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dimanche 28 juillet 2024

VIEIL INDIEN, VIEILLES LUNES, le voyage en Tchéco (3)

La Lergue à hauteur du Puech, under the Creative Commons Attribution 4.0 International license. Auteur Tournasol7

La Lergue, belle rivière méditerranéenne (affluent rive droite de l'Hérault au niveau de Canet : un dénivelé de presque 770 m. pour 45 km de cours), appelant fort à la baignade par une canicule estivale ; grâce à son échancrure sur les contreforts du Larzac, elle permet le passage de l'amphithéâtre languedocien vers le Massif Central, directement vers la capitale, par l'A 75, de son petit nom, la Méridienne. 

Elle passe à Lodève, la Lergue, et après la géographie, c'est l'histoire qui s'impose. Oh un détail seulement, mais pas comme dit par un révisionniste ; et puis c'est la faute à Sean Connery ; avec « Le Nom de la Rose », au sein d'une sévère abbaye-forteresse bénédictine, l'acteur joue l'opposition entre Bernard Gui, le terrible inquisiteur dominicain et lui même, moine franciscain, d'un ordre bien plus proche des valeurs chrétiennes de bonté et de tolérance, Guillaume de Baskerville.

L'Agitateur_du_Languedoc (Bernard Délicieux) tableau de Jean-Paul Laurens (1838-1921) Domaine public. Musée des Augustins Toulouse.
 

Le personnage, scenario oblige, évoque incontestablement Bernard Délicieux, qui, au début des années 1300 dans le Midi, a défendu les Bonshommes prétendus hérétiques ainsi que les béguins dissidents... une prise de position qui amena l'idée de sécession au profit du roi de Majorque sauf que Philippe IV le Bel et la papauté, une fois réconciliés, réitérèrent sur le Midi la duplicité sanglante pour le pouvoir, le sabre et le goupillon. Bernard Gui (et non « Bernardo » du film), évêque de Lodève, mourut en 1331 à Lauroux, sa résidence campagnarde proche. Bernard Délicieux perdit le procès contre Gui ; il périt vers 1320 dans son cachot de Carcassonne ; en 1318, un siècle en gros après la sinistre croisade contre les Albigeois, Narbonne, Capestang, Béziers, Lunel et Lodève eurent à subir les buchers purificateurs de la dite “ Sainte Inquisition ”...

La température est fraîche, la montée du Pas-de-l’Escalette n’a pas fait du tout chauffer le nouveau moteur. L'eau de la Lergue n'a pas appelé à la baignade... 
Lors d'un itinéraire vers la Tchéquie, pays de sa maman, la vieille route les avait entendus chanter « Que la Montagne est Belle » de Jean Ferrat. Et avec quel enthousiasme ! Paradoxal, étrange à propos d'une complainte pathétique, l'exode rural... C'est qu'ils partaient dans l'émotion du voyage, vers des parents, grands-parents aimés, ce qui tenait un peu du défi, en pleine Guerre Froide... La chanson de 1964, ils la chantaient en 1965, merci Ferrat...
 
Brebis_en_pâture_sur_le_Larzac 2013 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license Auteur Jean-Claude Charrié
 
Là-haut, le Causse du Larzac évoque toujours bien des choses de paysans, de moutons (1), de langue occitane «... sur lou causse hauturous qu'es coumo sa patrio » (sur le causse altier qui est comme sa patrie), une trilogie victorieuse de la terre caussenarde contre l’armée arrogante, en voie d'exproprier et agrandir le camp du Larzac, rappelant, à son corps défendant, l'agression de Montfort, des barons du Nord. 
 
Panoramic_view_of_Millau 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Author Krzysztof Golik
 

Pas d’arrêt au fameux point-de-vue sur Millau de sa grande déconvenue de 2023, nul besoin de l’ongle noir au gros orteil gauche pour rappeler ses trous noirs du voyage raté de l’été passé : d'abord se prendre l'unique roc dépassant de la terrasse sur le canyon de la Dourbie, ensuite ce bouchon de refroidissement passé on ne sait où, fatal pour le joint de culasse mais qui pourtant mit fin à une entreprise risquée... une folie que de partir avec une enflure vite diagnostiquée phlébite… 

«...Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?...» Milly ou la terre natale. Lamartine, même si le pays, le paysage qui lui est cher, ne peuvent être confondus avec des « objets ». 

(1) Les moutons, adaptés au dénuement des causses, fondements, par le passé, de toute une économie, vivrière grâce au fumier pour le potager et les céréales du paysan, industrielle avec la laine matière première du tissage en ville de cadis et de serges, agronomique dans la production de lait pour le roquefort, agro-manufacturière avec le travail des peaux à Millau, la fabrication du fromage entraînant le sacrifice des agneaux au sevrage... Que reste-t-il de cette économie traditionnelle ? Et qu'en est-il de la transhumance séculaire qui voyait monter les troupeaux du Bas-Languedoc ? 

Années 70

 


mercredi 15 août 2018

VOYAGE EN TCHÉCO (3)... / De la plaine de l'Hérault au Causse du Larzac...

Oignon doux des Cévennes. Wikimedia Commons. Author Office de Tourisme Mont-Aigoual.
Lézignan-la-Cèbe. « A la cèbe, à la cèbe ! » criait l’homme avec une montagne de ces gros oignons doux sur le plateau de sa camionnette dans nos rues et sur le « sable mouillé » de la plage du temps du camping libre sur la plage. Doux au point d’accompagner parfois et chez les puristes le déjeuner matinal. 

Paulhan ? j’associais un homme de lettres à ce village, si fort, mais ce n’était qu’une homonymie et pour la localité il faut articuler un « Pauillan » bien occitan.
L’A75 passe aussi à l’écart de Clermont-l’Hérault, capitale oubliée du raisin de table… Ceyras, les olives sur les rives de la Lergue. 

Lac du Salagou Auteur Gérard Witzke.
Collégiale_Saint-Paul_de_Clermont-l'Hérault Wikimedia Commons Author Tournasol7

La terre rose, lilas ou violette aux abords du lac de Salagou. A droite les terroirs de St-Saturnin-Montpeyroux déjà mis en valeur dans les années 80.

Un supermarché pour les kilomètres dans la nuit, la montagne où il devrait faire plus frais. Pour les cousins, Blanquette de Limoux dans les 5 euros, sangria pour la moitié du prix. Pour le chauffeur du Lavazza à 10 € le kilo, de l’énergétique à 4,5€ /L . Pour la troupe, des madeleines (3,9€/kg), une mousse de canard pas chère, une mousse aux marrons, des yaourts, du lait, des bananes (1,49 €/kg), des tomates (1,69 €/kg), courgettes (1,49 /kg), des aubergines, des poivrons (2,39),  des oignons (on cuisine en route !), des doux mais rouges pour la salade (1,99 la botte)… du douce sous douche (2 x 3,73) et un corps réparateur (2 x 3,04) pour elle (je n’y suis pour rien), un sac pour lui en quatrième (19,90)… je garde le ticket de caisse juste pour voir, au chapitre « Tu veux te voir avec moins d’argent ? », déjà dans un an, de combien ça va augmenter…   

Collégiale_Saint-Paul_de_Clermont-l'Hérault Wikimedia Commons Author Tournasol7
Lodève, ville des évêques dont Bernard Gui, tenace inquisiteur en Languedoc qui joue un rôle clé dans Le Nom de la Rose où Guillaume de Baskerville est censé représenter Bernard Délicieux sauf que dans le film, ce n’est pas Sean Connery qui meurt en prison mais l’inquisiteur quand son coche aux roues massives est précipité dans le ravin par les paysans… 

Avec l’autoroute qui aujourd’hui ondule grâce aux ponts et tunnels pour moduler les rampes qui font passer de 200 à 728 m sur13 km, qui pourrait penser encore à la nationale de jadis épousant le pays, elle, plus collée aux courbes de niveau, plus liée au paysage. 

La 403 Retour de Tchéco en 1970. 
1965, une 403 noire monte vers le Causse du Larzac. C’est un matin d’août… Nous ne partions qu’une fois prêts et à n’importe quelle heure. En bas les dernières vignes. Accrochées aux pentes, des laisses et restanques retenues par des pierres montées par des mains d’hommes et qui nous faisaient chanter « Pourtant que la montagne est belle ». 

A droite une départementale et, sur le panneau indicateur « Cirque du Bout du Monde », une destination qui me fait rêver encore. A présent la promo touristique locale appelle de l’autre côté, vers le cirque et la grotte de Labeil.  

Pas_de_l'Escalette Wikimedia Commons Author Vpe
En profitant du travail millénaire de la Lergue dont les eaux ont entaillé ce rebord rétif du Massif Central, les Gavaches[1] (chacun est le gavach d’un autre et j’en suis un pour les catalans) ne passaient pourtant que difficilement sur le Larzac par le Pas de l’Escalette où il fallait escalader sinon passer par une échelle (des marches taillées dans le roc ?).

Du Caylar à La Cavalerie, le Causse, loin d’être plat, déroule ses éminences et dolines. A peu près à 800 mètres d’altitude, la route longe le trop fameux camp du Larzac, arrêté, dans les années 70, dans sa propension à refouler moutons et paysans. De çi de là, les murs épais d’une jasse tapie pour parer aux vents neigeux de l’hiver, une lavogne pour faire boire le troupeau. Le poème « Lou pastre » d’Antoni Roux vient comme un tableau. Il déborde, tant pour le paysage, les rudes conditions du plateau que la vie intérieure, d’une plénitude intemporelle qui, dans sa langue originelle, submerge l’esprit : 

« … Sus lo causse auturòs qu’es coumo sa patrio…
… Tot solet, luènh dau monde, amont se crei lo rei… » 

Larzac+Brebis_en_p%C3%A2ture+aut+Jean-Claude+Charri%C3%A9
 



[1] De « gavot » : paysan montagnard. Les Gavaches descendaient traditionnellement dans la plaine pour les vendanges jusqu’à ce que le relais soit pris par les travailleurs espagnols.