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samedi 18 octobre 2025

Soleil Noir ? 4

C'est vrai, j'avoue passer du coq à l'âne avec cette conversation à bâtons rompus, c'est que ça me pousse, ça pousse en moi, de la graine à la plante, en tout ce que je suis, depuis l'enfance, avec un engrais culturel (prétentieux va !) faisant humus au fil des ans... et nous savons trop bien que notre destin est pareil à celui des plantes... Pardon. 

Comment ne pas croire à cette évasion d'un beau dimanche d'octobre ? Sauf qu'une triste réalité s'est mise à occuper tout l'espace, à instiller, à noircir et mes mots et mon être. 

« ...Comme il disait ces mots,
Du bout de l’horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs... » 
Le Chêne et le Roseau, La Fontaine. (Merci messieurs Rougé, Robert, Carrère, merci l'instituteur, merci l'école... toujours vivantes, les images évoquées...).  

Déguerpir. Un instant m'est alors venue l'illusion que la douceur programmée d'un séjour sous les tropiques y remédierait. Las, dans la seconde, elle a pris le tour d'une fuite vaine, inutile, sans plus de havre où retaper son moral... Pauvre  Mayotte... Ne plus entendre le petit souimanga (sorte de colibri), si petit mais au chant si puissant et joli, certainement anéanti par Chido le terrible cyclone (15 déc. 2024), en plus de la forte pression démographique... et des idéologues entêtés de la politique... et d'Arte...  

« Ma philosophie, c'est le contraire de celle de l'escargot : ne jamais emporter sa demeure avec soi, mais au besoin apprendre à habiter celle des autres qui peuvent aussi habiter la vôtre » Lisières 1999, entretien. (1)

Fuite en avant : souper rituel, puis mécanique du film dimanche au soir. Chaînes plurielles, un grand choix, pas comme avant. Pourquoi pas « Sur les Chemins Noirs ». Dujardin j'aime bien (2), l'idée du chemin pour se perdre, se retrouver, aussi mais aller, de ce fait, à la rencontre des autres. Aussitôt, ce ne peut qu'être l'histoire de Sylvain Tesson, d'accident dû à l'alcool ponctuel ou addictif, à en croire le film. Et puis, bien avant Dujardin-Tesson, le lyrisme positif de Jacques Lacarrière, « Chemin Faisant », des Vosges aux falaises hellènes de Leucate-La Franqui, un de mes livres-guides, jalons de vie. 

Pour finir, comme si Musk n'y suffisait pas, présent par ses bagnoles au cul boudeur... sur la petite route entre l'Aude et Saint-Pierre-la-Mer. Encore un milliardaire voulant dominer la planète, un nommé Ellison, Larry de son prénom, parlant d'intrusion numérique dans la rétine à fin de contrôle sociétal généralisé peut-être plus poussé encore que dans la Chine de Xi Jinping. Classé vieux le type, atteint de jeunisme, et apparemment toujours aussi con. Mais le fils suit, ça promet... Promesse de sombres futurs, d'oppression, de dictature, certainement une Terre à la Mad Max qui nous est promise...  

Serait-ce désastre, l'antithèse d'astre ? Le progrès ne correspondrait-il pas à l'expansion d'une erreur d'autant plus insidieuse qu'elle s'habille aussi d'amélioration ? Et une balade pathétique doit-elle augurer d'un « soleil noir » plus noir que celui d'Hugo ? Brrrr...  

(1) moins discutable que pour dire d'aller jusqu'au bout au prétexte que  l'escargot ne ferait jamais demi-tour...   
(2) de même que sa cérémonie d'ouverture de la Coupe du Monde de Rugby 2023, décriée par une bande de bobos à part, de jamais contents, si France des minorités exclusives, si réussie et appréciée des gens tranquilles ne bannissant pas le passé (le pain oui, le triporteur « petit canaillou » de Darry Cowl 1957, et oui, le cinéma au village...), satisfaits d'être français, d'être ce qu'ils sont.  

PS1 : pour ceux qui aiment, dans ce blog, une bonne dizaine d'articles sur le « ruisseau du Bouquet » et autant sur le Verdouble des Corbières.   

vendredi 17 octobre 2025

Astre et désastre 3.

[...] Et toujours des arbres morts, ici un boutelhetié, là des cognassiers, disparus... finies les gelées d'azeroles et pâtes de coings... Sitôt la côte amorcée bien qu'en travers, très progressive, le corps se refuse à l'effort. En haut la route des Cabanes, les bagnoles, le coup de téléphone. Un pontil de ciment se propose ; renonçant aux principes (portable porté seulement en tant qu'appareil photo, or, hormis celles du voilier, pratiquement pas de photos), je décroche trop tard pour un appel raccroché. Oh ! un épagneul passe le bord de la vigne ; chien de chasse égale chasseur. Ils viennent après, casquettes orange fluo, monsieur, et madame derrière, pour la balade sûrement. Est-ce l'ouverture dans les vignes ? 

Repartir. 

Quel courage serait-on tenté de dire pour l'eau, réconfort vital alors qu'une grave sécheresse nous affecte à présent depuis des années. 

Oh ! hasard heureux, un ruisselet par ces temps de rude sécade. Une source ici ? Miracle ! Qui part vers la pousarenco, le chadouf, le balancier à puiser l'eau de l'oncle Noé (01.10.1901 / 21.03. 1978) ? Souvenir, mirage d'un potager plantureux... 

« Bonjour l'oncle, plus rien pour ton jardin ! tu sais, Claude Nougaro a chanté son Verdouble, je trouvais qu'il poussait un peu son surréalisme « [...] Ô, ô mon eau, ma belle eau, ma bonne eau... », un surréalisme de plus en plus réel de rivières à sec dont notre ruisseau du Bouquet aux eaux claires... quand je pense que même Louis m'a eu dit en avoir bu de cette eau-là... ». Dur, pas facile de mourir à ce passé dans le présent...    

Qui croirait qu'au point le plus bas de cette traverse, si claire après avoir filtré les rajols fous de la garrigue, ce qui rageait lors des orages, l'eau du ruisseau passait par dessus la chaussée ? Et dire qu'il y a des marmites de géants dans la garrigue, comme quoi, il est beau et bon, le surréalisme de Nougaro...   

Côte de La Magnague, l'aimable, l'avenante, la gentille, en français,  en parlant d'une vigne apparemment généreuse. L'astre solaire décline vers le couchant, portant vers une mélancolie bilieuse. La lucidité nous aidera-t-elle à supporter ce qui ressemble de plus en plus à une longue mais certaine agonie de l'anthropocène ? Pauvre nature que nous sacrifions en pillages au profit des plus virulents, ne voulant en rien limiter la possession, milliardaires de leur état desquels ne ruisselle qu'appât du gain, accaparement, spéculation. En deux ou trois centaines d'années, nous avons mis à mal ce que la Terre a mis des millions d'années à transformer, à rassembler. Jaloux des riches ? certainement pas... juste à constater que le système qui les favorise à l'excès amènera à l'extinction de l'espèce... Finalement, tant mieux pour la planète... Mais quelle tristesse pour nos enfants... 

Non loin de l'entrée du village, ce n'est pas le jeune pin, pourtant seul, sans concurrence, qui pourrait rasséréner : brunes les aiguilles, mortes de soif...  

PS1 : la balade date de dimanche, les photos, plus souriantes, avec l'eau qui ruisselle, les oiseaux qui viennent boire, le soleil, d'hier.  
(à suivre)


mercredi 9 avril 2025

BALADE à AUDE (3) Interdit aux moins de 70 ans !

ATTENTION ! article INTERDIT aux moins de 70 ans et même aux âmes sensibles d'âge autorisé... 

« ...Sous ses grelots légers rit et voltige encore,
Tandis que, soulevant les voiles de l'aurore,
Le Printemps inquiet paraît à l'horizon... » 

Indigo-zinzolin ? 

Oui, malingre, chétif mais je ne peux le renier, mon premier de l'année, fin mars. En huit jours, c'est une véritable explosion de coquelicots, d'iris  et la bourrache presque en tapis... 

Des vraies ? 


Comme pour contredire le  « Printemps inquiet » d'Alfred de Musset, les fleurs sauvages ou ensauvagées semblent se rire des bourrasques du Cers, ce jour-là, fortes et pressantes pourtant de plus d'une centaine de kilomètres par heure : l'iris rit de devoir rabattre ses jupons indigo- zinzolins, ceux du petit coquelicot ne s'envolent pas non plus. Sinon, pour résister, faudrait-il être en plastique ? du bout des doigts se confirme que non : ces fleurs n'ont pu qu'échapper à un jardin. 

Descendre le chemin vicinal de la plaine, le long, d'abord, de la Cave de la Communauté... un champ, jadis de melons, m'oblige au souvenir de mon pauvre cousin Jacky (1952-2007). Le fossé change vite de nom, prenant celui du dernier affluent du fleuve, au cours si original depuis la cuvette de l'Étang, en principe fermée et que les hommes ont pourtant réussi à assécher en lui faisant passer les collines. 

Merci l'IGN !


Un peu en amont de ce Ruisseau du Bouquet, à Aigos Claros, le grand-père de Jacky, mon grand-oncle Noé (1901-1978) entretenait un jardin fertile grâce à une posaranca, un balancier pour puiser et remonter l'eau de l'arrosage (« chadouf » en “ français ” !). Jacky, Noé et entre les deux, encore d'un commerce des plus plaisants, le père, Norbert (1924-1989), mon parrain. 

Détournez-vous, vous dans la fleur de la jeunesse, d'un propos qui devrait être interdit, disons, aux moins de 70 ans car après, pour ceux qui vieillissent petit à petit, l'idée de la mort se domestique, bien que couplée à celle de la vie en fleur, à l'image d'un printemps enthousiaste, présomptueux... Pour preuve, au grand soleil, le vélo qui file, vent arrière, bien huilé, sans bruit parasite, même avec l'air, la voix de Brassens (1921-1981) en tête, sur une partie du poème de Lamartine (1790-1869) « Pensée(s) des Morts » (le mot se retrouve aussi au pluriel). Brrr, désolé, décrochez aussi, âmes sensibles de plus de 70 ans ! Pour ma défense, Lamartine a alors 40 ans ; dans sa famille c'est une véritable hécatombe, la tuberculose, le choléra ont frappé. Néanmoins, lui même a commenté : 

« Cela fut écrit à la villa Luchesini, dans la campagne de Lucques, pendant l'automne de 1825 […]

J'écrivis les premières strophes de cette harmonie aux sons de la cornemuse d'un pifferaro aveugle, qui faisait danser une noce de paysans de la plus haute montagne sur un rocher aplani pour battre le blé, derrière la chaumière isolée qu'habitait la fiancée ; elle épousait un cordonnier d'un hameau voisin, dont on apercevait le clocher un peu plus bas, derrière une colline de châtaigniers. C'était la plus belle de ces jeunes filles des Alpes du Midi qui eût jamais ravi mes yeux ; je n'ai retrouvé cette beauté accomplie de jeune fille, à la fois idéale et incarnée, qu'une fois dans la race grecque ionienne, sur la côte de Syrie. Elle m'apporta des raisins, des châtaignes et de l'eau glacée, pour ma part de son bonheur ; je remportai, moi, son image. Encore une fois, qu'y avait-il là de triste et de funèbre ? Eh bien ! la pensée des morts sortit de là... » Source « Pensée des Morts »Wikipédia. 

Monsieur de la Palice en conviendrait sans conteste : la vie est bien plus forte que la mort ! (à suivre)


samedi 31 juillet 2021

HIER, SUR LES CHEMINS DE L'AUDE, A BICYCLETTE (Fleury-d'Aude en Languedoc)

 Hier, 30 juillet 2021, les chemins de l'Aude rappellent encore les parties de pêche avec les copains, à la rivière. 

"Et on ne sait pas le nom de ces arbres altiers qui leur disputent les berges. Dit-on peuplier ? «Arbre blanc» ?"    

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/07/quand-nous-partions-pecher-aude.html

 

"Arbre blanc" ou peuplier noir ? 

"... Plus fort, il brusque les feuilles des arbres blancs et fripon, dévoile la ouate de leurs dessous..."

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/07/quand-nous-partions-pecher-aude.html


«... quand le soleil à l’horizon profilait sur tous les buissons nos silhouettes... » A Bicyclette Yves Montand(1968). 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/07/quand-nous-partions-pecher-aude_34.html

"... nous parlons de canotes pour les sénils des roselières..." 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/07/quand-nous-partions-pecher-aude.html

 

"... Au bout le ruisseau du Bouquet rejoint l'Aude : un joli pont en dos d'âne marque la confluence. L'eau court toujours aussi vite dans sa rigole cimentée. Le courant est tel qu'une écrevisse sans doute attirée par quelque pitance n'arrive pas à s'accrocher vers l'amont... Écrevisse américaine, sûrement, espèce invasive... Ah la mondialisation !..."   

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/07/la-der-des-der-du-ruisseau-du-bouquet.html 

20 jours après, le ruisseau ne coule plus, même le niveau de l'Aude est plus bas.


samedi 25 janvier 2020

LE FLEUVE et LE RUISSEAU / Lettre à un ami / Fleury-d'Aude en Languedoc.

"L’entendez-vous, l’entendez-vous
Le menu flot sur les cailloux ?
Il passe et court et glisse
Et doucement dédie aux branches,
Qui sur son cours se penchent,
Sa chanson lisse..."

Rebonjour l'ami. 
Ah ! tu ne veux pas que je te dise pourquoi je t'ai dédié le début de ce si beau poème ? Tu es pris par tes recherches en généalogie... A chacun ses marottes... A moi les miennes. Alors je te le dis tout de go parce que ça m'est venu comme ça... C'est sûr... je ne suis pas seul dans ma tête... 

D'abord le prénom de l'auteur, Émile, est-ce un hasard m'adressant à toi ? 
Ensuite, en bas de chez toi, parce que tu appartiens à la Pagèze, tu es de ce refuge de paysans, la racine du nom en atteste, et que tu l'as payé de ton sang, encore une fois cette année, les flots grossis et limoneux de l'Aude, petit frère du Rhône et de l'Ebre, excusez du peu, mais rivière de nos cœurs avant tout, tu sais que mon pseudo est "carabène", l'Aude donc, me fait penser à toi, serait-ce a contrario.
Bien sûr que son flux mugissant porteur de bois et de troncs flottés ce n'est pas toi. Et tu es complètement étranger à la violence de ces radeaux poussés qui ondoient de plus en plus fort jusqu'à se briser dans les vagues furieuses de la mer. Même la télé d’État plus que publique l'a montrée hier soir aux infos ! Laisse-moi imaginer que la rivière te souhaite un anniversaire à sa façon : ça gronde ça meugle, ça gueule, ça dégueule, en prime, une masse de déchets sur la plage ! Ce ne peut être toi ! 

            





Alors quoi, pourquoi cette inspiration ? Même s'il faut la prendre de la part d'un cabourd, d'un inoucent ne contrôlant pas ce qui pétille, crépite ou explose même dins lou cap, ça dépend du moment, tu n'es pas de ces braillards qui veulent à tout prix s'imposer à la cantonade. Non, tu es un menu flot glissant sur les herbes et les branches. Aujourd'hui parce que tu fais tes ans, tu es "Le Chant de l'Eau" d’Émile Verhaeren. Tu es ta petite voix qui comme toutes les vies nous dit la vie qui défile. La tienne se décline depuis ton belvédère sur la plaine et les marais, sur la rivière qui part se mêler à la mer. Tu es un pays à moi. Et ta chanson lisse est si précieuse pour un pays qui passe, qui s'efface, trop peu loquace... Chut, que je l'entende sans plus faire un bruit, comme pour un froufrou de mésange, un babil d'hirondelle. Légère, sobre mais si pleine de sève à côté de ce rien mortifère dont le vide galactique porterait l'écho. On dit que l'internet rapproche, que le réseau serait social mais est-ce cela le partage, au mieux juste un dixième de seconde pour un clic, un "j'aime" sec, trop vite dit pour être entier ? Personne, pas un, pas une pour demander la fin du dernier affluent, tu sais, le ruisseau du Bouquet qui rejoint l'Aude en bas du promontoire ultime de la Clape, ce balcon que tu connais trop bien. C'est comme pour la traduction du poudaïré... Vivre à cent à l'heure ce doit être synonyme de "s'en foutre". Et puis est-ce vital de ne pas laisser le passé se mourir ? Maï que tabes m'en fouti puisque j'écris pour me faire du bien et que c'est nécessaire à ma vie. Je n'irai pas plus loin sur ces voies d'un plaisir solitaire que je voudrais solidaire... 


Oui, tu n'es pas l'une, tu es l'autre. Jamais tari, tu es comme le ruisseau du Bouquet. Ne m'oppose pas qu'il n'a plus d'eau parfois si la sécade de l'été se prolonge. On le croirait mais je me suis souvent arrêté sur le dos d'âne du dernier petit pont, en juillet et en août justement, ravi d'un filet d'eau toujours en vie, ne manquant jamais de tirer une petite photo. Comme toi il réapparaît par endroits grâce à quelque résurgence... Parce que l'eau de nos collines ne manque pas, parce qu'il cache un secret qui aurait même plu à Pagnol, notre dernier affluent. Un secret, que dis-je, des secrets, mais finalement je sais garder ma langue aussi, alors je me le garde aussi le dernier épisode... Des secrets comme dans le poème d’Émile Verhaeren riche d'une suite trop longue... ce qui arrangeait nos maîtres. A l'époque, la présence de Mélusine était trop belle pour être expliquée. Mais l'évocation nourrit l'imaginaire et cela n'a rien de frustrant de n'avoir rien su, alors, du mystère. Il faut un temps pour tout.
En attendant je sais que ton petit filet de voix vient de temps à autre embellir et mes écrits et mes pensées, renforçant le lien bienveillant et amical, un fil vrai d'une toile géante mais peu consistante, qui se dérobe, fuyante,  ... 
Ne m'en veux pas si je me trouve en te cherchant... ou si je me cherche en te trouvant... 
Bon anniversaire l'ami ! Bon anniversaire Émilien !    


samedi 21 septembre 2019

LA POUSARANCO DE L'ONCLE NOÉ / Les vendanges 1939 à Fleury.

Jeudi 21 septembre 1939. Nous vendangeons aujourd’hui pour l’oncle.
Comportes remplies : 62 à 7 degrés 2. Nous sommes à Aigos Claros. 


Dernier ressaut du ruisseau du Bouquet (1) : Aigos Claros, encore un tènement au nom limpide et qui nous emballe plus particulièrement parce que notre inimitable oncle Noé y entretenait un jardin des délices. Et pour les mille et un légumes du potager, l’oncle puisait l’eau avec une pousalanco (ou pousaranco ?) fièrement pointée vers le ciel quand elle ne prélevait pas l’eau dans une conque aménagée, certainement un pousadou (2) ! Ah qu’elle était jolie la noble conquête de l’oncle Noé ! D’où en avait-il eu l’idée ? La pouzalanco ? un balancier à puiser l’eau, le chadouf fameux de Mésopotamie ou d’Égypte. 

Chadouf_familial_en_Egypte Creative Commons Attribution Auteur Le plombier du désert. C'est vrai que l'image s'accorde autant que la felouque avec le fellah mais il suffit de se replonger dans l'Histoire et les souvenirs de Fleury pour retrouver la pousaranco de l'oncle Noé.
En été, les melons venaient bien au jardin d’Aigos Claros, du temps où comme pour les hommes, enfin, à en croire les femmes, il fallait en goûter dix pour en trouver un de bon ! En attendant, c’est du propre ces propos de dévergondées puisque souvent le premier amoureux était celui d’une vie... Au service militaire, l’oncle Noé écrivait à tante tous les jours et même dans l’âge, ils formaient un couple aussi soudé qu’attendrissant... Ah ! tante Céline qui donc testait les melons avec une comporte à côté... de quoi cumuler une cinquantaine de kilos ! Toujours gaie, elle sondait et goûtait en effet chacun d’eux pour n‘en garder qu‘une paire, le reste, la comporte, allant directement aux poules. Le temps n’était pas encore celui des melons toujours bons, c’était avant ceux de Canguilhem à Coursan qui ont fait la réputation du marché de Saint-Pierre... Et à parler de légumes, un maraîcher pays continue d’y faire pousser sa production puisque le jardin de Galabru père n’est pas loin en regardant vers la Glacière... 

La plaine de l'Aude à Fleury en regardant vers les collines de Nissan-lez-Ensérune.
 Aigos Claros est-ce entre les côteaux et la plaine ? A l’occasion de la récolte 1939, soit 62 comportes d’un faible degré, on est tenté de dire „la plaine“ où la quantité équilibrait la qualité moins productive des côteaux.  

(1)   Oui... je sais, certains n’osent pas me reprocher de n’avoir pas publié le dernier volet à propos du ruisseau du Bouquet... Quelle importance...
(2)   Pousa d’aigo en occitan c’est puiser de l’eau. 

Et le chadouf de Léonard de Vinci au Clos Lucé ?  commons wikimedia Author Duch

samedi 4 mai 2019

LIBRE, LIBRE COMME AVANT... / LE DERNIER AFFLUENT (10ème partie) / Fleury d'Aude en Languedoc.



La départementale 618 pour Lespignan passe le Bouquet sur le pont de la Moulino, appelé ainsi (francisé en „Mouline“) peut-être pour indiquer qu’il y avait un moulinot, un petit moulin (?). Monsieur Robert y avait une petite vigne... je l’ai vendangée en tant qu’homme, comme charrieur, à 18-19 ans, j’en bombe encore le torse ! 




Au creux d’un doux vallonnement, entre Carabot et la Magnague, en bas de Saint-Giniès (1), le ruisseau du Bouquet, ponctué de bouquets de carabènes et d’arbres bienheureux de pousser sur ses bords, se retrouvait parfois caché par des ronciers épais quand on ne le voyait plus lambiner en petites courbes charmantes. L’une tranchait dans un limon blond donnant des aramons aux grains plus gros que des cerises. Une autre affouillait dans les racines d‘un gros tronc. Une troisième dévoilait une terrasse fertile mise à profit pour un petit jardin de quelques légumes. En hiver on trouvait des blèdes, des épinards sauvages sur ses bords... 


La carte IGN de 2015 indique deux sources captées entre le pont de la Moulino et l’ultime rupture de pente avant la plaine. Avant celle-ci, au fond, le promeneur comme le fil de l’eau longent de nombreuses vignes sans jamais ressentir l’impression d’outrepasser la propriété d’autrui... Un naturel plus très évident de nos jours chez les gens mais qui donc, aujourd’hui, avec tous les poisons déversés, a envie de courir la campagne pour de petits profits rustiques qui faisaient avat tout plaisir ?

Le Bouquet, lui, manière de faire un pied de nez aux hommes qui l’ignorent, le Bouquet passe à gué la traverse entre Notre-Dame et la route des Cabanes. J’avais des photos d’il y a quelques années avec des friches en lieu et place des vignes arrachées, des caniès, des cannaies épaisses et l’eau passant sur la route pour continuer son cours. Comment on dit ? à gué c’est un passage de la route sur l’eau, là où c’est peu profond et là c’est un passage de l‘eau sur la route. En créole, à La Réunion ils disent „radié“ sauf que le terme là-bas francisé „radier“ n’a plus ce sens en métropole même quand il désigne un rapide souvent sur un lit de cailloux. Ici l’eau court et fredonne sur le goudron avant de goualer dans une cascatelle liliputienne qui érode, si on laisse faire, l’empierrage de la chaussée... Petit ruisseau, beaux dégâts, beau pied-de-nez de l’eau du Bouquet qui travaille jour et nuit depuis des lustres...

Dernier ressaut, Aigos Claros, encore un tènement au nom limpide et qui nous emballe plus particulièrement parce que notre inimitable oncle Noé y entretenait un jardin des délices. Et pour les mille et un légumes du potager, l’oncle puisait l’eau avec une pousalanco (ou pousaranco ?) fièrement pointée vers le ciel quand elle ne prélevait pas l’eau dans une conque aménagée ! Ah qu’elle était jolie la noble conquête de l’oncle Noé ! D’où en avait-il eu l’idée ? La pouzalanco ? un balancier à puiser l’eau, le chadouf fameux de Mésopotamie ou d’Égypte. En été, les melons venaient bien au jardin d’Aigos Claros, du temps où comme pour les hommes, enfin, à en croire les femmes, il fallait en goûter dix pour en trouver un de bon ! En attendant, c’est du propre ces propos de dévergondées puisque souvent le premier amoureux était celui d’une vie... Au service militaire, l’oncle Noé écrivait à tante tous les jours et même dans l’âge, ils formaient un couple aussi soudé qu’attendrissant... Ah ! tante Céline qui donc testait les melons avec une comporte à côté... de quoi cumuler une cinquantaine de kilos ! Toujours gaie, elle sondait et goûtait en effet chacun d’eux pour n‘en garder qu‘une paire, le reste, la comporte, allant directement aux poules. Le temps n’était pas encore celui des melons toujours bons, c’était avant ceux de Canguilhem à Coursan qui ont fait la réputation du marché de Saint-Pierre... Si tu nous lis, Jean-Claude, je te salue... 

De gauche à droite : Ernestine, Jean, Céline et Noé.
 Désormais dans la plaine, le Ruisseau du Bouquet entame la dernière partie de son cours microcosmique, notre dernier épisode à suivre, je pense...   

(1) Carabot ? un rapport avec ces gerbes laissées au soleil, empilées le soir pour être battues le lendemain, bien que plutôt dans le Dauphiné ? (F. Mistral /Trésor dou Felibrige).
La Magnague... „Maniago“ étant la mignonne, la bien aimée... en parlant d’une vigne, sur la route des Cabanes, notre maniago, avec les grappes opulentes de la plaine, les sucres et le degré du coteau.
Géniès, ce saint obscur peut-être de Lyon „Genès“ ou encore orthographié „Genest“...
Ah tous ces noms de lieux, déjà attestés pour la plupart en 1495, balises du spatio-temporel, déformés, transformés, évanouis mais qui resuscitent en dépit des siècles écoulés depuis les Ligures, les Ibères, les celtes, les Grecs, les Romains, les Occitans, les Francs... Indices obligés des nouvelles, des ragots du jour, mais empreints de poésie, gourmands en bouche, appellations de terroirs, de coins, de points précis, d’histoires, de mémoire du pays, de visages qui passent... Ce rapiéçage de parages, de voisinages, qui racontaient une tranche de temps passé, limpide pour les riverains, déjà diaphane pour les autres villageois, opaque pour les pièces rapportées, carrément hermétique pour les estrangès et que la vie moderne, de toute façon, efface inéluctablement...