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mercredi 11 juin 2025

MOULINS, la FIN des FINS (8).

La circulation des grains relevait d’une réglementation stricte, de laissez-passer3 auxquels répondait une fraude liée à la débrouille sinon au marché noir. Le blé interdit restait caché, dans une alcôve, sous un amas de paille, camouflé en surface par une couche d’orge autorisé. Ça tournait la nuit, ça tournait entre plusieurs moulins, manière de brouiller les pistes, de ne pas se faire attraper ; du coin, de loin aussi, Toulouse, Narbonne, Béziers, à vélo. Les meules pouvaient être plombées mais il arriva que le contrôleur des Indirectes, aussi nécessiteux que tout un chacun, laissât  la pince à sceller et desceller, en retour de service.

À la libération, les couleurs nationales tournant aussi en bout d’aile, eurent du mal à cacher l’hallali des moulins à vent. Vae Victis ! Voués à mourir, à périr abandonnés. Le peu d’activité ne valait plus les dépenses d’entretien : les fermes ne cuisaient plus leur pain et le peu qui restait de travail à moudre la nourriture des animaux condamna l’activité avec la multiplication des concasseurs à demeure. Sentence confirmée lors de la modernisation des pratiques d'élevage, le totaliment, les granulés. 
Et s’il existe une administration raide et aveugle, c’est bien celle des impôts brandissant la patente, le pourcentage sur le chiffre d’affaires ou exigeant de scier les ailes si le moulin fermait. Alors certains sont partis en pièces détachées, une aile par ci, un mécanisme par là, un arbre moteur en établi. Des meuniers ont bien essayé de garder le moulin à peu près ; un y a mis des pigeons puis un hibou s’est installé par un trou dans la capelada ou alors c’est qu’il avait lu Daudet et ses Lettres... 

Illustration d'Edmond Pierre BELVÈS, ici Le secret de Maître Cornille des Lettres de mon Moulin, 1954, Flammarion. Coupable de le faire même sans avoir pour habitude de publier sans autorisation, j'espère que ce sera reçu en hommage à un dessinateur aussi fécond qu'apprécié.  

sauf que, comparé au locataire «… du premier à tête de penseur […] tel qu’il est avec ses yeux clignotants et sa mine renfrognée, ce locataire silencieux me plaît mieux encore qu’un autre, et je me suis empressé de lui renouveler son bail... », le hibou de la vie vraie a fait partir ou tué les pigeons ; les lapins étonnés de Fontvieille c'était plus gentil… 

Fleury-d'Aude, vue de la colline du moulin de Montredon depuis le Sud. Naturelles, les couleurs automnales viennent d'une diapositive (1967) de François Dedieu.

 Alors, ces moulins qui en prime louent notre Cers (honte à ces nordistes présentateurs météo «... Mistral, Tramontan' » !), bien sûr que ce qu’il en reste nous touche intimement. À présent que les derniers meuniers ne sont plus là à faire la moue, à esquiver les questions des curieux, des touristes qu'ils aiment autant ne pas recevoir, les consciences locales semblent avoir réagi aux regrets, aux remords. À Nissan, à Lespignan, non plus des moignons mais des moulins à nouveau sereins d’un sauvetage enfin issu d’une longue maturation. Qui sait si ce sera possible chez nous, suite au rachat peu coûteux de sa colline par la mairie ?         

3 Tels les « congés » longtemps indispensables à la légalité du transport du vin en vrac destiné à la consommation personnelle.

mardi 10 juin 2025

FIN du MOULIN (7).

Attention, le printemps ce sont aussi des indésirables dont les épillets danger de nos compagnons à quatre pattes. À propos de l’homo peut-être sapiens mais toujours aussi c.., si je pense aux pesolhs avant tout des pauvres soldats de 14, je me fais l’effet d’un ectoparasite, d’une tique suçeuse de sang, à pomper le bouquin des Bézian. Alors, un peu d’éther et décrochez-moi, la dernière goutte envenimée sera pour la fin des moulins à vent.

Convergence1, sur cette issue, les premiers mots des Bézian sont « Aprèp un temps n’en ven un autre... » Ajoutant «...I a un temps que trempa e l'autre que destrempa », mon grand-père Jean qui aurait eu 128 ans le 4 juin dernier signifiait aussi que la destinée fait passer du meilleur au pire et vice-versa, une sorte d’après la pluie le beau temps...

Illustration d'Edmond Pierre BELVÈS, ici Le secret de Maître Cornille des Lettres de mon Moulin, 1954, Flammarion. Coupable de le faire même sans avoir pour habitude de publier sans autorisation, j'espère que ce sera reçu en hommage à un dessinateur aussi fécond qu'apprécié.   

Ah ! Avant on se mariait entre moulins, plein de pages et de signatures sur l’acte ! Le meunier de sortie ne prenait pas son repas du panier, non, il mangeait au restaurant et rapportait du sucre, du café, un luxe que le commun des brassiers et journaliers ne pouvait se permettre ! Honoré sinon craint, le meunier comptait autant que le curé ! Même partis de rien, en gérant comme il fallait, ils faisaient fortune, amassaient des pistoles, dotaient les enfants ! La guerre de 14 a sonné le glas de l’époque faste.

Chevaux, charrettes, mulets, ânes réquisitionnés, un coup déjà. Puis les hommes ; malgré les femmes, des vieux vaillants2, l'activité est tombée en sommeil. Et la suite… gueules cassées, poumons gazés, jambes en bois, bras en moins… et puis les filles préféraient chercher ailleurs. Le moulin n’y suffisait plus ; de complément, les terres sont devenues essentielles, sinon l’élevage, oies, canards, dindons, pintades, poules, lapins, cochons. Les hommes partaient même se louer, les fenaisons, les moissons ; un, à la saison, revendait les châtaignes de la Montagne Noire ; un autre a risqué l'achat d'un premier autobus. 

Et puis la farine des moulins n'a plus suffi aux boulangeries naissantes nécessitant l'apport régulier et en quantité de farines que seuls les minotiers (3) pouvaient fournir. 

Après 1918, le pain à la ferme, avec ses avantages et ses défauts, est devenu plus rare. 

Les jeunes sont partis à la ville ou cuire des tuiles à Castelnaudary, ou faire maçon…

39-45, saloperie de guerre encore ! Pourtant, un sursaut pour les ailes au vent, à cause des cartes d’alimentation, du blé d'une France assujettie, réservé à l’Allemagne. (à suivre)

1 Hier dans ma rue, un couple de nos âges cherchant à rejoindre Fleury en fête et ayant perdu l'église m'a remercié en risquant un « adishatz » suivi de « comprenetz ? » — Aco m'agrada plan, j'ai répondu. Un peu devant, la femme est revenue sur ses pas, ils ne comprenaient pas « agradar ». Partage avec l'occitan toulousomontalbanais. 

2 Les auteurs relèvent « mamé » comme je le dis et écris, ça fait plaisir ; nul besoin de « e » final, « mamé » comme « tati » c’est déjà féminin. 

(3) Déjà en 1869, avec le Secret de Maître Cornille, Daudet des « Lettres de mon Moulin » faisait plus qu'annoncer cette mutation irréversible. 


dimanche 8 juin 2025

Le MOULIN, RENCONTRES et PASSAGES (6).

Tourne moulin ! À tout moment de la journée, de la saison, le moulin est un lieu de rencontre et de passage très fréquenté. 

En premier lieu, les clients, nombreux, venant souvent, toujours pour quelques petits kilos, qui restent discuter. Surtout que, sans radio, sans journal, sans téléphone, au moins au moulin savait-on ce qui se passe au village, le meunier en apprenait aussi dans ses tournées. Les cultures, le prix du blé, du maïs, la météo, le cochon, la chasse, la pêche, les champignons, le passé des vieux, des histoires coquines aussi, manière d’émoustiller les sèves descendantes… Sur la politique, on ne parlait que de loin, seulement en accord pour s’offusquer de la politique des copains, des coquins et profiteurs ; plutôt ménager l’autre, ne se lâcher qu'à l'occasion des municipales ! Et pour épicer le tout, des « à propos » hors l’ordinaire : un mort, un malade, une mauvaise fortune, une dispute de voisinage, un ménage qui flanche, un cocu, une femme légère, rien n’échappait aux langues bien pendues… Et, comme dans tous nos villages, les hommes, régulièrement plus commères que les femmes sauf que le masculin « compère » n’en dit rien. Les faibles affluences, la porte fermée du moulin, alimentaient des ragots à fantasmes autour de meuniers coquins et de « belles meunières ».

Moulin qu'est-ce qui t'arrive ? Visibles de loin, les ailes arrêtées stoppaient la belle mécanique, tant celle du grain que la meule des cancans et potins. Justement, hors les grandes réparations nécessitant une immobilisation certaine ainsi que la mobilisation d’un ou plusieurs charpentiers des moulins, une fois le mois, parfois deux, le professionnel devait redonner de la morsure aux meules, en rhabiller patiemment les aspérités indispensables à la mouture. Ce devait être fait dans la journée. 

Meules décoratives du square de la Batteuse toujours appelé « Jardin Public ».

Complexité dans la simplicité comme pour tout ce qui concerne la marche du moulin à vent ! On n’en finit pas d’être impressionné ! Du dur ! granit du Sidobre, silex blanc de Bordeaux1 pour les meules2 ! Huit-cents kilos, une tonne, la volante ! déjà faut la soulever, la lever qu’ils disent !

La maillette, ses pointes suivies par le forgeron y appliquant ses secrets de trempe, le dos des mains noir à force d’éclats de silex et de fer sous la peau… des meuniers aux mains noires ! étonnant non ? Plus triste cette silicose attaquant les poumons lorsque ce n’était pas une lie des farines respirées toute une vie.

Il faut en être, en gros, à la première centaine de pages pour se demander ce qu’il y a d’autre dans les trois-cents autres de l’ouvrage3. « Mais c’est bien sûr », comme disait Maigret des « Cinq dernières minutes », Raymond Souplex (1901-1972) de son nom de scène, satisfaire à la collection « Terre Humaine » implique un exposé ouvert sur la vie au temps des moulins à vent.

Déjà avec la diversité des gens extérieurs au village qui passaient, ce qui n’est pas sans écho encore auprès de ceux de mon âge issus d'un village. 

Eugène_Atget_(French_-_Chiffonier, Ragpicker, Lumpensammler, Domaine Public Source qgExu-hp1fHWjA at Google Cultural Institute maximum zoom level

Les auteurs ne manquent pas de citer le pelharoc… nous autres disons « pelharot », à une lettre près, en parlant du chiffonnier ; le marchand d’allumettes de contrebande puisque l’État exerçait un monopole rapportant une taxation. Suivent le vendeur d’almanachs, le lunetier, le raccomodeur, l’étameur, le montreur d’ours ! Et chez les éclopés de la vie, les vagabonds, chemineaux et mendiants, des pauvres gens, diseurs de psaumes ou non, qui chaque année, savaient où retrouver les bonnes adresses, le bon accueil.

Figurent des parties sur le pain, le millas, la tue-cochon, la fête locale, les bals, le carnaval, la noce, la famille, les malheurs… Encore des découvertes, de bons moments en perspective ! 

1 Le calcaire marin à alvéolines et inclusions de silex du gisement de Saint-Julien-des-Meulières, pour équiper les moulins plus vers chez nous, à l’Est, devait aussi convenir à l’activité.

2 Je m’égare au souvenir de mon copain de classe, Antoine (1950-2020) confirmant qu’une camarade de classe avait de belles meules. Nous ne parlions pas des moulins… Entre émotion et sourire, bien sûr que la coquinerie ne touche pas que les meuniers. Pardon pour cette digression…

3 Plus d’une centaine aussi, au bout, sur la fin des moulins ainsi qu’un dictionnaire sur la meunerie.

mercredi 4 juin 2025

Sur la route des MOULINS du LAURAGAIS (2)

Et alors, dans le but de mieux cibler et comprendre les moulins du Lauragais, et parce que le moindre détail nous ramène à l'universalité, nous le regarderons comparativement et avec plus attention, notre moulin à Fleury. 

Le moulin de Fleury au printemps. 

Qu'il est petit à côté, c'est ce qui vient à l'esprit en premier. Était-ce une adaptation aux conditions de vent, au Cers qui depuis le Lauragais, se met à ronfler si fort le long du couloir de l'Aude ? une puissance historique puisque, plus proches de nous, les wagons du chemin de fer, les caravanes, ont été renversées. 

Nissan_lez_Ensérune Moulin wikimedia commons Author Toutaitanous. 

Ancien moulin de Céleyran (2025). 

Était-ce, pour compenser, que plus modestes, ils furent plus nombreux, du moins chez nos voisins directs, Salles-d'Aude, Armissan, Lespignan, Nissan-lez-Ensérune, Vendres (1) ? Qui sait ? Seul sur son pech au dessus du fleuve, regardant Coursan, l'ancien moulin de Céleyran (commune de Salles-d'Aude), par sa haute taille, fait exception. À Fleury, vu de l'autre versant, point de repère afin de s'orienter, depuis l'étang asséché de Fleury, une énigme pour Manu, petit garçon de la campagne (2) de Tarailhan, immigré depuis la Mancha, se demandant à quoi ressemblait le lieu que les grands nommaient « village » ou « Fleury », là où on devait aller pour les achats, la mairie, encore caché derrière le moulin sur sa colline... Manu, un peu Don Quichotte en soi... 

En 2015, la colline du moulin derrière papa qui regarde où en est l'incendie dans la Clape. 

Sinon, un regard plus local sur la tour étêtée qui reste, rappelle que le lieu fut le cadre d'un crime élucidé seulement suite à la confession d'un mourant (voir « Un garçon meunier », sa narration romancée en épisodes par François Dedieu). 

 
Moulin qui va trop vite, moulin qui ne va plus, qui pourrait taire combien celui d'Alphonse Daudet incarne une unité cependant paradoxale de lieu pour ses « Lettres de mon Moulin » (3), avec encore dans le monde de l'enfance, « Le secret de Maître Cornille » ? 

Moulins du Sud, de Provence, du Languedoc, de Daudet à Arène, d'Arène à Giono, de Giono à Pagnol, de Pagnol à Bosco, auxquels nous sommes plus sensibles qu'à ceux du Nord souvent évocateurs de batailles : Valmy, Jemapes peut-être, Cornet et « aux chèvres » de la terrible guerre de Vendée... 

L'équilibre est difficile depuis les apports jusqu'au pillage d'un livre. Pourtant ce n'est qu'en allant voir dans l'existant que nous pouvons exister, depuis l'ignorance béante, la vie n'y suffira pas, tant l'avancée ne se fait qu'à tous petits pas, qui plus est, vers la connaissance inatteignable. Dans « Les grandes heures des moulins occitans », notre intrusion se limitera à picorer, à mettre en appétit à fin de donner envie du livre, à donner envie d'en savoir plus sur Prosper Estieu, Auguste Fourès, Joseph Dupuy, l'abbé Joseph Salvat. Et puis, les moulins à vent ne sont-ils pas les réceptacles des forces du ciel, de la terre et des mers ? Un grand merci aux époux Bézian !     

(1) Malheureusement pas de photo à disposition pour le moulin (d'Olmès ?) à Lespignan, particulièrement bien restauré.

À Vendres, les moulins devaient redevance aux seigneurs de Pérignan puis Fleury... peut-être, avec la contestation du territoire défini par les divagations anciennes du fleuve, de quoi alimenter des rivalités villageoises historiques, « l'Aude, dans sa folie, ayant gagné des terres pour Fleury ». 
  
(2) on dit « campagne » à propos de la même chose aux deux bouts est-ouest du département, ici un domaine viticole, là-bas une ferme, une métairie.   

(3) un moulin qu'il n'aurait ni acheté ni habité. Des lettres dues à la participation presque certaine de Paul Arène, moins connu...  

 

mercredi 31 juillet 2024

INDIEN des vieilles LUNES, le voyage en TCHÉCO (4)

Mardi 18 juin 2024.  

144.377 km, 2h du matin/ 383 km en 7h (54 km/h en moyenne). Un parking, vaste. Récupération. Un camping-car à côté. Incertitudes de la nuit. De ne pas savoir à quoi ressemble l'environnement déstabilise : avant de s'endormir, l'enfant languit demain, le jour lèvera le voile sur les alentours ; l'adulte qui n'en dit rien ressent pourtant la même chose. 
Demain... Matin. C'est l'aire du Bourbonnais. Beaucoup de poids-lourds stationnés. 
Un fourgon s'arrête à côté, de location. Un couple en plein déménagement on dirait. Après la pause à la cafèt, ils en profitent pour changer de chauffeur, madame prend le volant. 
8 heures, des municipaux viennent nettoyer les quelques herbes rétives libérées des écorces au sol ; à y être, ils rafraîchissent les bordures végétalisées.  
Le frigo ne veut plus se rallumer. 
8h 45, départ.  

Bec_d'Allier 2010 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Skymatt

Le Bec d’Allier, avant Nevers, le confluent d'une rivière sauvage et d'un fleuve encore libre, la Loire ; un site nature puissance deux mais il faut poursuivre la route et ce n'est pas la pensée que par le passé, journaliers et valets signaient pour ne manger du saumon que six jours sur sept qui va retarder... Un compte à rebours est en cours : il faut arriver à Roissy quitte à attendre là-bas, à portée, une fois le but atteint. Ses déplacements s'apparentent plus à des migrations qu'à des pérégrinations, pas la question de vie et de mort des oiseaux, des trajets néanmoins moralement vitaux puisque le cœur, le sentiment, commandent de rejoindre, de retrouver ceux qu'on aime, loin, qui manquent depuis toujours et trop longtemps. Joli paysage vert relevé par des lignes de peupliers (c'est plus flagrant quand on vient d'un Sud déjà sec de par sa situation). La N7 en travaux, des aménagements pour mieux rouler...
Aire de Pouilly, 10h 30, vingt minutes de pause. 
Cosne-Cours-sur-Loire, achat d’une bouteille de gaz au supermarché 42 €. 1. Choisir la bouteille. 2. Introduire la carte de paiement et payer 3. Sortir la bouteille pleine. 4. Introduire la vide sans quoi le prix de la consigne sera aussi facturé. 5. les feux, le frigo fonctionnent. Une première fois, ce n'est jamais facile, cela prend du temps. Plein du véhicule 144.505 km 61.08 l, 101,33 € 1.65 €/l
Il croyait qu'en 1965, à la nuit tombée, c'était ici qu'ils avaient monté la Cabanon ; non, à Neuvy-sur-Loire, 14 kilomètres plus loin, pas à Cosne, disent les notes de voyage. Et ce petit camping rustique semble ne plus exister au bord de la Loire. Près de soixante années se sont évanouies... Est-ce possible ?
À droite, un panneau indique « Saint-Fargeau » dans l'Yonne), peut-être un village, au moins un château, liés à Jean d'Ormesson (1925-2017). 
On approche de la Beauce, quelques tracteurs et une moissonneuse-batteuse en convoi exceptionnel. Repas léger sur un parking-camion, un de ceux où nombre de ces fourgons surtout polonais ou lithuaniens, complémentaires ou en concurrence avec les semis, stationnent pour récupérer (ont-ils les mêmes contraintes que les chauffeurs poids-lourds ?). Jeu des 1000 euros à la radio. 
Montargis : bel exemple d'une France métissée plus visible qu'en province… Que ce soit à cause des départements et territoires d'Outre-Mer, de notre histoire coloniale certes, du vieillissement de la population, mais autant bien choisir, sélectionner les migrants bienvenus, nécessaires... l’islam par sa dimension politique et la pratique intégriste des fanatiques ne doit pas submerger l'identité profonde du pays… L'interprétation rigoureuse de cet islam-là n’est pas compatible avec la République et s’il arrivait à dominer, les croyants aussi inoffensifs que ceux d'une chrétienté d'Europe jugulée seraient obligés de suivre, d'obéir. Ne rechignent-ils pas déjà à accabler les terroristes, puisque finalement, la solidarité religieuse joue, en dépit du sang versé ? De la nationale, les maisons à colombages ne sont pas visibles. 

Grand pont de Nemours 2018 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Calips / La nationale traverse un centre-ville aux constructions remarquables sauf qu'en ne faisant que passer, l'attention oublie beaucoup ce qui s'offre à elle, monument, bâtiment ou château. Ne restent que ce pont, cette église sur la route de Paris.  


lundi 29 juillet 2024

Vieil INDIEN, vieilles LUNES, le voyage en TCHÉCO (3)

Mais là, ce chaînage logique qui implose, ce maillon qui saute, cette inquiétante éclipse d'entendement, cette tournure incontrôlée des choses, en roue libre, ce fil d'Ariane sectionné, que la conscience, la mémoire, ne sont pas capables de reconstruire, de remonter. Soit, un trou noir angoissant, une menace potentielle, épée de Damoclès à jamais au-dessus de sa tête. Alzheimer. Concrètement, le bouchon du vase d'expansion perdu, le moteur qui agonise ; des objets donc, mais qui auraient failli afin de prévenir des ennuis autrement plus graves, de santé ?

17 juin 2024. Est-ce une fatalité ? c’est dans la descente vers la vallée, au même endroit, alors qu'il laisse la file de voitures passer, que la seconde se met à craquer. Millau : c’est toujours beau de voir le Tarn au sortir de ses gorges. L'ancienne capitale du gant met à disposition des trottinettes et que voit-il, à son encontre, sur la voie dédiée, Saroman, le magicien noir du Seigneur des Anneaux… mais non, seulement cette barbe poivre et sel, roide, sinon, pardon, ce visage aussi sec que spectral lui rappelle Serge, le copain du village, un peu barde et asocial, mort chez sa mère à la soixantaine, pour n’avoir pas voulu soigner son diabète... sur les rives du Tarn, un spectre solitaire pour l'an passé ? Tout comme ce dernier rond-point qui fait grimper sèchement vers l’autoroute, là où, l’an passé, il avait condamné à mort sa machine ; il en demande pardon au camion… “ Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui… ”. Ce camion, le moyen de ne pas se couper du pays, de moins peser sur la famille qu'on vient visiter... Ce camion, une petite maison, un refuge pour son fils des îles, afin de lui inoculer le virus du vieux continent, cher à son père... À chacun de se partager, de se déchirer pour n'être qu'un... 

Aguessac_viaduc ferrovaire 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur Père Igor
 

Pas question, cette fois, de remonter au Golgotha, ce « lieu du crâne » dit Wiki ; pas de doute, de prise de tête. Tout clochait, décidément, ce 14 juillet 2023 ! un an après, plutôt reprendre un itinéraire plus plaisant, vers Aguessac, là où les caténaires en voûte à peine brisée de la voie unique apprivoisent le train, vers la vallée des cerisiers et même s’il faut monter ensuite, ce sera moins raide, rien à voir avec la côte de la mort. « Aire des gens du voyage » : rare ce type de campement habilité ou presque il irait, raccordant en sa tête les roulottes, les chevaux, « tambours [...] cerceaux dorés (1) »  de ces gens du cirque de presque soixante-dix ans en arrière… 
Sur la route quasi désertée, crépusculaire, un genre de voyageuse que la rudesse de l’époque a effacé des bas-côtés, une auto-stoppeuse et son pauvre sourire… Comment prendre quelqu’un en confiance, de nos jours ? Et un homme seul qui s’arrête pour une fille n’a-t-il que l'altruisme en tête ? 
144.035 km L'A 75 qu'ils rattrapent mais sans retrouver l’endroit du naufrage 2023. Tant mieux. Plutôt affronter ce qui fâche et travaille, plutôt conjurer le signe indien, plutôt passer délibérément de l’autre côté du miroir. 
 
Aire-de-la-Lozere-été 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Sancta floris
 

Chaque kilomètre gagné l'exorcise ce signe indien sauf que la direction tire à droite… pour voir si à l’aire de la Lozère (144.150 km 21h 40), le gonfleur serait en fonction : il ne s’agit pas de perdre de la pression parce qu’il manque l’embout ou parce que le compresseur n’est pas en état surtout que pour 4,5 à 4,7 kilos, il faut plus de sollicitation et de temps. Le gonfleur fonctionnait. 

144.256 km 23h 47 avant Clermont-Ferrand : faute de voir le numéro de sortie (la fatigue aussi), il sort par erreur à droite (direction Lempdes). Ensuite, la traversée bien en tête, ça roule même si les Clermontois circulent encore... Riom, Aigueperse, Gannat, Saint-Pourçain-sur-Sioule, toujours plus loin jusqu’aux abords de Moulins préfecture de l’Allier. 

 

Rester vigilant, la boisson à 32 doses de caféine a bien aidé, mais là, le flou gagne, il faut stopper les machines. 

144.377 km. 2h du matin, bilan positif, 383 kilomètres parcourus. 

(1) Les Saltimbanques Guillaume Apollinaire 

 

jeudi 18 mars 2021

"NISSA d'AUSSERUNA", NISSAN-lez-ENSERUNE (1)... nos voisins Nissanots

Nissa d'Ausseruno, pour nos voisins Nissanots, quel joli nom de village mais même Nissan-lez-Ensérune, en français, ça en jette ! Le territoire communal en touche dix autres par, hors Poilhes, Montady et Colombiers, un quintipoint (Capestang, Montels, Cuxac-d'Aude, Coursan, Nissan) et, au sud-est, un quadripoint (Lespignan, Fleury, Salles, Nissan) ! 

Nissan lez Ensérune / Moulin / wikimedia commons / Author Toutaitanous / N'est-ce pas le moulin de Maître Cornille ? Parce qu'on dit que certaines meules broyaient aussi du calcaire pour obtenir de la chaux ensuite... il n'y avait pas qu'un produit aussi noble que le blé à moudre...
 
 

Entre Orb et Aude, un village "niché dans un terroir de collines tertiaires" (les rédacteurs de Wikipedia font parfois preuve d'un joli lyrisme). Au nord, avec le site remarquable d'Ensérune, elles affichent entre 5 et 22 millions d'années (miocène) ; au sud, c'est entre 23 et 34 millions d'années (oligocène) qu'une argile rouge s'est formée pour les potiers et tuiliers, encore au XIXe (1). Il y avait bien une bergerie en montant au four à chaux, par le raccourci pour Salles-d'Aude, mais je vous parle d'un temps... existe-t-elle encore alors que de nos jours, à la place des moutons qui ne les mangent plus, ce sont des troupeaux de pins qui ont envahi les collines ? 

La colline d'Ensérune. Elle n'a de romain que son appellation d'oppidum ; venus avant, les Celtes disaient "dunon"... et on ne peut que se poser la question pour les influences antérieures, hellènes, ibères, ligures... La conquête romaine clôt donc la controverse de façon insatisfaisante en mettant fin à la civilisation des "oppidums-oppida", un siècle avant notre ère environ (2). Tout comme celles de Pech Maho (Sigean), Montlaurès (Narbonne), La Moulinasse (Salles-d'Aude), cette position défensive offrait aux Elysiques une protection relative contre des assaillants. 

En haut, dominant la plaine et l’Étang de Capestang, des silos en nombre, pour des réserves ou de l'eau, creusés dans la pierre tendre ; des tessons de poteries, des vases, des armes, des pièces de monnaies ; les vestiges d'une cité gréco-ibérique rappelant celles de la côte catalane. Parmi les archéologues l'abbé Louis Sigal (1877 Narbonne - 1945 Cuxac-d'Aude) qui a notamment contribué aux recherches dans sa ville natale, a noté "l'emprise politique, économique, intellectuelle des pays ibériques" sur l'acropole languedocienne de Nissan. 

Sur cent-cinquante ans, le site est marqué par la quête aussi passionnée qu'altruiste de trois abbés, Alexandre Giniès, curé de Montady, qui fouille entre 1843 et 1860, Louis Sigal déjà cité et plus proche de nous, Joseph Giry (Nissan 1905 - Béziers 2002).

Grand comme un seconde ligne au rugby, l'abbé Giry, inlassable archéologue, spéléologue, écrivain, n'arrêtait pas de sillonner la région au volant de sa 2 chevaux. Son enthousiasme le poussait même à faire le guide pour une visite inoubliable du site (relevé par Le Routard) ! On le connait plus pour sa protection totalement désintéressée du patrimoine qu'en tant que chanoine de la cathédrale Saint Nazaire. C'est lui qui acheta puis donna à l’État  les ruines de la villa romaine Vivios à Lespignan, lui encore, qui acquit auprès de onze propriétaires différents, les ruines de l'abbaye romane de Fontcaude pour la restaurer, la doter de grandes orgues avant de passer le relais aux "Amis de Fontcaude". L'église Saint-Saturnin  lui doit aussi beaucoup pour les œuvres d'art et encore de grandes orgues aussi historiques que remarquables. 

Nissan-lez-Enserune église St-Saturnin wikimedia commons Author Fagairolles 34

Lui succédant au fauteuil 15 de l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, Jean Billiémaz pointa dans l'éloge à l'abbé Giry : 

"...vers la connaissance de l’Homme, l’Homme dans la vie d’hier et d’aujourd’hui, l’Homme dans sa vie familiale, sociale, dans la cité, l’Homme dans les objets, les ruines datant des différentes civilisations et cultures, que le Languedoc a vu défiler..." 

 (Jean Billiémaz, discours de réception à la succession de l'abbé Giry / fauteuil 15 / 27 mars 2006).

(1) la mairie récupère les tuiles hors d'usage pour la réfection des chemins communaux...  

(2) Extrait de l'article " Des pistes pour la partie enterrée du dernier affluent." avril 2019 : "... Devons-nous toujours rester conditionnés par un cheminement culturel contraint et limité aux racines romaines et grecques ? Il n’y avait donc personne avant les Hellènes et les Latins ? Pour quelles mauvaises raisons l’évocation des Elisyques, ce peuple des oppida dit "petit" (doxa partiale oblige) dont l‘existence a pourtant perduré du Premier Âge du Fer à la conquête romaine (4), ne reste-t-elle que confidentielle ? Ils étaient pourtant à Sigean (Pech Maho), à Peyriac-de-Mer (Le Moulin), à l’oppidum de Montlaurès (Narbonne, ville importante, riche et brillante bien avant la conquête des légions !), à celui d'Ensérune (Nissan) et au site de la Moulinasse, pas plus loin que Salles-d’Aude !..."