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samedi 6 janvier 2024

IL Y A DES JOURS COMME ÇA... (fin)

Ce n'est pas un cadavre sorti du placard mais des confidences cependant... 

1994 : en venant à Mayotte, je ne suis pas venu chez les Noirs mais chez mes égaux même si d'être un Blanc reste connoté, économique ment disons parce que côté esclavage, colonisation, faut arrêter de rabâcher bêtement. Abdou ne me voit pas blanc pas plus que je ne le vois noir depuis trente ans que nous sommes complices. Et " la fille qui m'accompagne alors " ? Et moi qui voulais rester dans la méditation paisible... presque à reboire un verre même à moitié coupé d'eau. Dans quelle marge se situer ? Blanc débile à force de racisme buté ? Noir débile à force de racisme buté ? Et pourquoi pas incolore (surtout pas transparent) à dire aux racistes de tous bords, même ceux, racistes à lutter contre le racisme tels Césaire ou Glissant, si petits à ne pas s'élever au-dessus de leur couleur de peau... 

Jocelyne Béroard, groupe Kassav, Béziers juillet 2012 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Geehair

Drucker reçoit Philippe Lavil, tiens, un Antillais blanc, palpitant à taper sur ses bambous, émouvant dans son duo " Collé-Serré " d'alors, avec Jocelyne. Souvenir d'une sortie repas au Poivre Vert, resto réunionnais au Somail, au bord du Canal du Midi. Cette gentillesse, cette disponibilité ! ils étaient la seule table mais le plaisir d'accueillir plutôt que la rancœur due au manque de clients... Et ce riz de printemps de Madagascar dont je n'ai plus jamais retrouvé le goût... et pourtant pas en amoureux. Elle, égale à elle-même, en mode pause dans son insatisfaction matérielle et certainement sentimentale, lui à essayer de recoller les morceaux, rabibocheur pour que ça redémarre, peu crédible je pense... Était-ce la tension avant la rupture, dix ans plus tard ? Enfin, ce qu'il en dit doit être partial et malhonnête même si la sincérité pose toujours question... Comme pour " The Bridges of Madison County ", suivant qui, de la femme ou de l'homme, raconte l'histoire, on se retrouve dans la discordance, rarement dans la complémentarité... Et puis l'âge apaise les ressentis, comme le reste... mais jeune, ça fait mal... Il y a des jours comme ça... Tentation de m'en remettre un verre, serait-il coupé d'eau. 

Mimine monte à mes côtés, elle frotte le museau au stylo, au carnet, elle me colle son empreinte, ses phéromones au short, aux jambes, à m'imprégner d'elle pour exprimer qu'elle me domine puisque je suis dans l'obligation de lui donner ses croquettes. 

Et puis, pourquoi Johnny à la télé ? Trois jours après, je ne sais plus, à essayer d'en rester à ce jour comme ça, le dernier de 2023, ce dimanche 31 décembre qui m'a fait aller à remplir tous ces verres, même à demi, puisque coupés d'eau. Ah oui ! c'est le concert symphonique, post mortem puisque l'idole des jeunes nous a quittés en 2017. 

Retour à la case départ, sur cette place pour le nom de laquelle le web n'est d'aucun secours (en cause, le manipulateur, certainement), face à la porte Faugères, en haut du Cours Jean Jaurès, les cafés à babasses, le juke box. Eddie, Sylvie, Johnny, peut-être ceux, qui entre tous, dont Nougaro avec " Cécile " " sous son balcon " (pas d'exploration pour aujourd'hui vers ces chanteurs du début des années 60, le train de Richard Anthony...), m'ont tant marqué... 

Johnny_Hallyday concert à Milan 1973 Domaine public

 Dire que, ne supportant pas que, venant d'un homme, il dise d'une femme qu'elle devient chienne, d'abhorrer cette image amouro-pornographique, je l'ai rejeté Johnny, vers 1975 c'était. Trop raide, coincé quelque part, rentrant, qui plus est dans la bataille montée Halliday-Sardou, j'ai eu d'autant plus tort que j'ai mis en balance une chanson détestée avec une masse de morceaux si appréciés par ailleurs ! Fallait être con ! Je vous vois sourire... oui, il en reste quelque chose si cela peut vous rassurer. L'orchestre symphonique joue " Sur Ma Vie " d'Aznavour je pense, mélange d'amour utopique (jurer d'aimer jusqu'à la fin des jours) et de réalité plus crue de la part d'hommes qui ont continué leur vie avec d'autres femmes. Quant au " je t'attendrai malgré tout le mal que tu m'as fait ", c'est cinquante cinquante... Me revient en mémoire " Nous n'avons plus rien à nous dire... " (" Joue pas ce rock en roll pour moi " 1976). Même l'amour valdingue d'un extrême à l'autre : aimer, rester en dépit des déceptions, cesser cette même relation, partir... sans que cela ne puisse nier les tentatives de réconciliation, sans voir qu'elles ne sont que rafistolage... même si rien n'est impossible... 

Oulà ! presque il faudrait un verre de plus pour m'en remettre... pourquoi ce jour de hasards et concomitances ? 

«... Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écœure.
Quoi ! nulle trahison ?…
Ce deuil est sans raison.

C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine ! » justement à l'opposé de cet instantané de Verlaine, cette parenthèse où rien de sa vie ne l'atteint. 

Faits et pensées s'alignent, sortis d'on ne sait où, tombent sur un énergumène piqué de l'écrire pour s'en souvenir et assez prétentieux de se faire valoir auprès des autres... Quand le passé s'impose parce qu'indispensable au présent... Il y a des jours comme ça ! Si au moins tous ces verres m'avaient fait sombrer dans le sommeil !  

jeudi 4 janvier 2024

IL Y A DES JOURS COMME ÇA...

Petite chronique superfétatoire : 

Pézenas, porte Faugères, 2015. 

J'étais sur la route de Madison, quand une Cadillac de police est passée sur le pont, j'ai cru voir un chien au regard fou à la place du mort, Eddy Mitchell derrière... Alors, sur l'atlas, comment, par où aller à Memphis (oh ! 1000 km... c'est vrai que c'est un pays continent). Et de Memphis à Pézenas, il n'y a qu'un pas puisque Eddy, Johnny, Sylvie, pour ne citer qu'eux, je les avais en haut du Cours Jean Jaurès, face à la Porte Faugères et les mystères du quartier juif derrière... 

Eddy_Mitchell_avp Salaud on t'aime 2014 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Georges Biard

1962, je n'avais pas douze ans et le juke-box d'un des deux cafés donnait dehors aux beaux jours. Je ne voulais pas trop fouiller mon passé mais c'est lui qui m'a interpellé « Oh Daniela, la vie n'est qu'un jeu pour toi... » J'en suis resté sonné : comment avais-je pu l'oublier cette chanson ? Ne l'avais-je plus entendue par la suite ? Et elle me revenait, limpide, pas abîmée par les ans... je bois un verre, enfin un demi puisque coupé d'eau. Il y a des jours comme ça où l'esprit regarde de haut l'enveloppe corporelle, en bas, afin qu'on se demande quelle place on prenait, quelle place on prend encore tant que la vie y est. 

Distribution de bouteilles, 11 décembre 2023, Sada Mayotte. 

Alors, malgré l'eau rationnée, je surmonte l'œuf pourri (et cher) du marchand malhonnête, le citron qui manque pour éviter que les pommes du strudel ne noircissent, le jour se doit d'être comme ça, un jour qui cuisine, qui veut donner et recevoir l'amour, un jour qui a réveillé le corps encore allant, laissant l'esprit libre de divaguer même s'il se fait tard pour manger. L'heure espagnole, je bois un verre, enfin un demi puisque coupé d'eau. L'oignon posé cru sur la pizza est agréable, le strudel, lui, peut cuire tranquille. Farine sur le plan de travail, vaisselle qui s'entasse dans l'évier : tant pis, un verre encore, enfin un demi puisque coupé d'eau. Pas d'eau au robinet : ils nous la coupent deux jours sur trois ; une fois par semaine, ils en distribuent, rationnée, en bouteilles (ne peuvent servir tout le monde pour cause de rupture de stock) ; en question, la sécheresse, trop d'immigrés statistiquement invisibles, le sadisme étatique contre une île qui a voulu rester française. Autant rester sur son nuage. En société comme en famille, faut garder au moins les apparences : vaisselle, plan de travail, même le dessus du congélo enfariné... Puis faut manger aussi, que l'alcool ne prenne pas le dessus : le bout du strudel pincé, resserré sinon le sirop de pommes fuiterait. Vapeurs agréables malgré la chaleur moite, mirage d'un bien-être trop bon pour être vrai. Le bout, souvent sec, pourtant moelleux à souhait, parfumé, sans rien de l'œuf pourri aussitôt jeté dans le jardin, sans trancher encore dans les pommes au sucre, aux raisins, à l'amande (dommage pour le citron). L'ordi fermé avec l'empathie de tous, un semblant de chaleur alors que le compteur 2024 va tourner dans quelques heures. Ou alors, tous ces demi-verres qui s'ajoutent... Ouvrir la télé, calmer le jeu, ne plus téter... heureusement que ce rouge d'Espagne est de qualité. Mais pourquoi le vin français ne s'est-il jamais aligné, pas plus il y a trente ans qu'aujourd'hui ? 

En 1994, les 300 bouteilles du conteneur (du Vires dans la Clape... la coopé du village n'ayant pas daigné un moindre geste commercial), m'avaient fait honneur quatre ans durant. Le bourgogne trop fort alors, il y avait bien du Bordeaux mais velléitaire, valétudinaire, manière de ne pas dire cacochyme, tenant six mois à peine alors qu'à table pour l'ordinaire, nous avions du Rioja pas encore au prix de sa grande qualité. Le compteur tourne mais cela n'empêche pas de remonter le temps. Digressions, je brode, il y a des jours comme ça, tous ces verres aussi, même à moitié ! 

Jacob_DESVARIEUX concert de Béziers 2012 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Geehair

Ouf... la télé, faut souffler, se calmer, zapper afin que rien n'accroche... Jean-Louis Trintignant, sa fille Marie, un Cantat chanteur, meurtrier avant tout (1), Drucker, 81 ans mais qui ne voudrait plus prendre sa retraite. Moi je voudrais une récréation, tout aussi bien un siesto-roupillon bercé par la télé or le présentateur intemporel (il s'est fait tirer la peau non ?) accueille Kassav, enfin, deux membres historiques du groupe antillais des années 80. Ils évoquent Jacob, le guitariste à la voix roque si envoûtante, de santé fragile, mort du covid à 65 ans malgré le vaccin... Et Jocelyne Béroard qui raconte que leur succès les a fait accepter en êtres humains et non plus seulement en tant que Noirs... Comme si un racisme foncier, une différenciation raciale, prévalait sur l'analogie entre tous. Ça interpelle, ça choque, ça donne à réfléchir, à méditer. Il est vrai qu'en partant du principe que tout ce qui se rassemble s'assemble, par déduction, tout ce qui sort de l'homogénéité, la différence, lorsqu'elle est minoritaire, s'en retrouve discriminé... Juifs, Gitans, Noirs, Blancs, Jaunes, Rouges, Métis, Rouquins, Albinos... par contre s'agissant de l'accouplement, le plaisir de la chair se partageant mieux, il n'y aurait pas de problème. Non, loin de moi ces déficients de la perception : à Victor Hugo, au collège de Narbonne, je me souviens d'un élève africain noir. Bien sûr son exotisme a attiré notre curiosité ; mais il ne se livrait pas, éludant nos demandes, nous l'avons laissé à sa réserve... Soixante ans plus tard, je me dis que sa prudence découlait de la méchanceté, du racisme qu'il avait dû subir. Kamara il s'appelait. (à suivre)  

(1) ça m'a dégoûté d'aller lire sur ce mec et tous ceux qui ont quand même écrit encore ou joué pour lui, avec lui... dans cet ordre d'idée, j'ai toujours boycotté L.F. Destouches, je prenais toujours des pincettes avec Giono qui préférait être allemand et vivant que français et mort... sauf que c'est pour avoir connu l'horreur de 14-18 ! et je me prive de relire " L'Île de la Déesse ", un de mes bouquins préférés parce que Georges Blond était collabo... Alors, ceux qui allaient aux concerts de Cantat, ceux qui gardent Destouches, ce salop antisémite, raciste, au pinacle, ne sont pas fréquentables serait-ce par procuration... Quant à Depardieu, attendons ce que la justice peut sanctionner, attendons la suite...