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dimanche 1 juin 2025

Les BŒUFS de TRAVAIL, lo BESTIAL de TIRA (2)

... un besoin commande de parler plus généralement et plus concrètement à cause de la proximité audoise du Lauragais, des bœufs de travail, donc avec la prise en compte d'une propension préalable à un sentiment à l'égard des bêtes, des bœufs de trait, puissants, dociles, possiblement issus des aurochs disparus voilà 400 ans à cause de qui vous savez. 

Les rois fainéants (670-752). Lithographie en couleurs par E. Crété d'après une illustration de H. Grobet, Histoire de France, Paris, Émile Guérin, 1902.

Autre antécédent, l'empereur des villae et missi dominici, Charlemagne, ne se déplaçait-il pas en chariot tiré par quatre bœufs, comme ces rois dits fainéants qu'en bon carolingien il dénigrait en toute chose  ? 

Pour revenir à un temps plus actuel bien que révolu, des sept décennies presque engagées sur la huitième (et si concordantes avec l'âge de mes artères...), réfléchissons à ce qui correspond, malgré l'affirmation toujours plus marquée de la mécanisation, à la mise en valeur des terres grâce à la participation indispensable des bêtes. 

Plus le nombre de paires d'animaux est important (une pour six hectares ?), plus la superficie à travailler est grande (2). Un coût d'entretien trois à quatre fois moins cher a fait préférer le bœuf au cheval. 
On dirait que, couplés à la croyance populaire, à un fond de superstition itou, des partis pris sur la robe des bêtes influent sur les choix des paysans : le poil blanc (3) désigne un spécimen à engraisser, plus gris ou brun, le pelage dénote du flegme, de la mélancolie ; il faudrait éviter le moucheté, signe de paresse. 
En vue de leur utilisation, les cornes doivent être formées par rapport à l'équipier et au joug. Il est profitable d'appairer le débutant avec un aîné déjà formé. 

joug2 1850-1925 Musées départementaux de la Haute-Saône under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Photo Monnin Jacques

Le joug double, s'agissant d'un joug de tête (de poitrail pour le cheval) est dit « coiffant » en Lauragais ; sur mesure et à demeure c'est la mission du jougtier passant de ferme en ferme. Il prend les mesures des animaux, travaille à la hache et à l'herminette, en principe en un jour, le polissage devant être inclus ; la tâche est complétée avec la confection des « julhas », les longes de cuir à lier aux cornes et au front. 

Toulouse-Lautrec 1864-1901 LES BOEUFS SOUS LE JOUG (SOUVENIR DE MALROME) 1881 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license.
 
Habitués et comme redevables à l'homme qui les nourrit, les abreuve, les panse et qui décrète qu'il n'y a pas plus heureux qu'un bœuf à la mangeoire (« Uros coma un buou a la grupia »), les animaux se mènent à la voix et au geste pour habituer les oreilles à la corde puis aux guides. L'apprentissage du joug se fait entre deux et trois ans. Lors du labour, l'animal de gauche apprend à suivre le sillon, pour l'utilisation de la faucheuse, c'est celui de droite qui conduit. Un résultat probant demande beaucoup de patience empreinte de douceur, de tendresse. Cette prévention apparaît même avec la façon de nommer l'aiguillon puisqu'on préfère le terme “ toucadou ” (phonétiquement) plutôt qu' “ agulhado ”, aiguillon. Et si génériquement, les intéressés parlent de Mule et Marelh suivant la position des bêtes, les bœufs, tout comme les vaches, répondent à leurs noms. Entre ces compagnons de travail, l'humain perçoit même une connivence sinon une amitié liée à l'habitude de tirer ensemble... 

(2) Moins puissantes mais plus rapides, les vaches suffisent à une propriété plus modeste. 
(3) la couleur blanche peut être considérée comme la teinte la plus claire du gris... Les deux de la chanson de Dupont sont blancs tachés de roux. En Lauragais, surtout de race gasconne, ils sont gris-blanc. 

PS : toute participation à bon escient ne peut être que bienvenue. 

Addendum : 
« L'HISTOIRE de la FRANCE racontée à tous les enfants », de très grand format, conçue par Jean-Jacques et Claude Nathan, illustrée par Henri Dimpre 1958 FERNAND NATHAN. Il en va ainsi des pays trop fiers qui magnifient leurs hommes dits providentiels, légalistes ou non, quitte à diffamer leurs prédécesseurs... 





samedi 31 mai 2025

Les BŒUFS de TRAVAIL, lo BESTIAL de TIRA (1)

Parce qu'un homme nous a quittés trop tôt (Sébastien Saffon [1974-2025]), parce qu'il avait le souci d'un passé contribuant à un présent valide, parce que considération et conscience pour les animaux nature, d'élevage, de compagnie, reviennent au respect de toute forme de vie côtoyée et aussi de la personne que nous devrions être, parce que même passif, je reste solidairement complice de la cruauté, de la bêtise spécifiques à notre espèce, parce que j'ai aimé Lami, le trait breton de mon grand-père, parce que j'ai gardé, le souvenir magnifique de la vache vive, curieuse, au port de tête auguste, aux beau yeux sans doute sous son moscalh (je suis long mais les petits vieux de Nescus dans l'Ariège, qui labouraient le champ de patates avec, généreux, ouverts, si heureux d'être encore autonomes, de faire venir le cochon, valent admirablement mon évocation maladroite pour un tableau vivant de Millet (1) [promis, je récupèrerai les diapos un jour ! ]) ; enfin, parce qu'il me faut continuer à expier mes crimes avérés envers les oiseaux, plus tard les petits chats, sinon accidentels...   
Ces aveux coûteraient-ils beaucoup, attendu que (autant en arriver à un réquisitoire) les animaux dits domestiqués (un terme à trop forte connotation d'emprise) ont accompagné la marche de l'Homme dans la cohabitation puis vers la domination du milieu jusqu'à en abuser et finalement, à force de folie captatrice, se retrouver en danger d'autodestruction, en raison de tout ce qui précède, un besoin me commande de parler plus généralement et plus concrètement à cause de la proximité audoise du Lauragais, des bœufs de travail. 

joug3 1850-1925 Musées départementaux de la Haute-Saône under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license..jpg photo Monnin Jacques. Une forme a priori des plus rudimentaires plutôt pour des vaches dirait-on. 

Encore à l'origine de cette quête « J'ai deux grands bœufs dans mon étable... » (2) (à suivre) 

Toulouse-Lautrec_-_DEUX_BŒUFS_SOUS_LE_JOUG, Domaine public. Étonnant chez Lautrec qui nous a plutôt habitué aux excès des soirées parisiennes... 



(1) Mais chez Jean-François Millet et ses tableaux de pauvres paysans, les attelages de bœufs n'apparaissent pas. 

(2) chanson de Pierre Dupont (1821-1870), poète, chansonnier à Paris, estimé par Auguste Fourès. À Lyon où il revient après avoir perdu sa femme et le bonheur, malgré les amis voulant lui rendre le goût de vivre, il meurt à 49 ans... Sa vie contredit quelque peu les paroles de sa chanson où la vie des bœufs est préférée à celle de l'épouse. Une rue porte son nom, non loin de l’École Normale à la Croix-Rousse, qui m’accueillit en septembre 1971. 
Les bœufs ont une espérance de vie entre 15 et 18 ans. Adultes, ils pèsent entre 700 et 800 kilos. Petit détail physiologique, leur propension à se coucher du côté gauche fait que le rein est plus gros et plus chargé de graisse que le droit. 
De caractère ils peuvent être rétifs, peureux, furieux... Dans ce dernier cas, une castration tardive a une incidence certaine sur la docilité ; cette ablation est subie entre six et douze mois ; trop tôt, cela nuirait au développement physique, trop tard  cela influe sur un caractère difficile demandant plus d'efforts. 

PS : toute participation à bon escient ne peut être que bienvenue. 

mercredi 17 mai 2023

MÈZE, Étang de THAU.

Totem de la ville, le buou relève d’une histoire vieille de deux millénaires marquant le regret sinon davantage d’une famille d’agriculteurs qui perd ses bœufs (1) de travail. En souvenir, ils en gardent la peau qu’ils sortent sur une carcasse de bois, en procession. Depuis, à Mèze, à chaque fête, on sort le buou mené par le bouvier et son aiguillon ; huit porteurs sous la carcasse le font sauter et caracoler tandis que l’un d’eux imite le beuglement grâce à une peau d’âne tendue, qu’un autre manipule la tête et les mâchoires qu’il projette vers les spectateurs (peut-être, dessous, se relaient-ils entre les six qui portent et les deux qui font le bœuf). Et sur le blason pourtant, tout d’azur, de sable, d’argent et de gueules, un agneau pascal tenant une croix de sa patte « senestre » : l’autorité établie contestant l’antériorité au paganisme toujours vivant...  

Le_boeuf_de_Mèze the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Élisabeth Delquignie
 

Ibère, Phénicienne, officiellement fondée avant Agde par les Phocéens, Mèze compte plus de 2600 ans d’existence. Les vétérans romains y cultivèrent la vigne au point de provoquer un problème de concurrence avec Rome. Suite à l’occupation et aux destructions des Sarrasins chassés en 736 par Charles Martel, Charlemagne offrit des parcelles afin de favoriser l’installation d’Espagnols fuyant la main mise des Arabes sur leur péninsule. Entre voisins et plus avec l’Espagne, un peu différemment avec l’Italie, les apports de population dans le Sud ne datent pas d’hier. À noter que, donnée par Simon de Monfort à l’Église, la ville sera gérée par l’évêque d’Agde jusqu’à la Révolution, comme quoi le pouvoir et la religion officielle ont historiquement été cul et chemise en France. 

Mèze_(34140),_Le_port,_Quai_Baptiste_Guitard the Creative Commons Attribution 3.0 Unported Auteur Sebastien GUERIN

Quoi qu’il en soit, il a quelque chose de plus cet Étang de Thau... avec l’air iodé, le petit hippocampe si rare comparé aux moules, aux huîtres, aux palourdes et clovisses par millions depuis qu’elles se récoltent et se vendent, ce plus si volatile a pourtant fait converger ici des rayons de poésie, de musique, d’inspiration. Après y avoir fondé un festival de musiques du Monde (1990), passé par le Lubéron, le Sénégal, Pierre Vassiliu (1937-2014) s’installe à Mèze en 2000. Il y a du Boby Lapointe dans les effets recherchés, les jeux de mots, il y a un peu de Brassens quand il dit « pisser » dans plus d’une chanson. Il y a beaucoup d’humour avec le martien « Qui c’est celui-là ? », avec « Alice », « Armand », ou « Ivanhoé », de la douceur sentimentale : « Amour, amitié », « Dans ma maison d’amour », de la poésie urbaine « J’ai trouvé un journal dans le hall de l’aéroport »... Pierre Vassiliu est mort à Sète de Parkinson ; ses cendres ont été dispersées dans l’Étang de Thau. 

(1) Sûr que lors des repas de fêtes qui s’ensuivent s’entonnent les chansons sur les bœufs. En occitan « Quand lou bouvier ven de laura... », antérieure à 1749 où elle fut pour la première fois, écrite. Et en français « J’ai deux grands bœufs dans mon étable... », chanson de Pierre Dupont (1821-1870), poète, chansonnier à Paris, estimé par Auguste Fourès. À Lyon où il revient après avoir perdu sa femme et le bonheur, malgré les amis voulant lui rendre le goût de vivre, il meurt à 49 ans... Sa vie contredit quelque peu les paroles de sa chanson où la vie des bœufs est préférée à celle de l'épouse. Une rue porte son nom, non loin de l’École Normale à la Croix-Rousse, qui m’accueillit en septembre 1971.