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jeudi 30 mars 2023

ES SO QUE VEI DE SOUN OUSTAL

 Un vers des douze strophes du « Doublidaire » de Jean Camp, écrivain et poète sallois, tant en français qu’en occitan. A côté de celui qui est monté à Paris en se disant qu’il reviendrait à la retraite, d’un autre qui compense en rejoignant une communauté (Auvergnats, Corses, Bretons, Alsaciens, Savoyards, Franc-comtois, Basques, Ariégeois, Languedociens... ) en important ses traditions (fêtes, accent, langue, cuisine), le doublidaire, celui qui oublie, a rejoint la capitale en homme neuf voulant repartir de zéro. Un seul but : réussir. Dans son poème, plutôt que de le culpabiliser en vain, Jean Camp dresse un constat. Pour lui, le migrant lambda a d’abord cette caractéristique de fuir la difficulté « trapo la terro trop basso », il trouve la terre trop basse et se tourne vers Paris. Là il se fait passer pour l’homme qu’il faut être : superficiel, parlant pointu, portant des gants, prenant pour femme une mince qui se maquille, à l’opposé d’une de la campagne. 

" Il pensait à la soeur d'Éliacin, aussi forte qu'une jument, et capable de donner des enfants puissants.../... ne te laisse pas escagasser par une jolie figure. Ce qu'il nous faut, c'est des hanches larges, des jambes longues, et de beaux gros tétés... " Le Papet / Manon des Sources, Marcel Pagnol, 1963. 

 S’ils ont un enfant, il ne sera que de la ville, complètement étranger à une vie de village au rythme des saisons, fondée sur ce que la terre produit, proche de la nature ; plus rien ne le rattache ; les nœuds sont coupés ; les paysages, la culture occultés : la Clape, l’Alaric, il ne peut savoir de quoi il s’agit ; il vit en parisien : le métro, le théâtre, il connaît ; les noms de Mir, de Mistral lui restent inconnus mais Montmartre « es so que vei de soun oustal », c’est ce qu’il voit de sa maison. « L’oustal », un seul mot de la part de Camp dont les parents font partie de ceux qui ont quitté le pays en emportant ou non, la terre du pays à la semelle des souliers. 



vendredi 5 mars 2021

ET QUAND J'ARRIVERAI, JE LIRAI SUR TA TOMBE, Lou Doublidaïre de Jean CAMP...

 Malheur, je croyais l'avoir dans le classeur qui me suit partout... J'ai dû le laisser là où un de mes pieds s'accroche à sa terre, à Fleury, au village, entre les vignes, le fleuve, la garrigue et la mer... Mais j'en ai plusieurs versions dont une à la main, appliquée... mais où ? Sinon une photocopie de sa découverte originelle, mêlant chapiteaux corinthiens et guirlandes spiralées dans les lettres, mais laquelle parmi les 175 reçues ? 

Et puis, pourquoi ne pas oser en retrouver les vers de mémoire ? Dans un cahier, à l'ancienne, au crayon car il faudra corriger... Sur deux colonnes... 

Bilan, une fois la copie retrouvée dans la 70ème lettre : la quatrième stance oubliée, la sept et la neuf mélangées, la huit revenue à la fin... ne plus oublier que ce sont douze strophes avec un envoi de deux vers en fin de ballade... Quelques hémistiches perdus mais qui par chance reviennent... Tout le monde n'est pas Alain Peyrefitte déclamant tous les jours ses classiques, pendant la toilette. 


LOU DOUBLIDAÏRE

Es él, tu, ieu,... un dal pais                 Tout lou passat qu'es entarrat
Que trapo la terro trop basso,             Joust lou ciprissié que négréjo, 
E viren l'espallo à la jasso,                 Toutis lous seus qu'an demourat
Partis, un jour, capo Paris.                  Al pais, lou cor sans envejo,  

Aqui, fa de genre, s'installo,              Se se levaboun dal tombeu
Porto de gants, causits sous mots      Et se vesion sa descendenso, 
E pren uno fenneto pallo                   De que dirion al que, tan leu, 
Que se met de rouge sus pots.           Daisso soun pais de naissenço ? 

S'an un drolle, paure mainage,              De que dirion al rénégat
Que, malgrat soun noum, saura pas      Lous de la vinho e de l'alaire, 
So qu'es uno bise, un bartas               S'as doublidat toun bèl terraire, 
E qu'a jamai vist' un village.             Ses pas mai das nostris, goujat ! 

Toutis lous nouses soun coupats      Parlo pounchut, seguis la modo, 
Que l'estacaboun al terraire                 Frégo-te amé lous Milords, 
Lou paire èro pas qu'un lauraire       Nous autris gardaren la blodo
E lou filh... semblo'n deputat !             E lou capèl a larjes bords, 

Couneis lou Metro, lou teatre,         L'oustal, tout so que te derrengo, 
Mes couneis pas Mir ni Mistral...       Las tradicius, fèstos ou dols, 
La Clapo e l'Aric ? Nou Mountmartre   Gardaren subre tout la lengo
Es so que vei de soun oustal !           Que nous an après lous aujols. 

E la raço de sous papetos                      Es él lou paraulis sans taco 
Qu'aro soun bressats per la mort,        Que sentis bou lou fé, lou mèl, 
Lous brassiès que fouchaboun l'ort        La garrigo, lou vi nouvèl
E que grefaboun las pourretos.               E l'orgo caudo de la raco

Es lou fial d'or que nous estaco
A nostro terro, a nostre cè! ! 

JEAN CAMP.
 
L'Aude à Salles-d'Aude wikimedia commons Author Patrick Nouhailler's

Et quand j'arriverai, je lirai sur ta tombe...