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dimanche 21 novembre 2021

LES AUZILS, cimetière marin, fin et recommencement...

 Tous ne sont pas revenus. Comment ne pas s'émouvoir en pensant que nombre de ces marins perdus ont auparavant parcouru cette allée avec aux mains, les fleurs du souvenir, aux lèvres, la protection qu'un croyant demande avant de repartir ? Et pour finir, tout en haut, dans la chapelle, comment ne pas s'élever à l'idée des ex-voto, ces œuvres de longue patience, en signe de reconnaissance, pour remercier le Ciel d'en avoir réchappé. Une sincérité d'âme à laquelle il faut s'accrocher quand un monde pourri, trop facilement admis, s'immisce puisque ces ex-voto furent volés pour alimenter l'amoralité abjecte d'une minorité arrogante gavée de fric, des collectionneurs ne respectant rien. 

Cet ermitage devenu cimetière marin, nous l'avons abordé, à l'occasion de la sardo, le repas de fin de vendanges par Jean Camp avec le personnage de l'ermite et pour décor le chemin montant à la chapelle. Ensuite, tout au long des inscriptions du souvenir, comme une musique de fond, Oceano Nox, le poème de Victor Hugo, " Oh ! combien de marins, combien de capitaines...", nous a accompagnés.

L'heure n'était pas à relever l'exotisme des ports, des mers, des destinations lointaines quand, sortant de sa fatalité pourtant si ordinaire, la mort et ses jeux trop cruels pèse, telle un couvercle, sur le for intérieur. 
Une fois que le silence seul des consciences sied à la solennité du lieu, les mots immortels des grands poètes sont à même de cristalliser un liant permettant aux êtres que nous sommes, confrontés à la marche du temps, de s'épauler, de communier. C'est dans ce cadre que la Pensée des Morts de Lamartine a rejoint notre méditation. 

Ensuite, loin d'émaner d'un hasard, les coïncidences, ces particules d'énergie mentale, récoltées ou fabriquées, savent se rappeler au souvenir, se percuter, se conjuguer. Alors entre en scène Georges Brassens, toujours marqué par la mort trop présente et par le "grave danger" que portent les religions. Il nous chante la partie objective du long poème de Lamartine. 
 
Pour finir et peut-être parce que cette suite de coïncidences encourage à poursuivre dans cette voie, puisque, depuis la chapelle, le regard embrasse le Golfe depuis la Côte Vermeille jusqu'à Sète, après Brassens qui repose dans le cimetière des pauvres, côté étang, Paul Valéry qui, par la grâce de son poème (du moins le début et quelques passages moins hermétiques pour le commun des mortels), a fait renommer "Cimetière marin" celui des riches. Depuis ses allées en pente, le regard plonge vers les flots, "la mer fidèle", "toujours recommencée"...  
  
Sète tombe Valéry (cimetiere_marin)  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Fagairolles 34
        
"Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !..." 

... Et quelle paix semble se concevoir !
Quand sur l’abîme un soleil se repose...
 
... Fermé, sacré, plein d’un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d’or, de pierre et d’arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d’ombres;
La mer fidèle y dort sur mes tombeaux ! ...

... Le vent se lève!. . . Il faut tenter de vivre!
L’air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs!
Envolez-vous, pages tout éblouies!
Rompez, vagues ! Rompez d’eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs ! "

Le Cimetière Marin, Paul Valéry (1920). 

Et qu'est-ce que cela peut bien nous faire si l'expression "cimetière marin" est inappropriée ? Au contraire c'est parce qu'elle s'est libérée des chaînes du rationnel, du systématique, du cartésien, qu'elle peut nous emporter dans une fantasmagorie poétique propre à chaque être prédéterminé mais partagée dans sa dimension " D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?"

Sète Hérault Quartier de la Corniche Photo Christian Ferrer Wikimedia Commons  CC BY-SA 3.0

 

"... Trempe, dans l'encre bleue du golfe du Lion,
Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux tabellion,
Et, de ta plus belle écriture,
Note ce qu'il faudrait qu'il advînt de mon corps,
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d'accord
Que sur un seul point : la rupture [...] 

[...]  Juste au bord de la mer, à deux pas des flots bleus,
Creusez, si c'est possible, un petit trou moelleux,
Une bonne petite niche, [...] 

[...] Déférence gardée envers Paul Valéry,
Moi, l'humble troubadour, sur lui je renchéris,
Le bon maître me le pardonne,
Et qu'au moins, si ses vers valent mieux que les miens,
Mon cimetière soit plus marin que le sien  [...]"

"Supplique pour être enterré sur la plage de Sète", Georges Brassens, juillet 1966. 

Le Krusenstern (quatre-mâts barque russe, 1926) passe devant le Théatre de la Mer (anciennement Fort Saint Pierre, 1743) et le Cimetière Marin. Sète, Hérault, France. Author Christian Ferrer wikimedia commons CC BY-SA 3.0

Les noyés de la tempête de 1797, m'a précisé une fidèle lectrice, ont été enterrés sur place, dans le sable, en deçà et au-delà des caps des Frères et de Leucate...

Paul Valéry, Georges Brassens, Sète, après le gris et le glauque des corps dans les tempêtes, les mêmes bleus de la mer et du ciel, le vert sombre, les pierres blanches de l'Allée des Naufragés aux Auzils, au bord de la Clape pour s'élever plus haut que la mort, toujours plus haut dans l'éclat sans égal d'une Méditerranée sublimée. 

Notre_Dame_des_Auzils wikimedia commons Auteur ville-gruissan.fr


 

lundi 15 novembre 2021

GRUISSAN, les AUZILS, l'Allée des Naufragés (3).

Novembre, le mois des Morts, est-il lugubre de le rappeler ? Ou est-ce la perception d'un infini qui permet, pour qu'éphémère qu'elle soit, d'apprécier la vie ? Vent d'automne, feuilles d'automne, couleurs d'automne qui tiennent si peu quand, avec le réchauffement, les arbres en sont à survivre... Enfin, serait-ce discutable, cela paraît plus sain que cette manie moutonnière à suivre un carnaval à l'envers que seule la ronde beauté orange des citrouilles rattrape un peu... 

 Remontons encore cette Allée des naufragés avec Alphonse de Lamartine méditant sur le destin. Son très long poème de plus de deux-cents vers compense en poésie le fatalisme religieux : il a perdu bien des membres de sa famille. Signalons l'adaptation de "Pensée des morts" par Brassens, avec une mélodie particulièrement travaillée et choisie, puisque le compositeur sétois n'a voulu garder de cette harmonie nostalgique que la poésie.    
 
Pensée des Morts, Harmonies poétiques et religieuses. Alphonse de Lamartine.  

"...Leur tombe est sur la colline,
Mon pied le sait ; la voilà !
Mais leur essence divine,
Mais eux, Seigneur, sont-ils là ?..."
 

"... C’est une mère ravie
A ses enfants dispersés,
Qui leur tend de l’autre vie  
Ces bras qui les ont bercés..." 
 

"... C’est une jeune fiancée
Qui, le front ceint du bandeau,
N’emporta qu’une pensée
De sa jeunesse au tombeau..." 
 

"... C’est un ami de l’enfance,
Qu’aux jours sombres du malheur
Nous prêta la Providence
Pour appuyer notre cœur..." 
 

"... C’est l’ombre pâle d’un père
Qui mourut en nous nommant ;
C’est une sœur, c’est un frère,
Qui nous devance un moment..."
 

"... L’enfant dont la mort cruelle
Vient de vider le berceau,
Qui tomba de la mamelle
Au lit glacé du tombeau ;"
 

 " Tous ceux enfin dont la vie
Un jour ou l’autre ravie,
Emporte une part de nous..."
 
"...Murmurent sous la poussière :
Vous qui voyez la lumière,
Vous souvenez-vous de nous ?..." 
 

"...Ils furent ce que nous sommes,
Poussière, jouet du vent !
Fragiles comme des hommes,
Faibles comme le néant !..." 
 

 

vendredi 24 septembre 2021

AUTOMNE ou bouquet final de l'été ?

Certes, l'équinoxe du 22 septembre cette année marque l'entrée de l'automne et météorologiquement la saison commence dès le début du mois, alors certains se laissent déjà glisser vers l'hiver. D'autres résistent, préfèrent rester en été et vivre un prolongement de la belle saison. 

Amis, je veux bien partager sereinement avec vous la nostalgie poétique liée à l'automne sauf que, si on en reste aux esthètes pessimistes, l'ambiance mortifère doit être combattue. J'ose seulement espérer que ces poètes ont pu écrire des vers dans une perspective à terme plus rose, de renouveau, de printemps, de renaissance...  

Onze extraits... pardonnez le saucissonnage et surtout allez vite apprécier ces poèmes dans leur intégralité...

heremoana125399556877_art heremoana.vefblog.net

Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
Et son bœuf lentement dans le brouillard d’automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux.../...

Oh! l’automne l’automne a fait mourir l’été
Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises

Guillaume Apollinaire, Alcools

Voici que la saison décline...
/... Août contre septembre lutte ; 
.../... Et comme un blanc flocon de neige 
Petit à petit l'été fond. 

Victor Hugo.

Le vent tourbillonnant, qui rabat les volets,
Là-bas tord la forêt comme une chevelure...
 
Albert Samain. 

 Matins frileux
Le temps se vêt de brume ;
Le vent retrousse au cou des pigeons bleus
Les plumes... 

Émile Verhaeren Automne.

Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu’on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent...

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

Les sanglots de l'automne flickr.com 10517838263_68b07c88a1_b

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne... 
 
Paul Verlaine. Chanson d'automne. 
 
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !...
 
Charles Baudelaire Chant d'automne. 
 

Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !

Alphonse de Lamartine L'automne. 

Voici venu le froid radieux de septembre... 
Anna de Noailles L'automne. 
 
Forêt vosgienne près de Barr, Bas-Rhin wikimedia commons Author Tristan from Luxembourg
 
Et les deux extraits d'Outre-Rhin reçus récemment :  

Im Nebel ruhet noch die Welt, 
Noch träumen Wald und Wiesen...
 
(Dans le brouillard repose encore le monde 
Rêvent encore la forêt et les prairies...)

Eduard Mörike. Septembermorgen. 


Der dunkle Herbst kehrt... 
(Le sombre automne s'installe...)

Georg Trakl. Der Herbst des Einsamen. 
 
Mont Sainte-Odile forêt brouillard wikimedia commons Author Vassil

C'est beau oui... mais sans moi pour le moment... j'aime trop la chaleur au moins psychologique et souvent dans les températures des vendanges puis la douceur d'octobre... Mon âme exige en prime de fêter la Saint Martin avant  de se conformer au repos hivernal... Il est vrai qu'il est plus aisé de le dire depuis le Golfe du Lion... 
 
Note importante : Toutes les photos, autorisées ou libres, font référence à leurs auteurs.