...les places ne manquent pas sauf que le plein soleil donne dessus, il y en a bien une à l’ombre mais avec le pied de l’homme en face dessus ; alors je dis pardon pour signifier vouloir m’asseoir à l’ombre, et, peut-être une de ces attitudes marquantes de Mayotte, de gens loin de la réaction épidermique, du renfrognement égoïste, revêche, sinon dédaigneux si commun aux Occidentaux, l’homme, la trentaine, manifeste son bon accueil par un sourire. Comme dans le taxi avec le voisin, l’occasion d’échanger ; il a une valise ; comprenant mais ne pratiquant pas visiblement notre langue, en explication de sa provenance, il montre le quai, lien avec Anjouan et les Comores ; je n'insiste pas.
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| C'est tout vu, pas terrible, la photo.de la chatouilleuse qui aborde... mais on devine à gauche, le quai flottant destiné surtout aux liaisons avec Anjouan ainsi que, sur la côte, l'immeuble Ballou dont nous parlions... |
Finalement je la prends la photo de « La Chatouilleuse », d’un peu loin, nous verrons bien. Autre attitude parfois rencontrée à Mayotte : le manque de discrétion, le parler fort de certains hommes, braillards entre eux ou au téléphone jusqu’à passer pour de grandes gueules. Bien choisir le côté à l’ombre lors de la traversée, tribord au retour ; de quoi retrouver toujours la même bouée jaune marquant l’avancée du corail, la zone à éviter dans le bras de mer vers Mamoudzou et Grande-Terre (1). Quinze minutes de traversée ; débarquement, scène si marquante ici mais à ne plus observer tant la pensée de la suite du trajet est prenante, tant domine l'impression que la nature de Mayotte se remet mieux du cyclone que ses habitants. Le plan incliné de la barge racle le béton de la rampe d'accostage.
Du monde toujours, au camion-bar, mobile par essence mais toujours là. Sur le parking, le sens de circulation s’est inversé ; de toute façon nécessité fait loi, il faut trouver un peu d’ombre pour attendre. Tut tut, la voiture dans mon dos voudrait que le minibus devant avançât plus vite, tut tut à nouveau, je me tourne, une main me fait signe, oh ! c'était, c’est pour moi !
Toujours des travaux : à présent ils défont les ronds-points pour cause de voie Caribus, dédiée au transport collectif interurbain… Vingt-cinq ans au moins qu’il se dit qu’il faut faire quelque chose pour faciliter la circulation, 1 heure et demi à condition de partir à 5 h 30 pour faire trente kilomètres (2) ; ce n’est d’autant pas acceptable que le constat est ancien. Point positif cependant : pour une fois des actes répondent aux paroles officielles. Amputés de leurs branches par la furie de Chido, les arbres présentent des moignons aussi fournis que des pompons de pompom girls. Oh ! dans un tournant à l'ombre, un gentil resto ancien aux airs de guinguette, décapité. Par distraction j'ai manqué d'observer ce qu'étaient devenus les grands arbres autour.
Descente vers Ironi bé, justement là où dans l’autre sens, l’embouteillage supportable du matin commence : des grands bouquets de bambous, ne restent que tronçons et brisures inégales, jaunis et souvent noircis à la base par le feu d'une saison sèche qui en a rajouté. En bas, là où la route coupe la mangrove parallèlement à la côte, jadis, de nuit, un cimetière pour les crabes, et en limite, un grand chantier estampillé Colas : la nouvelle usine de dessalement d’eau de mer.
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| Embouchure de la Dembeni 2007 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Pauly. Au fond le village de Tsararano, au premier plan, l'estuaire dans une belle mangrove. A-t-elle résisté et se remet-elle du cyclone Chido d'il y a un an ? |
À Tsararano, encore, étymologiquement, une histoire de “ bonne eau ”, mais ça c’était avant et il y a longtemps que la situation s’est dégradée, en particulier avec la rivière jadis jolie, d'abord blessée lorsque les détergents des lavandières ont remplacé le savon de Marseille, finalement vidée de beauté et de vie, muée en dépotoir de plastiques et autres déchets. Au village, le marché a été déplacé, encore pour cause de travaux, à bon escient espérons.
(1) août 1998. Au moment de quitter l'île, comme un salut peut-être à jamais, une tortue verte en surface.
(2) 30 minutes dans les années 90 avec le plaisir, une fois par semaine, de laisser “ la brousse ” pour une rue du commerce où la plus grande boutique n'avait rang que de supérette, l'autre, place du marché, étant la Snie d'Ida Nel, personnage incontournable de l'île.
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