dimanche 30 juillet 2023

L’ANGLAIS. Avril 2023.

 

Angevin_Empire_1190 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Blank map of Europe svg.

Juste quelques points à méditer.

L’Anglais a toujours été un problème : avant 1200, l’empire Plantagenêt (dit aussi " angevin ", couvre à l’ouest plus d’un tiers de la France actuelle (vu que " L'Angevine ) n'existe pas en tant que pays...

Par la suite, même avec une population de moitié, il nous a souvent mis la pâtée (Crécy 1346, les chevauchées du Prince Noir jusqu’en Languedoc 1355, Azincourt 1415...) et les seuls dont ils ont eu à subir l’invasion sont d’une part les Vikings danois (vers 850), d’autre part, Guillaume le Conquérant (1066), lui aussi, promu par Rollon, duc de Normandie.   

Concernant la France, l’Anglais la presse jusque depuis la Méditerranée : en 1710, bien que chassé au bout de cinq jours, l’ennemi héréditaire va s’emparer de Sète.

1713. Le traité d’Utrecht concrétise la victoire de la politique anglaise.

1763. Le traité de Paris donne le Canada, la Louisiane, Cap-Breton et le Sénégal à l’Angleterre qui prend aussi la Floride à l’Espagne : l’Amérique du nord sera anglo-saxonne !

Sète : entre novembre 1807 et septembre 1808, à plusieurs reprises, ils vont tenter de mettre le feu à la ville.

Napoléon lui, voulut rivaliser sur mer. Tout comme quand la page de 1415 fut tournée pour se gargariser de Marignan 1515, bien sûr sans s’étendre sur la défaite de François Ier à Pavie (1525), la captivité à Madrid qui s’ensuivit (1426), l’Histoire de France ne tient pas particulièrement à évoquer ce chapitre, pas plus que tous ces épisodes historiques qui nous ont connus plus que piteux. Mais je ne suis qu'un mauvais Français...  

Turner (1775-1851) The_Battle_of_Trafalgar_(1822) Domaine Public

Certes, 1805 c’est Austerlitz, sauf que c’est aussi Trafalgar et le « coup de Trafalgar » profite à qui vous savez, pourtant avec moins de bateaux, moins d’hommes... Voyons justement les vaisseaux de type Bucentaure, 80 canons, l’arsenal d’origine avec les dates de construction et ce qu’ils deviennent pendant les guerres révolutionnaires et à partir de 1798 avec Napoléon :

Le Tonnant, Toulon 1787-89, pris par les Anglais en 1798 ; un des vaisseaux qui conduiront Napoléon à Ste-Hélène.

L’Indomptable, Brest 1788-1790, participe à Trafalgar 1805; coule dans la tempête avec 1200 marins à bord.

Le Sans Pareil, Brest 1790-1793, capturé par la Royal Navy 1794.

Le Formidable, Toulon 1794-95, capturé par les Anglais 1805.

Le Guillaume Tell, Toulon 1794-95, capturé par les Anglais à Malte en 1800.

Le Franklin, Toulon 1794-97, capturé par les Anglais en 1798. Ne sera désarmé qu’en 1887.

Le Dix-huit fructidor, Rochefort 1794-99, démoli en 1834.

L’Indivisible, Brest 1735-99, capturé par la Royal Navy en 1806.

Le Bucentaure, Toulon 1802-1804, capturé à Trafalgar ; la tempête le libère mais le fait sombrer le lendemain devant Cadix.

Le Neptune, Toulon 1801-03, capturé par les Espagnols 1808.

Le Robuste, Toulon 1804-1806 incendié devant Sète en 1809 pour ne pas que les Anglais le prennent.

Combien de pertes humaines ? Combien de forêts dépouillées pour tant de navires ?

C’est l’histoire de ce dernier navire qui m’a incité à donner ce point de vue sur l’Angleterre.  

Sans parler de la défaite en Espagne en lutte si longtemps contre l’usurpateur et son frère Joseph (1808-1813), de la terrible retraite de Russie (1812), ajoutons la perte des comptoirs en Inde (laissés à condition de n’y laisser ni troupes ni fortifications, la perte de Maurice (La Réunion ne fut laissée que suite à un oubli sur le papier, les traités... et si Mayotte revint à la France, c’est que l’Angleterre n’en voulut pas !). Mais je ne suis qu’un mauvais Français !

1898 c’est Fachoda où les Anglais voulant relier l’Égypte à l’Afrique-du-Sud, arrêtent les Français voulant en faire de même entre le Niger et Djibouti... (à suivre)

mercredi 26 juillet 2023

SÉTE 22. CASERIO, terroriste ou résistant ?

 

Sante_Geronimo_Caserio 1894 Domaine public Auteur inconnu

Aïe, Caserio... Sante Geronimo Caserio (1873-1894), anarchiste lombard, apprenti boulanger à Sète lorsqu’il décide de tuer le président Sadi Carnot, qui succombera effectivement des coups de couteau reçus dans le foie, le 24 juin 1894 à Lyon. On a beau en vouloir aux anarchistes, ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas en vouloir aux riches bourgeois se réservant les meilleures études, accaparant un pouvoir générant une richesse fondée sur l’exploitation du travail pour n’en redistribuer qu’un strict minimum de miettes, de quoi empêcher la révolution, passe encore pour des accès seulement de révolte. D’ailleurs il est intéressant de constater qu’entre deux remises en cause radicales du système capitalistique, ils n’ont de cesse que de grignoter, de récupérer imperceptiblement sur les concessions pour lesquelles on leur a forcé la main. Par les moyens de coercition dont ils disposent, ils sont coupables de rétention lorsque les vérités ne sont pas bonnes à mettre à portée de la plèbe. Suppôts de la censure, de l’interdiction, du " tant que cela ne fait pas de vague(s) ", ils ont été obligés d’évoluer vers une main mise plus dans l’ombre, occulte, plus élaborée, finassière. Ainsi, à présent que l’internet permet d’avoir des masses d’informations, justement, ils savent noyer les preuves de leurs bassesses et vilenies au milieu d’une masse énorme de communications anodines, les vérités se retrouvent alors telles des aiguilles dans une botte de foin ; ou alors ils font parler des organismes d’État officiels mais en se gardant bien de dire qu’ils les ont à leur main ; l’exemple qui suit, nous éloignerait-il du mont Saint-Clair, confirme que l’INSEE doit savoir triturer les chiffres pour en donner un faux rendu, afin que l’on doutât d’un ressenti pourtant proche de la réalité... Que n’ont-ils les moyens de contrôler les ferments menant à la violence ? Objectivement, tout en condamnant ses moyens extrêmes, Caserio est respectable. Fidèle à son combat, il a dit aux juges « si vous voulez ma tête, prenez-la ! » ; un mois plus tard il était guillotiné. Cela gêne ceux qui font l’Histoire et dirigent le Monde suivant le principe légalisant le pillage, qu’une tête de révolutionnaire vaille celle d’un apparatchik, que cet autre son de cloche puisse s’entendre et contaminer, même étouffé ! Ce doit être pour ne faire aucune publicité que le GDEL, l’encyclopédie Larousse fait l’impasse, encore en 1970, sur Caserio. Mais nous avons appris depuis longtemps que cette France prompte à noyer le poisson dans les hommages appuyés ne démontre que ses talents d’arnaqueuse, qu’elle constitue une nébuleuse de cooptés, de professionnels de la politique qui nous ont menés au pied du mur, de promotions d’énarques plus versés à sauver leur corporatisme que le pays, une France rance, preste pour virer casaque, à faire allégeance à Hitler. Alors quand ils peuvent épingler un hochet sur un bienfaiteur aussi innocent qu’altruiste, ils ne font que se l’approprier, phagocyter la conduite honorable d’un idéaliste afin de mieux cacher leurs turpitudes et vénalités derrière... Et combien se font avoir à la légion d’horreur, au mérite, aux arts et lettres, à la famille idéale ? Oui rance, foncièrement collabo, pourrissant sur pied à force, mais chut, faut pas le dire, faut pas remettre en cause le système toujours au profit des mêmes... tant qu’il n’implose pas pour tout le monde !

De ce point de vue, les Anglais sont beaucoup plus respectables, ce doit être la raison pour laquelle, du haut de notre arrogance, nous avons une dent contre eux ! 

Portrait_officiel_de Marie François Sadi_Carnot 1837-1894 Domaine public.


samedi 22 juillet 2023

SÈTE 21, des noms qui le valent bien...

 C’est Valéry non, qui qualifiait Sète d’« Île singulière », pour son Histoire, sa géographie, mais ne sous-entendait-il pas aussi que cette convergence particulière forme une matrice de talents singuliers ? Ma méchanceté naturelle envers Paris m’inciterait à essayer de trouver, peut-être à tort puisqu’on est partial quand on est méchant, alors au moins à réfléchir en quoi la capitale a plus pompé à l’extérieur que donné de sa personne (et Hidalgo la maire, adepte de la pompe en impôts...). Allons, restons-en à ceux qui ont marqué Sète, « L’île bleue » rehaussant le bleu du Golfe pas toujours clair.  

* Aïe, Caserio (1873-1894), ça commence mal, en complète contradiction avec ce qui précède vu qu’il est arrivé d’ailleurs ; chronologiquement nous devrions le trouver là mais nous le garderons pour la bonne bouche, à la fin, manière d’élargir le débat.

* Emmanuel Gambardella (1888-1953), journaliste sportif sétois puis dirigeant de football. Un trophée à son nom existe non ? Il repose au cimetière marin.

* René Dedieu (1898-1985), footballeur, vainqueur de la Coupe en 1929 avec Montpellier, vainqueur de la Coupe et du championnat avec le FC Sète, en 1934. 

Afred_'Artem'_Nakache,_en_septembre_1941 Toulouse Domaine Public Auteur Emile-Georges Drigny pour le Miroir des Sports


* Alfred Nakache (1915-1983), grand nageur, déchu de la nationalité par Philippe Putain, dénoncé par les bons Français collabos antisémites, rescapé d’Auchwitz où son épouse et sa fillette de deux ans ont certainement péri dès leur arrivée (convoi 66 du 20 janvier 1944). Mort d’une crise cardiaque alors qu’il parcourait son kilomètre quotidien dans la baie de Cerbère ; repose au cimetière Le Py (sa seconde épouse étant sétoise).  

Sete_Pierre_Nocca_2010 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Fagairolles 34

* Pierre Nocca (1916-2016), sculpteur. Jeune, son talent lui permet de continuer à... Paris avant que la guerre puis la résistance, puis la libération ne l’entraînent. A 31 ans, Montpellier lui commande le monument aux Martyrs de la Résistance. Revenu au pays, il va professer jusqu’en 1985.

Parmi ses nombreuses œuvres dans la région :

- 1955. le maître-autel de Cazedarnes (Hérault).

-1964, le monument à Jean Jaurès (Montpellier).

Après la pierre et le bois il va travailler le cuivre, le laiton, le métal :

- 1973, Légende, L’Union ; La leçon d’Athéna, Villemur-sur-Tarn (Hte-Garonne).

- 1976, Le Guetteur, Carcassonne (Aude).

- 1978, Poulpe, Argelès-sur-Mer (Pyrénées Orientales).

- 1985, Papillons, Castres (Tarn).

- 1985, Monument du Souvenir et de la Paix, Saint-Gély-du-Fesc (Hérault).

- 1987, la Fontaine du Poufre à Sète.

- 2002, l’Ajustaïre, le jouteur anonyme du Canal Royal de Sète.

Il faudrait même ajouter nombre de fresques en matières juxtaposées pour les écoles de Montpellier, en Andorre, dans la région toulousaine.

Invité d’honneur de la ville en 2010, il est passé sous la haie d’honneur des joutes de la Saint-Louis.

* Pierre-Jean Vaillard (1918-1988), chansonnier humoriste né à Sète. 

Grand_Gala_du_Disque 1968 Flamengogitarist_Manitas_de_Plata,_Bestanddeelnr National Archiev Commons license Author Ron Kroon, Anefo

* Manitas de Plata, Ricardo Baliardo (1921 dans une caravane à Sète- 2014), guitariste gitan d’une famille originaire d’Espagne.

De circonstances en hasards, un Américain va demander s’il ne figure pas dans une expo de photos sur les gitans pour venir l’enregistrer aux Saintes-Maries. Manitas a 43 ans et c’est le Carnegie Hall un an après pour ce virtuose illettré et qui ne lit pas la moindre note de musique.

À partir de 1967, ce seront des tournées dans le monde entier.

Son frère Hippolyte meurt (1929-2009), son fils Manéro meurt (1940-2012), chaque fois il se produit pour leur rendre hommage (Palavas 2009, l’Olympia 2012).

En 2013, victime d’un malaise, ruiné (à ce qu’il dit), il est pris en charge par l’association solidaire des artistes déchus ou malades « La roue tourne ». En clinique, en foyer social et finalement à l’hôpital où il meurt en 2014, à l’âge de 93 ans. 

* Agnès Varda (1928-2019). En 1954, a tourné un long métrage à Sète « La Pointe Courte », un film qui a marqué son époque, avec Philippe Noiret (1930-2006), Silvia Monfort (1923-1991), divorcée en 1951 de Maurice Clavel (1920-1979), de Frontignan à côté, le philosophe connu pour avoir quitté, en 1971 un plateau-télé avec fracas « Messieurs les censeurs, bonsoir ! » 

jeudi 20 juillet 2023

RESÈTE

Tiens, le stade s’appelle Louis Michel ? Louise, le prénom féminin est plus connu, même à Sète.

A proximité de la gare (« Terminus en gare de Sète »), le pont levant nous stoppe, l’occasion de dire un mot (on ne fait que ça !) sur ceux de la ville pouvant justifier une vision moderniste, très moderniste de « Venise méditerranéenne » loin de rappeler la Sérénissime. Cinq ponts tournent et se lèvent, afin et seulement pour quelques minutes, laisser passer les bateaux, pas les gros,  plutôt entre l’étang et la ville, là où les péniches du canal du Midi n’arrivent plus.

Autres personnalités liées à la ville :  

* Jean Rodor (1881-1967), parolier et chanteur. Son nom va avec celui de Vincent Scotto (Sous les ponts de Paris (1913), La Vipère (1921), Ramuntcho (1944), etc., ainsi que l'adaptation française de Reginella. Il meurt à Paris. 

* Louis Izoird (1886-1974), compositeur de La Caissière du Grand Café (1914) ; et avec Jean Rodor Le Légionnaire (1911).

Pas étonnant si Sète suivait assidûment les sorties de chansons à la TSF. Dans la famille Brassens, toute la famille chantait... Georges connaissait toutes les chansons de Charles Trenet (1913-2001)... Ils ont eu chanté ensemble mais ce n’est pas allé plus loin, l’entente, l’amitié n’ont pas pris... Ne seraient-ils pas spéciaux, ces quelques uns au-dessus du lot, suivis, imités, idéalisés ?  Ces célébrités ont quelque chose de plus que le commun des mortels, déjà le caractère pas toujours facile à suivre, sûrement. 

Charles_Trenet-1977 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic FileAlain Meilland Charles Trenet printemps de bourges 1977.jpg Paul kiujcom


Avec Ramuntcho, j’aimais écouter Les lavandières du Portugal, C’est l’histoire d’un amour (Gloria Lasso), les Gitans (Les Compagnons de la chanson). Et au milieu, mais sur des disques prêtés par les filles Comparetti (non, pas Italiennes d’origine, Corses par le papa, Sébastien, une belle personne qui m’a marqué, mécanicien de son état jusqu’au tour où il s’attelait à usiner les pièces introuvables), surtout Le parapluie de Brassens vers 1957-58, ce qui tendrait à prouver qu’il a percé et eu du succès malgré les radios, grâce aux récitals, aux tournées (on ne l’entendait pas sur les ondes d’État ; par contre les critiques agressives ne manquaient pas « toutes les chansons se ressemblent », « et dzin et dzin, comme Guy Béart », « il dit des gros mots », « Ièu te lou foutrio en tolo » lançait mon grand-père menaçant de la prison, mais pour rire, comme pour les chanteurs à cheveux longs)... Le p’tit ch’val dans le mauvais temps me touchait et continue de me toucher beaucoup (les chevaux, les ânes, mulets parmi nos animaux familiers, et les chats contre ceux qui, forts de leur domination, envoient leurs chiens attaquer).... Et « La Mer » de Trénet bien qu’avec les années, comme envers un versatile qui vous oublie puis tient à vous, j’ai eu et j’ai toujours un reproche à faire, oh juste pour un petit « des » mettant le « Golfe » au pluriel, aveu de sa part d’une fidélité relative au Narbonnais.  

Sardane et Gegants 2009 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur photographe anonyme pour Canet-en-Roussillon

« La mer, qu’on voit danser, le long DES golfes clairs... », le Golfe du Lion, exclusif méritait qu’il chantât « DU »... mais prenez-le de la part de qui ça vient, d’un ver de terre mal sapious, qui s’en sait mal, trop susceptible bien que sous la semelle d’un géant (Trenet s’est quand même installé sur la Côte d’Azur et Brassens en Bretagne). Je l’adore pourtant, Charles Trenet, aimer étant accepter l’autre tel qu’il est... D’ailleurs, je ne sais plus où est passé le CD et ça me tarabuste, croyez-le bien... La sardane, Mes vertes années, Que reste-t-il..., Boum, Tombé du ciel... Une agante, j’en ai eu une aussi avec Brassens, avant de vite me raviser pour Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part : la différence entre ceux qui disent « Je suis de là et j’aime » et ceux qui impliquent agressivement leur lieu de naissance « Je suis de là et vous, pour cette raison, ne me valez pas ». 

mardi 18 juillet 2023

SÈTE 19. Brassens (fin).

Brassens_TNP_1966 Domaine Public Photo retouchée BnF à l'origine de Roger Pic (1920-2001).

Georges_Brassens_TNP_1966 Domaine public Auteur Roger Pic (1920-2001).

Brassens, souvent en trompe la mort (encore avec ce titre de novembre 1976 où il reprend « c’est pas demain la veille, bon Dieu, de mes adieux... », à quelques mois de savoir qu’il a ce cancer), chantant la présence de la camarde mais qui sut si bien en faire une compagne familière afin de nous la faire accepter sans provoquer de notre part une fuite affolée de toute façon vaine (elle nous l’a quand même pris en lui ôtant la guitare des mains, à soixante ans à peine !), nous dresse, avec sa fausse supplique, un des plus tendres tableaux qui soit sur le plaisir de la vie. Une chanson de tous les symboles : sept minutes dix-neuf de durée, en dehors des standards diffusables, il n’en a rien à faire, il fait salle comble tant en France qu’à l’étranger ! Brassens toujours à mettre en avant la liberté, sa liberté. Quoi qu’il en soit, sa chanson sur la mort est pleine de vie, d’une vie qui est là, elle, alors passez-moi les projections sur celle qui serait ailleurs, au-delà, avec les « derniers qui seraient les premiers »...

Entre la ville et la corniche, nous avons peut-être parcouru les deux tiers du tour du mont Saint-Clair. Maintenant côté Thau, remontons en suivant la traversée de la ville pour les pressés, le chemin de fer aussi, sans la corniche, les abords du cimetière de Valéry, le port, la ville des canaux et des ponts. Un cimetière relativement moins marin que celui de « la mer toujours recommencée » penche, regarde pourtant vers le bleu de l’étang. C’est ici, dans le cimetière Le Py, dit " le cimetière des pauvres ", que repose Georges Brassens, pas tout à fait dans son caveau de famille plein comme un œuf où reposent sa mère (1887-1962), son père (1881-1965). Il est avec sa sœur, de neuf ans son aînée, si complice (elle lui signait les bulletins scolaires en cachette des parents...), là où Joha Heiman (1911-1999), « Püpchen », la compagne à qui jamais il ne demanda la main, l’a rejoint. Il y a une croix sur la tombe. Et alors ? Une croyance empêcherait -elle l’esprit critique et la liberté de ton ?

J’essaie de ne pas bafouiller cette marche macabre si prenante et pimpante sauf que je suis le premier à me laisser prendre, à en rester presque estabouzi, pantois, déconfit... arroseur arrosé.   

Georges_Brassens_photo de 1978 prise par Bruno Tosi Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported


dimanche 16 juillet 2023

SÈTE 18, BRASSENS, la supplique de 7 minutes !

Connu, apprécié, avec " La Supplique pour être enterré sur la plage de Sète  ", Brassens impose son format aux radios. Libre à elles de passer ou non la chanson-fleuve. 

Après un humour à la hauteur d’un capitaine Hadock qui, malgré la tempête, sauverait le vin et le pastis d’abord, l’amour, la confidence sensible, suite au premier flirt :  

 « ...Je connus la prime amourette.
Auprès d'une sirène, une femme-poisson,
Je reçus de l'amour la première leçon,
Avalai la première arête... » 

Georges_Brassens_(1964)_by_Erling_Mandelmann 1935-2018 Photo offerte par l'auteur


Plein de respect pour Paul Valéry, mais non sans se faire valoir, il ergote à propos de l’expression « cimetière marin » (1) :
« ...Moi, l'humble troubadour, sur lui je renchéris,
Le bon maître me le pardonne,
Et qu'au moins, si ses vers valent mieux que les miens,
Mon cimetière soit plus marin que le sien,... »

Oh ! comme une planche de Dubout rendrait bien, en prime au talent des vers et de la musique de Brassens !

« ...Les baigneuses s'en serviront de paravent
Pour changer de tenue, et les petits enfants
Diront : « Chouette ! un château de sable ! »... »

Ah ! pour l’arbre, ne sachant trop ce qui tiendra vue la salinité, ce qui ne manque pas de nous faire penser à Saint-Pierre-la-Mer, laissons Brassens préciser :

« ...Plantez, je vous en prie, une espèce de pin,
Pin parasol, de préférence,... »

Oui, pour épargner aux amis en visite un trop-plein de soleil...

Puis viennent les vents d’Espagne, d’Italie, mistral et tramontane... la poésie a tous les droits dont celui de s’affranchir de la géographie. Houlala ! qu’est-ce qu’il n’aurait pas éructé le satané inspecteur général ! Repos ! Ce n’est pas le problème du poète ! À chacun de voir... les livres, les écrans ne sont pas destinés aux chiens sauf que les poèmes sont les seuls à pouvoir s’en exonérer. Pour ma part, si Brassens envoie son pied dans la fourmilière du bon sens bien partagé, je suis pour à cent pour cent ! Surtout si c’est volontaire car lorsqu’il évoque des échos des musiques venues de nos voisins latins, il prend en compte toutes les influences, y compris la catalane, qui contribuent à former réellement le Sud qui est le nôtre :

« ...De villanelle un jour, un jour de fandango,
De tarentelle, de sardane...  »

J’en appelle à nouveau au renfort d'Albert Dubout (1905-1976) pour une belle femme nue venant faire un sommeil contre sa tombe :

« Et quand, prenant ma butte en guise d'oreiller,
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec moins que rien de costume,
J'en demande pardon par avance à Jésus,
Si l'ombre de ma croix s'y couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume... »

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Brassens n’a moqué que les travers, pas la religion en elle-même. Entre sa mère qui l’a mis chez les sœurs, ensuite son père, anticlérical, à la communale dès qu’il eut l’âge, est-il possible d’avancer que Georges fait preuve d’une intelligence aussi fine que coquine, la croix, le pardon demandé à Jésus étant les vecteurs de cette malice un tant soit peu érotique. 

Georges_Brassens (1964)_by_Erling_Mandelmann 1935-2018 Cadeau de l'auteur.

Nous en arrivons à la chute, théâtrale, de la part d’un libertaire proche de l’anarchie. Toujours avec finesse, il laisse entendre que le pouvoir a toujours besoin de Grands Hommes à honorer par tout un cérémonial, une démarche tendant à s’approprier des destins d’exception pour asseoir sa légitimité :   

«... Pauvres rois, pharaons ! Pauvre Napoléon !
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon !
Pauvres cendres de conséquence !
Vous envierez un peu l'éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant,

Qui passe sa mort en vacances. »

D’une part des « cendres de conséquence », de l’autre « l’éternel estivant ». Quel contraste ! Et l’image du pédalo avec Georges, comme au rocher de Roquerols, en slip kangourou peut-être, encore un instantané que Dubout n’aurait pas manqué de croquer !  

(1) Pour nous qui connaissons celui des Auzils, dans La Clape, avec son allée des naufragés ainsi que, de l’autre côté, celui d’Antonio Machado, encaissé mais si proche de la baie de Collioure « au clocher d’or », bien sûr que le seul et véritable cimetière marin est la mer qui recèle à jamais des disparus. Des  destins qui restent ou pas, et ce plus ou moins longtemps, dans l'émotion du moment ou la mémoire des Hommes.

mercredi 12 juillet 2023

SÈTE 17. La supplique de BRASSENS.

 Pas loin, le rond-point encore d’une chaîne, celle liant Sète à Valéry. Le cimetière marin est juste au-dessus. Y reposent aussi Henri Colpi (1921-2006), Emmanuel Gambardella (1888-1953), Jean Vilar (1912-1971) (1), pour toujours lié au festival d’Avignon créé et dirigé par lui de 1947 à 1970. 

Sète Théâtre de la Mer vu depuis le brise-lames 2013 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Christian Ferrer

Il suffit alors de suivre la route de la corniche d’abord creusée dans le roc ; elle passe au pied du Théâtre Jean Vilar, avec ses airs de fortin espagnol ou à la Vauban, (pourquoi espagnol puisque ce sont plutôt les Anglais qui ont réussi à prendre Cette quelques jours ? Ah oui, j’ai dû mentionner quelque part le récital de Paco Ibañez (1934), frère qui plus est, de Roger Ibañez (1931-2005), l’un des réfugiés dans « L’Espagnol » de Bernard Clavel).

Le théâtre de la Mer avec, en bas, les vagues plus obstinées encore à attaquer les entailles dans le rocher. La route qui s’accroche et offre une belle vue sur le lido avec, au bout d’un rivage rectiligne de vingt kilomètres, le pied du Pic Saint-Loup, le volcan d’Agde, éblouissant de soleil, découvre une paire de petits croissants de sable. Au creux de l’un d’eux, comme un monticule sur la plage signalé par un arbre, jeune, à n’en pas douter, quoique déjà gaillard, répondant aussi aux dernières volontés de Brassens :

« ...Que vers le sol natal mon corps soit ramené
Dans un sleeping du « Paris-Méditerannée »,
Terminus en gare de Sète... » 

Le premier de ses souhaits :

« ...Juste au bord de la mer, à deux pas des flots bleus,
Creusez, si c'est possible, un petit trou moelleux,
Une bonne petite niche,

Auprès de mes amis d'enfance, les dauphins,... (2) »

Sète vue depuis la plage du Lido 2007 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Fagairolles 34

La première des raisons invoquées par le Sétois est que le coin est bien exposé au Sud, protégé quelque peu des tempêtes :

« ...C'est une plage où, même à ses moments furieux,
Neptune ne se prend jamais trop au sérieux,... » 

(1) mort dans sa maison « Midi le Juste » suite à un second infarctus, le 28 mai 1971. 

(2) C’est vrai qu’on les voyait chasser en groupe, dans les vagues, juste au large de la plage, par gros temps... Il y a si longtemps qu’on ne les voit plus... puisque ce signal n’a pas pour autant rendu la pêche raisonnable... (ce que j’en dis... je ne suis pas spécialiste, je n’émarge pas contre les profits de la pêche... industrielle).

lundi 10 juillet 2023

SÈTE 16. BRASSENS, ce cancre-là...

 Georges Brassens, nous l’avons vu de loin à Balaruc chez son ami Lolo, suivi au rocher de Roquerols (il a eu deux barcots pour profiter de l’étang). Peut-être amarrait-il au petit port de la Pointe Courte ? Ensuite c’est la ville, dans les quartiers qui montent le plus possible le versant du mont Saint-Clair, là où se situe sa maison natale désormais dans la rue descendante portant son nom ; un peu plus loin, son collège devenu lycée Paul Valéry. Feu son copain André Thérond a dit de lui qu’il était un cancre, répétant même ce mot terrible même si c’était pour préciser qu’il ne l’était pas en français par contre. Non, un mot à laisser aux gens de l’extérieur, froids, sans empathie, pas charitables du tout, méchants... surtout qu’en occitan il est en plus si proche du « cancr », du crabe, du cancer... Non, dire d’un camarade de classe « moi bon élève j’étais copain avec un cancre » me gêne beaucoup... antinomique avec « copain », manquant d’affection, d’amour, marquant le rejet plutôt ; un mot à ne jamais prononcer dans une carrière ! à bannir ce cancre là  

« ...et malgré les menaces du maître
sous les huées des enfants prodiges
avec les craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur... » 
Le Cancre. Jacques Prévert. 

Georges_Brassens. 1963 the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Fonds André Cros 1926-2021 Archives municipales de Toulouse

Depuis le collège, pour continuer à suivre Brassens, mieux vaut descendre vers le port, gagner le quai de la Consigne, là où se tenaient alignés tous les bateaux-bœufs, l’antenne serrée contre le mât, l’anneau de la proue, celui du quai, la chaîne de l’anneau à l’anneau, là où, avec la chanson napolitaine du ravaudeur, un peu de la nostalgie de Cetara imprègne l’atmosphère en dépit des années passées. (à suivre) 

Georges_Brassens_à_Toulouse décembre_1963 licence Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Fonds André Cros Archives municipales de Toulouse


dimanche 9 juillet 2023

SÈTE 15. BRASSENS Georges 1.

Attachant pour ses chansons à la fois « vieille France », parfois reprises de poètes (Fort, Nadaud, Hugo, Aragon, Musset, Villon, Verlaine, Jammes, Richepin, Lamartine, Banvile...), sinon si marquantes pour leur temps, Brassens (1921-1981) était bien de Cette ; Sète le lui rend bien et nous qui aimons et Brassens et Sète en restons comblés. 

Mural_Georges_Brassens proche de sa maison de naissance the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Harvey Kneeslapper

Né en 1921 en haut de la ville, d’un père maçon d’une famille de Castelnaudary et d’une mère sétoise italienne. Le père est libre-penseur, la mère pieuse mais tout le monde aime les chansons. Georges, peu motivé et studieux cherche pourtant à mettre des rimes sur des airs. Sur ce, en 1936, monsieur Alphonse Bonnafé (1908-1994, dit « le boxeur » pour son nez cassé), le professeur de français, l’encourage à continuer en travaillant la technique (1).

à voir éventuellement : Rencontre entre Georges Brassens et son ancien professeur de français Alphonse Bonnafé | INA

A seize ans, pour avoir de l’argent, lui et sa bande de copains volent auprès de leurs proches ? Scandale à Sète. Un an plus tard s’ensuit une condamnation avec sursis. Renvoyé du collège, il passe l’été enfermé à la maison et plutôt que de faire le maçon avec son père, convainc ses parents de le laisser partir à Paris. Une histoire qui ressemble en partie à celle de Jean Gau à Sérignan.

La tante Antoinette, les premiers recueils de poésie, l’exode, Paris à nouveau, le STO près de Berlin, les livres, l’écriture, la permission pour maladie grave, la clandestinité pour ne pas revenir en Allemagne. 

Brassens_dédicace 1952  Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain Dedication Auteur Pierre Fernand Étienne Fabre

Jeanne, l’anarchie, Püpchen, Patachou, le Grand Prix de l’Académie Charles Cros, la médaille d’or des chanteurs censurés (Le Gorille, Hécatombe, Putain de toi... et juste pour le mot « con ») (mais Europe 1 passera les chansons interdites dès 1955).

Les amis souvent impliqués dans sa carrière :

* les Sétois Victor Laville (1921-2020, qui l’a présenté pour une rencontre primordiale à Patachou), Émile Miramont (1922-2004, copain d’enfance dit « Corne d’Aurochs » ; a écrit « Brassens avant Brassens ») Roger Thérond (1924-2001, à la tête de Paris-Match, qui raconte comment Bonnafé leur a présenté le premier cours sur la poésie), Henri Colpi (1921-2006, adolescent avec Brassens à Sète, réalisateur de « Une aussi longue absence », prix Louis Delluc puis palme d’Or à Cannes (1961) il est l’auteur de la chanson chantée par Brassens, éponyme du film qu’il réalise « Heureux qui comme Ulysse » 1969, avec Fernandel (1903-1971). « Trois petites notes de musique » par Cora Vaucaire (1918-2011), c’est de lui aussi).

* les copains du STO à Basdorf, René Iskin (1921-2005, a confié ce que fut le STO « Dans un camp, Basdorf 1943, Georges Brassens et moi), André Larue,

*  les amis liés à la chanson de Brassens : René Fallet, Pierre Nicolas, Pierre Onteniente  

* les fidèles jusqu’à la fin bien que très connus, pas pour la frime : Marcel Amont, Guy Béart, Georges Moustaki, Jacques Brel, Pierre Louki, Jean Bertola, Boby Lapointe, Pierre Louki, Lino Ventura, Jean-Pierre Chabrol, Raymond Devos, Fred Mella...  

... Et dans le genre « mon maître, mon ami » Alphonse Bonnafé, le détonateur d’après Thérond qui n’aura pas publié moins de six ouvrages sur Brassens... de quoi mettre du beurre sur son salaire de prof, de quoi tempérer notre émotion tant première que gratuite sur « les copains d’abord » quand même pas tombés, pour certains, de la dernière pluie... La célébrité de Georges semble avoir bien ruisselé... 

(1) L’été à la baraque de Paule à Saint-Pierre-la-mer. À 6 ou 7 ans, je monte sur la table pour entonner « Vive le vent, vive la neige... » ; mon père se moque « Hue ! pas de ça en plein été ! ». Ce n’était pas méchant, juste taquin sauf que je m’en souviens pour l’avoir vécu comme un affront. C’est fou comme le moindre petit fait d’apparence anodine peut peser dans la vie s’il est mal vécu.. enfant je ne me suis plus jamais proposé pour un poème, une chanson...

vendredi 7 juillet 2023

SÈTE 14 Paul Valéry (fin) Montpellier... Dresde... Campina Grande...

Montpellier-Perspective_du_Peyrou 2012 GNU Free Documentation License, Version 1.2 or any later version published by the Free Software Foundation Author Daniel Villafruela

Valéry, c’est mon père qui m’en a parlé. Dans un de ses moments qui attestent du lien entre un père et son fils, il est même passé par Sète, une fois, au retour d’un jury du bac à Montpellier, pour m’emmener sur la tombe du cimetière marin. Rien, ce jour-là sur son expérience passée et la déception qui dut être la sienne. Papa n'en voulait pas au grand homme, serait-ce par ricochet, pour la volée de bois vert infligée lors d’une inspection par un de ces inspecteurs généraux imbus d’eux-mêmes, de leur fonction, très France droitière, ne souffrant pas un point de vue plus nuancé que le leur, qui plus est agressifs du pouvoir dont ils se drapent parce qu’ils se prévalent d’une érudition pourtant limitée à un sujet pointu, ici, Valéry... Surréalistes ces mecs qui à force de se prendre pour l’élite, de se croire au-dessus de la mêlée, oublient qu’au bout de la chaîne il y a l’élève, loin de ce genre d’esthétisme guindé. Ils inspectent pour abuser de leur pouvoir hiérarchique, donnant dans des broutilles à chercher un poil sur un œuf, leur faisant perdre, dans le rapport qu’ils ont à l’inspecté, à l'enseigné, le recul, le regard d’humanité que nous devons avoir sur le passé, la condition et le devenir des Hommes.

Tout comme l’instruction ne doit pas être confondue avec l’intelligence, l’intelligence, chez certains, se confond, hélas, avec un manque de discernement affligeant si néfaste dans l’autorité qu’ils ont sur les autres ! 

Qu'en est-il à présent ? Lorsque j'ai " quitté la boutique " l'administration en était à coopter des profs en tant qu'inspecteurs... la crise des vocations ? comme chez les curés ? Aucun doute sur leur bagage théorique mais les deux qu'il m'a été donné de côtoyer m'ont plutôt laissé une impression de " vanité de parvenu " les inclinant à ne cocher que des défauts dans leurs évaluations... Ils étaient psychologiquement passés de l'autre côté de la barrière...

Bombing_of_Dresden_aftermath 1945 Creative Commons Attribution 2.0 Generic Author Cassowary Colorizations

Prague_skyline_at_dawn 2014 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Petar Milošević

Pauvre papa, il t’en est tant arrivé ! le STO à Dresde, l’expulsion par les communistes de ton poste de traducteur à l’ambassade de Prague à huit jours d’une titularisation, le poste vacant d’instituteur aux Cabanes-de-Fleury que l’administration t’a refusé (tu avais trop de diplômes ont-ils dit alors que c’est l’argument inverse qui prévaudrait normalement), ce poste de traducteur en allemand pour lequel tu as postulé à Toulouse où tu as été second parce que le premier était pistonné, notre expatriation au Brésil (il fallait bien gagner sa vie...)... Sans jamais te plaindre, toujours positif, rare à faire ce genre de confidence, seulement accompagnée d’un sourire pathétique ; tu n’en voulais à personne. Moi je m’en veux d’être passé à côté de tout ça, si longtemps... pour ne considérer que mes frustrations égoïstes...  

En classe à Campina Grande (1953-1954), État de Paraiba, Brésil.

Quant au reste, tu peux être sûr que je le retrouverai dans tes archives, le nom de cet inspecteur peu humain, quitte à réveiller un mort pour lui dire son fait !     

dimanche 2 juillet 2023

SÈTE 13, Paul Valéry 4ème partie.

Phare_du_Mont-Saint-Clair,_Sète,_Hérault 2013 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Christian Ferrer

 Au bout du môle Saint-Louis, construit dès 1666 lors de l’aménagement du port, un phare repris, reconstruit à maintes reprises, miné par les Allemands en août 1944, reconstruit en pierre froide de Frontignan, ne marque plus que l’entrée bâbord du port (rouge), l’éclat blanc toutes les cinq secondes du phare du Mont Saint-Clair, plus haut de 59,8 m portant à 29 milles (53 km) assurant ce repérage primordial pour qui navigue. Tiré de la Naissance de Vénus, deux vers de Valéry suffisent à en donner une vision des plus poétiques :

« Son œil mobile mêlé aux éclairs de périls,
L'eau riante et la danse infidèle des vagues ». 

Cette jetée de 650 mètres de long semble dédiée à Valéry. À son entrée, en effet, un monument émouvant de sentiment, un simple anneau de fer passé à son crochet scellé mais géant, à l’image du natif de « L’Île Singulière » :

« Je remonte le long de la chaîne de ma vie, je la trouve attachée par son premier chaînon à quelqu'un de ces anneaux de fer qui sont scellés dans la pierre de nos quais. L'autre bout est dans mon cœur... » (Discours au collège de Sète à l’occasion de la distribution des prix / 13 juillet 1935 / Œuvres T. 1 p. 1438 / Paul Valéry). 

Cimetière_marin,_Sète,_Hérault 2013 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Christian Ferrer

Dès le mois d’août, en son honneur, le cimetière Saint-Charles (1) prend le nom de « Cimetière Marin », titre de son poème le plus célèbre.  

« Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !.../

... Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre !
L’air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs !
Envolez-vous, pages tout éblouies !
Rompez, vagues ! Rompez d’eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs ! » Le Cimetière Marin, Charmes 1922, Paul Valéry.

Voilà pour les premier et dernier sizains. Souvent, la postérité ne relève que le début. Entre les deux, vingt-deux autres, une somme de vers. Difficile d’en suivre le fil ; cela rassure de lire un jour qu’il est classé hermétique ; pourtant loin d’être compliqués, les mots construisent souvent de belles images méritant d’autant plus d’être relues qu’elles offrent la douceur d’une musique des plus agréables. 

(1) Les Sétois disent « cimetière des riches » par rapport au cimetière du Py, celui des pauvres, donnant sur l’Étang de Thau, même si à l’origine St-Charles a été crée pour les morts du chantier du môle Saint-Louis. 

Sete_tombe_Valery_(cimetiere_marin) 2007 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Fagairolles 34