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jeudi 4 janvier 2024

IL Y A DES JOURS COMME ÇA...

Petite chronique superfétatoire : 

Pézenas, porte Faugères, 2015. 

J'étais sur la route de Madison, quand une Cadillac de police est passée sur le pont, j'ai cru voir un chien au regard fou à la place du mort, Eddy Mitchell derrière... Alors, sur l'atlas, comment, par où aller à Memphis (oh ! 1000 km... c'est vrai que c'est un pays continent). Et de Memphis à Pézenas, il n'y a qu'un pas puisque Eddy, Johnny, Sylvie, pour ne citer qu'eux, je les avais en haut du Cours Jean Jaurès, face à la Porte Faugères et les mystères du quartier juif derrière... 

Eddy_Mitchell_avp Salaud on t'aime 2014 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Georges Biard

1962, je n'avais pas douze ans et le juke-box d'un des deux cafés donnait dehors aux beaux jours. Je ne voulais pas trop fouiller mon passé mais c'est lui qui m'a interpellé « Oh Daniela, la vie n'est qu'un jeu pour toi... » J'en suis resté sonné : comment avais-je pu l'oublier cette chanson ? Ne l'avais-je plus entendue par la suite ? Et elle me revenait, limpide, pas abîmée par les ans... je bois un verre, enfin un demi puisque coupé d'eau. Il y a des jours comme ça où l'esprit regarde de haut l'enveloppe corporelle, en bas, afin qu'on se demande quelle place on prenait, quelle place on prend encore tant que la vie y est. 

Distribution de bouteilles, 11 décembre 2023, Sada Mayotte. 

Alors, malgré l'eau rationnée, je surmonte l'œuf pourri (et cher) du marchand malhonnête, le citron qui manque pour éviter que les pommes du strudel ne noircissent, le jour se doit d'être comme ça, un jour qui cuisine, qui veut donner et recevoir l'amour, un jour qui a réveillé le corps encore allant, laissant l'esprit libre de divaguer même s'il se fait tard pour manger. L'heure espagnole, je bois un verre, enfin un demi puisque coupé d'eau. L'oignon posé cru sur la pizza est agréable, le strudel, lui, peut cuire tranquille. Farine sur le plan de travail, vaisselle qui s'entasse dans l'évier : tant pis, un verre encore, enfin un demi puisque coupé d'eau. Pas d'eau au robinet : ils nous la coupent deux jours sur trois ; une fois par semaine, ils en distribuent, rationnée, en bouteilles (ne peuvent servir tout le monde pour cause de rupture de stock) ; en question, la sécheresse, trop d'immigrés statistiquement invisibles, le sadisme étatique contre une île qui a voulu rester française. Autant rester sur son nuage. En société comme en famille, faut garder au moins les apparences : vaisselle, plan de travail, même le dessus du congélo enfariné... Puis faut manger aussi, que l'alcool ne prenne pas le dessus : le bout du strudel pincé, resserré sinon le sirop de pommes fuiterait. Vapeurs agréables malgré la chaleur moite, mirage d'un bien-être trop bon pour être vrai. Le bout, souvent sec, pourtant moelleux à souhait, parfumé, sans rien de l'œuf pourri aussitôt jeté dans le jardin, sans trancher encore dans les pommes au sucre, aux raisins, à l'amande (dommage pour le citron). L'ordi fermé avec l'empathie de tous, un semblant de chaleur alors que le compteur 2024 va tourner dans quelques heures. Ou alors, tous ces demi-verres qui s'ajoutent... Ouvrir la télé, calmer le jeu, ne plus téter... heureusement que ce rouge d'Espagne est de qualité. Mais pourquoi le vin français ne s'est-il jamais aligné, pas plus il y a trente ans qu'aujourd'hui ? 

En 1994, les 300 bouteilles du conteneur (du Vires dans la Clape... la coopé du village n'ayant pas daigné un moindre geste commercial), m'avaient fait honneur quatre ans durant. Le bourgogne trop fort alors, il y avait bien du Bordeaux mais velléitaire, valétudinaire, manière de ne pas dire cacochyme, tenant six mois à peine alors qu'à table pour l'ordinaire, nous avions du Rioja pas encore au prix de sa grande qualité. Le compteur tourne mais cela n'empêche pas de remonter le temps. Digressions, je brode, il y a des jours comme ça, tous ces verres aussi, même à moitié ! 

Jacob_DESVARIEUX concert de Béziers 2012 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Geehair

Ouf... la télé, faut souffler, se calmer, zapper afin que rien n'accroche... Jean-Louis Trintignant, sa fille Marie, un Cantat chanteur, meurtrier avant tout (1), Drucker, 81 ans mais qui ne voudrait plus prendre sa retraite. Moi je voudrais une récréation, tout aussi bien un siesto-roupillon bercé par la télé or le présentateur intemporel (il s'est fait tirer la peau non ?) accueille Kassav, enfin, deux membres historiques du groupe antillais des années 80. Ils évoquent Jacob, le guitariste à la voix roque si envoûtante, de santé fragile, mort du covid à 65 ans malgré le vaccin... Et Jocelyne Béroard qui raconte que leur succès les a fait accepter en êtres humains et non plus seulement en tant que Noirs... Comme si un racisme foncier, une différenciation raciale, prévalait sur l'analogie entre tous. Ça interpelle, ça choque, ça donne à réfléchir, à méditer. Il est vrai qu'en partant du principe que tout ce qui se rassemble s'assemble, par déduction, tout ce qui sort de l'homogénéité, la différence, lorsqu'elle est minoritaire, s'en retrouve discriminé... Juifs, Gitans, Noirs, Blancs, Jaunes, Rouges, Métis, Rouquins, Albinos... par contre s'agissant de l'accouplement, le plaisir de la chair se partageant mieux, il n'y aurait pas de problème. Non, loin de moi ces déficients de la perception : à Victor Hugo, au collège de Narbonne, je me souviens d'un élève africain noir. Bien sûr son exotisme a attiré notre curiosité ; mais il ne se livrait pas, éludant nos demandes, nous l'avons laissé à sa réserve... Soixante ans plus tard, je me dis que sa prudence découlait de la méchanceté, du racisme qu'il avait dû subir. Kamara il s'appelait. (à suivre)  

(1) ça m'a dégoûté d'aller lire sur ce mec et tous ceux qui ont quand même écrit encore ou joué pour lui, avec lui... dans cet ordre d'idée, j'ai toujours boycotté L.F. Destouches, je prenais toujours des pincettes avec Giono qui préférait être allemand et vivant que français et mort... sauf que c'est pour avoir connu l'horreur de 14-18 ! et je me prive de relire " L'Île de la Déesse ", un de mes bouquins préférés parce que Georges Blond était collabo... Alors, ceux qui allaient aux concerts de Cantat, ceux qui gardent Destouches, ce salop antisémite, raciste, au pinacle, ne sont pas fréquentables serait-ce par procuration... Quant à Depardieu, attendons ce que la justice peut sanctionner, attendons la suite...  

samedi 18 novembre 2023

L'ÉTANG JADIS photos

 

2023 : le bois de pins dominant l'ancien terrain de rugby et l'étang a bien triplé sa surface... 



2023 : en bas du bois de pins, l'ancien terrain de rugby puis camping, l'étang derrière, la Cresse au fond. 


jeudi 30 mars 2023

ES SO QUE VEI DE SOUN OUSTAL

 Un vers des douze strophes du « Doublidaire » de Jean Camp, écrivain et poète sallois, tant en français qu’en occitan. A côté de celui qui est monté à Paris en se disant qu’il reviendrait à la retraite, d’un autre qui compense en rejoignant une communauté (Auvergnats, Corses, Bretons, Alsaciens, Savoyards, Franc-comtois, Basques, Ariégeois, Languedociens... ) en important ses traditions (fêtes, accent, langue, cuisine), le doublidaire, celui qui oublie, a rejoint la capitale en homme neuf voulant repartir de zéro. Un seul but : réussir. Dans son poème, plutôt que de le culpabiliser en vain, Jean Camp dresse un constat. Pour lui, le migrant lambda a d’abord cette caractéristique de fuir la difficulté « trapo la terro trop basso », il trouve la terre trop basse et se tourne vers Paris. Là il se fait passer pour l’homme qu’il faut être : superficiel, parlant pointu, portant des gants, prenant pour femme une mince qui se maquille, à l’opposé d’une de la campagne. 

" Il pensait à la soeur d'Éliacin, aussi forte qu'une jument, et capable de donner des enfants puissants.../... ne te laisse pas escagasser par une jolie figure. Ce qu'il nous faut, c'est des hanches larges, des jambes longues, et de beaux gros tétés... " Le Papet / Manon des Sources, Marcel Pagnol, 1963. 

 S’ils ont un enfant, il ne sera que de la ville, complètement étranger à une vie de village au rythme des saisons, fondée sur ce que la terre produit, proche de la nature ; plus rien ne le rattache ; les nœuds sont coupés ; les paysages, la culture occultés : la Clape, l’Alaric, il ne peut savoir de quoi il s’agit ; il vit en parisien : le métro, le théâtre, il connaît ; les noms de Mir, de Mistral lui restent inconnus mais Montmartre « es so que vei de soun oustal », c’est ce qu’il voit de sa maison. « L’oustal », un seul mot de la part de Camp dont les parents font partie de ceux qui ont quitté le pays en emportant ou non, la terre du pays à la semelle des souliers. 



jeudi 23 février 2023

LE PEÏRAL DE JACQUES.

 Après s’être bouché le nez, pour passer les cabinets, à moins que ce soit pressant... Et puis les locaux préfèrent fumer naturellement les vignes... Passez donc le chemin des Cayrols, en principe, des « hauteurs rocheuses », mais je n’en connais qu’une dans ce coin, celle du peïral, de la carrière de Jacques... Alors, ce pluriel ? Avec le cabinet, à une certaine heure, c’est aussi la limite entre la zone éclairée et l’obscurité de la nuit.

 
Vue aérienne de ce coin de Fleury en1950. Merci Geoportail ! 

Cette fois, nous sommes cinq, Jo, José, Joseph dit « Mazo », Gérard et même moi, à traîner sous la dernière ampoule de l’éclairage public.

C’est un soir de janvier avec la nuit qui tombe tôt. Nous ne sommes plus des gosses mais il nous reste de l’enfance cette crédulité craintive sur le monde de la nuit. L’histoire de la bande qui a osé, dans le noir, entrer dans le cimetière nous impressionne et plus même, concernant celui dont la manche a été retenue et qui a crié à la mort entraînant dans la seconde la troupe des courageux dans une fuite éperdue. Ce n’est qu’une fois dehors, la panique passée, que l’un d’eux a dit avoir entendu un pot qui se cassait, et que ce ne pouvait être qu’à cause d’une tige sèche ou du bâton-tuteur... Les morts-vivants, les vampires, sans se l’avouer, il y a beaucoup en nous de cette pétoche et ceux qui ont lu, qui ont vu des films ou à qui on a dit, se font un plaisir de faire encore plus peur aux autres.     

Aussi, un soir d'hiver, parce que la nuit tombe tôt, nous sommes encore à traîner sous la dernière ampoule de l'éclairage public, aux marges d'un monde obscur et inquiétant, à la frontière des cabinets publics de la route de Baureno. Les cabinets ! dernier symbole humaniste, civilisationnel ! aux marges des mondes barbares ! 

En fin d'après-midi, l'un de nous a eu l'idée de faire laisser deux mouchoirs sous un pin, en bas du peïral de Jacques. Le défi consiste donc à partir dans le noir récupérer son bien. Bien entendu, le malin qui a eu l'idée a pris soin de ne pas laisser le sien de moucadou et comme par hasard, je me suis fait embobiner, étant le second compétiteur.

Le premier, Jo ou Mazo, je ne me souviens plus, le second plutôt, Jo, champion de course à pied s’en retrouve disqualifié, ainsi, une confrontation à force égale étant plus intéressante. C’est Mazo, Joseph, qui est parti quand les autres ont jugé qu'il faisait bien sombre. Longtemps nous l'avons entendu courir sur le chemin empierré. Ensuite le silence, l'attente, soucieuse, un peu lourde. Des hiboux se répondent au loin, ce qui n'est pas pour nous rassurer, surtout que je dois prendre le relais. S'il n'y avait mon mouchoir abandonné sous l'arbre… Le doigt en l'air, on tend l'oreille... Enfin le bruit des semelles tapant plus fort le sol lors des dernières foulées. Une forme sort de la nuit : c'est lui pour un sprint final laborieux. Mazo, premier messager, récupère, tête baissée, se soutenant des bras sur les genoux, hors d'haleine, comme pour annoncer, entre deux expirations, la victoire de Marathon !

Top chrono ! à moi de partir dans la nuit : d'abord le chemin de Bauréno, entre les vignes, loin mais pas tellement, du cimetière ; ensuite, à gauche, celui des Cayrols encaissé, bordé d’amandiers, d’azeroliers (un coin à asperges), qui tranche à présent le plateau de vignes ; on y voit moins clair ; enfin le sentier, creux, plus étroit, montant vers la carrière, frayant le passage dans les ronciers. Mon trois-quarts accroche, tant pis, je passe en force. 
Des étoiles mais la lune à peine, pas le noir complet mais presque. Heureusement, avant de déboucher, le chemin s'ouvre. Là seulement, en progressant pas à pas sur un secteur encombré de blocs, et pour récupérer, j'avoue que je me suis mis à parler fort puis à chanter. Surtout qu'en bas de la falaise sombre du peïral, la masse plus obscure de l'arbre aux mouchoirs, un pin pignon encore jeune, ramassé. L'endroit est plus dégagé alors le pin se transforme d'un coup en bison prêt à charger ! 
Du sabot, il va gratter le sol et foncer, naseau écumant. Vite, le mouchoir, clair dans l'ombre sur les aiguilles sombres. Une fauche peu digne de Kit Carson, le tueur de Navajos (qu’on prenait alors pour un héros) et je dévale déjà vers le village, volant par-dessus les pierres pour échapper au Minotaure qui me poursuit. L'écho du peïral, l'appel lointain et régulier des tchots, des petits-ducs en mal d'amour réconforte. La lune est toute fine ; les étoiles aident bien ; dans cette lueur incertaine, en descente, la foulée s'allonge, au petit bonheur la chance ! Pas de galop derrière ! La petite vigne au cabanon, de Marius je crois, est vite passée, plus claire que la garouille autour, si bienveillante avec ses lilas, ses petites roses blanches par centaines, sur le mur, en arceau au-dessus de la porte, mais en mai seulement. 

Au bout, la première ampoule du village, faiblarde mais si rassurante et qui vite devient le projecteur pour le vainqueur, les cabinets le podium pour la réception, la médaille, les fleurs. En bas, au premier rang de la foule enthousiaste, les copains. Tous vont réclamer, il faudra que je raconte, le cimetière, les ronces, le bison, l'écho du peïral, le Minotaure, les rapaces nocturnes, Kit Carson, le repaire de brigands...

Et c'est un sprint de dératé comme si après la frousse aux trousses, la gloire n’était que pour moi… Oh ! plus personne sous l'ampoule des cabinets. Pas de chronométreur... pas la peine de lever les bras, les copains m’ont laissé tomber... Ils ont tout combiné... Avec Mazo dans la combine ? Pas sûr, c'est toujours d'instinct qu'ils ne pensent pas à mal. Un bizutage toujours dans les mœurs comme quand la meute me poursuit. «  Acculez le singe ! » leur cri de guerre. Mais je fais toujours face, moulinant des bras, habitué à leurs bourrades de rustres, seulement inquiet de l'habit déchiré, des boutons qui vont sauter... je suis habitué à leurs farces de rustres. N’est-ce pas José qui m’a cassé une pointe de couteau dans l’antivol intégré du vélo ? Mais le beau porte-clé bleu, de résine transparente, d’une marque de frigo, c’était lui aussi... Alors les petites contrariétés, on en rit, j’en souris à présent, je n'ai pas retenu l'esprit malin qui a eu l'idée des mouchoirs, le même peut-être qui a dit « On fout le camp ! », il m'a fait un souvenir, secret, moins difficile à dire par écrit, formateur, assurément... Eux et tous les autres sont la vie et je tiens tant à eux... c'est qu’ils sont dans la mienne, de vie... Ils sont ma vie, ce n'est pas plus compliqué que ça... 

Diapositive François Dedieu septembre 1963. 


lundi 4 avril 2022

Chemin d'école (9) vignes & vins, domaines & châteaux.

"... Je pressai d'autant plus le pas qu'au-dessus d'une légère montée, sur le bistre de la sécade, le jaune des fenouils et le vert des pampres, se dessinaient les contours un peu à contre-jour, du gîte où la pelote familiale s'était jadis emmêlée en une perruque inextricable afin de mieux résister au stress de l'exil..." 

C'est la vision avec laquelle je vous ai laissés, l'autre jour, pour clore le 8ème volet. Depuis, si le paragraphe perdu sur mon grand-père reste toujours à écrire, avant l'approche sensible de cette métairie, de cette borio,  quelques mots sur la campagne des Karantes (1), d'un abord plutôt accueillant. 

Les pages qui font la promotion des vins ont quand même le mérite, en présentant et le site et les circonstances, d'élargir le propos, ce qui peut donner le plaisir de grappiller quelques grains de connaissance. 

Ici, grâce au relief relatif de la Clape, les vignes dominent la mer. Façon de parler, puisque, pour prospérer, les vignes ont besoin du fond des combes où l'eau s'est infiltrée amenant avec elle nombre d'éléments nutritifs tirés de la désagrégation chimique du minéral. A propos de sa culture en Languedoc, un raccourci partial citait avant tout les Romains alors que les Grecs les avaient précédés. C'était aussi sans compter, toujours plus loin dans le temps, sur les Phéniciens, thèse adoptée par les auteurs chargés de présenter le château des Karantes, avançant même une date, à savoir vingt-trois siècles avant nous. Et si c'étaient les Étrusques, d'après les résultats des analyses biomoléculaires sur des amphores d'Étrurie, aux abords de Lattes dans l'Hérault ? Fermons la parenthèse.  https://www.larvf.com/,les-etrusques-ont-introduit-la-viticulture-en-france-au-ve-siecle-avant-j-c,2001118,4300502.asp 

 La page internet nous apprend aussi l'origine du nom "Karantes"; on le devrait aux Élisyques, ces tribus ibériques perméables aux brassages réguliers (Ibères, Grecs, Celtes... et tous ceux qui n'ont fait que passer), liés à la civilisation des oppida : oppidum de la Moulinasse à Salles-d'Aude, oppidum d'Ensérune à Nissan pour ne citer que ceux à proximité immédiate. Le terme "karants" en celte se traduit par "ami". 

Un dernier mot sur le vignoble avec l'évocation du Carignan, un cépage ancien me tenant à cœur puisqu'à Fleury il était le roi des coteaux tandis que le plantureux Aramon bedonnait dans la plaine. A l'approche de la Pierre, c'est vrai que de vieilles souches bien chenues, me rappelant trop bien le lien intime entre le village et la vigne au fil des saisons, mon grand-père Jean, mon oncle Jojo, n'avaient pas manqué de m'attendrir. Les renseignements sur le domaine nous disent que ces ceps datent de 1928 ! 

Les vins d'aujourd'hui sont bien sûr, autrement élaborés qu'à l'époque : cela ne peut qu'être lié à l'évolution de sa consommation, le breuvage passant de l'assignation de remontant nutritif au statut de boisson plaisir (vers 1875, la production était deux fois plus importante qu'aujourd'hui !). D'où cette tendance intéressée à nommer les domaines "châteaux" alors que nous disions simplement "campagnes". Sur le chemin d'école de mon grand-père Jean, pour preuve que nos vieilles terres à vignes sont porteuses de qualité, alors que, pour raisons politiques, le vin du Languedoc n'a souvent subi, par le passé, que mépris dans la bouche des politicards, (n'oublions jamais les propos haineux du ministre de l'agriculture Christian Bonnet "Si ceux qui produisent de la bibine doivent crever, qu'ils crèvent !", le 24 décembre 1976, en guise de vœux de Noël !), les nouveaux propriétaires ont investi dans les domaines : des Suisses, des Anglais, des mercantis de la grande distribution et ici, aux Karantes, un copropriétaire Etatsunien.  

On vante la qualité, le terroir, les assemblages, le marchandisage fait l'objet d'un soin particulier. Certes on vend au domaine mais surtout on expédie, on exporte... en Russie notamment... du moins en temps de paix... Ce n'est plus le vin des mineurs, des maçons, des Chtis, des sidérurgistes, des Bretons d'avant au pays de Bonnet Christian... 

Et quand on est d'ici, comment ne pas penser et soutenir les viticulteurs du village ? S'ils sont comme tout le présent, poussés et portés par le temps qui passe et qui a persisté, en moins d'un siècle, par de bonnes ou mauvaises mutations, à chambarder les méthodes quitte à vouloir prendre le dessus sur la loi naturelle, force est de constater qu'il faut rentrer dans le rang. A nous, aussi raisonnables qu'eux pour une culture raisonnée, de les accompagner... Avec les vignes en héritage, ils perpétuent une histoire d'au moins deux millénaires, une histoire qui se poursuivrait même à la marge, s'il fallait se remettre au blé (2). 

Ah qu'il était bon de solder l'été avec les vendanges et les trois litres de vin quotidiens (3) auxquels une journée d'homme donnait droit ! Banale nostalgie d'une jeunesse fringante loin derrière et pourtant seulement d'hier...  

(1) le nom du village de Quarante, pas loin d'en l'Hérault, à côté de Cruzy, viendrait de quarante martyrs. 

(2) En 1952, la vigne de Perrucho, entre les faubourgs et la garrigue de Caboujolette, aujourd'hui avec les tennis et le lotissement, était un grand champ de blé plus haut que moi, et avec des coquelicots, des bleuets... 

"Il n'y a pas de pays en France qui puisse être comparé pour l'abondance de ses récoltes en grains à la fertilité de la plaine de Coursan..." 1788, Balainvilliers "Mémoires d'un intendant du Languedoc" in "Canton de Coursan" Francis Poudou. 

(3) livrés avec la paye, la récolte une fois rentrée.  

samedi 1 janvier 2022

CHEMIN D'ÉCOLE (5) Le soleil roi, les facettes de la mer et des éclats de révolte...

Quel cépage ? Mourvèdre ? Syrah ?

Le chemin des "quaquatre", pas des charrettes non !

Pour quelle raison devrait-on se sentir inquiet, déjà délinquant, hors-la-loi peut-être, seulement pour vouloir prendre des chemins et fouler des espaces naturels ? Ainsi tout doit être possédé par quelqu'un ? A se retourner à peine sur un demi-siècle en arrière, le fait de voir que la propriété privée a pris le pas sur le domaine public semble flagrant tout comme un enrichissement indécent à milliards accompagne l'endettement, lié au covid, d'une communauté nationale si mal servie par les traîtres qui gouvernent. Non mais, vous l'entendez ce ministre de l'économie, transfuge LR, vendu à la macronie, qui nous assène qu'il faudra payer la dette rubis sur l'ongle ?!?! Et s'il se prenait un 1789 dans les dents, cet outrecuidant ? Et si le peuple souverain en venait à faire comme le monarque, justement, Philippe IV le Bel, affirmant "la plénitude de la puissance royale" ? Allez donc demander au Capétien s'il s'est gêné pour capter tour à tour la richesse du clergé, des Juifs, des Lombards puis des Templiers ! Que le peuple prenne exemple ! Qu'il réfléchisse aussi à ce principe peut-être indien mais si humaniste par rapport à de prétendues valeurs occidentales d'accaparement sinon de prédation... la terre, la Terre, n'appartiennent à personne ! 

Bien sûr que, bien qu'étant sur leurs traces, je suis loin de ces digressions historico-philosophiques alors que, tel un maraudeur, en papi indigne, j'essaie de me fondre dans la nature pour ne pas être repéré. Si le manoir des Bugadelles, par bien des aspects, exclut, repousse, évince, le domaine de Camplazens, ouvert, au contraire, ne campe pas sur ses prérogatives de possédant. Et si, dans le sens de ce qui précède, il y aurait à redire sur l'évolution peu positive de la chasse, touché seulement par le désir de découvrir un paysage qui compte pour notre famille, je monte vers ce qui s'annonce déjà comme une fusion entre le ciel, la mer et la fragile emprise des hommes sous un soleil roi. 

Montée vers la barre de Vires.

 

Vue vers le nord.

Vue vers Agde et plus loin, Sète.

Oh mais c'est donc là que la quête aboutit ? D'abord l'impression magnifique de ce paysage sublimé : les éclats de l'astre sur les facettes taillées d'une Méditerranée sertie dans la courbe du Golfe et la griffe, tout au fond, des Pyrénées. Car cette lumière magique reste liée à la courbure, à l'inflexion grandiose du Golfe du Lion, perceptible seulement du regard, une féérie que les cartes, ouvrant pourtant sur les rêves, ne savent pas montrer... 

Font écho, suite à "... l'enfant amoureux de cartes et d'estampes...", toujours de Charles Baudelaire, dans "Le Voyage", ces vers pour dire un peu l'esprit de cette randonnée : 

"... Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme, 
Le cœur gros de rancune et de désirs amers, 
Et nous allons, suivant le rythme de la lame, 
Berçant notre infini sur le fini des mers..." 
 
Et là haut c'est un autre poète qui prend le relais, plus intimiste, familier, déjà rencontré au cours de cette balade : 
 
"... Tout à coup son regard s’emplissait de merveilles :
Depuis le Mont Saint-Clair jusqu’aux Côtes Vermeilles,
Tel un vaste arc-en-ciel sur le sol allongé,
Le sable, de la mer semble prendre congé ;
Le Golfe du Lion secouant ses crinières
Brillait de mille feux et d’autant de lumières
Et, brassant dans l’air pur le bienfait de ses flots,
Enseignait aux humains la richesse des mots...
Plus loin, elle voyait un bras des Pyrénées
Caresser en rêvant la Méditerranée,
Tel un amant distrait : l’œil pourpre du Levant
Tomber, à l’horizon, une larme de sang..."
Pierre Bilbe "La légende du Cascabel". (1) 
 
Les garrigues de Vires.

 

Avec Pierre qui, rappelons-le, a parcouru ce coin en tant que garde, observateur attentif et amoureux d'une nature qu'il aimait tant partager, le cascavèu est le grelot accroché au cou de la brebis, permettant au berger de retrouver ses bêtes et utile aussi pour protéger le troupeau contre les forces maléfiques... 
 
Pas la peine de chercher la chaumière des aïeux, ce n'est pas ici ! Avec, sur la droite, le radar de l'armée, j'étais préparé à ce demi-échec, il est vrai, poussé vers le sud que j'étais, par les panneaux et grillages comme les palombes le sont, lors de la migration, par les rafales d'un cers puissant. Néanmoins, avec la contemplation de ce panorama hors du commun à venir, la déconvenue sera vite oubliée. Et puis, cette barre rocheuse, le vallon abrité derrière, les vignes, les configurations sont comparables. Je suis au-dessus du domaine de Vires, non loin du point de vue, de la belle inspiration de Pierre, à peine plus au nord avec les campagnes des Karantes et Saint-Pierre-la-garrigue à ses pieds.   
 
Au fond la ligne bleue de la Montagne Noire.
 
 
Pour apprécier l'inflexion du Golfe du Lion, il faut choisir un autre moment de la journée.

Ce chemin d'école, dans son trajet retour, qui procure l'apaisement d'avoir, au nom de tous les miens, cherché à réparer un trou de mémoire, laisse pourtant un petit sentiment d'inachevé. Je n'ai toujours pas vu La Pierre, ce refuge lové dans une combe en pleine garrigue, un milieu complètement étrange, sûrement, pour mes aïeux, réfugiés économiques descendus des forêts et monts de l'Arize, passant d'un coup du frais au sec, du froid au chaud, des sapins et myrtilles aux pins et asperges sauvages. Nous ne verrons donc pas encore le débouché de ce chemin d'école qu'il serait peut-être judicieux et moins difficile de retrouver par l'autre côté, en partant de la côte, dos à la mer. De plus, le mot "FIN" a quelque chose de brutal ; dans bien des situations, même positives, il laisse souvent  son goût sucré-salé, aigre-doux, sa pointe d'insatisfaction, comme si on se retrouvait soudain abandonné, orphelin de quelque chose. Alors, pour que ça dure encore, accolons lui un "5", ce n'est qu'un cinquième volet, une balade du cœur à poursuivre...  

(1) Le Cascabel, l'IGN nous le mentionne deux fois. La carte au 25000ème indique deux ruisseaux à ce nom, de ces cours d'eau qui ne savent que rouler la colère des cieux, quelques jours par an. Quand l'un s'en va vers l’Étang de Fleury pour former celui du Bouquet après son cours souterrain, l'autre contribue avec, notamment, le ruisseau de la Combe Figuière (le ravin que seul le chemin des "quaquatre" sait franchir), à former celui de Combe Levrière finissant, hors aigats, en toute discrétion, dans l’Étang de Pissevaches. 

mercredi 22 décembre 2021

CHEMIN D'ÉCOLE (4) "... Et là-haut, toujours plus haut... alors que la bêtise humaine..."

Là haut, toujours plus haut va le pauvre papillon magnétisé vers cette luminosité à la puissance cosmique. Appelle-t-elle impérativement la flammèche intérieure rallumée sur les traces de son passé ? Allons, un mirage seulement ! 

La Clape ? un milieu longtemps ratiboisé par la déforestation, les fours des potiers, des verriers et autres producteurs de chaux nécessitant beaucoup de bois à brûler. Résultat, le couvert dégradé de kermès pour remplacer les chênes verts. Cette garrigue est ensuite restée un milieu ouvert grâce ou à cause du pastoralisme, les nombreux troupeaux paissant la baouco et ne laissant aucun avenir aux jeunes arbres. Le cadre de ce chemin d'école encore présent mais vieux de quelques cent-vingt années était tout autre (encore, à ma connaissance, trois troupeaux au village à la fin des années 50). C'est seulement au bout de plusieurs siècles que, sans qu'on y prêtât attention, le paysage a radicalement changé quand les pins ont joué aux envahisseurs et encore à cause de notre espèce dont le zèle, toujours plus dangereusement libéré des lois de la nature, a imposé ses règles spécieuses basées sur le toujours plus, la concurrence, le profit. Acteurs du cercle vicieux et mortel à terme qu'ils ont promu, les hommes, en effet, violentent et essorent le milieu : ici, ils concassent le clapas (la pierraille) et vont chercher, dans un opportunisme sans scrupule, loin ou profond, une eau dont le manque, lié au changement climatique, fera sauter un jour l'enchaînement du cycle mer-ciel-terre et videra des aquifères fossiles... Que penser, par exemple, non loin de nous, et dans l'espace, de ces déserts qui firent de l'Arabie de Saoud un pays exportateur de blé ?!?! Incroyable non ? 

Revenons aux vignes de Fleury, dans la garrigue, les coteaux, la plaine, où celui qui ne met pas sa vigne sous perfusion n'est plus dans la course... Tant pis si, comme pour le pétrole ou l'atome, la question de l'eau reste encore pour ceux qui viendront après... "Après moi le déluge", et ailleurs la désertification du "je m'en lave les mains". Et que ceux qui n'ont que le fric et la dette en bouche soient bannis sur une île où ils pourraient s'entredévorer ! 

La campagne de Camplazens entourée de son vignoble.

Mais là, en voyant Camplazens campé dans son vignoble, bien sûr que nous sommes à des lieues de ces catastrophes annoncées et il s'agit de longer le plus discrètement possible, sans penser à ce goutte-à-goutte qui n'apporterait que de l'eau... Aïe, une voiture et ils sont trois à ausculter, à se consulter, dans une rangée... Plutôt aller à la rencontre que de prendre la poudre d'escampette tel un suspect potentiel. 

"Bonjour messieurs, vous préparez les vendanges ? 

~ Oh ce ne sera pas terrible cette année... " 

Ils sont aimables, souriants, pas sur la défensive, à l'image du domaine sans clôture, sans panneau d'exclusion. Je demande comment rejoindre la barre. Ils ne sauraient me dire sinon, vaguement, qu'il faut aller plus haut, toujours plus haut, vers le soleil du matin, sans préciser avec hauteur que je pénètre leur bien, une propriété privée... Justement, entre la garrigue et les souches, un large no man's land défriché mais qu'il serait peu productif de planter, monte vers une éminence. 

... toujours plus haut vers le soleil du matin...
 
Le radôme du Plan de Roques au loin.

Curiosité et espoir de la bonne surprise interfèrent : on voit la ligne de la barre, côté pente douce, sous un ciel plus aveuglant encore et, à droite, pour se situer, le radôme de l'armée au Plan de Roques. Plus bas, un chemin à gauche devrait permettre de contourner sans traverser les vignes, sans abuser de l'amabilité ambiante. Bonne idée avec un soleil qui, avec les heures, ne fait pas semblant : le long de ce chemin en transversale, des pins et une garrigue touffue en tempèrent l'ardeur. Au bout, hélas, caché dans les broussailles, les épines, un ravin à sec, de ces ruisseaux excessifs, rageurs seulement lors d'un orage ou épisode méditerranéen. Passer en force n'est pas envisageable : je n'ai plus ni l'âge, ni la motivation ni la tenue pour... même les sangliers se ménagent des pistes. L'obstacle oblige à presque un retour en boucle, par le bord des vignes qui plus est... Même hors de vue de la campagne, il n'est pas bon d'abuser du bon vouloir des possédants. 

Fleurs...

... et fréjal.

 En amont, peut-être à un kilomètre, pourtant, un accès marqué par un passage de roues. Un raidillon ponctué régulièrement par les abris de pierres ou de palettes des chasseurs de palombe lors des passes d'automne. On comprend mieux pour les roues, celles des "quaquatre" comme le dit Nadau, le troubadour des Pyrénées, en présentant "Saussat", sa chanson en occitan (voir "Chemin d'école", épisode 3). Dans les clapasses, les pierriers, quelques fleurs compensent, de leurs touches de couleur, la grise sévérité du fréjal.   

Et là haut, toujours plus haut, cette lumière puissante, tant sur le paysage que sur mon passé...

 


vendredi 17 décembre 2021

CHEMIN D'ÉCOLE (3) Qui a dit "La propriété c'est le vol" ?

 

Pour se situer, la départementale entre Fleury et St-Pierre en haut à droite, le plan de Roque, hauteur stratégique d'où opère un radar de l'armée, en bas à gauche. Merci l'IGN !

A un moment donné, il faudra bien que ce grillage prenne une autre direction, avec la possibilité de contourner pour, cap au levant, trouver les ruines peut-être encore d'une bergerie d'antan, la Caune, accompagnée, qui sait, d'une grotte, au seuil de la barre de Saint-Pierre. De là haut, pour la première fois de ma vie, suite à cette aventure en terre inconnue, si loin dans mon imaginaire et pourtant si proche du chevelu fasciculé à peine exploré des racines familiales, il me sera enfin possible de voir la Pierre, les deux constructions, ruines, vestiges ou encore de quelque utilité, le point de chute de la migration descendue de l'Ariège, point tangible habité par des aïeux, vers la fin du XIXe siècle. 



 Foutu grillage, barrage à 90 degrés de la direction à prendre, qui, tel une paradière, mène obligatoirement au piège, à l'une des pantanes du trabacou à poissons de l'étang (nous étions avec les pêcheurs de l'Ayrolle en novembre).... Le chemin, bien carrossable malgré quelques flaques à sangliers dans une paire de cuvettes argileuses, et quelques affleurements de fréjal (1), semble régulièrement utilisé ; il monte encore en même temps que la question d'une première fois, entre curiosité et souci : quoi donc en haut ? la vue sur la mer ? Des terres interdites et le délit d'entrée sur la propriété d'autrui ? Ne pouvant suivre le chemin d'école de papé Jean et du cousin Étienne que j'ai connu aussi, je me console en pensant le rejoindre en haut de la barre, au-dessus d'un piémont fertile avec, plus loin, la mer pour un point de vue unique. 

Camplazens.

Et bien, en haut, pas tout encore mais une campagne dans son écrin de vignes : ce ne peut être que Camplazens. Ici aussi ils ont concassé la garrigue pour planter toujours plus (2) mais pas de grillage, pas de panneau agressif ou d'une pédagogie cauteleuse. Il n'empêche, le promeneur, même correct et respectueux des gens et de la nature (ce n'est malheureusement pas le cas de tous (3)), gênant par bien des aspects, doit se faire discret par rapport aux propriétaires... et aux chasseurs qui louent, qui paient... Raison de plus pour qu'on sache de quels chemins, de quels espaces, la collectivité qui elle aussi paie ses impôts, peut profiter !  

(1) Dans le trésor du Félibrige, lou fréjalié est le tailleur de pierre dure... Il me semble que le nom donné à Fleury, à ce calcaire dur et gris est "fréjal"...  

(2) Le Languedoc terre de grande production vinicole, a su prendre le virage à 180 degrés pour une indiscutable qualité : le prix toujours plus élevé des bouteilles en atteste. Une bonne partie des domaines a été acquise par de gros investisseurs de tous horizons : les campagnes de jadis sont devenues "châteaux", il en est ainsi des domaines cités dans cette chronique (Tarailhan, les Bugadelles, Camplazens, Vires, les Karantes) et si quelques uns, à l'extérieur ou au village ont su négocier ce tournant, les étrangers sont nombreux (Etasuniens, Anglais, Suisses... à quand les Chinois ?)... et la tramontane de leur stratégie intéressée qui n'a jamais existé dans la Clape n'arrête pas de souffler sur leurs pages web... 

(3) "... Il y a des glaciers, des rochers, la pelouse les sapins, les hêtres, les bouleaux, les papiers gras et des bouteilles de bière, ce qui aurait tendance à démontrer que les cons ne supportent pas l'altitude..." Nadau qui raconte les Pyrénées avant de chanter Saussat (en occitan traduit en français): 

https://www.youtube.com/watch?v=J1k04LGD--g


mardi 14 décembre 2021

CHEMIN D'ÉCOLE (2) Nantis, manants, chasse et culture...

"... La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l'encre, le bois, la craie
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été..." "Automne", René-Guy Cadou (1920 - 1951). 

A gauche de la mairie de Fleury, l'école des garçons.


La vieille école, fille du progrès, du temps où les filles n'avaient pas encore droit à l'enseignement laïque et où la "salle d'asile" n'était pas encore une maternelle. La vieille école si nouvelle, que la commune l'inaugura vers 1880, sur le site du vieux cimetière où longtemps remontèrent les petites perles de verre des couronnes mortuaires. La vieille école fréquentée par le grand-père Jean et son cousin Étienne au milieu des années 1900 (Jean est né en 1897). Puis vint le tour de mon père, vers 1930... l'avait-on agrandie alors ? Par la montée d'un étage ? C'est celle que je connus, de 1956 à 1960... Puis mes fils au début des années 80. Certains de mes condisciples arrivaient des campagnes, le cartable à la main et dans l'autre, une manne d'osier rectangulaire d'un volume gênant pour des bras encore courts. Des vendanges au 14 juillet, ils portaient la saquette, le repas emporté. 

Ils ne doivent pas être aussi encombrés mais ils sont chargés, Étienne et Jean, à pied. Suivent-ils le bord de la garrigue ou le cours, le fossé pratiquement toujours à sec du ruisseau lié à l'ancien étang fermé de Fleury ? Nous les accompagnons sur le retour, au moment de traverser la Clape, pour continuer le trajet, poursuivre le voyage intime dans ce qu'il y a à passer de son lignage vers sa postérité.   


 

Deux choses : d'abord la surprise de ce joli chêne, ensuite, celle, cachée aux grands flux, d'un calvaire suite à un un décès, sur le chemin même : un homme jeune (24 ans), le 16 avril 1868... à trois heures du matin...  http://chroniquesdeperignan.free.fr/Calvaires/croix_de_molveau.html 

Le vélo cadenassé et caché dans les fourrés, il faut continuer à pied le long d'une propriété grillagée, celle avec cette bâtisse aux airs de manoir empâté, qu'on voit de trop loin, une insulte de parvenu aux humbles bergeries qui se fondaient jadis dans le paysage. Ce n'est pas bien aimable de ma part, c'est à cause du grillage et, en prime, à ce panneau, derrière, voulant impressionner, et qui voudrait dissuader de passer... 


Voyez-vous un chemin derrière le grillage ? Ou alors est-ce pour celui d'où la photo a été prise et dont l'accès n'est pas interdit ? Cela n'est pas sans rappeler des on-dit, vieux d'une vingtaine d'années, à propos de chemins échangés ou cédés entre la mairie et les privés... Médisances de la part des pedzouilles du coin sûrement... Personnellement, j'ai un service à demander à la municipalité, l'opacité ne faisant pas bon ménage avec le vivre ensemble, à savoir qu'elle fasse connaître, même sans trop inciter, les chemins libres d'accès...En attendant, pour la forme, serait-ce protéger de planter un ou deux bons clous dans un pauvre arbre, d'autant plus quand on a les moyens d'une vidéosurveillance ? C'est à prendre bien sûr de la part du pedzouille, du natif buté et borné que je suis... 

Quelle idée aussi de vivre assez vieux pour avoir connu le coin un demi-siècle en arrière ! Il est vrai, une époque classique, avec ses riches se démarquant toujours des autres, pour le dire sans aborder de front les libertés, égalités et autres fraternités trop bien claironnées, du temps où les grands propriétaires prenaient un soin jaloux de leurs landes et garrigues. Pour le gibier, pour s'adonner au plaisir de la chasse, ils invitaient, souvent des édiles, non sans arrière-pensées. Afin d'assurer un bon tableau final, ils payaient un garde à temps plein, compétent pour aider la nature, limiter les nuisibles qu'ils soient animaux ou braconniers... Au Courtal-Naout, la bergerie d'en haut et non une insignifiante "cour" comme le prétend le site du manoir empâté, le garde d'alors, autodidacte et toujours en quête de partage humaniste, m'avait invité pour une visite... jusqu'à m'indiquer un champ certainement destiné à nourrir la sauvagine mais où, dans les chardons, poussaient les couderles (du nom occitan désignant, sauf erreur, le pleurote du panicaut). En montant vers la Barre de Saint-Pierre, il m'avait signalé, non sans évoquer Socrate et les condamnés à mort, des pieds de grande cigüe aux alcaloïdes mortels. Certains auront reconnu Pierre Bilbe, dont le souvenir vient souvent à ma rencontre, ici, sur les chemins de mon grand-père Jean.   

mardi 14 septembre 2021

L'Île Saint-Martin à vélo (3) / Virée en terre moins connue.

 Pour arriver à Gruissan, la piste cyclable emprunte le tracé de l'ancienne route et longe l'étang... un pointu sur le miroir de l'eau, la tour Barberousse sur la presqu'île, le village qui "s'enroule autour comme un gros chat fatigué" (1), à l'arrière plan, les pins de Saint-Martin, une entrée magique tant pour les peintres que les photographes... 1968, j'ai promis aux camarades de classe de passer les voir ; ça n'a pas traîné en ce début d'été ; avec la motivation, je n'ai jamais l'impression de devoir forcer sur mon routier bleu. Quand ce n'est pas l'allant pour l'aventure, l'instinct pousserait aux aventures, cela devient sérieux quand on a dix-sept ans... pousser sur les pédales, je n'y pense même pas. "Les fleurs de mandarine... ne savent pas qu'on les aime déjà": je n'ai retenu que des brins de la chanson qui revient en boucle, celle avec les mots qui confortent ma psychologie du moment (2). Aussi, que la cave coopérative soit ou non sur ma gauche, je n'ai en tête que la digue donnant sur le village de chalets... 

Photos de l'étang avec ce pêcheur au lancer qui profite du flux entrant depuis le port. Photos de la tour en perspective depuis les rues et ruelles qui rayonnent. Sur cette rocade avec les véhicules à part, rayonnants aussi les gens aux petits ou gros chiens, les familles à pied ou à vélo sans la multitude de la pleine saison, avec un soleil plus convivial. 

Photos des salins et de la montagne de sel, la camelle. De nombreux visiteurs encore.

Photos de l'Ayrolle sans la bonne odeur iodée des posidonies que les locaux appréciaient jusque pour les matelas des petits... L'étang est-il, après les calanques de Marseille notamment, envahi par ces autres algues brunes, trop vivantes elles, arrivées du Japon avec les naissains d'huîtres du bassin de Thau (3) ?

Photos des cabanes de pêcheurs et de la cale avec les barques, les pieux et partègues ; les ganguis (4) et autres filets des petits métiers de l'étang. Justement un pêcheur, son placide korthal aux basques (il doit se faire vieux le pauvre), charge sa barque . 

"Pardon monsieur, est-ce que, par derrière, on peut rejoindre la route de l'Evêque ? 
- Et non il vous faut revenir jusqu'à l'embranchement... Oh ! mais vous êtes à vélo, alors suivez le canal, la route est au bout !" 
Oh qu'elles ont du chien, ces vieilles baraques, plus ou moins délabrées et pétassées ! Photos !
 
Un bon raccourci. L'Evêque ? Un domaine agricole au bout de l'île Saint-Martin. Un château peut-être... Son propriétaire est connu, Pierre Richard, parfois présent pour vendre son vin. Petite route bien fréquentée. Des tamaris, un salar blanchi par trop de soleil, contigu à l'étang. Photos. Mais vite des vignes, un cabanon ancestral, un grand parking (la célébrité sans doute). Des piétons dont un qui me demande si le bidon du vélo c'est pour du vin ! 
Oh, une deux-chevaux qui manœuvre et ronronne ! Photos ! 
La propriété de Richard ? une campagne, jolie, cachée par des ramures et les lauriers roses, pas prétentieuse. Modique, succinct, un portail bas de douelles de tonneau trop espacées. Photos ! 

Retour par l'intérieur de l'île. Depuis un site archéologique sans doute romain, une belle vue sur l'étang, Sainte Lucie et la voie ferrée sur la digue à droite ; au fond, les reliefs industriels de Port-la-Nouvelle. Photos !
Une combe, des crêtes blanches de calcaire, des pins plus nombreux, des vignes aujourd'hui sous perfusion, malgré cela et bien qu'un peu à l'écart du bleu de la mer, la palette rassurante de la garrigue audoise. Photos ! 
 
à suivre...  

(1) in "La Vigne de Jean" de Jean-Pierre Grotti, un écrivain romancier qui sait si bien parler du pays ! 

(2) de Michel Fugain (1967). 

(3) voir à ce propos la série d'articles (2014) sur les clovisses et palourdes : 
https://dedieujeanfrancois.blogspot.co/search?q=clovisses+palourdes 

(4) partègue : pieu planté dans la vase pour maintenir les filets en place ou la gaffe pour déplacer le pointu. 
gangui : filet à poches. 

PS : pour les photos personnelles il faudra revenir, elles sont indisponibles pour le moment... 

Gruissan wikimedia commons Author Raphael Frey

Gruissan-Étang_de_Gruissan_2010 wikimedia commons Author Wikinade

Gruissan_Village wikimedia commons Author Fabian Beck

Gruissan les salins wikimedia commons Author Herpoel

Gruissan Île_Saint-Martin wikimedia commons Author Christian Ferrer