samedi 27 avril 2019

LE PAIN de LA FEMME DU BOULANGER de Marcel PAGNOL.

Photo du magazine Pour Vous du 24 août 1938, publiée par "La Belle Équipe", un site remarquable sur le cinéma français.
 https://www.la-belle-equipe.fr/2017/10/12/la-femme-du-boulanger-de-marcel-pagnol-pour-vous-1938/

"... Pour mon goût personnel, j'aimerais mieux du pain qui fût aussi beau que du pain. Car la beauté des femmes est fugitive et se fane comme les fleurs..." 

La Femme du Boulanger, Marcel Pagnol. 

Nous aimons les citations qui confortent et ancrent plus encore nos convictions et sentiments. Dans cette scène, l'effet est inverse car ce qui est dit sur la beauté ne dépend que de la discussion en cours. 
Aimable, le boulanger veut faire dire que sa femme est belle :
"... Du pain aussi beau que ma femme ! Eh bien ! dis donc, mais je ne sais pas si on n'a jamais fait du pain aussi beau que ma femme."

Barnabé approuve. La boulanger ravi surenchérit : 
"Elle est belle, hein ! ma femme !"

Antonin et Maillefer le disent aussi. 
Même l'instituteur y va de son scenario :  
"Mon cher, si elle essayait, tout à coup, la nuit, dans une ruelle obscure, de m'embrasser fortement sur la bouche, eh bien ! je ne porterais pas plainte !"

Les hommes tous les mêmes ! C'est alors que Mademoiselle Angèle, la vieille fille acariâtre, lance sa pique :

"... Pour mon goût personnel, j'aimerais mieux du pain qui fût aussi beau que du pain. Car la beauté des femmes est fugitive et se fane comme les fleurs..." 

mais c'est Tonin qui a le dernier mot : 
"Et ça fait plaisir aux vieilles betteraves qui ne risquent pas de se flétrir. Boulanger, ta femme est belle !"

 Il y aurait beaucoup à dire sur ce film daté mais n'allez pas demander à un vieil enfant qui a connu cette vieille société machiste et grandi dans les mêmes paysages que Marcel Pagnol de juger objectivement... Quand on aime, on ne juge pas... Ne me demandez pas non plus un mémoire sur les beautés comparées du pain et de la femme... 

Mes brichetons ne font pas penser à des miches, mais qu'est-ce qu'il est beau et bon mon pain de ce matin !

   

jeudi 25 avril 2019

ÉCHOS DE FLEURY / Pâques fin mars / Mon village au bord de la mer...

Lettre du 4 avril 1997. 


Faut profiter le costume de la communion ?

« … Par deux fois, nous avons passé quelques jours à la mer […] La dernière fois nous sommes partis le jour de Pâques […] l’église était pleine de monde, avec beaucoup de figures inconnues. C’était aussi le jour de la communion solennelle pour six jeunes tout de blanc vêtus. Où est le temps où l’on mettait pour la première fois les pantalons longs et le beau costume sombre, pour l’achat duquel la maison Labau de Narbonne, ou bien les « Vêtements René » ou « Conchon-Quinette » offraient la première montre au communiant ? la mienne était bizarre : boîtier nickelé et pas d’aiguilles : une petite fenêtre en léger arc de cercle laissait apparaître le nombre des minutes, et, au-dessus, une autre ouverture, carrée celle-là, indiquait les heures. C’était une « sauteuse », et elle n’a duré bien entendu que quelque temps… »
 
Saint-Pierre, les baraques, début des années 50.
« … Dimanche 6 avril 1997. La fête de « L’âge d’or » s’est bien passée et les lampions sont éteints. Jeannot Alquier a d’abord dit quelques phrases (qui n’étaient nullement de circonstance) en qualité de responsable de la municipalité pour St-Pierre, soulignant qu’il n’était pas partisan du projet d’aménagement du front de mer. C’est l’architecte qui a réalisé les magnifiques installations du Havre qui en serait chargé, et cela coûterait énormément d’argent (certains parlent d’une nouvelle « bulle »). Il a rappelé qu’il allait chaque année, depuis sa plus tendre enfance, monter et démonter la baraque en bois sur la plage […]
 
Le mont Canigou depuis les Cabanes-de-Fleury.
Dimanche 22 h 45. Les quelques heures passées à la mer ont été sensationnelles : 27 degrés sous la véranda.je me suis mis en maillot et suis allé tremper mes pieds dans l’eau très froide encore. […] Dans le lointain, les Pyrénées exposaient leurs cimes enneigées, tandis que le vent faiblissait progressivement […] A huit heures moins le quart, la température était encore de 24 degrés ; la nuit est très douce, la comète toujours présente… » 

« Lundi 7 avril 1997. … le soleil est encore présent, le ciel étale à nouveau sa plus belle palette de bleu, et la sécheresse risque malheureusement de s’installer (10 mm de pluie au lieu des 160 habituels, d’après la radio depuis la mi-janvier). La température reste exceptionnellement douce, et la vigne verdoie à l’infini. Dans le jardin public, le marronnier d’Inde est en pleine fleur, et à St-Pierre le camping est ouvert depuis plus d’une semaine… » 

Communion solennelle en costume, La Buvette des Rosiers, Pézenas, 1963, diapositive de François Dedieu.
    

mercredi 24 avril 2019

Lou BOUTEL, la GARGOULETO, el BOTIJO, lou PEGAU : le pot à eau / Fleury-d'Aude en Languedoc.

Boutèls ou botijos ? Collection Teteu Fleury. Je voulais juste mettre cette photo et j'y ai passé la journée avec le cyclone Kenneth croisant à proximité...

A propos du boutèl, boutèu, le site "étymologie occitane"  ne retient que la racine "bout" signifiant tonneau, outre, du latin populaire buttis (sorte de vase pour liquides ou solides venant du grec bouttis, récipient en forme de cône tronqué). La langue d’oïl ne reconnaît que le dérivé butticula, bouteille. 

 http://www.etymologie-occitane.fr/?s=bout

Sur le "Trésor dou Felibrige" de Frédéric Mistral

Gargouleto : cruchon, alcarazas, hygrocérame v. Gourgoulino


„Se sabiès, bello gargouleto,
Coumo t’aimi, quand vèn l’estiéu :
En bevènt toun aigo fresqueto,
Mi sèmblo de larmo de diéu !" 

(Si tu savais, belle gargoulette, comme je t'aime quand vient l'été. En buvant ton eau fraîchounette, je crois boire des larmes de dieu).


Louis BORGHERO, fils d’un marin italien, (Marseille 1857 - 1930). Courtier et journaliste, il fut gérant de L’Armana dei bastido e dei cabanoun (1895).


A l'entrée "Gourgoulino" : cruchon, alcarazas, petite cruche de terre où l’on tient l’eau fraîche. 


„Elo, à dès ans, viret l’esquino
A l’ourjou, à la gourgoulino,
Pèr poutouneja lou pegau.“ 

(Elle, à dix ans, tourna le dos à la cruche, à la gourgoulino, pour embrasser la carafe.)

Jacques ROUDIL (1612 - 1659) auteur de 62 sonnets, la plupart en occitan (Obros mescladissos d'un baroun de Caravetos).


Ourjou, arjol : espèce de cruche en forme d’urne antique que les femmes portent sur la tête ou sur la hanche. Ne pas confondre avec l’orgelet

Languedoc : comme cruche, le boutèl méditerranéen, ventru mais refermé du col. L'eau qui sue à travers l'argile en entretient la fraîcheur. Son contenu serait le bouteillat. (Les mots des régions de France / Loïc Depecker / Belin 1992).
Lou boutèl, la gargoulette sont bien liés à la Méditerranée :
„Fernande apporta l’anisette, deux verres, la gargoulette d’eau fraîche“, Albert Camus

Méditerranée avec, des Pyrénées à l'Andalousie, "el botijo", toujours la gargoulette... Le botijo, la gargoulette espagnole, un récipient en terre cuite pour contenir de l'eau ou du vin (régions méditerranéennes) / viendrait du provençal gargouleto pour un cruchon. 
Utilisation du botijo : soulever la gargoulette par l’anse, presque à bout de bras, plaquer l’autre main bien à plat sous sa panse fraîche, pencher vers soi, s’arranger pour que le trait d’eau s’en aille gouleyer dans le gargaillou, à la régalade, comme avec le porro catalan... ou la pichara, comme il me semble qu’on appelait la gourde en peau. Pour finir, passer le dos de la main sur les lèvres, plus pour suivre un rituel que pour essuyer une maladresse.  

William-Adolphe_Bouguereau_(1825-1905) Wikimedia Commons Cllectio author unknown
 

Photo : Pas étonnant,  qu’une connotation sexuée soit associée à la gargoulette avec la bouche pour remplir, le ventre pour garder, le bec pour vider... et toutes les déclinaisons que la libido peut imaginer...  

Pegar cruche du Pays Basque Wikimedia Commons Asp.

Pegaus, Pichets de Marseille Wikimedia Commons Author Rvalette


Au Pays Basque c'est le pegar, lo pega en gascon, issu du pegau, sorte de pichet courant dans l'Europe médiévale méditerranéenne entre le XIIIème et le XIVème siècle (Wikipedia).


Au hasard des recherches, bien des sites listent les bienfaits du boutèl, de la gargoulette, de la gourgoulino, du botijo, du pegau :  

* Le refroidissement de l’eau est dû à l’évaporation de l’eau à travers la texture poreuse du pot.

* L’eau stockée dans un pot en argile contribue à réduire l’acidité du corps et à soulager les troubles gastriques. L’argile agirait comme un antidote à l’acidité des aliments, neutralisant ainsi l’équilibre du pH. Une sauce tomate, naturellement très acide, sera d’une douceur naturelle une fois cuite dans un pot en argile.

*  L’eau fraîche est moins agressive pour la gorge que l'eau trop froide ou glacée du réfrigérateur.

* L'argile soigne par les minéraux qu'elle apporte : les éléphants d'Afrique et les aras d'Amazonie le savent. 

A propos de boisson fraîche, si le frigo est petit, si vous êtes nombreux, si vous n'avez pas un puits à disposition, si vous n'avez pas pensé à faire de la glace, laissez balancer à l'ombre, sous l'arbre, une bouteille habillée de tissu qu'on mouille régulièrement... 






 

mardi 23 avril 2019

PRISONNIER COMME JAMAIS... / LE DERNIER AFFLUENT (9ème partie).

Liminaire : les vues manquent cruellement. Vivement qu'un reportage photo suive ces épisodes sur le dernier affluent secret de l'Aude. Pas si hors-sujet, des légumes manière de redonner le goût de l'été et surtout d'une vie plus saine et respectueuse que l'existence hors-sol qu'on nous incite encore à mener ! 

BÉTON ET GOUDRON SUR LA VIE SIMPLE D’AVANT. 

Fleur du câprier.
Notre ruisseau qui passe sous la rue, à côté des cabinets, retrouve enfin l’air pur, la campagne. La proximité de l’endroit, l’eau disponible par des puits peu profonds, ont incité les habitants à cultiver un potager dans un coin de leur vigne : Jean et Joseph n’arrêtent pas, presque une seconde journée après la vigne, aux beaux jours : fèves, blèdes, fraises, petits pois, artichauts, haricots verts ou paille, cornichons, câpres, tomates, aubergines, poivrons, pommes de terre... Avec le cabanon sous le figuier et un arbre fruitier, cerisier, abricotier ou pêcher. Autant de conserves et de confitures pour le ménage. Autant d’économies et la possibilité d'acheter une nouvelle vigne, d'avancer, de prospérer. 


Des figues grosses comme ça !
 Le ruisseau, lui, entretient le souffle vital sur ses bords : des arbustes, des frênes de belle taille, des bergeronnettes hoche queue. Le rouge du sang dans ma main, une mésange bleue, me rappelant à jamais que le respect de la vie n’est pas à prendre à la légère.
Le ruisseau court vers la plaine, il occupe un fossé, longe la remise où Soldeville, le boucher, abat ses bêtes.
D’un côté, les murs très hauts des maisons, tels des rempart, ouverts seulement d‘un fenestrou pour se garder de l'ennemi, du Cers fort et froid de l’hiver. De l’autre, toujours des jardins avec les coupe-vent de roseaux. Camille et Émilienne, nos voisins en travaillent un, je crois, par là.
Le fossé se creuse et s’élargit encore. Un pontil imposant permet d’accéder à une maison, rive droite, la seule depuis l’abattoir, abritée derrière un épais rideau de carabènes (roseau, roseau à quenouille, canne de Provence dont on fait les canisses)... 

Arundo_donax rideau de roseaux Wikimedia Commons Author Peter Forster.
„... La maison de brique isolée à l’époque était celle de Roger Colomé, qui habite à présent (il a perdu sa femme voilà deux ou trois ans) 7, rue du Bouquet, juste après la maison où était jadis la famille Moulin. C’est son père qui m’avait demandé de lui lire cette fameuse étiquette sur le fût vide de retour, ce qui m’avait énormément surpris de voir quelqu’un qui ne savait pas lire même son nom...“ Caboujolette 2008 / François Dedieu.

On le dénigrait le ruisseau quand des effluents de la coopé et de la distillerie se déposaient dans le concave du cours ou dans les cœurs qu’on vexe pour rien... quelques relents plus que sains puisqu’on y trouvait des vers de terre de trente centimètres pour les anguilles ! Plus un écho aujourd’hui, plus de rossignol la nuit au fond du jardin public pas plus que les anguilles des premières pêches d‘avril ? Et au-delà, plus de vignes, de jardins écolos, plus d’arbres et de roseaux : le bucolique, le romantique ont cédé la place à une logique aussi démographique qu’économique de lotissements, de ronds-points et de ralentisseurs... Un nouvel aqueduc souterrain étouffe le petit ruisseau prisonnier comme jamais sous un sarcophage de béton et de goudron... un univers en extension au-delà de la route de Lespignan, qui va encore ensevelir les abords, enrober plus loin encore les ronciers, les arbres, les blèdes et les épinards que plus personne ne cueille tant le substrat en apparence aseptisé est gangréné par une chimie du fric qui empoisonne ! Des herbes là où il ne faut pas ? De l’eau, du sel et du vinaigre, macarel ! et Sonmanto ira se rhabiller ailleurs ! Arrêtons d'acheter complices, nous avons de quoi faire plier les porteurs de mort ! 

Le village s'étend dans l'espace. Si cela fait près de deux siècles que les gens sont sortis des remparts pour créer des faubourgs, la rue des Barris notamment (barri = faubourg), la tendance s'est généralisée depuis cinquante ans.

"... La maison près des HLM
A fait place à l'usine et au supermarché

Les arbres ont disparu..." chantait Nino Ferrer

https://www.youtube.com/watch?v=RgW_AX8cuqo

Mais ça ne sent pas "l'hydrogène sulfuré, l'essence", peut-être "la guerre, la société", concernant surtout ses marges, ses exclus dont les villes veulent se décharger par l'entremise (encore un mot du chanteur) de la loi obligeant les communes de plus de 3500 habitants à se doter de 20 % (bientôt 25) de logements sociaux, pour plus de mixité sociale.

"... C'n'est pas si mal
Et c'est normal
C'est le progrès..." 


Impossible aujourd'hui  d'accepter ce que Nino Ferrer appelait encore "le progrès" en 1971 lorsque, au nom d'une économie mondialisée, une clique capitaliste toujours plus avide peut nous mener à terme à l'extinction de l'espèce, à moins que comme le ruisseau, l'humain puisse renaître d'un monde meilleur. 

Confiture de figues grises... encore la chanson de Nino Ferrer...