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Ah Alain Mottet (1928-2017) dans Le Bossu ! |
Aude, Languedoc, Tchécoslovaquie, Ariège, Pyrénées, Océan Indien, Lyon, Brésil, ports familiers mais unique maison des humains. Apprendre du passé, refuser la gouvernance cupide suicidaire. Se ressourcer dans l'enfance pour résister, ne pas subir. Passer ? Dire qu'on passe ? Sillage ? Aïeux, culture, accueil, ouverture aux autres, tolérance, respect, héritage à léguer (amour, écoute, cœur, mémoire, histoire, arts...) des mots forts, autant de petites pierres bout à bout qui font humanité.
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Ah Alain Mottet (1928-2017) dans Le Bossu ! |
Maîtresses toujours, instituteurs toujours, cher compagnonnage de la communale, des coquelicots et marguerites pour avoir aussi contribué à faire fleurir le respect des enfants et de soi, malgré la timidité extrême de nos effusions, de belles rencontres me poussent à regratter la page, à moins m'en vouloir aussi d'une nonchalance coupable.
Logés à la même enseigne que tous, des instits femmes ou hommes partent sans que nous acceptions le vide laissé ; raison de plus, au contraire pour resserrer les rangs dans cette solidarité de corps qui nous a tant confortés.
Le souvenir “ tranquille ” d'Alain-Fournier (1886-1914), de Louis Pergaud (1882-1915), celui plus personnel de René Pesqui (1937-2017), dit « L'oncle », parce que du pays et pour le dernier stage CM2 à Grézieu-la-Varenne avec les tilleuls en fleur (juin 1972), celui, plus poignant de Jean-François Knecht (1957-2007), compagnon à Mayotte, forcent d'un coup mes défenses émotionnelles. En cause, un décès soudain, choquant (51 ans), et d'autres dont je n'avais pas idée, tant à la fois que j'en déborde. Pardon.
Le premier, dans les “ tranquilles ”, celui d'André David (1893-1915), certes de l'École Normale Supérieure, pour son travail aussi expéditif que remarquable sur la Montagne Noire. Bien des critères pour rester honoré...
Le second, hélas d'actualité, de Sébastien Saffon (1974-2025) qui après dix-sept ans dans le primaire, a passé une maîtrise d'Histoire. Riche de ce qu'il a transmis sur la vie agricole du Lauragais dont « Ceux de la Borde Perdue », sa trilogie « La Combe » ; il nous quitte du jour au lendemain, nuit du 17 au 18 mai 2025.
On cherche, on prolonge (c'est formidable l'Internet !) pour tomber sur « Les grandes heures des moulins occitans »,encore sur le Lauragais, d'Huguette et Jean Bézian (1935-2015), instituteurs tous deux d'origine.
Alors vagues sous un crâne, je pense à Roger Bels (1921?-2001?) qui nous a laissé un beau livret sur le département de l'Aude... et, tout à fait en accord avec le mot de Michelet
« Chaque homme est une humanité, une histoire universelle »
(petit dépit les majuscules manquantes à « Homme » et à « Histoire » [quel culot !]).
En remontant presque aux sources, je me dis qu'au titre de collègue j'aurais dû aller parler à Francis Patrac (1935-2018) : il a enseigné à Salles-d'Aude où peut-être des publications d'élèves Freinet dorment dans un placard ; il connaissait si bien la faune, la nature de notre garrigue...
Pour finir, en hommage au lien entre Albert Camus et son instituteur Louis Germain (1884-1966), je m'en voudrais de passer à côté des enseignants de notre école à Fleury, chronologiquement Louis Llobet (1935-2009) qui avec son épouse nous ont encadrés en tant qu'ados autour d'une activité Théâtre, et en classe, Louis Robert (1906-1993) malgré sa méthode à l'ancienne et, une fois retraité (lui) plus pour nos promenades complices... et Monsieur Rougé, au CE2, c'est mon Monsieur Germain à moi, de ceux, (il y eut des profs par la suite dont Marcel Sinsollier [1932-2024]) qui vous découvrent un coin de bleu quand votre ciel n'est pas beau...
Nul besoin de coterie entre nous, le lien nous dépasse, pour avoir toujours eu le souci de laisser fleurir nos enfants, restons solidaires aussi des vivants qui de près ou de loin, nous ont côtoyés, nous côtoient, nous ont apporté, nous apportent.
Chers collègues de la communale, des coquelicots et marguerites, institutrices toujours, maîtres toujours !
Grand ou Petit sinon oriental, le Luberon, un arrière pays émergeant souvent des œuvres de Giono, Bosco, Pagnol, rapport au peuplement puis à l'exode rural, reste connu pour avoir accueilli nombre d'artistes et d'auteurs depuis des décennies. Comparée à l'attraction exercée à titre particulier par les villages de la Provence Rhodanienne, cette concentration de privilégiés explique peut-être un a priori négatif. Sans aller jusqu'à cataloguer que tout ce qui est excessif est insignifiant, j'y vois la raison d'une gêne. Néanmoins, cette indisposition me pose problème vu qu'outre la nature tant géologique que climatique, au moins deux auteurs appréciés plaident pour ne pas rejeter le Luberon, à savoir Bosco et Camus.
Au cours du XXème siècle, le Luberon a vu arriver en villégiature nombre de politiques, d'acteurs du cinéma dans tous les sens du terme, des médias, des chanteurs, peintres, photographes, architectes, une marge de gens fortunés, qui ont réussi.
Si les débuts du mouvement étaient marqués par un esthétisme lié au retour à la terre, à l'intérêt pour une nature géographiquement marquée, la décentralisation de la saison théâtrale à Avignon et alentours initiée par Jean Vilar dès 1947, va accélérer un mouvement de personnalités plus connues, plus en vue ; les locaux, eux, parfois de retour aux origines, au village d'où les aïeux émigrèrent pour plus de commodités, se mêlent aux célébrités pour le pastis, la pétanque sinon au marché ou chez le boulanger. Lors d'une troisième vague, le paraître, l'entre-soi, la frime, le fric ont prévalu, transportant pour quelques mois au plus les mondanités parisiennes... Une “ faune ” étrangère à un art de vivre local, à une culture sudiste, aux paysages typiques si bien dépeints par Van Gogh ou Cézanne. Après les maisons serrées des villages perchés, est venu le temps des piscines pour les invités.
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Bonnieux_au_coeur_du_Luberon_(Vaucluse) 2017 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur Mathieu BROSSAIS |
Parmi les villages les plus prisés suivant les périodes, Gordes, Roussillon, au nord du Calavon, Oppède, Ménerbes, Lacoste et Bonnieux au sud de la rivière, sur le piémont septentrional du petit Luberon ; Lourmarin, versant sud, tourné vers la Durance, particulièrement cher à Bosco et Camus.
Depuis en gros les années 2000 la vogue est à revendre dans le Luberon pour d'autres arrière-pays de soleil, de garrigues sur le pourtour méditerranéen.
Alors, parler du Luberon malgré un a priori négatif sinon une répulsion initiale ? oui, par considération et respect pour au moins deux écrivains, Bosco, Camus.
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Henri_Bosco_(cropped) 2014 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Souricette-du-13 |
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Albert_Camus,_gagnant_de_prix_Nobel,_portrait_en_buste, 1957, domaine public Author Photograph by United Press International |
Albert Camus (1913-1960). Dans le monde de la culture, il a fait l'effet d'une étoile filante. Bien qu'alourdie par les malheurs et la pauvreté originelle de la famille, avec les honneurs, sa vie a versé dans la bulle des privilégiés suivis en Provence, paradoxalement grâce à René Char. Jusqu'à une fin prématurée. Tout est lié : son œuvre chez Gallimard, son amitié avec Michel, le neveu héritier de la société d'édition, la maison achetée dans le Luberon, ses positions courageuses d'écrivain engagé, le retour vers Paris, enfin, le terrible accident de la Facel Vega avec Michel Gallimard au volant, après Pont-sur-Yonne (4 janvier 1960 / les passagères arrière sauves).
Source principale : Mappemonde 3 / 97, Le Luberon, refuge d'artistes, Cécile Helle.
À une douzaine de kilomètres à peine d'Avignon, Châteauneuf-de-Gadagne et le château de Font Ségugne où, le 21 mai 1854, le Félibrige, mouvement des poètes provençaux, fut lancé. Font Ségugne, du nom de la source au pied des murs, bastide de plaisance d'un cardinal romain (1).
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Felibres au château de Font Segugne_1854 Domaine public. |
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L'Isle-sur-la-Sorgue 2021 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur Mathieu Brossais |
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À Céreste, René Char et son chat dans son PC de résistant 1941 Domaine Public Auteur Habitant anonyme de Céreste |