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lundi 29 juillet 2024

Vieil INDIEN, vieilles LUNES, le voyage en TCHÉCO (3)

Mais là, ce chaînage logique qui implose, ce maillon qui saute, cette inquiétante éclipse d'entendement, cette tournure incontrôlée des choses, en roue libre, ce fil d'Ariane sectionné, que la conscience, la mémoire, ne sont pas capables de reconstruire, de remonter. Soit, un trou noir angoissant, une menace potentielle, épée de Damoclès à jamais au-dessus de sa tête. Alzheimer. Concrètement, le bouchon du vase d'expansion perdu, le moteur qui agonise ; des objets donc, mais qui auraient failli afin de prévenir des ennuis autrement plus graves, de santé ?

17 juin 2024. Est-ce une fatalité ? c’est dans la descente vers la vallée, au même endroit, alors qu'il laisse la file de voitures passer, que la seconde se met à craquer. Millau : c’est toujours beau de voir le Tarn au sortir de ses gorges. L'ancienne capitale du gant met à disposition des trottinettes et que voit-il, à son encontre, sur la voie dédiée, Saroman, le magicien noir du Seigneur des Anneaux… mais non, seulement cette barbe poivre et sel, roide, sinon, pardon, ce visage aussi sec que spectral lui rappelle Serge, le copain du village, un peu barde et asocial, mort chez sa mère à la soixantaine, pour n’avoir pas voulu soigner son diabète... sur les rives du Tarn, un spectre solitaire pour l'an passé ? Tout comme ce dernier rond-point qui fait grimper sèchement vers l’autoroute, là où, l’an passé, il avait condamné à mort sa machine ; il en demande pardon au camion… “ Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui… ”. Ce camion, le moyen de ne pas se couper du pays, de moins peser sur la famille qu'on vient visiter... Ce camion, une petite maison, un refuge pour son fils des îles, afin de lui inoculer le virus du vieux continent, cher à son père... À chacun de se partager, de se déchirer pour n'être qu'un... 

Aguessac_viaduc ferrovaire 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur Père Igor
 

Pas question, cette fois, de remonter au Golgotha, ce « lieu du crâne » dit Wiki ; pas de doute, de prise de tête. Tout clochait, décidément, ce 14 juillet 2023 ! un an après, plutôt reprendre un itinéraire plus plaisant, vers Aguessac, là où les caténaires en voûte à peine brisée de la voie unique apprivoisent le train, vers la vallée des cerisiers et même s’il faut monter ensuite, ce sera moins raide, rien à voir avec la côte de la mort. « Aire des gens du voyage » : rare ce type de campement habilité ou presque il irait, raccordant en sa tête les roulottes, les chevaux, « tambours [...] cerceaux dorés (1) »  de ces gens du cirque de presque soixante-dix ans en arrière… 
Sur la route quasi désertée, crépusculaire, un genre de voyageuse que la rudesse de l’époque a effacé des bas-côtés, une auto-stoppeuse et son pauvre sourire… Comment prendre quelqu’un en confiance, de nos jours ? Et un homme seul qui s’arrête pour une fille n’a-t-il que l'altruisme en tête ? 
144.035 km L'A 75 qu'ils rattrapent mais sans retrouver l’endroit du naufrage 2023. Tant mieux. Plutôt affronter ce qui fâche et travaille, plutôt conjurer le signe indien, plutôt passer délibérément de l’autre côté du miroir. 
 
Aire-de-la-Lozere-été 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Sancta floris
 

Chaque kilomètre gagné l'exorcise ce signe indien sauf que la direction tire à droite… pour voir si à l’aire de la Lozère (144.150 km 21h 40), le gonfleur serait en fonction : il ne s’agit pas de perdre de la pression parce qu’il manque l’embout ou parce que le compresseur n’est pas en état surtout que pour 4,5 à 4,7 kilos, il faut plus de sollicitation et de temps. Le gonfleur fonctionnait. 

144.256 km 23h 47 avant Clermont-Ferrand : faute de voir le numéro de sortie (la fatigue aussi), il sort par erreur à droite (direction Lempdes). Ensuite, la traversée bien en tête, ça roule même si les Clermontois circulent encore... Riom, Aigueperse, Gannat, Saint-Pourçain-sur-Sioule, toujours plus loin jusqu’aux abords de Moulins préfecture de l’Allier. 

 

Rester vigilant, la boisson à 32 doses de caféine a bien aidé, mais là, le flou gagne, il faut stopper les machines. 

144.377 km. 2h du matin, bilan positif, 383 kilomètres parcourus. 

(1) Les Saltimbanques Guillaume Apollinaire 

 

dimanche 28 juillet 2024

VIEIL INDIEN, VIEILLES LUNES, le voyage en Tchéco (3)

La Lergue à hauteur du Puech, under the Creative Commons Attribution 4.0 International license. Auteur Tournasol7

La Lergue, belle rivière méditerranéenne (affluent rive droite de l'Hérault au niveau de Canet : un dénivelé de presque 770 m. pour 45 km de cours), appelant fort à la baignade par une canicule estivale ; grâce à son échancrure sur les contreforts du Larzac, elle permet le passage de l'amphithéâtre languedocien vers le Massif Central, directement vers la capitale, par l'A 75, de son petit nom, la Méridienne. 

Elle passe à Lodève, la Lergue, et après la géographie, c'est l'histoire qui s'impose. Oh un détail seulement, mais pas comme dit par un révisionniste ; et puis c'est la faute à Sean Connery ; avec « Le Nom de la Rose », au sein d'une sévère abbaye-forteresse bénédictine, l'acteur joue l'opposition entre Bernard Gui, le terrible inquisiteur dominicain et lui même, moine franciscain, d'un ordre bien plus proche des valeurs chrétiennes de bonté et de tolérance, Guillaume de Baskerville.

L'Agitateur_du_Languedoc (Bernard Délicieux) tableau de Jean-Paul Laurens (1838-1921) Domaine public. Musée des Augustins Toulouse.
 

Le personnage, scenario oblige, évoque incontestablement Bernard Délicieux, qui, au début des années 1300 dans le Midi, a défendu les Bonshommes prétendus hérétiques ainsi que les béguins dissidents... une prise de position qui amena l'idée de sécession au profit du roi de Majorque sauf que Philippe IV le Bel et la papauté, une fois réconciliés, réitérèrent sur le Midi la duplicité sanglante pour le pouvoir, le sabre et le goupillon. Bernard Gui (et non « Bernardo » du film), évêque de Lodève, mourut en 1331 à Lauroux, sa résidence campagnarde proche. Bernard Délicieux perdit le procès contre Gui ; il périt vers 1320 dans son cachot de Carcassonne ; en 1318, un siècle en gros après la sinistre croisade contre les Albigeois, Narbonne, Capestang, Béziers, Lunel et Lodève eurent à subir les buchers purificateurs de la dite “ Sainte Inquisition ”...

La température est fraîche, la montée du Pas-de-l’Escalette n’a pas fait du tout chauffer le nouveau moteur. L'eau de la Lergue n'a pas appelé à la baignade... 
Lors d'un itinéraire vers la Tchéquie, pays de sa maman, la vieille route les avait entendus chanter « Que la Montagne est Belle » de Jean Ferrat. Et avec quel enthousiasme ! Paradoxal, étrange à propos d'une complainte pathétique, l'exode rural... C'est qu'ils partaient dans l'émotion du voyage, vers des parents, grands-parents aimés, ce qui tenait un peu du défi, en pleine Guerre Froide... La chanson de 1964, ils la chantaient en 1965, merci Ferrat...
 
Brebis_en_pâture_sur_le_Larzac 2013 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license Auteur Jean-Claude Charrié
 
Là-haut, le Causse du Larzac évoque toujours bien des choses de paysans, de moutons (1), de langue occitane «... sur lou causse hauturous qu'es coumo sa patrio » (sur le causse altier qui est comme sa patrie), une trilogie victorieuse de la terre caussenarde contre l’armée arrogante, en voie d'exproprier et agrandir le camp du Larzac, rappelant, à son corps défendant, l'agression de Montfort, des barons du Nord. 
 
Panoramic_view_of_Millau 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Author Krzysztof Golik
 

Pas d’arrêt au fameux point-de-vue sur Millau de sa grande déconvenue de 2023, nul besoin de l’ongle noir au gros orteil gauche pour rappeler ses trous noirs du voyage raté de l’été passé : d'abord se prendre l'unique roc dépassant de la terrasse sur le canyon de la Dourbie, ensuite ce bouchon de refroidissement passé on ne sait où, fatal pour le joint de culasse mais qui pourtant mit fin à une entreprise risquée... une folie que de partir avec une enflure vite diagnostiquée phlébite… 

«...Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?...» Milly ou la terre natale. Lamartine, même si le pays, le paysage qui lui est cher, ne peuvent être confondus avec des « objets ». 

(1) Les moutons, adaptés au dénuement des causses, fondements, par le passé, de toute une économie, vivrière grâce au fumier pour le potager et les céréales du paysan, industrielle avec la laine matière première du tissage en ville de cadis et de serges, agronomique dans la production de lait pour le roquefort, agro-manufacturière avec le travail des peaux à Millau, la fabrication du fromage entraînant le sacrifice des agneaux au sevrage... Que reste-t-il de cette économie traditionnelle ? Et qu'en est-il de la transhumance séculaire qui voyait monter les troupeaux du Bas-Languedoc ? 

Années 70

 


jeudi 19 mai 2022

Des RACINES, oui, des AILES, soit mais une EXCELLENCE... discutable

Des Racines et Des Ailes - Terroirs d'excellence en Occitanie en streaming - Replay France 3 | France tv

 L'émission appréciée sur nos régions et terroirs, désireuse, dans une émulation impulsée, d'élever le niveau, voudrait nous faire extasier sur une prétendue excellence, un terme bien trop excessif pour faire l'unanimité. 

Excellence, certes des images d'une France toujours éminente pour ses aspects historiques, cette fois celles des citadelles du vertige, des fils de Carcassonne, les châteaux chargés jadis de défendre la frontière d'Aragon mais pas de leur traitement ramenant à un certain parisianisme, reflèterait-il l'emprise jacobine de la capitale sur la province. 

Les commentaires sont symptomatiques de cette pression centripète voulant tout ramener à Paris. Sans parler de l'accent alors que le parler pointu s'impose et que rares sont ceux qui osent affirmer leur différence par ce biais et nombreux ceux qui préfèrent se couler dans le moule, il y a la prononciation, ici "Pèrpertuz" pour "Peïrepertuze", "Puilauran" pour "Puilorenç". Est-ce du respect pour la façon de parler des locaux ? 

Rien de terrible non plus car dénotant d'un travail bâclé lorsque dans les châteaux dits Cathares, le commentaire dit "Dans la vallée du Tarn, "Puylaurent" (comme le prénom) ! Double carton jaune donc pour un tel traitement pour Puylaurens sur la Boulzane et pour Puilaurens dans le département du Tarn mais pas du tout dans la vallée de ladite rivière ! 

Excellent le luxe lié à la ganterie de Millau... le populo s'extasie sur le gant de Madonna, ceux de la garde républicaine. Excellente la quête de produits frais et les petites fleurs si délicatement cueillies au jardin pour les assiettes de ce grand restaurant de l'Aubrac. Si vous saviez comme le populo a le désir profond de manger des pétales alors que les infos saturent sur la pénurie de blé. Excellente la production d'huîtres à Marseillan mais des spéciales, réservées pour un chef étoilé. Excellente la restauration rapide d'une abbaye par des moines pleins d'argent (une réaction dit qu'ils ont dû gagner au loto) mais rien sur l'évènement culturel littéraire juste à côté, dans ce même village de Lagrasse. La culture laïque ouverte à tous n'est certainement pas d'excellence pour ces producteurs !   

 Lorsqu'on qualifie l'excellence en sous-entendant qu'on l'est soi-même, malgré les images magnifiques, j'ai ressenti aussi comme la promotion d'un fait religieux et surtout que l'excellence pour "Des Racines et des Ailes" se confondait avec un élitisme lié à l'argent, bref j'en suis arrivé à n'en retenir qu'une rengaine anesthésiante pour nous limiter au "ce pourrait être pire", qu'une propagande arrogante de très mauvais aloi.     

Les commentaires sur la page facebook : 




mardi 21 août 2018

VOYAGE EN TCHÉCOSLOVAQUIE (4) / Le Massif-Central.

Sur le Causse, la magistralado (lou magistral est l’autre nom du mistral en languedocien) a lavé le ciel, chassant cumulus et nimbus tels ceux qui menaçaient, hier, en fin d’après-midi, vers Montpellier. 
Millau au bord du Tarn / Diapo de papa 1965.
Millau 2014.
 Millau au bord du Tarn a-t-elle changé ? La ganterie de grand luxe s’y maintient un peu. Papa s’en était payé une paire, pour conduire, moins fins que pour les dames, sauf que les grands rabats sur les bras semblaient plus adaptés à une moto qu’à une auto voyageant jadis vers les lentilles du Puy ou le couteau de Thiers… 
Depuis la vallée du Tarn, connue pour ses cerises, un naturaliste observe les falaises aux jumelles : les vautours au repos sans doute.
L’A75 passe le Causse Rouge, puis de Séverac avant celui de Sauveterre. Avec l’altitude et le crépuscule, il fait bon. A partir de Marvejols, la fraîcheur ferait presque oublier la canicule de la journée. 

Le viaduc de Garabit sur la Truyère. Diapo de papa 1965.
Viaduc de Garabit 2014.
 Toujours plus haut, sur près de 100 kilomètres, entre les monts d’Aubrac et la Margeride, le trajet ondoie entre 800 et 1100 mètres, et il fait relativement froid. Vue sur le viaduc de Garabit illuminé. Mais pour la pause, nous attendrons de redescendre un peu la Planèze de Saint-Flour, ce sera plus un réveillon qu’un souper ! Et dire que quand il fait chaud c’est la fraîcheur qu’on souhaite de même que la chaleur quand il fait froid. Jamais content le sapiens plus bête que savant car cupide avant tout… et carrément méchant ajoutait le chanteur aux cheveux en pétard.
Repos repas sur l’aire de La Fayette, à moins de 600 mètres d’altitude. 240 kilomètres parcourus en 3 heures. Super pour un camion en vacances ! Départ à 23h 45.
Clermont-Ferrand, Vichy, il faut profiter de la fraîcheur pour avancer. 

Château Lapalisse (Puy-de-Dôme) Wikimedia Commons Author Rensi / Illuminé la nuit qui plus est ! bravo pour Lapalisse, modeste localité de l'Allier. 
Nous rapprochant et étant de ce fait toujours moins loin de Lapalisse ce bourg lié à ce monsieur de la Palice moins connu en tant que valeureux maréchal de France mort à la guerre à plus de cinquante ans que pour des lapalissades dans lesquelles il n’est pour rien !
Quelques kilomètres de N 7 « On est heureux nationale 7 » chantait un Trénet plus parisien que méditerranéen, le temps de prendre, à gauche, la route de Beaune. Le Donjon, un château mais sans tour maîtresse… à moins... Digoin, sa faïence… Circulation fluide, pas de gêne due aux phares en face mais la fatigue se fait sentir depuis que Flo, jusque là copilote dévoué dans la lecture des panneaux et du choix des échappatoires aux ronds-points, s’est endormi avec tous nos sujets de discussion.
Trois heures du matin : Paray-le-Monial. Arrêt sur le parking de la même grande enseigne qu’à Lodève. 633 kilomètres parcourus depuis Saint-Pierre. Flo part sur le lit derrière. Après avoir posé les volets, je descends celui de devant. Difficile de trouver le sommeil malgré la fatigue, sans doute cette boisson énergétique : mon corps reste nerveusement palpitant. L’agacement  me fait un instant penser aux trépidations de la machine à BB ! Pour s'endormir comme pour le reste "Cado couilloun a sa reuzo !" ... chacun a sa combine !