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mardi 23 avril 2019

PRISONNIER COMME JAMAIS... / LE DERNIER AFFLUENT (9ème partie).

Liminaire : les vues manquent cruellement. Vivement qu'un reportage photo suive ces épisodes sur le dernier affluent secret de l'Aude. Pas si hors-sujet, des légumes manière de redonner le goût de l'été et surtout d'une vie plus saine et respectueuse que l'existence hors-sol qu'on nous incite encore à mener ! 

BÉTON ET GOUDRON SUR LA VIE SIMPLE D’AVANT. 

Fleur du câprier.
Notre ruisseau qui passe sous la rue, à côté des cabinets, retrouve enfin l’air pur, la campagne. La proximité de l’endroit, l’eau disponible par des puits peu profonds, ont incité les habitants à cultiver un potager dans un coin de leur vigne : Jean et Joseph n’arrêtent pas, presque une seconde journée après la vigne, aux beaux jours : fèves, blèdes, fraises, petits pois, artichauts, haricots verts ou paille, cornichons, câpres, tomates, aubergines, poivrons, pommes de terre... Avec le cabanon sous le figuier et un arbre fruitier, cerisier, abricotier ou pêcher. Autant de conserves et de confitures pour le ménage. Autant d’économies et la possibilité d'acheter une nouvelle vigne, d'avancer, de prospérer. 


Des figues grosses comme ça !
 Le ruisseau, lui, entretient le souffle vital sur ses bords : des arbustes, des frênes de belle taille, des bergeronnettes hoche queue. Le rouge du sang dans ma main, une mésange bleue, me rappelant à jamais que le respect de la vie n’est pas à prendre à la légère.
Le ruisseau court vers la plaine, il occupe un fossé, longe la remise où Soldeville, le boucher, abat ses bêtes.
D’un côté, les murs très hauts des maisons, tels des rempart, ouverts seulement d‘un fenestrou pour se garder de l'ennemi, du Cers fort et froid de l’hiver. De l’autre, toujours des jardins avec les coupe-vent de roseaux. Camille et Émilienne, nos voisins en travaillent un, je crois, par là.
Le fossé se creuse et s’élargit encore. Un pontil imposant permet d’accéder à une maison, rive droite, la seule depuis l’abattoir, abritée derrière un épais rideau de carabènes (roseau, roseau à quenouille, canne de Provence dont on fait les canisses)... 

Arundo_donax rideau de roseaux Wikimedia Commons Author Peter Forster.
„... La maison de brique isolée à l’époque était celle de Roger Colomé, qui habite à présent (il a perdu sa femme voilà deux ou trois ans) 7, rue du Bouquet, juste après la maison où était jadis la famille Moulin. C’est son père qui m’avait demandé de lui lire cette fameuse étiquette sur le fût vide de retour, ce qui m’avait énormément surpris de voir quelqu’un qui ne savait pas lire même son nom...“ Caboujolette 2008 / François Dedieu.

On le dénigrait le ruisseau quand des effluents de la coopé et de la distillerie se déposaient dans le concave du cours ou dans les cœurs qu’on vexe pour rien... quelques relents plus que sains puisqu’on y trouvait des vers de terre de trente centimètres pour les anguilles ! Plus un écho aujourd’hui, plus de rossignol la nuit au fond du jardin public pas plus que les anguilles des premières pêches d‘avril ? Et au-delà, plus de vignes, de jardins écolos, plus d’arbres et de roseaux : le bucolique, le romantique ont cédé la place à une logique aussi démographique qu’économique de lotissements, de ronds-points et de ralentisseurs... Un nouvel aqueduc souterrain étouffe le petit ruisseau prisonnier comme jamais sous un sarcophage de béton et de goudron... un univers en extension au-delà de la route de Lespignan, qui va encore ensevelir les abords, enrober plus loin encore les ronciers, les arbres, les blèdes et les épinards que plus personne ne cueille tant le substrat en apparence aseptisé est gangréné par une chimie du fric qui empoisonne ! Des herbes là où il ne faut pas ? De l’eau, du sel et du vinaigre, macarel ! et Sonmanto ira se rhabiller ailleurs ! Arrêtons d'acheter complices, nous avons de quoi faire plier les porteurs de mort ! 

Le village s'étend dans l'espace. Si cela fait près de deux siècles que les gens sont sortis des remparts pour créer des faubourgs, la rue des Barris notamment (barri = faubourg), la tendance s'est généralisée depuis cinquante ans.

"... La maison près des HLM
A fait place à l'usine et au supermarché

Les arbres ont disparu..." chantait Nino Ferrer

https://www.youtube.com/watch?v=RgW_AX8cuqo

Mais ça ne sent pas "l'hydrogène sulfuré, l'essence", peut-être "la guerre, la société", concernant surtout ses marges, ses exclus dont les villes veulent se décharger par l'entremise (encore un mot du chanteur) de la loi obligeant les communes de plus de 3500 habitants à se doter de 20 % (bientôt 25) de logements sociaux, pour plus de mixité sociale.

"... C'n'est pas si mal
Et c'est normal
C'est le progrès..." 


Impossible aujourd'hui  d'accepter ce que Nino Ferrer appelait encore "le progrès" en 1971 lorsque, au nom d'une économie mondialisée, une clique capitaliste toujours plus avide peut nous mener à terme à l'extinction de l'espèce, à moins que comme le ruisseau, l'humain puisse renaître d'un monde meilleur. 

Confiture de figues grises... encore la chanson de Nino Ferrer...