Il n'a fait qu'une averse orageuse deux jours avant et le ruisseau est bien vivant de son eau qui court. Mon intrusion a provoqué le plouf d'une grenouille ici, d'une autre plus loin. Verte ? Rousse ? comment savoir puisqu'elles semblent plus farouches et ne tiennent pas à laisser dépasser le comique de leur museau flanqué de deux gros yeux. Verte ou rousse... sans jouer à l'écolo primaire, on devait en entendre le concert jadis, à la grande satisfaction de la couleuvre à collier que cette fois je ne verrai pas. Mais des chasseurs d'Afrique patrouillent dans le coin ; entre les cimes, deux rapaces chassent comme s'ils flânaient, presque en feuille morte, et un rossignol offre alentour un récital de soliste quand on se souvient avec nostalgie de tout un orchestre.
Celui qu'on ne repère pas de prime abord tant il veut se fondre dans le paysage est un arbre pourtant remarquable. Dans le rideau de verdure, ils ne tient pas à se hausser du col, le frêne. D'ailleurs il forme des taillis serrés le long desquels se camouflent les reproducteurs. Est-ce pour cela que dans nos années de dénicheur (la pie était alors classée nuisible) jamais nous n'avons maraudé de ce côté ? Pour autant il porte beau cet arbre, au port boulé tel un spécimen isolé, à l'image de celui que dessine un enfant, bien vert et marron ! Et je pense à ces fourches toutes en bois blond, formées à partir de taillis cultivés... (dans le Gard avec du micocoulier).
Fraxinus angustifolia, le frêne méditerranéen : une fiche le dit envahissant, une autre, au contraire, plus rare qu'il n'y parait. Son bois est assez côté... mais c'est accessoire avec la vie moderne que nous menons ! Indépendamment de cette vision intéressée puisque 40 % des espèces d'arbres risquent le disparition (les ormes en ont déjà payé le prix fort), des infos alarmantes font état de menaces sérieuses.
La chalarose est un champignon d'origine asiatique plus qu'inquiétant :
« La rapidité de progression de la maladie et son mode de dispersion ne permettent pas d’envisager des mesures d’éradication » Morgane Goudet – Dominique Piou (2012) La Chalarose du Frêne : que sait-on ?
De même, l'agrile du frêne, un coléoptère d'Asie a déjà dévasté l'Amérique du Nord. En 2003, on le trouve du côté de Moscou et il a progressé depuis de près de 200 kilomètres vers l'ouest. Bravo la mondialisation ! Plutôt retenir que le frêne peut aider contre l'impuissance...
En reprenant le chemin vicinal trop fréquenté par ceux qui veulent couper court en direction des Cabanes-de-Fleury, les prés à chevaux clôturés, plus verts, où le foin peut croître, les bouquets de tamaris, les nichoirs aménagés, toute cette séduction champêtre permet de laisser de côté les sourdes inquiétudes.
Le rebord de la Clape aboutit ici. La carte IGN indique "Les Caudiès", des sources chaudes comme leur appellation le laisserait penser, qui fument en hiver et ne gèlent pas, plus tempérées, pour le moins, que les eaux de surface, Au bout le ruisseau du Bouquet rejoint l'Aude : un joli pont en dos d'âne marque la confluence. L'eau court toujours aussi vite dans sa rigole cimentée. Le courant est tel qu'une écrevisse sans doute attirée par quelque pitance n'arrive pas à s'accrocher vers l'amont... Écrevisse américaine, sûrement, espèce invasive... Ah la mondialisation !
C'était ma dernière sur le dernier affluent, enfin me concernant... mais on dit que
les écrits restent... Permettez, en attendant, avec les soupirs des
sources qui se marient au Bouquet, que ce qui reste de l'émergé de mes
pensées retrouve l'épais mystère ténébreux du ventre karstique de la
Clape...Un secret à ne pas trop divulguer...
Le dernier fabricant de fourches en bois - Bing video
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