Un vers des douze strophes du « Doublidaire » de Jean Camp, écrivain et poète sallois, tant en français qu’en occitan. A côté de celui qui est monté à Paris en se disant qu’il reviendrait à la retraite, d’un autre qui compense en rejoignant une communauté (Auvergnats, Corses, Bretons, Alsaciens, Savoyards, Franc-comtois, Basques, Ariégeois, Languedociens... ) en important ses traditions (fêtes, accent, langue, cuisine), le doublidaire, celui qui oublie, a rejoint la capitale en homme neuf voulant repartir de zéro. Un seul but : réussir. Dans son poème, plutôt que de le culpabiliser en vain, Jean Camp dresse un constat. Pour lui, le migrant lambda a d’abord cette caractéristique de fuir la difficulté « trapo la terro trop basso », il trouve la terre trop basse et se tourne vers Paris. Là il se fait passer pour l’homme qu’il faut être : superficiel, parlant pointu, portant des gants, prenant pour femme une mince qui se maquille, à l’opposé d’une de la campagne.
" Il pensait à la soeur d'Éliacin, aussi forte qu'une jument, et capable de donner des enfants puissants.../... ne te laisse pas escagasser par une jolie figure. Ce qu'il nous faut, c'est des hanches larges, des jambes longues, et de beaux gros tétés... " Le Papet / Manon des Sources, Marcel Pagnol, 1963.
S’ils ont un enfant, il ne sera que de la ville, complètement étranger à une vie de village au rythme des saisons, fondée sur ce que la terre produit, proche de la nature ; plus rien ne le rattache ; les nœuds sont coupés ; les paysages, la culture occultés : la Clape, l’Alaric, il ne peut savoir de quoi il s’agit ; il vit en parisien : le métro, le théâtre, il connaît ; les noms de Mir, de Mistral lui restent inconnus mais Montmartre « es so que vei de soun oustal », c’est ce qu’il voit de sa maison. « L’oustal », un seul mot de la part de Camp dont les parents font partie de ceux qui ont quitté le pays en emportant ou non, la terre du pays à la semelle des souliers.