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vendredi 25 juillet 2025

TOUR de FRANCE, LAURAGAIS et MONTAGNE NOIRE (fin)

Une vingtaine de kilomètres au pays des moulins et du regretté Sébastien Saffon (1) amènent à St-Félix-Lauragais jadis rayé de la carte lors de la croisade des Albigeois par Simon de Montfort ; accompagnant les barons du Nord et le roi, avec la collégiale de 1317, l'Église et le pape français Jean XXII (Jacques Duèze (1244-1334) éreintaient le catharisme de leur main de fer...   
À Revel, bâtie encore suite à la croisade, entourée d'arcades, c'est la plus vaste halle de France aux 79 piliers de chêne (1350). 

DammStFerreol 2012 Usage autorisé sans restriction Author JuTe CLZ

 
Franck Ferrand reviendra opportunément sur le creusement et l'écoulement du Canal du Midi. Au seuil de Naurouze, point le plus haut du canal (194 m.), par la Rigole de la Plaine (après celle de la Montagne), le bief de partage (5 km environ) reçoit son apport en eau depuis la Montagne Noire (2). De 1667, le barrage-poids de St-Ferréol sera deux siècles durant le plus grand barrage connu. 

Abbaye-école Sorèze 2011 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Johan Allard

Le collège de Sorèze où une élite sinon des têtes connues ont étudié chez les frères, la carrière de granulats de Dourgne (3), les monuments aux maquis, la croix occitane (4) des agriculteurs du Tarn ne peuvent qu'évoquer encore, serait-ce rapidement, une Montagne Noire où, en dépit des coupes rases, la verdure et la fraîcheur des routes, les pépinières et forêts donnent l'illusion d'une humanité pas si noire dans une nature pérenne... 

Forêts Montagne Noire. Capture d'écran. Source France Télévision 20 juillet 2025.


Une étape du Tour est aussi un tour d'horizon rapide puisque la vitesse moyenne à la pédale dépasse la quarantaine de kilomètres à l'heure : Durfort (5) le village des chaudronniers du cuivre n'a pu être cité. Aux jeux des équipes, aux incidents de course, aux performances incroyables des coureurs, l'exploration géographique et humaine des territoires traversés ajoutent à l'intérêt mondial marqué pour le Tour de France. Avec les kilomètres qui défilent, les étapes, les éditions succèdent si rapidement aux précédentes que cet évènement planétaire unique sait trop bien effilocher notre temps de vie si vite passé...      

(1) (1974-2025, voir les autres articles de ce blog). 

(2) antérieur, de même que le premier Bassin du Lampy, à 1681, construit sur 15 ans seulement, une idée prodigieuse ! Depuis, d'autres ouvrages (Les Cammazes 1958, Laprade-Basse, La Galaube 2001) contribuent à alimenter en eau le canal... tant d'eau pour le tourisme, seulement au profit des plaisanciers... 

(3) L'étude exceptionnelle (1913-1914) d'André David (1893-1915) sur la Montagne Noire, fait état de l'exploitation des mines de minerais depuis les Romains (voir par ailleurs sur ce blog les articles à propos de l'auteur et du massif montagneux). 

La situation, à Dourgne, de deux abbayes bénédictines, féminine et masculine, a fait blasphémer un commentateur. Si la rumeur du tunnel entre enceintes religieuses relève des fantasmes, la réalité du pouvoir hiérarchique des hommes sur les femmes a bien mené à des relations consenties ou subies ; en cause la règle du célibat contrevenant foncièrement aux besoins humains... Pas de fatwa contre Laurent Jalabert...  

(4) Si les drapeaux nationaux fleurissent au bord des routes, à part les Gwenn Ha Du bretons et ikurrinas basques, peu de senyeras catalans et pas de drapeau occitan en vue...  

(5) non celui du Gard où un squelette entier de mammouth fut retrouvé en 1869 (visible à Paris depuis 1898).  

mardi 5 juin 2018

L'EAU DE L'AUDE / La goulotte audoise (3)


Vue de Ginoles depuis l'Ouest / Wikimedia Commons /Author Thomas Doussin

L'eau de l'Aude dévale des Pyrénées en torrent, vite et fort. Mais les roches aussi la filtrent ; elle ressort alors au bout d'un cheminement de milliers d’années, aussi invisible que mystérieux, chargée d'éléments minéraux qui ont de toujours intéressé les hommes car plutôt bons pour la santé sinon pour le moral. Des établissements thermaux ponctuent le cours de la haute vallée "première" : Escouloubre-les-Bains, Bains-de-Carcanières, Bains-Esparre, Usson-les-Bains[1]. Dans le cadre de la curiosité du moment pour notre goulotte audoise entre Axat et Carcassonne, le thème du thermalisme nous a retenus encore dans une "haute vallée seconde" de l'Aude, entre Ginoles et Alet. 

GEOPORTAIL Cours de l'Aude de Ginoles (Quillan) à Alet-les-Bains.

A côté de Quillan, Ginoles, un nom rappelant le genou mais en levant les yeux, plutôt serti contre une épaule formidable, dépassant les 1100 mètres avec le Pech Tignous, le bien nommé « teigneux ». Un dénivelé impressionnant ! En bas les figues, en haut les sapins[2] ! En bas de l’escarpement, deux sources chaudes, Prosper et Rosita, des noms comme en écho à la recherche du temps perdu… des années 1900 et quelques… 
 
Belle Otero Author Unknown/ Wikimedia Commons
Jules Laure 1806-1861 Portrait_of_Lola_Montez,_1845 /Wikimedia Commons
Rosita rappelle Lola Montès, ou la Belle Otéro, ces Cocottes, Grandes Horizontales du Second Empire à la Belle Époque… Des 25 degrés des eaux à la fièvre pour la « bête d’or » des Demi-Mondaines… Ces Courtisanes relèvent à coup sûr d’un fantasme parmi tant d’autres même si Gide (et non Proust), emblématique d’un rang plus élevé, fréquenta Ginoles-les-Bains. On y soignait l’arthrite, le foie, les voies urinaires. Un hôtel, un parc aux arbres vénérables, une buvette : cinq-cents curistes y séjournaient alors… Mais le vieux casino démoli, tas de pierres[3], est à mettre sur le compte exotique des Espagnoles… « C’était une Espagnole à moitié folle… » qu’il chantait dans le car du rugby, pas vrai Momon ? C’est fou tout ce qui peut mentalement divaguer, par un matin serein, aux tenilles, activité ô combien ouverte à la méditation, à l’imaginaire, prémices à des nourritures plus terrestres, aux saveurs d’une poêlée de bivalves aillés et persillés.   

A sept kilomètres plus au nord, Campagne-sur-Aude ! Le joli nom que voilà pour ceux qui disent d'instinct « campagne » plutôt que « mas » en parlant d’un domaine agricole ! S’il a produit des dinosaures[4], le village cultive des pêches savoureuses, qui, comme à Ginoles peut-être, partaient se vendre dans les Pays de Sault et d’Olmes, moins favorisés. La carte précise « Campagne-les-Bains », mention flatteuse pour un coin où ne flotte pas le souvenir des intrigantes. L’établissement thermal accueillit un hôpital militaire (1916-1922) lié à la Grande Guerre. On peut faire provision d’eau ferrugineuse à la source de la grotte et profiter un moment de l’ombre reposante des platanes centenaires… 

Plus en aval, connue depuis le fin fonds du département (au sens propre concernant Fleury-d’Aude) pour sa limonade, Alet l’est, extra muros, pour son eau[5] minérale exploitée depuis 1886. Riche en calcium, en magnésium et sodium (la même qu’à Ginoles ?), elle est indiquée contre les inflammations gastriques, intestinales, les affections cardiaques, l’obésité. Dommage que la mise en bouteille, arrêtée depuis 2011, ne reprenne pas encore.
Enterré à Alet-les-Bains, auprès de ses parents, Roger Peyrefitte (1907-2000) homme des « Amitiés Particulières » au collège religieux d’Ardouane (proche de Saint-Pons-de-Thomières, Hérault), amant à 57 ans d’Alain-Philippe Malagnac alors âgé de 12 ans et demi, futur mari d’Amanda Lear. Roger Peyrefitte disait « Le soufre est mon élément naturel ». Sulfureuse, en effet, l'ambiance pour des bien-pensants, les "braves gens" de Brassens, qui condamnent et tolèrent à la fois des déviances exprimant mieux la nature profonde des êtres qu’ils sont, serait-ce en secret… Avec le soufre, abrégeant par asphyxie la mort des condamnés au bûcher, comment ne pas penser aux Cathares se jetant dans le brasier pour ne pas abjurer ! Ces « Bons hommes » et « Bonnes femmes » rappelant dans leur foi l’arianisme chrétien du royaume wisigoth[6], nous ramènent à l’Église hégémonique[7], créant, en 1318, pour prévenir les hérésies, le diocèse d’Alet avec sa cathédrale (détruite par les Huguenots en 1577). Un diocèse qualifié par Nicolas Pavillon, son « évêque de village », un parisien expédié loin de la cour par Richelieu, de « l’un des plus crottés de France ».  D’une chose à l’autre, comme tout peut revenir au commencement, le pape à qui l’on doit le diocèse d’Alet est Jean XXII… et le XXIIIème du nom Angelo Roncalli (1881–1963), élu pape le 28 octobre 1958 est venu, alors qu’il n’était que nonce apostolique, dans cette même haute vallée de l’Aude, mais pour une raison bien plus sereine, pour voir sa famille, des cousins jadis venus d’Italie.  


Alet_les_Bains abbaye Author Devisme alain / Wikimedia Commons



[1] La mentalité faisant qu’il est plus valorisant de se trouver en haut qu’en bas, à moins de 300 mètres d’altitude, à Quillan, ils se croient quillés dans la haute vallée. Comment appeler alors le secteur Puyvalador-Axat ? Et l’appellation de « Très Haute Vallée » est-elle acceptable concernant le parcours de l’Aude au Capcir (entre 2150 et 1400 d’altitude) ? Quant à la Moyenne et à la Basse vallée ?..    
[2] 44% sur moins de deux kilomètres.
[3] « Y’a d’la rumba dans l’air » Alain Souchon.
[4] Reconstitué au Musée des Dinosaures d’Espéraza, un squelette complet de 12 m d’Ampelosaurus Atacis nommé Eva comme l’étudiante qui le découvrit (2001). 
[5] Rennes-les-Bains sera évoquée dans la partie Corbières.
[6] La Provence et à l’ouest tout le Sud de la France actuelle jusqu’à l’embouchure de la Loire 412 à 507 (défaite de Vouillé). Il leur est resté la Septimanie correspondant au Languedoc jusqu’à l’invasion musulmane et la prise de Narbonne en 719.
[7] « Il y a deux Églises, l’une fuit et pardonne ; l’autre possède et écorche ; c’est celle qui fuit et pardonne qui tient la droite voie des apôtres ; elle ne ment ni ne trompe. Et cette Église qui possède et écorche, c’est l’Eglise romaine. » Bon homme Pierre Authié, vers 1300.