morts, mentionne, en outre, que le caporal muletier J.F.M. a été cassé de son grade pour avoir toléré que les hommes prissent pour leur usage personnel, les couvertures affectées aux mulets… Tous n'étaient pas insensibles aux souffrances des animaux auxiliaires. 

4 J’imagine d’autant plus naturellement que mon grand copain José (1949-2024) se nomme David, qu’André David (1917-1987) était peut-être son père, qu’un autre André David (1929-2010) m’a laissé le bon souvenir d’un homme aussi souriant qu’avenant (il habitait, sauf erreur, impasse de la Couveuse) et qu’enfin, je n’oublie pas François David (1908-1993), de Vinassan, le dynamique « papé rambal » d’une disruption toujours gaie, grand-père de mon ex et avec qui j’ai partagé une même affection.


mercredi 14 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE. André DAVID (1)

La Montagne_Noire sur la carte du Massif Central  under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Technob 105

Accrochée au Massif Central1 pour en être la pointe extrême du rebord oriental (longtemps appelé Cévennes), soulevé par les Alpes et ici par les Pyrénées, elle fait de l’Aude le second département sur deux systèmes montagneux2. Cette approche valait-elle de figurer dans le ressenti subjectif de ce quadrant Sud-Sud-Ouest de mon ancrage ? Jusque là, pas particulièrement. Il y a fallu encore un hasard, une coïncidence, une opportunité, que dire encore, un accident heureux dans l’exploration de l’intimité intellectuelle de mon père… une prospection qui hélas ne peut se conduire que post mortem, avec une dérangeante sensation de légiste sinon de découvreur de trésors autour d’une momie... 




C’est une large armoire plutôt pas sculptée comme le buffet d’Arthur Rimbaud, bien qu’elle ait aussi de lourdes portes à glaces ; mon père ne me les a jamais ouvertes. Néanmoins, les années filant, s’il m’est arrivé de l’ouvrir en passant, cette fois j’ai tourné la clé avec une impatience de découvreur… une caverne d’Ali Baba, deux, voire trois rangs de livres parfois avec celui caché par ceux devant ! 500 peut-être 600 ouvrages dont une collection d’une grosse centaine d’exemplaires, soigneusement recouverts de ce papier bleu d’une bibliothèque de classe primaire, aux étiquettes méticuleusement collées, bien droites tant sur le plat de devant que sur le dos, un soin des plus pratiques permettant de savoir le titre sans avoir à sortir l’objet de l’alignement. 


et toujours impeccable 84 ans plus tard... 


N° 102 André David, LA MONTAGNE NOIRE… 1941, la date, ne correspond pas à 1924, année d’édition.

André DAVID passe les grandes vacances de 1913 à courir la Montagne Noire, à noter sur un calepin, à dessiner, à prendre des photos. L’hiver qui suit, il complète sa quête dans les archives et bibliothèques. Profitant des trois semaines à Pâques, il finalise un travail remarquable même pour les parties seulement résumées.

Hélas, en regard des plus de deux millions de morts et disparus français, André, né en 1893, est tué le 8 mars 1915 dans sa vingt-deuxième année, sur le front des Vosges. Je ne pouvais ne pas ouvrir cet énième tiroir qu’il serait indécent de trouver digressif… Accompagnant chacun de nous, c’est tout un bataillon apparemment disparate qui va nous accompagner et enfler au fil des âges jusqu’à partir avec nous, possiblement transmis ou sombrant pour un temps sinon à jamais… Me concernant, c’est l’histoire de mes grands-pères et même d’un arrière-grand-oncle en bas de l'Hartmannswillerkopf. Une transmission amorcée par le géniteur avec, pour le descendant, la clause morale, la responsabilité d’apporter sa pierre sinon, a minima, de passer le relais… L’armoire, on dirait, du noyer « Très vieux… » tel le chêne du buffet à Rimbaud, et « qui a pris cet air si bon des vieilles gens… », enfin, cet air si bon et complice de papa, pas vieux du tout pour avoir gardé un allant vital constant que seul un traquenard du destin sut mettre à bas, à quatre-vingt-quinze ans passés. (à suivre) 

1 Défini en tant que « Groupe de hautes terres » par le géographe Paul Vidal de la Blache (1845-1918), natif de Pézenas et qui le nomma « Massif Central ».

2 Le premier étant le Haut-Rhin, à cheval sur les Vosges et le Jura.