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jeudi 12 juin 2025

COCHON qui s'en DÉDIT.

 Ce n'est pas plus la période que l'époque mais pour en témoigner, mieux vaut tard que jamais. 

« Les Grandes Heures des Moulins Occitans » offre aussi une synthèse de ce que représentait la « Fête du cochon ». À une époque où la commodité de se voir, moindre qu’aujourd’hui, s’en trouvait plus marquante dans la suite ininterrompue des jours de travail, la difficulté à se déplacer, il me plaît de supposer que la nouvelle « On tue le cochon chez un tel » devait se transmettre dans les alentours alors qu’une invitation actuelle, à un apéro, à un repas, ne saurait dépasser le petit cercle concerné. 

Hachoir_à_viande_pour_saucisses_-_Purullena 2015 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Dfbdfbg6543654... Vision pudique de “ la chose ”... 

Dans cette vie d’avant, la famille élargie, les voisins, les amis se retrouvaient alors en nombre. En lune vieille, répétons-le, passée un vendredi et surtout pas en mars ! Sinon, pour les hommes (qui comme le dit la chanson, sont tous des cochons [zut ! l’air de cette chanson ne me revient pas ! ) pas de phase de lune qui tienne, rien de changé : des privilégiés, comme toujours, un travail vite réglé, le cochon vidé, guère plus qu’une participation pour la plupart et pour tous, ripailles, libations, gauloiseries et parties de cartes. Pas la peine de comparer avec les corvées des femmes, la double besogne des viandes, charcutailles et de faire manger une grande tablée, à devoir cuire les pâtisseries la nuit et à l’avance, dont de pleines corbeilles d’oreillettes (comptez-moi dans les méridionaux qui s’attendrissent à ca souvenir !) ! Une seule dispense alors, n’interdisant que la partie cochonaille : les règles. Les préposées aux repas devaient alors proposer à tout ce monde des menus conformes à la tradition, attention au qu’en-dira-t-on ! 

Dans une ferme à Porto Novo (Bénin) 2020 under the Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain Dedication. Author Adoscam, manière de regarder nos mauvaises consciences droit dans les yeux... « L'œil était dans la tombe et regardait Caïn » Victor Hugo. 

Dans cette tradition, les saucissons qui devaient se voir, celui de l’année précédente conservé dans des cendres, devenu dur et rance, réhydraté dans un linge puis bouilli dans du vin vieux… La coutume, ça ne se conteste pas ! 

Pig_heads_in_a_market 2011 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Tomascastelazo

Et on accroche la queue du cochon, telle un poisson d'avril, à une femme qui danse, tout le monde rit, elle ne sait pas pourquoi mais ne peut que rire aussi ! 

Et hier, dans un doc sur la cuisine romaine, l'étoilé précisant que les tagliatelles carbonara c'est seulement avec des « guanciale », des joues de porc... Mieux eût valu échanger ici sur le millas ou le pain à la ferme...  


jeudi 15 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE, André DAVID (3 et fin)

André David, tout comme son père Léo David, sont de Saint-Germain-de-Marencennes5, en Charente-Maritime. De venir trois étés de suite sur les traces d'André relève donc du pèlerinage, du voyage consacré à la mémoire de l'enfant, du fils perdu... 

« Vois-tu, je sais que tu m'attends [...] Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. » 

« Demain dès l'aube », « Les Contemplations » 1856, Victor Hugo. 

Emmanuel_de_Martonne Photo antérieure à 1929. Domaine public. Čeština  byl francouzský geograf :  l'Europe Centrale est concernée par les frontières qu'il a contribué à tracer.  Auteur anonyme

Nous livrant à bien des prolongements, le livre sur la Montagne Noire est préfacé par Emmanuel de Martonne (1873-1955), professeur à la Sorbonne, éminent géographe et traceur de frontières. Loin de mettre en avant la technicité géographique brute du sujet entrepris, cette préface s’attache avant tout à la conjoncture humaine qui a tant su nous toucher. De Martonne nous apprend d’emblée qu’une balle allemande a abattu « un des espoirs les plus sûrs de l’école géographique française ». Il connaît personnellement André David, pour reprendre ses mots, plutôt frêle mais d’une bonne résistance physique, timide mais concentré, d’une puissance de travail remarquable, hardi dans ses idées et la verve de ses propos.  

Admis à l’École Normale Supérieure en 1912, à peine un an plus tard, son travail sur la Montagne Noire stupéfie ses éminents superviseurs au point de presque lui conseiller de garder cette production de débutant sous le coude, comme thèse de doctorat. Visiblement ému par ce destin hors normes, l’universitaire accompagne la publication du livre de sa chaleureuse humanité ; il nous confie que deux camarades qui l’aimaient avaient promis de finaliser les chapitres à peine ébauchés… Le premier s’écrasa avec son avion en Macédoine, le second, blessé à maintes reprises, finit aussi par mourir sur le front. Alors ce fut Mademoiselle Marre, amie d’enfance d’André et professeur au Puy qui s’est chargée des passages et même des chapitres incomplets. 

Page de titre.

La Société d’Études Scientifiques de l’Aude a bien voulu concrétiser tous ces efforts conjugués ; son imprimeur attitré, Bonnafous6, 50 rue de la Mairie à Carcassonne, a assumé le tirage du livre.

Ô armoire « ...du vieux temps, tu sais bien des histoires, […] Quand s’ouvrent lentement tes grandes portes noires » (Le Buffet, Arthur Rimbaud) sur les livres couverts de bleu aux belles étiquettes… la 102 pour André David et la Montagne Noire, la 113, sobrement intitulée « Poésies », toutes de Rimbaud… 

Au milieu, ces exemplaires blancs dépareillent, d'où la fausse bonne idée de les ranger par côté et ce, à cause du crochet de fermeture du battant gauche de l'armoire. 

Et si mon père habite toujours la maison de vie d’où j’écris, en ouvrant l’armoire aux livres, comme Nougaro, j’entends plus fort encore « la voix de papa ».

Suite à ce long avant-propos, suite au recueillement, ne perdons pas de vue l'intérêt initial pour notre Montagne Noire jusque là abordée aussi fortuitement que légèrement, suite à une “ leste motivation ”, disons, fomentée par la trouvaille fortuite d’un article de la revue Folklore « Les filles du Poumaïrol ». 

Depuis_le_pic_de_Nore, vue sur la plaine audoise 2018 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur Lucas Destrem. Là où nous croyons tout voir, la vue globale fait heureusement l'impasse sur les vallées encaissées et un plateau de vie cachée comme Le Poumaïrol... 


5 Dans Wikipédia notamment, je ne comprends pas l’absence d’entrées  pour André et Téo David, et qui plus est sur la page de Saint-Germain-de-Marencennes, leur village natal pourtant. Personne, à ce jour, ne s’est chargé d’honorer leurs mémoires… 

Saint-Germain-de-Marencennes se situe à près de 500 kilomètres de la Montagne Noire. 

6 Imprimerie fondée en 1776, mise en liquidation en 2011 suite au décès brutal de Georges Bonnafous 59 ans ; six employés au chômage.  

mardi 1 avril 2025

TOI et les PETITS OISEAUX ! (2)

 Irrésistiblement aimanté par un des si nombreux beaux poèmes de Victor Hugo « Lorsque l'enfant paraît », j'ai toujours eu du mal à accepter de la part de cet éminent esprit guidant le peuple, une dernière strophe perturbante à propos des oiseaux, à tort, venant de moi, bien sûr... Si dans « Demain dès l'aube », l'auteur, passant soudain du vaporeux mais vivant amour, nous fait trébucher presque d'un coup vers l'inéluctable matérialité de la tombe, ici c'est moi qui me fais un croc-en-jambe : 


« [...] Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j'aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur ! l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants !... » Les Feuilles d'Automne (1831) Victor Hugo (1802-1885). 

La_Bastide_Neuve_de_Marcel_Pagnol pour la_gloire_de_mon_père 2020 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Clementp.fr. (dans ce post pour faire diversion aux remords, au cas de conscience...). 


Piège traquenard à traction sur détente under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license ATTENTION émanant des Musées départementaux de la Haute-Saône photographe MONNIN Jacques... avec l'appréhension qu'il est toujours possible de s'en procurer, le commerce en ligne étant aussi capable du pire... 

À tort je disais... j'insiste. Bien sûr qu'encore dans les années soixante de mon siècle, pas celui de Victor Hugo, nous avions, enfants, l'instinct de chasse : frondes maison (1) ou en fer de chez la buraliste avant la carabine Diana, pièges tels ceux utilisés par Lili et Marcel dans « La Gloire de mon Père », surveillance des nids en vue de la capture d'oiseaux chanteurs, les catarinettes, chardonnerets étant parmi les plus recherchés, volières-prisons... Je dois avouer avoir été moi-même tueur de moineaux et le souvenir d'une pauvre mésange dans ma main ensanglantée ne m'absous en rien de cette marque d'infamie... 
Cette domination instinctive de l'humain sur la nature a forcément cessé avec le sentiment toujours plus fort d'appartenance à cette nature, avec la prise de conscience que de ne pas la ménager conduit à l'autodestruction de notre espèce. À propos des oiseaux, je reste critique sur le manque de profondeur sur les soutiens inconsidérés pour une 

Méga-bassine_à_Cramchaban_(17170)_25_août_2021 under the Licence Ouverte 1.0 (License text, English license text). Auteur Institut national de l'information géographique et forestière (IGN)

... agriculture pourtant plus exportatrice qu'assurant notre autonomie alimentaire et pour cela employant des moyens aussi abusifs que l'emploi de la chimie ou la prédation sur les nappes d'eau par les méga-bassines. Critique aussi sur les faveurs aux chasseurs certes devant être soutenus pour leur rôle dans l'atténuation des déséquilibres lorsqu'ils prélèvent des sangliers par exemple, mais bridés en ce qui concerne certains piégeages... encore préservés par nos gouvernants, au début des années 2020... parce que, par dessus tout ça, des ministres, des élus, dévoyés, sont plus en souci des bulletins de vote que du bien collectif... ceux-là mêmes qui ponctionnent le peuple sans jamais remettre en cause leurs privilèges exagérés, les mêmes qui favorisent une catégorie influente, les mêmes qui sans vergogne mais du bout des lèvres seulement, osent se poser la question d'une désaffection générale pour la politique, oiseaux de malheur et d'iniquité qu'ils sont... 

Autant se nettoyer l'esprit avec nos attentions pour les oiseaux. Hier, par un beau soleil et malgré des rafales dangereuses, autant partir pédaler pour voir si la rivière était plus accueillante pour la gent ailée que nos milieux humanisés par trop d'artifices. Du réconfort même teinté de blues avec encore Lamartine en tête... Et ce matin, avant les premières lueurs de l'aube, les appels fidèles et valeureux du rouge-queue, devant et derrière la maison, plus tard, des chants joviaux de passereaux et dans la sphère autour du clocher, deux hirondelles. 

(1) ... mais pas au point de partir en “ Guerre des Boutons ” (Louis Pergaud) contre nos voisins sallois, juste à se cacher des gardes-champêtres...  

mercredi 10 avril 2024

SINSOLLE... Monsieur... Sinsollier (1932-2024) !

Serait-ce “ nécromancique ” d'aller taper épisodiquement un nom en mémoire pour savoir s'il est toujours vivant ? Non, pas ce genre de curiosité mais plutôt s'il vous a marqué, parce que les autres, même morts, seraient encore capables de nous gâcher la sérénité... Allons, ne soyons pas si tranchants, n'en soyons pas si convaincus... Soit. Heureusement, les enseignants finalement sont plus nombreux que ce qu'on croyait à avoir ressenti avec sérieux et bienveillance le pouvoir démesuré qu'ils détiennent sur la personnalité en gestation de l'enfant, de l'adolescent fragiles, qui vont vers leur forme d'imago, n'en serait-elle jamais définitive. Non, l'intérêt qui est porté à ce nom recherché révèle un attachement touchant à un sentiment de quelque chose, jusqu'à une émotion, expression d'une certaine affection. 

Si la recherche aboutit, encore faut-il ne pas faire erreur sur la personne... C'est vrai que les avis de décès sont souvent lapidaires, comme s'il fallait aussi enterrer la vie du décédé, ne pas surcharger avec les vivants pressés. Ici, au contraire, dans la circonstance qui me pousse à réagir, l'avis d'obsèques du Midi-Libre, l'ouverture aux autres de la famille, apaisent une frustration, hélas, souvent habituelle. 

Le 19 février 2024, le journal (je suppose qu'il en était de même, parallèlement dans l'Indépendant) annonçait les obsèques de Marcel Sinsollier, 92 ans. Le nom, certes, mais est-ce bien la personne ? Si la profession, active ou passée, était mentionnée, est-ce que ce serait trop demander ? Ce n'est pas en raison d'une hiérarchie arbitraire entre métiers, mais si le mot “ professeur ” figurait, en rapport avec ce que je disais de l'influence des enseignants ? 

Par l'entremise du Net, et c'est heureux, en plus des bougies, des fleurs sinon d'un arbre à planter, figure la rubrique « Hommages et messages... », « ... à Marcel Sinsollier » qui plus est, une formule bien sentie. Au milieu des condoléances, de l'émouvant hommage de Gisèle, une nièce ensoleillée depuis son enfance, par ce tonton aussi distingué que gentil, les témoignages d'anciens élèves confirment : Sinsollier a bien été mon prof d'Histoire-Géo, en troisième, au lycée-prison-Napoléon III Victor Hugo, à Narbonne. 

2021 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur Mf-memoire. Boulevard Marcel Sembat Narbonne, Lycée Victor Hugo (alors de la 6e à la Terminale) ; dans les années 60 l'aile nord-est (où s'engage la voiture après le rond-point), ne comportait qu'un niveau peu assorti à l'ensemble. La classe et le gymnase concernés se trouvaient dans le coin diagonalement opposé à celui de la photographie.  

Oh ! n'allez pas en déduire à de l'irrespect de ma part, surtout pas. Officiellement, bien sûr, nous disions « Monsieur Sinsollier » et « professeur ». Mais entre nous, ce “ prof ”, c'était “ Sinsolle ”... mais c'était dit avec estime, égards. Sans partager l'opinion toute faite de nombre de censeurs dans l'âme, à contre-courant des codes déshumanisés, lui, avait les mots pour mettre en avant le positif quand tous les autres jetaient la pierre... Il savait remettre à sa place, mais sans en faire un drame, jusqu'à en plaisanter même, celui qui n'ayant pas fait le travail, racontait des histoires (2). Dans une salle infecte (1), sentant encore le cambouis d'un ancien garage avant, sous la haute et chiche verrière glauque faisant honte au bleu du Midi, lui, rayonnait par sa voix directe, sa droiture, son maintien impeccable, son attitude sans ambiguïté aucune. Une autorité juste et sereine que personne ne se serait amusé à contester... 

Il a fallu qu'il meure pour que je sache son prénom : « Marcel » (il nous avait alors seulement dit une fois qu'il était officier de réserve) (3). Il a fallu qu'il meure pour que je sache qu'il était de novembre 1931, né à Oran, comme son père, je suppose, né en 1910. Il a fallu qu'il meure pour que je réalise qu'ils ont sûrement connu la Guerre d'Algérie, l'exode des Pieds-Noirs... que mon professeur enseignait une Histoire peut-être vécue dans sa chair...  

Qu'est-ce que je vais mettre comme hommage ? que ce soit sobre, puisque, qu'on le veuille ou non, rendre hommage à quelqu'un conduit à se mettre en avant. Oh comme il m'a fait aimer la géographie, cet homme ! Comme hier, je vois nos schémas en 3D du relief karstique, des cluses du Jura... plus impartial pour mon travail, je réalise que j'abusais des premiers feutres de toutes les couleurs, c'étaient trop d'ocres, de jaunes, d'orangés et monsieur Sinsollier qui se gardait d'y trouver à redire et complimentait plutôt pour la perspective et le soin apporté. Bien sûr qu'on aime faire plaisir à qui vous le rend bien ! 

Je me garde pour moi que ce matin, lors d'une explication pour expliquer qu'à parler du Sud, je suis moins sensibilisé aux beautés trop voyantes en paysages, en personnalités, de la côte sud-est, d'Azur, tout à coup, en hésitant sur le double “ l ”, qu'est-ce qui m'a pris d'aller taper « Sinsollier ». Pour “ le Jack ”, Jalaguier, encore un de ces professeurs qui comptent, je savais déjà. Désormais, pour Marcel Sinsollier, je sais. Toutefois, paraissent aussi les prénoms des siens... cela n'a rien d'un voyeurisme surtout touchant aux petits-enfants : Emmanuelle, Pierre, Marc, Thibault, Lauryne, Arthus et Nicolas... J'idéalise peut-être mais un papi pareil, quelle chance ! (4).  

« Les morts, ce sont les cœurs qui t'aimaient autrefois.../ 
... Ne les attristons point par l’ironie amère.
Comme à travers un rêve ils entendent nos voix. » Victor Hugo. Les Contemplations.   

 
Photographie aérienne 1950-1965. IGN / Géoportail. Avec ses bâtiments “ au carré ”, ses trois belles cours, le lycée occupe un espace important qui s'est même agrandi jusqu'à la rue des Trois Moulins,  derrière.  
  
(1) dans le gymnase attenant, c'était pire (professeurs Sallent et Guionie)... et dire que dessous, on a trouvé les vestiges de l'ancien forum romain ! 
(2) m'étant trouvé dans la même situation... plus d'une fois... je ne livrerai pas de nom...    
(3) plus tard nous avons su qu'il était bon au tennis.  
(4) « On disait “ prof ” et pour lui, on disait “ Sinsolle ”, mais avec respect, non sans égards. Dans les moments peu évidents entre enfance et adolescence, par sa droiture, sa voix directe, et aussi l'empathie naturelle qui était la sienne, Monsieur Sinsollier montrait un bon chemin à suivre en toute confiance. » Voilà.  

dimanche 21 novembre 2021

LES AUZILS, cimetière marin, fin et recommencement...

 Tous ne sont pas revenus. Comment ne pas s'émouvoir en pensant que nombre de ces marins perdus ont auparavant parcouru cette allée avec aux mains, les fleurs du souvenir, aux lèvres, la protection qu'un croyant demande avant de repartir ? Et pour finir, tout en haut, dans la chapelle, comment ne pas s'élever à l'idée des ex-voto, ces œuvres de longue patience, en signe de reconnaissance, pour remercier le Ciel d'en avoir réchappé. Une sincérité d'âme à laquelle il faut s'accrocher quand un monde pourri, trop facilement admis, s'immisce puisque ces ex-voto furent volés pour alimenter l'amoralité abjecte d'une minorité arrogante gavée de fric, des collectionneurs ne respectant rien. 

Cet ermitage devenu cimetière marin, nous l'avons abordé, à l'occasion de la sardo, le repas de fin de vendanges par Jean Camp avec le personnage de l'ermite et pour décor le chemin montant à la chapelle. Ensuite, tout au long des inscriptions du souvenir, comme une musique de fond, Oceano Nox, le poème de Victor Hugo, " Oh ! combien de marins, combien de capitaines...", nous a accompagnés.

L'heure n'était pas à relever l'exotisme des ports, des mers, des destinations lointaines quand, sortant de sa fatalité pourtant si ordinaire, la mort et ses jeux trop cruels pèse, telle un couvercle, sur le for intérieur. 
Une fois que le silence seul des consciences sied à la solennité du lieu, les mots immortels des grands poètes sont à même de cristalliser un liant permettant aux êtres que nous sommes, confrontés à la marche du temps, de s'épauler, de communier. C'est dans ce cadre que la Pensée des Morts de Lamartine a rejoint notre méditation. 

Ensuite, loin d'émaner d'un hasard, les coïncidences, ces particules d'énergie mentale, récoltées ou fabriquées, savent se rappeler au souvenir, se percuter, se conjuguer. Alors entre en scène Georges Brassens, toujours marqué par la mort trop présente et par le "grave danger" que portent les religions. Il nous chante la partie objective du long poème de Lamartine. 
 
Pour finir et peut-être parce que cette suite de coïncidences encourage à poursuivre dans cette voie, puisque, depuis la chapelle, le regard embrasse le Golfe depuis la Côte Vermeille jusqu'à Sète, après Brassens qui repose dans le cimetière des pauvres, côté étang, Paul Valéry qui, par la grâce de son poème (du moins le début et quelques passages moins hermétiques pour le commun des mortels), a fait renommer "Cimetière marin" celui des riches. Depuis ses allées en pente, le regard plonge vers les flots, "la mer fidèle", "toujours recommencée"...  
  
Sète tombe Valéry (cimetiere_marin)  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Fagairolles 34
        
"Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !..." 

... Et quelle paix semble se concevoir !
Quand sur l’abîme un soleil se repose...
 
... Fermé, sacré, plein d’un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d’or, de pierre et d’arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d’ombres;
La mer fidèle y dort sur mes tombeaux ! ...

... Le vent se lève!. . . Il faut tenter de vivre!
L’air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs!
Envolez-vous, pages tout éblouies!
Rompez, vagues ! Rompez d’eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs ! "

Le Cimetière Marin, Paul Valéry (1920). 

Et qu'est-ce que cela peut bien nous faire si l'expression "cimetière marin" est inappropriée ? Au contraire c'est parce qu'elle s'est libérée des chaînes du rationnel, du systématique, du cartésien, qu'elle peut nous emporter dans une fantasmagorie poétique propre à chaque être prédéterminé mais partagée dans sa dimension " D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?"

Sète Hérault Quartier de la Corniche Photo Christian Ferrer Wikimedia Commons  CC BY-SA 3.0

 

"... Trempe, dans l'encre bleue du golfe du Lion,
Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux tabellion,
Et, de ta plus belle écriture,
Note ce qu'il faudrait qu'il advînt de mon corps,
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d'accord
Que sur un seul point : la rupture [...] 

[...]  Juste au bord de la mer, à deux pas des flots bleus,
Creusez, si c'est possible, un petit trou moelleux,
Une bonne petite niche, [...] 

[...] Déférence gardée envers Paul Valéry,
Moi, l'humble troubadour, sur lui je renchéris,
Le bon maître me le pardonne,
Et qu'au moins, si ses vers valent mieux que les miens,
Mon cimetière soit plus marin que le sien  [...]"

"Supplique pour être enterré sur la plage de Sète", Georges Brassens, juillet 1966. 

Le Krusenstern (quatre-mâts barque russe, 1926) passe devant le Théatre de la Mer (anciennement Fort Saint Pierre, 1743) et le Cimetière Marin. Sète, Hérault, France. Author Christian Ferrer wikimedia commons CC BY-SA 3.0

Les noyés de la tempête de 1797, m'a précisé une fidèle lectrice, ont été enterrés sur place, dans le sable, en deçà et au-delà des caps des Frères et de Leucate...

Paul Valéry, Georges Brassens, Sète, après le gris et le glauque des corps dans les tempêtes, les mêmes bleus de la mer et du ciel, le vert sombre, les pierres blanches de l'Allée des Naufragés aux Auzils, au bord de la Clape pour s'élever plus haut que la mort, toujours plus haut dans l'éclat sans égal d'une Méditerranée sublimée. 

Notre_Dame_des_Auzils wikimedia commons Auteur ville-gruissan.fr


 

samedi 13 novembre 2021

GRUISSAN, les AUZILS, l'Allée des Naufragés... (2)

Par un temps gris ce jour-là pourtant en juillet (il va pleuvioter vers dix heures), en remontant l'Allée des Naufragés, dans la paix des cyprès et des pins, une sérénité que même la présence du grand soleil méditerranéen favoriserait, au souvenir des marins perdus en mer ou à l'escale,Victor Hugo nous accompagne encore.


 "... On demande: « Où sont-ils ? Sont-ils rois dans quelque île ?
Nous ont’ ils délaissés pour un bord plus fertile ? »
Puis, votre souvenir même est enseveli. ..."


"... Le corps se perd dans l’eau, le nom dans la mémoire.
Le temps qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli. ..."

"... Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.
L’un n’a-t-il pas sa barque et l’autre sa charrue ?
Seules, durant ces nuits où l’orage est vainqueur, ..."
 

"... Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,
Parlent encore de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur cœur ! ..."

"... Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière,
Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre
Dans l’étroit cimetière où l’écho nous répond..." 


"... Pas même un saule vert qui s’effeuille à l’automne,
Pas même la chanson naïve et monotone
Que chante un mendiant à l’angle d’un vieux pont !..."

 


"... Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ?
O flots ! que vous savez de lugubres histoires !
Flots profonds redoutés des mères à genoux !

Vous vous les racontez en montant les marées,
Et c’est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir, quand vous venez vers nous !"

Victor Hugo
Les Rayons et les ombres, 1840


  Pour compléter cette visite, le carnet de randonnée du site ami... mais remarquable http://www.maclape.com/articles/auzils/auzils.html


jeudi 11 novembre 2021

Gruissan, le cimetière marin.

Dans la paix des cyprès et des pins, dominant la mer, dans ce cadre tout de beauté et de solennité, l'allée des Naufragés, monte vers la chapelle des Auzils. Plus encore lorsque le site est peu fréquenté, sinon désert, la marche ralentie par la montée, alliée aux pauses qui voient se succéder les inscriptions émouvantes des cénotaphes, ces tombeaux vides, sinon ces niches lovées dans la pierre de la garrigue ou les simples plaques ou stèles, est propice au recueillement, à une méditation profonde où l'exotisme des océans lointains s'oppose au "navire glissant sur les gouffres amers" (C. Baudelaire). 
 
Pour nous accompagner, "Oceano Nox", du recueil "Les rayons et les ombres" (1840) de Victor Hugo.  
 
 
"Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis ?..."
 

"... Combien ont disparu, dure et triste fortune ?
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l’aveugle océan à jamais enfoui ?..."

"... Combien de patrons morts avec leurs équipages ?
L’ouragan de leur vie a pris toutes les pages
Et d’un souffle il a tout dispersé sur les flots !..."


"... Nul ne saura leur fin dans l’abîme plongée,
Chaque vague en passant d’un butin s’est chargée ;
L’une a saisi l’esquif, l’autre les matelots !..."

"... Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !
Vous roulez à travers les sombres étendues,
Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus..."


"... Oh ! que de vieux parents qui n’avaient plus qu’un rêve,
Sont morts en attendant tous les jours sur la grève
Ceux qui ne sont pas revenus !..."

"... On s’entretient de vous parfois dans les veillées,
Maint joyeux cercle, assis sur les ancres rouillées,
Mêle encore quelque temps vos noms d’ombre couverts,..."

"... Aux rires, aux refrains, aux récits d’aventures,
Aux baisers qu’on dérobe à vos belles futures
Tandis que vous dormez dans les goémons verts !..."

vendredi 24 septembre 2021

AUTOMNE ou bouquet final de l'été ?

Certes, l'équinoxe du 22 septembre cette année marque l'entrée de l'automne et météorologiquement la saison commence dès le début du mois, alors certains se laissent déjà glisser vers l'hiver. D'autres résistent, préfèrent rester en été et vivre un prolongement de la belle saison. 

Amis, je veux bien partager sereinement avec vous la nostalgie poétique liée à l'automne sauf que, si on en reste aux esthètes pessimistes, l'ambiance mortifère doit être combattue. J'ose seulement espérer que ces poètes ont pu écrire des vers dans une perspective à terme plus rose, de renouveau, de printemps, de renaissance...  

Onze extraits... pardonnez le saucissonnage et surtout allez vite apprécier ces poèmes dans leur intégralité...

heremoana125399556877_art heremoana.vefblog.net

Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
Et son bœuf lentement dans le brouillard d’automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux.../...

Oh! l’automne l’automne a fait mourir l’été
Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises

Guillaume Apollinaire, Alcools

Voici que la saison décline...
/... Août contre septembre lutte ; 
.../... Et comme un blanc flocon de neige 
Petit à petit l'été fond. 

Victor Hugo.

Le vent tourbillonnant, qui rabat les volets,
Là-bas tord la forêt comme une chevelure...
 
Albert Samain. 

 Matins frileux
Le temps se vêt de brume ;
Le vent retrousse au cou des pigeons bleus
Les plumes... 

Émile Verhaeren Automne.

Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu’on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent...

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

Les sanglots de l'automne flickr.com 10517838263_68b07c88a1_b

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne... 
 
Paul Verlaine. Chanson d'automne. 
 
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !...
 
Charles Baudelaire Chant d'automne. 
 

Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !

Alphonse de Lamartine L'automne. 

Voici venu le froid radieux de septembre... 
Anna de Noailles L'automne. 
 
Forêt vosgienne près de Barr, Bas-Rhin wikimedia commons Author Tristan from Luxembourg
 
Et les deux extraits d'Outre-Rhin reçus récemment :  

Im Nebel ruhet noch die Welt, 
Noch träumen Wald und Wiesen...
 
(Dans le brouillard repose encore le monde 
Rêvent encore la forêt et les prairies...)

Eduard Mörike. Septembermorgen. 


Der dunkle Herbst kehrt... 
(Le sombre automne s'installe...)

Georg Trakl. Der Herbst des Einsamen. 
 
Mont Sainte-Odile forêt brouillard wikimedia commons Author Vassil

C'est beau oui... mais sans moi pour le moment... j'aime trop la chaleur au moins psychologique et souvent dans les températures des vendanges puis la douceur d'octobre... Mon âme exige en prime de fêter la Saint Martin avant  de se conformer au repos hivernal... Il est vrai qu'il est plus aisé de le dire depuis le Golfe du Lion... 
 
Note importante : Toutes les photos, autorisées ou libres, font référence à leurs auteurs.