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vendredi 6 juin 2025

ROUES de la VIE, ROUES de mon CŒUR (4)

Pour moudre, faut tourner les ailes au vent, donc tourner la capelada, le toit ; un sacré effort pour un meunier valide, alors pour une femme... Cocagne si un couple de bœufs amis passait fortuitement dire bonjour. Relatif au gros moulin, un treuil à cet effet, aux points d’ancrage bien disposés sur la butte, restait plus que nécessaire. 

Le_Bournat_-_Moulin_à_vent 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur MOSSOT. Bien qu'en Dordogne, pour se rendre compte de l'envergure dangereuse des ailes. 

Ensuite faut habiller les ailes, entre deux et huit voiles, suivant le temps, lâcher le frein qui les bloque chacune son tour, droite, accessible, ne restait plus alors qu’à fixer les toiles… façon de parler, l’arrêt devant être assuré, bien assuré. Deux solides bâtons fourchus y suffisaient sinon une corde lestée d’une grosse pierre. Ne surtout pas s’aviser de se soustraire à cette sécurité, la manœuvre dût-elle se répéter dans la journée. Même léger, le vent peut se lever à chaque instant ; les imprudences se paient cash !

Deux toiles, huit kilos sur l’épaule et l’aile qui se met à tourner. Appels de détresse. La femme vient stopper le mouvement. C’est trop haut pour sauter, l’aile est aux ¾, Ce n’est qu’une fois à la verticale, au point zéro du tour, qu’il est facile de descendre, barreau par barreau.

Ne parlons pas de la fantaisie de celui qui, toute sa vie, n’a pas réalisé l’envie de s’attacher la tête en bas pour mieux voir le paysage une fois en haut. Et les gosses qu’il fallait avoir à l’œil, celui qui s’accroche pour sauter une fois à trois ou quatre mètres du sol ! Pire, le drollet de six ans, en fœtus autour d’un barreau ! Si sa mère n’était pas venue, l’aile entamait déjà un deuxième tour ! Et fier, qui plus est d’avoir vu de là-haut, Castelnaudary et la Montagne Noire. 

Moulin_à_vent_de_Vignasse 2012 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Raphael Isla. L'inclinaison des barreaux démontre le vieux principe de l'hélice réceptrice.

Tout ne se terminait pas aussi bien, à commencer, banalement par les mains et les pieds gelés en hiver ; le moulin travaillait beaucoup, à la demande, par petites quantités, les gens qui mangeaient du millas pour tenir le coup faisaient moudre au fur et à mesure.
Un cran au-dessus, les accidents : tomber à cause de la glace sur un barreau… « Ferraille » on l’appelait comme ça depuis qu’il avait une plaque de fer dans la jambe. Pour un autre, la réaction du docteur a tout dit : « Vous m’apportez un paquet d’os en miettes. » : pour quelle suite ? Sinon, fin de l’histoire suite à une chute mortelle, les cas ne manquent pas. Les accidents collatéraux non plus ; cette aile de 500 kilos qui passe à portée, inarrêtable pour celui qui une fois en haut s’est lâché !

Est-ce que tout cela participe de la fascination ressentie pour les roues qui tournent à l’image de la roue des amours, des destinées, d’une petite vie si grande puisque unique dans les cent milliards d'existences humaines passées ?

« Comme une pierre que l’on jette dans l’eau vive d’un ruisseau… », cette belle et douce ambiance m’a longtemps laissé croire que Michel Legrand voyait tourner la roue d’un moulin à eau. Mais non, de même que la pierre ne peut pas laisser des ronds dans l’eau vive, par milliers qui plus est, la chute ne peut que confirmer que le moulin de toutes nos émotions tourne bien sur la colline, sans à-coups violents, pour Legrand « …Au vent des quatre saisons, tu fais tourner de ton nom tous les moulins de mon cœur. ». (paroles Eddy Marnay [1920-2003], musique Michel Legrand [1932-2019]).

Le moulin à eau, lui, tourne pour Marcel Pagnol, ce qui, de la part d’un auteur de Marseille, pourrait paraître paradoxal, à moins que, sous la furia du Mistral, au constat inéluctable qu'est la fin, la sérénité de la Durance éternelle n'apaise…

« Le temps passe et il fait tourner la roue de la vie comme l’eau celle des moulins… » Marcel Pagnol.


mercredi 9 avril 2025

BALADE à AUDE (3) Interdit aux moins de 70 ans !

ATTENTION ! article INTERDIT aux moins de 70 ans et même aux âmes sensibles d'âge autorisé... 

« ...Sous ses grelots légers rit et voltige encore,
Tandis que, soulevant les voiles de l'aurore,
Le Printemps inquiet paraît à l'horizon... » 

Indigo-zinzolin ? 

Oui, malingre, chétif mais je ne peux le renier, mon premier de l'année, fin mars. En huit jours, c'est une véritable explosion de coquelicots, d'iris  et la bourrache presque en tapis... 

Des vraies ? 


Comme pour contredire le  « Printemps inquiet » d'Alfred de Musset, les fleurs sauvages ou ensauvagées semblent se rire des bourrasques du Cers, ce jour-là, fortes et pressantes pourtant de plus d'une centaine de kilomètres par heure : l'iris rit de devoir rabattre ses jupons indigo- zinzolins, ceux du petit coquelicot ne s'envolent pas non plus. Sinon, pour résister, faudrait-il être en plastique ? du bout des doigts se confirme que non : ces fleurs n'ont pu qu'échapper à un jardin. 

Descendre le chemin vicinal de la plaine, le long, d'abord, de la Cave de la Communauté... un champ, jadis de melons, m'oblige au souvenir de mon pauvre cousin Jacky (1952-2007). Le fossé change vite de nom, prenant celui du dernier affluent du fleuve, au cours si original depuis la cuvette de l'Étang, en principe fermée et que les hommes ont pourtant réussi à assécher en lui faisant passer les collines. 

Merci l'IGN !


Un peu en amont de ce Ruisseau du Bouquet, à Aigos Claros, le grand-père de Jacky, mon grand-oncle Noé (1901-1978) entretenait un jardin fertile grâce à une posaranca, un balancier pour puiser et remonter l'eau de l'arrosage (« chadouf » en “ français ” !). Jacky, Noé et entre les deux, encore d'un commerce des plus plaisants, le père, Norbert (1924-1989), mon parrain. 

Détournez-vous, vous dans la fleur de la jeunesse, d'un propos qui devrait être interdit, disons, aux moins de 70 ans car après, pour ceux qui vieillissent petit à petit, l'idée de la mort se domestique, bien que couplée à celle de la vie en fleur, à l'image d'un printemps enthousiaste, présomptueux... Pour preuve, au grand soleil, le vélo qui file, vent arrière, bien huilé, sans bruit parasite, même avec l'air, la voix de Brassens (1921-1981) en tête, sur une partie du poème de Lamartine (1790-1869) « Pensée(s) des Morts » (le mot se retrouve aussi au pluriel). Brrr, désolé, décrochez aussi, âmes sensibles de plus de 70 ans ! Pour ma défense, Lamartine a alors 40 ans ; dans sa famille c'est une véritable hécatombe, la tuberculose, le choléra ont frappé. Néanmoins, lui même a commenté : 

« Cela fut écrit à la villa Luchesini, dans la campagne de Lucques, pendant l'automne de 1825 […]

J'écrivis les premières strophes de cette harmonie aux sons de la cornemuse d'un pifferaro aveugle, qui faisait danser une noce de paysans de la plus haute montagne sur un rocher aplani pour battre le blé, derrière la chaumière isolée qu'habitait la fiancée ; elle épousait un cordonnier d'un hameau voisin, dont on apercevait le clocher un peu plus bas, derrière une colline de châtaigniers. C'était la plus belle de ces jeunes filles des Alpes du Midi qui eût jamais ravi mes yeux ; je n'ai retrouvé cette beauté accomplie de jeune fille, à la fois idéale et incarnée, qu'une fois dans la race grecque ionienne, sur la côte de Syrie. Elle m'apporta des raisins, des châtaignes et de l'eau glacée, pour ma part de son bonheur ; je remportai, moi, son image. Encore une fois, qu'y avait-il là de triste et de funèbre ? Eh bien ! la pensée des morts sortit de là... » Source « Pensée des Morts »Wikipédia. 

Monsieur de la Palice en conviendrait sans conteste : la vie est bien plus forte que la mort ! (à suivre)


lundi 13 mai 2024

Teodor AUBANÈU et sa grenade mûre entr'ouverte...

Pomegranate_flower_and_fruit 2006 public domain AuthorNo machine-readable author provided. Xenon 77 assumed (based on copyright claims).

Théodore Aubanel (1829-1886) né et décédé à Avignon, fut imprimeur et poète d'expression provençale occitane. Majoral, avec Mistral et Roumanille, il est des trois piliers du Félibrige. D'éducation et de tradition catholiques, il reste pourtant un poète de l'amour. En 1860, « La MIOUGRANO ENTRE DUBERTO », la grenade entrouverte, reçoit un accueil chaleureux. S'il y chante son amour pour Zani, sa devise « Quau canto soun mal l'encanto » (Qui chante son mal l'enchante) peut déjà présager d'une suite pathétique. 

Punica_granatum 2008 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Autor Luis Fernandez Garcia

La grenade dans sa perception propre du grenadier. L'arbre, il le voit sauvage, de rocaille, loin des hommes, près de Dieu ; il en décrit la fleur de sang toute d'amour et de soleil, le beau fruit chatoyant aux « mille graines de corail » dans son calice rouge ; une vision certes épicurienne mais faisant long-feu, le motif officiel de sa publication étant la perte de l'amoureuse partie au couvent. Ils n'ont pas su, pas voulu se trouver...  

En partie I « LE LIVRE DE L'AMOUR ». Sauf que le premier poème relatant un amour de troubadour pour la comtesse de Die, prend prétexte de sa piété, de sa prière pour se prolonger par 

« Ah ! si mon cœur avait des ailes, sur tes lèvres pâles.../...te ferait cent baisers et cent caresses...». 

Et elle de lui répondre qu'elle veut se faire nonne. Aubanel n'en finit pas de citer bon nombre de ceux qui virent leur amour déçu, tels Dante ou Mistral. Enfin, bien des poncifs poétiques aussi : violettes, oiseaux, rossignol, hirondelles, feuilles nouvelles, tendre verdure, farandole de jouvencelles et jouvenceaux, ombre fraîche et toujours un renvoi qui se répète 

« O moun cor, perqué sies pas mort ? » O mon cœur pourquoi n'es-tu pas mort ? 

Clara, une autre aussi, en -a, (pardon de n'avoir pas noté) persistent à trop lui rappeler Zani, Jenny de son prénom.  

Teodòr_Aubanèu occitan writer o va dises planatal  the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International, 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Scanné et posté en 2011 par Jfblanc

Aubanel a titré son livre II (1) « ENTRELUSIDO », l'entre-lueur, une éclaircie peut-être. Il y a bien les cocons de soie qu'il faut ébouillanter afin d'en tirer le fil, il y a bien ces tableaux rustiques à la Millet, la fauche du blé, ces scènes de famille, de bébés qui naissent et au sein mais toujours, dans les scènes, de jeunes couples, d'une gémellité rappelant les “ bessouns ”, les naissances jumelles peu rares chez les brebis et plutôt bien reçues dans les familles, y aurait-il une bouche de plus à nourrir. L'approche, néanmoins, en est plus distante, moins tactile. Comme par contrition, Aubanel livre des poèmes sur Jésus, sur la Vierge autrement vierge que les jouvencelles aux joues rosées de son plaisir des yeux et des mots. 

Livre III : « LOU LIBRE DE LA MORT ». L'automne. au milieu des tableaux campagnards, le berger qui rentre ses moutons, les coups de fusil des chasseurs, les paysannes qui tressent l'ail, les pauvres, les petits qui ont faim, la mère qui les pousse à dormir, l'orpheline qui demande l'aumône ; le bébé qui semble sommeiller mais c'est la mort qui lui a fermé les yeux et la mère ne veut pas qu'on lui emporte son enfant... Toussaint. un autre enfant, écolier déjà, content de sa nouvelle blouse noire : il croit que sa mère dort, on lui a dit... Le bourreau sans état d'âme qui doit couper des têtes ; un vieux " serre piastres " refusera-t-il la fille de seize ans que la mère vend pour avoir des sous ? Un chien n'arrête pas de hurler à la mort, « aboiement qui gèle les moelles » ; un poème corrélé au suivant sur le massacre des nouveaux-nés par le roi Hérode... 
 
Pomegranate_(opened) 2020 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Ivar Leidus
    
C'est vrai qu'en occitan, il faut lire et reprendre pour, à chaque passage, glaner quelques grains comme on le fait après avoir, d'une bouchée, happé les rangs rubis d'un quartier de grenade, comme on le fait, à chaque automne qui vient, tant que nous sommes encore là...  

(1) dans la chanson de Noce, répété quinze fois, le refrain est plus long que les deux vers parfois écourtés des couplets.   

vendredi 27 mai 2022

MAYOTTE petite ÎLE, mais Cendrillon en majesté... (1)


16 mai 2022. Que se passe-t-il ce matin ? Pourquoi ce pincement à la gorge ? Entre un coucher banal et un lever spécial, mon être ne le comprend que trop bien. Comme Coco, mon pauvre matou, comprenant tout, qui s'éloignait en miaulant son amertume sinon son chagrin, voyant nos valises, livré à une main nourricière étrangère qu'il ne tolèrera que de loin, je réagis physiquement, en miroir, à un même type de détresse : partir... Partir, c'est mourir un peu a dit le poète ; alors, revenir serait-ce revivre un peu ? L'angoisse de l'abandon me mine ; je suis comme Coco ; lui laissait-elle son poids sa hantise de l'abandon, malgré son bon ronron des retrouvailles, pas rancunier pour un sou ? Et si le "ça me tue" du parler familier n'était pas toujours à prendre au second degré ? Ce stress tue-t-il à petit feu ou rend-il plus fort ?    

A cause de lui, le quotidien se défausse de sa banalité. Je ne m'étais pas aperçu, hier soir, dans l'air plus pur, cristallin, de la saison sèche à nos portes, que la lune en habit de soirée m'avait un instant retenu par la manche, non pour me dire qu'à trois heures et demie, elle s'éclipserait en robe rouge (nuit du 15 au 16 mai 2022), non, la fée des craintes nocturnes apaisées disait simplement qu'avec ou sans moi, elle continuerait à apporter aux Hommes pourtant si oublieux, depuis le tout beau tout nouveau de la fée électricité. Sur une île qui parquait ses gens, par force ou par consentement provoqué (esclavage, travail forcé), c'est plus prégnant que sur le continent d'autant plus que Mayotte semble avoir plongé trop vite, en trente ans à peine, des temps anciens à la modernité la plus crue même si certains voudraient à présent ralentir son erre. 



Alors ce matin m'interpelle de son bon alizé encore frais malgré la latitude ; on n'entend que le vent, coulis dans les fins feuillages d'un bois-noir, balai de percussionniste dans les palmes rêches du cocotier ou baguettes dans les bananiers, entre les feuilles effilées par la dernière dépression et les nouvelles déjà à même hauteur. Et ce bourdon ambiant que pour ne pas m'abaisser à prendre pour un climatiseur d'humanoïde hors sol, j'imagine être celui de la pirogue dans la baie, partant pour des palangres de jour. 

Une éclosion de libellules doit faire la joie des guêpiers qui partent en escadrilles, des petits martinets enroulant leurs spirales. Et cette aigrette trop blanche, avion qui trace son vol rectiligne au-dessus du vallon trop vert alors que l'Europe se désole des sècheresses présentes et à venir. Je ne suis pas un voyageur, seulement un migrateur, un oiseau migrateur. 

Il est mort il y a moins d'un mois, l'acteur du Crabe-Tambour qui me retient ; mais c'est en tant que producteur de documentaires qu'il m'accroche, pour avoir filmé un émouvant "Peuple Migrateur" sur les oiseaux à la vie à la mort, et aussi un "Microcosmos" centré sur un petit peuple d'insectes dans un carré d'herbes, en miroir d'un petit peuple d'humains pathétiques sur une petite île ou sur une Terre qui l'est autant. Jacques Perrin il s'appelle ; je tiens à le nommer au présent.  

Oh ! une musique, la sonnerie d'un téléphone, quelques notes entraînantes avant un "Allo" en réponse. Vous tombent-elles dessus comme ça ou est-ce parce qu'on cherche trop leurs présences troublantes qu'elles convergent ainsi, les coïncidences ? Oui c'est du zouk africain... le Lazaré, je ne me suis jamais résolu à l'écrire avec, à la fin, le "t" d'une maladrerie, d'une léproserie. Une cabane-bambou de pisé au toit de palmes sèches sur une piste de danse dans des couleurs vives mais tamisées. En pleine brousse, sous la lune ou des étoiles plus fortes encore que la pollution lumineuse à venir, des garçons moins timides avec les cannettes de bière qu'avec les filles, trop engagés même mais sans jamais une bagarre, grisés qu'ils étaient aussi de reggae. La danse, pas seulement pour le rapprochement des êtres dans une ambiance propice mais aussi les créateurs locaux tant de la ville que de la brousse (Mobyssa, JR Cudza, Boura Mahia...), la clé aussi vers des horizons et des cultures autres : malgache avec Jaojoby, africaine avec Monique Seka ou Oliver N'goma, le crooner gabonais, une musique qui tangue et oscille comme, de cette liane de ma taille, venue me prendre par la main... (à suivre)