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mercredi 17 mai 2023

MÈZE, Étang de THAU.

Totem de la ville, le buou relève d’une histoire vieille de deux millénaires marquant le regret sinon davantage d’une famille d’agriculteurs qui perd ses bœufs (1) de travail. En souvenir, ils en gardent la peau qu’ils sortent sur une carcasse de bois, en procession. Depuis, à Mèze, à chaque fête, on sort le buou mené par le bouvier et son aiguillon ; huit porteurs sous la carcasse le font sauter et caracoler tandis que l’un d’eux imite le beuglement grâce à une peau d’âne tendue, qu’un autre manipule la tête et les mâchoires qu’il projette vers les spectateurs (peut-être, dessous, se relaient-ils entre les six qui portent et les deux qui font le bœuf). Et sur le blason pourtant, tout d’azur, de sable, d’argent et de gueules, un agneau pascal tenant une croix de sa patte « senestre » : l’autorité établie contestant l’antériorité au paganisme toujours vivant...  

Le_boeuf_de_Mèze the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Élisabeth Delquignie
 

Ibère, Phénicienne, officiellement fondée avant Agde par les Phocéens, Mèze compte plus de 2600 ans d’existence. Les vétérans romains y cultivèrent la vigne au point de provoquer un problème de concurrence avec Rome. Suite à l’occupation et aux destructions des Sarrasins chassés en 736 par Charles Martel, Charlemagne offrit des parcelles afin de favoriser l’installation d’Espagnols fuyant la main mise des Arabes sur leur péninsule. Entre voisins et plus avec l’Espagne, un peu différemment avec l’Italie, les apports de population dans le Sud ne datent pas d’hier. À noter que, donnée par Simon de Monfort à l’Église, la ville sera gérée par l’évêque d’Agde jusqu’à la Révolution, comme quoi le pouvoir et la religion officielle ont historiquement été cul et chemise en France. 

Mèze_(34140),_Le_port,_Quai_Baptiste_Guitard the Creative Commons Attribution 3.0 Unported Auteur Sebastien GUERIN

Quoi qu’il en soit, il a quelque chose de plus cet Étang de Thau... avec l’air iodé, le petit hippocampe si rare comparé aux moules, aux huîtres, aux palourdes et clovisses par millions depuis qu’elles se récoltent et se vendent, ce plus si volatile a pourtant fait converger ici des rayons de poésie, de musique, d’inspiration. Après y avoir fondé un festival de musiques du Monde (1990), passé par le Lubéron, le Sénégal, Pierre Vassiliu (1937-2014) s’installe à Mèze en 2000. Il y a du Boby Lapointe dans les effets recherchés, les jeux de mots, il y a un peu de Brassens quand il dit « pisser » dans plus d’une chanson. Il y a beaucoup d’humour avec le martien « Qui c’est celui-là ? », avec « Alice », « Armand », ou « Ivanhoé », de la douceur sentimentale : « Amour, amitié », « Dans ma maison d’amour », de la poésie urbaine « J’ai trouvé un journal dans le hall de l’aéroport »... Pierre Vassiliu est mort à Sète de Parkinson ; ses cendres ont été dispersées dans l’Étang de Thau. 

(1) Sûr que lors des repas de fêtes qui s’ensuivent s’entonnent les chansons sur les bœufs. En occitan « Quand lou bouvier ven de laura... », antérieure à 1749 où elle fut pour la première fois, écrite. Et en français « J’ai deux grands bœufs dans mon étable... », chanson de Pierre Dupont (1821-1870), poète, chansonnier à Paris, estimé par Auguste Fourès. À Lyon où il revient après avoir perdu sa femme et le bonheur, malgré les amis voulant lui rendre le goût de vivre, il meurt à 49 ans... Sa vie contredit quelque peu les paroles de sa chanson où la vie des bœufs est préférée à celle de l'épouse. Une rue porte son nom, non loin de l’École Normale à la Croix-Rousse, qui m’accueillit en septembre 1971.