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samedi 7 juin 2025

MAÎTRESSES toujours...

 Maîtresses toujours, instituteurs toujours, cher compagnonnage de la communale, des coquelicots et marguerites pour avoir aussi contribué à faire fleurir le respect des enfants et de soi, malgré la timidité extrême de nos effusions, de belles rencontres me poussent à regratter la page, à moins m'en vouloir aussi d'une nonchalance coupable.

Logés à la même enseigne que tous, des instits femmes ou hommes partent sans que nous acceptions le vide laissé ; raison de plus, au contraire pour resserrer les rangs dans cette solidarité de corps qui nous a tant confortés.

Le souvenir “ tranquille ” d'Alain-Fournier (1886-1914), de Louis Pergaud (1882-1915), celui plus personnel de René Pesqui (1937-2017), dit « L'oncle », parce que du pays et pour le dernier stage CM2 à Grézieu-la-Varenne avec les tilleuls en fleur (juin 1972), celui, plus poignant de Jean-François Knecht (1957-2007), compagnon à Mayotte, forcent d'un coup mes défenses émotionnelles. En cause, un décès soudain, choquant (51 ans), et d'autres dont je n'avais pas idée, tant à la fois que j'en déborde. Pardon.

Le premier, dans les “ tranquilles ”, celui d'André David (1893-1915), certes de l'École Normale Supérieure, pour son travail aussi expéditif que remarquable sur la Montagne Noire. Bien des critères pour rester honoré...

Le second, hélas d'actualité, de Sébastien Saffon (1974-2025) qui après dix-sept ans dans le primaire, a passé une maîtrise d'Histoire. Riche de ce qu'il a transmis sur la vie agricole du Lauragais dont « Ceux de la Borde Perdue », sa trilogie « La Combe » ; il nous quitte du jour au lendemain, nuit du 17 au 18 mai 2025.

On cherche, on prolonge (c'est formidable l'Internet !) pour tomber sur « Les grandes heures des moulins occitans »,encore sur le Lauragais, d'Huguette et Jean Bézian (1935-2015), instituteurs tous deux d'origine.

Alors vagues sous un crâne, je pense à Roger Bels (1921?-2001?) qui nous a laissé un beau livret sur le département de l'Aude... et, tout à fait en accord avec le mot de Michelet

« Chaque homme est une humanité, une histoire universelle »

(petit dépit les majuscules manquantes à « Homme » et à « Histoire » [quel culot !]).

En remontant presque aux sources, je me dis qu'au titre de collègue j'aurais dû aller parler à Francis Patrac (1935-2018) : il a enseigné à Salles-d'Aude où peut-être des publications d'élèves Freinet dorment dans un placard ; il connaissait si bien la faune, la nature de notre garrigue...

Pour finir, en hommage au lien entre Albert Camus et son instituteur Louis Germain (1884-1966), je m'en voudrais de passer à côté des enseignants de notre école à Fleury, chronologiquement Louis Llobet (1935-2009) qui avec son épouse nous ont encadrés en tant qu'ados autour d'une activité Théâtre, et en classe, Louis Robert (1906-1993) malgré sa méthode à l'ancienne et, une fois retraité (lui) plus pour nos promenades complices... et Monsieur Rougé, au CE2, c'est mon Monsieur Germain à moi, de ceux, (il y eut des profs par la suite dont Marcel Sinsollier [1932-2024]) qui vous découvrent un coin de bleu quand votre ciel n'est pas beau...

Nul besoin de coterie entre nous, le lien nous dépasse, pour avoir toujours eu le souci de laisser fleurir nos enfants, restons solidaires aussi des vivants qui de près ou de loin, nous ont côtoyés, nous côtoient, nous ont apporté, nous apportent.

Chers collègues de la communale, des coquelicots et marguerites, institutrices toujours, maîtres toujours !

lundi 2 juin 2025

Les BŒUFS de TRAVAIL, lo BESTIAL de TIRA (3)

À la Saint-Roch, proprets, harnachés, avec des fleurs sur le joug et les moscalhs neufs (pare-mouches, émouchettes), non sans fierté, le métayer mène une paire de bœufs pour la bénédiction religieuse à l'église du village. 

Attelage_de_bœufs_de_trait 2020 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Zewan
 

Il faut bien convenir que ce sentiment aimant reste confronté à la réalité économique de production. Ce qu'il faut fatalement considérer en tant que filière comprend les éleveurs ou fermiers puis les maquignons, l'agriculteur se trouvant donc être en tenant ou aboutissant de la chaîne. 
Quelques éléments au titre de cette prise en compte matérialiste froide, impitoyable même si des moments conviviaux (mais ce n'est qu'une vision humaine de la chose) restent liés aux transactions. Tous veulent des bœufs homogènes, dociles, calmes, beaux. Avant la possibilité des bétaillères (camions ou remorques) quand ce n'est pas chez un fermier vendeur, les maquignons partent en voiture à Salies du Salat, Mirepoix, sinon dans l'Aveyron pour accompagner à pied le retour des bêtes (4). 
On change régulièrement les bœufs par paires auprès des maquignons d'Avignonet sinon on essaie de les vendre (inquiétude sur leur santé ou souffrants). Alors que les bœufs sont capables de travailler entre leur cinquième et dixième année, parfois douze, par souci de productivité brute, ils peuvent être engraissés et vendus dès l'âge de six ans. L'abattage se fait de préférence avant l'hiver pour ne plus avoir à les nourrir au fourrage, et aussi à les panser, les faire boire, racler les salissures sur leur robe, évacuer les bouses à la brouette, et tout ce qui incombe à leur entretien... 

Chez Émile, métayer puis propriétaire à Airoux de 1953 à 1989 et grâce aux carnets régulièrement à jour sur la conduite de la borde, trame de fond des romans de Sébastien Saffon, nous apprenons l'achat en juin 1956, d'un « bestial de tira » de deux bœufs. Malheureusement, six jours après, il s'avère qu'ils sont tuberculeux : le maquignon les remplacera en juillet. 
Émile et son propriétaire hésiteront une paire d'années avant de se mettre au tracteur pour une vie moins dure, moins d'efforts, plus d'efficacité mais tant de regrets aussi devant une machine inerte, immobile et sans vie. Émile a gardé une paire sur les trois, pour les bords, les passages étroits, les penchants. Seule la vente des bêtes a permis l'achat du tracteur d'occasion. Ils ont été vendus le 10 janvier 1958 pour un montant de 550.000 francs, l'équivalent de 11.500 euros de 2024.  

« Je me souviens du jour où ils sont partis. Le camion était garé dans la cour, là, devant la maison, et ils sont montés lentement à l'intérieur... » Émile. 

Paul Sibra Attelage_de_bœufs. Détail. 

 
 
Paul Sibra, Attelage_de_bœufs. À propos de ce peintre, voir les articles dont il fait l'objet... Si sa notoriété lui a valu de devoir payer en tant que pétainiste, c'est loin de l'abjection émanant d'un Louis-Ferdinand Destouches... 


(4) le prix dépend de l'âge, des défauts éventuels tel le vessigon, tumeur synoviale causée principalement par des efforts prolongés et pouvant mener à l'incapacité. Ces indications figurent aussi dans l'inventaire des fermes.  

Avril 1968. Montagagne (Ariège).


Avril 1968. Devant l'école sans plus d'enfants de Montagagne (Ariège). 

Remerciements particuliers aux Carnets d'Émile de même qu'aux témoignages d'Aimé Boyer rapportés aussi par Sébastien Saffon). Remerciements à Nelly Abuzzo-Engi pour son blog « Couleur Lauragais ». 

Merci papa pour tes diapos de 1968 à Montagagne.  


samedi 31 mai 2025

Les BŒUFS de TRAVAIL, lo BESTIAL de TIRA (1)

Parce qu'un homme nous a quittés trop tôt (Sébastien Saffon [1974-2025]), parce qu'il avait le souci d'un passé contribuant à un présent valide, parce que considération et conscience pour les animaux nature, d'élevage, de compagnie, reviennent au respect de toute forme de vie côtoyée et aussi de la personne que nous devrions être, parce que même passif, je reste solidairement complice de la cruauté, de la bêtise spécifiques à notre espèce, parce que j'ai aimé Lami, le trait breton de mon grand-père, parce que j'ai gardé, le souvenir magnifique de la vache vive, curieuse, au port de tête auguste, aux beau yeux sans doute sous son moscalh (je suis long mais les petits vieux de Nescus dans l'Ariège, qui labouraient le champ de patates avec, généreux, ouverts, si heureux d'être encore autonomes, de faire venir le cochon, valent admirablement mon évocation maladroite pour un tableau vivant de Millet (1) [promis, je récupèrerai les diapos un jour ! ]) ; enfin, parce qu'il me faut continuer à expier mes crimes avérés envers les oiseaux, plus tard les petits chats, sinon accidentels...   
Ces aveux coûteraient-ils beaucoup, attendu que (autant en arriver à un réquisitoire) les animaux dits domestiqués (un terme à trop forte connotation d'emprise) ont accompagné la marche de l'Homme dans la cohabitation puis vers la domination du milieu jusqu'à en abuser et finalement, à force de folie captatrice, se retrouver en danger d'autodestruction, en raison de tout ce qui précède, un besoin me commande de parler plus généralement et plus concrètement à cause de la proximité audoise du Lauragais, des bœufs de travail. 

joug3 1850-1925 Musées départementaux de la Haute-Saône under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license..jpg photo Monnin Jacques. Une forme a priori des plus rudimentaires plutôt pour des vaches dirait-on. 

Encore à l'origine de cette quête « J'ai deux grands bœufs dans mon étable... » (2) (à suivre) 

Toulouse-Lautrec_-_DEUX_BŒUFS_SOUS_LE_JOUG, Domaine public. Étonnant chez Lautrec qui nous a plutôt habitué aux excès des soirées parisiennes... 



(1) Mais chez Jean-François Millet et ses tableaux de pauvres paysans, les attelages de bœufs n'apparaissent pas. 

(2) chanson de Pierre Dupont (1821-1870), poète, chansonnier à Paris, estimé par Auguste Fourès. À Lyon où il revient après avoir perdu sa femme et le bonheur, malgré les amis voulant lui rendre le goût de vivre, il meurt à 49 ans... Sa vie contredit quelque peu les paroles de sa chanson où la vie des bœufs est préférée à celle de l'épouse. Une rue porte son nom, non loin de l’École Normale à la Croix-Rousse, qui m’accueillit en septembre 1971. 
Les bœufs ont une espérance de vie entre 15 et 18 ans. Adultes, ils pèsent entre 700 et 800 kilos. Petit détail physiologique, leur propension à se coucher du côté gauche fait que le rein est plus gros et plus chargé de graisse que le droit. 
De caractère ils peuvent être rétifs, peureux, furieux... Dans ce dernier cas, une castration tardive a une incidence certaine sur la docilité ; cette ablation est subie entre six et douze mois ; trop tôt, cela nuirait au développement physique, trop tard  cela influe sur un caractère difficile demandant plus d'efforts. 

PS : toute participation à bon escient ne peut être que bienvenue. 

lundi 26 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE (8), les cultures pauvres.

 En lieux et milieux moins favorisés, les cultures pauvres. 

Châtaigne Cévennes wikimedia commons Author historicair 29 décember 2006 UTC 15 h18

Olives 2014 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Ввласенко

Le châtaignier bon pour tout : le bois en charpente et menuiserie, la feuille en litières, la bogue en engrais pour les oliviers ; la châtaigne est surtout vendue à Villeneuve (Minervois), à Carcassonne, une  partie est consommée à la maison, une part équivalente destinée à faire venir les cochons (3). La châtaigneraie rapporte mais, contrairement à l'olivette, nécessite des rotations, plus de soin et de travail ; il faut renouveler les arbres, les nettoyer à la base des mauvaises herbes et autres arbustes. 

Solanum_tuberosum Atlas des plantes de France 1891 Amédée Masclef (1858-1916) Domaine Public



Champ de seigle 2005 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Letrek


Dans les gorges du Cabardès, la prairie plantée de châtaigniers « ...se vend, à Cabrespine, jusqu'à 10.000 francs l'hectare. » (Il n'empêche que le géographe classe le châtaignier dans les cultures pauvres...). 
De même, la superficie à pommes de terre, dont certaines variétés de renom, se loue aussi cher qu'un bon champ à céréales de la plaine. 
La culture du seigle, par contre, s'avère plus ingrate ; abandonnée pour le pain ainsi que le chaume des toitures, elle ne tient que pour un cycle triennal d'assolement (pommes de terre, seigle, jachère). 

Et le Poumaïrol aux filles joyeuses ? Bien que condamné aux cultures pauvres, à force de travail, le pays produisait des navets, des oignons, des haricots. Pour les sous, grâce aux filles, cela se passait dans le Bas-pays, la plaine de l'Aude, pour les vendanges puis, en remontant, les pommes, les châtaignes et, encore lors d'une seconde migration plus hivernale, les olives, les sarments à ramasser... Sinon, les hêtres sont redevenus taillis d'ajoncs, genêts et autres broussailles. Pourtant, trente ans en arrière, deux boulangers et un éleveur montent l'association « Le Moulin de Poumaïrol » en vue d'obtenir de la farine bio issue de blés anciens, panifiée dans le Minervois jusqu'à Béziers. Le meunier affirme qu'ils se veulent « subversifs », « militants », « autonomes », à échelle humaine, désireux d'animer le territoire. Alors, on y entendra à nouveau la chanson coquine pour la Baraquetto : 

« Las castanhas e lo vin nouvèl 
Fan dansar las filhas e lo pendorèl... » [Les châtaignes et le vin nouveau Font danser les filles et le panèl des chemises (4)]. 

(Voir, dans ce blog, la quinzaine d'articles dédiés au Poumaïrol... et à ses filles...). 

En raison d'un prétexte aussi futile, pardon d'en faire des tonnes à vrombiner autour d'André David, auteur aussi prématurément enlevé à la vie que ceint de lauriers. Moi, je ne suis qu'une mauvaise herbe. À cause de pulsions ordinaires, au nom d'un cheminement pour le moins complexe, j'en arrive à relativiser le sérieux de l'auteur à traiter géographiquement les cultures de la Montagne Noire. Qui plus est, cette proximité avec le Lauragais me soumet avec stupéfaction et tristesse à la perte soudaine de Sébastien Saffon (1974-2025)... Que disait-il de l'élevage du cochon notamment ? Que relevait-il sur le travail des paires de bœufs ? Mon tome de « Ceux de la Borde Perdue » est loin, à Mayotte, de même que le vieux gros et lourd Larousse Agricole 1951. Encore des “ découvertes ” et “ redécouvertes ”, avec la mise à l'honneur par Sébastien de la langue occitane, remises à plus tard dans le meilleur des cas... 
Foin de ces “ découvertes ” alléguées... même si de qualifier ainsi celle de Christophe Colomb ne vaut, après tout, guère mieux... 

(3) André David en sait plus long sur l'élevage du cochon : « Toute famille, dans la Montagne Noire, en possède trois ou quatre, nourris avec les déchets de cuisine; mais les gros troupeaux n'existent que dans les villages de châtaigneraie. Aussi, à Pradelles, doit-on vendre les porcelets aux gens de Labastide-Esparbairenque ou de Cabrespine; de même, sur le versant Nord : Sorèze, plus peuplée que Saint-Amans-Soult, mais privée de châtaigners (sic), a 1.000 porcs; Saint-Amans-Soult en compte plus de 2.000 ». L'auteur semble faire erreur vu que l'élevage du cochon nécessite qu'on lui cuisine, par exemple des pommes de terre, des herbes en fin d'engraissement, sans parler des châtaignes qu'il faut lui peler (réservé en principe à la famille). Sous un appentis accolé à la soue, un gros chaudron était réservé à ce travail. 

(4) dans les dicos Lagarde et Laus, le pendourèl est le pan de chemise qui pend, qui dépasse... est-ce celui des femmes ? des hommes ? Dans Lou tresor dau Felibrige, à l'entrée “ pendourèl ” Mistral ajoute « pont-levis d'une culotte »... Alors, femme ou homme, à chacun de prolonger ou non la portée du mot « pendorèl »...    


dimanche 25 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE (7), les cultures riches.

Ah, le Poumaïrol tant restent prégnants l'effet, les répercussions suite à la “ découverte ” fortuite de ce haut pays perdu pourtant dans la modeste entité afférant à la Montagne Noire ! Quel culot de se poser là en “ découvreur ” pas même d'une invention, mais seulement pour être tombé inopinément sur un article de la revue Folklore de 1974. Encore un hasard, une de ces coïncidences qu'on se trouve forcément parce qu'on se les cherche, en ces années 70, “ ma ” “ découverte ” marquante de « La Vallée Perdue » pour tout ce qui m'a plu d'emblée et plaît toujours dans ce film : Michael Caine (1933-), le Capitaine des mercenaires, plus qu'Omar Sharif (1932-2015), le contexte de la Guerre de Trente Ans, perturbante dans ce qu'elle donne à méditer sur les horreurs des guerres pourtant si ordinairement pratiquées encore de nos jours, et quoi encore, le cadre d'une vallée montagnarde alpine épargnée, les thèmes universels écolos avant l'heure, un cours de la vie simple autarcique, lié à la ronde des saisons, sans la funeste attraction industrieuse à venir des villes, sans la pollution... Il est vrai que de vivre dans un HLM du pourtour lyonnais ne pouvait porter qu'à envier un idéal vécu par des paysans encore moyenâgeux dans un îlot de paix miraculeuse. 

Non sans un regard pour les métairies du Lauragais que Sébastien Saffon (1974-2025), parti si brutalement, faisait si bien revivre, avec André David (1893-1915), revenons à la vie paysanne d'alors. 

Paire de bœufs 2006 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Monster1000

Les paires de bœufs au labour appartiennent bien aux terres grasses d'en bas ; au-dessus de 250 mètres, seuls les replats et fonds de vallées sont capables d'offrir un mitage  de sol  plus profond «... plus argileux et plus épais, riche en potasse et soude... ». Sur les hautes terres schisteuses, cristallines, la Montagne n'est qu'un « ségala » avec surtout du seigle, des pommes de terre. Entre les deux, au Nord, une bande de blé et légumineuses, au Sud des cultures méditerranéennes là où les gorges s'élargissent, partout des prairies permettant l'élevage de bovins de bon rapport, un liseré de châtaigniers. 

Lauragais 2018 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Jean-philippe.miconi

La moindre parcelle exploitable est vouée aux cultures riches. 
Appréciés, rappelant l'opulence de la plaine, le blé, le maïs. Le blé est destiné aux boulangers de la Montagne, le maïs à l'engraissage des volailles de la famille. Au débouché des torrents du sud, sous l'étage des châtaigniers puis les restanques de vignes et olivettes, grâce aux roues à auges ou autres puisages à balanciers (les pousarancos languedociennes), en partant des rigoles d'irrigation des prairies à pommiers, on arrose les maraîchages. 
Les pommes de la Montagne Noire sont renommées jusqu'à Paris. Les amandes, pêches et figues sont consommées localement. 
Les choux dominent dans les potagers. 
Chaque paysan tient à faire son vin. 
Les oliviers ont souffert des hivers rigoureux entre 1789 et 1870 puis des maladies. 
Bien que naturelle, la prairie prétend à conclure cet ensemble. Naturelle, associée aux vergers de pommiers, elle reste en effet tributaire de l'irrigation. Les rigoles suivant les courbes de niveau, soignées, nettoyées, aux vannes révisées, les séparent du bois ou de la lande qu'elles seraient sans la main de l'homme. Elles permettent l'élevage des vaches laitières et à viande (pour, plus particulièrement, les villes de Perpignan, Marseille et Toulon). Avant 1850, leur utilité se limitait au trait, au travail (1). De bon rapport, ces prairies ont conduit à la construction de réservoirs (2) et auraient pu mener à l'édification de barrages à Cenne-Monestiès et Saissac. (à suivre)

(1) Au début du XIXe, élevées pour la viande destinée à l'armée d'Espagne de Napoléon. 

(2) de 108.000 m3 à Saint-Denis, permettant l'arrosage de 142 hectares. Moyennant une redevance de 4,50 fr/ha, un syndicat régulait la distribution d'eau. 

  

mardi 20 mai 2025

Sébastien SAFFON (1974-2025)

On se dit qu'il y a erreur, confusion sur le nom, que ce n'est pas possible... et puis c'est confirmé... c'est soudain, c'est brutal... 51 ans ! dans la nuit du 17 au 18 mai ! On se prend une claque ! “ La vie plus forte que la mort ” ? Des jours on n'y croit plus du tout... 



Depuis l'Aude Avignonet en Haute-Garonne, c'est tout à côté. Il partageait son pays tampon entre Aquitaine et Languedoc en donnant vie aux carnets d'Émile, son grand-père ; il le revivifiait si bien avec « Ceux de la Borde Perdue » ses deux tomes. Il persistait à sublimer ses vallons fertiles (1) avec sa trilogie « La Combe »  (« Le Silence de la Combe », « Un Château pour les Pigeons » et devant paraître ce mois de juin, « Des Ombres sur les Murs »). 

Modeste sur la qualité de ses écrits, il a mis vingt années pour passer le pas ; l'accueil fait à “ la Borde Perdue ” l'a à la fois rassuré et encouragé à poursuivre. « Il y a du Giono et du Michelet dans ce magnifique roman... » écrit La Dépêche en novembre 2023. 

Bien sûr il faut joindre à l'hommage que son enthousiasme restait égal en tant qu'élu de 2022, membre de sa MJC, comédien amateur d'Avignonet.  

Dessin Fotor d'après une photo détournée La Dépêche (pourquoi ne mentionnent-ils plus « du Midi » ?)

Plus personnellement, il était le collègue vivant d'Histoire-Géo ; je n'ose pas penser au grand désarroi des enfants de ses classes, lundi... Oui, professionnellement, d'une contemporanéité, d'une vitalité permettant d'évoquer sereinement notre communauté d'enseignants passionnés, David, le géographe que la Grande Guerre faucha, nos profs aussi, le « Jack », « Sinsolle » encore dans nos propos récemment encore, ou même « Chiquito » que notre cruelle inconscience de gosses n'arrêtait pas de chahuter...    

Depuis la Montagne Noire, le Lauragais c'est tout à côté et un vieux encore là, pas loin, dans son ombre, pleure aussi le petit frère en littérature qui, tel un aîné, montrait si bien le chemin des émotions partagées. 

Ce matin, après l'orage d'hier au soir, sous sa grisaille, le Marin continue de pleuvoir. Derrière le seuil de Naurouze il devient vent d'Autan, celui qui jadis faisait tourner les moulins. Ce matin, les journaux disent qu'il a apporté la grêle et causé des coulées de boue. Mais il y a pire chez les Saffon... Émile, le grand-père, n'est plus là pour noter les intempéries sur son journal ininterrompu, et Sébastien qui l'a rejoint, non plus. 
Le vent a tourné, « la virada dau Cerç » on dit en occitan... un Cers qui voudrait bleuir le ciel encore nuageux mais qui l'ouvre déjà un peu au soleil...  

« Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c'est le présent tel qu'il a survécu dans la mémoire humaine. » 
Les Yeux Ouverts; 1980, Marguerite Yourcenar. 

(1) il y a quelques jours à peine, il postait encore des photos de ses coteaux bien verts au printemps.