1962, une petite fille en pleurs, 1963, je sors du collège historique de Pézenas (1597) : mystère en dehors des remparts mais, dépassant le repli moyenâgeux du château à l'abri de ses murs, la résidence du domaine de la Grange des Prés, carrément en rase campagne, lui est antérieure. (Comme le prisme des violences actuelles et l'Histoire forcément condensée nous portent à croire que le passé n'était que sang et batailles).
Aude, Languedoc, Tchécoslovaquie, Ariège, Pyrénées, Océan Indien, Lyon, Brésil, ports familiers mais unique maison des humains. Apprendre du passé, refuser la gouvernance cupide suicidaire. Se ressourcer dans l'enfance pour résister, ne pas subir. Passer ? Dire qu'on passe ? Sillage ? Aïeux, culture, accueil, ouverture aux autres, tolérance, respect, héritage à léguer (amour, écoute, cœur, mémoire, histoire, arts...) des mots forts, autant de petites pierres bout à bout qui font humanité.
mercredi 23 avril 2025
DÉTOURS dans les CORBIÈRES pour NOUGARO (fin)
dimanche 23 mars 2025
PÉZENAS, le CARNAVAL, mars 2025. (fin)
Samedi 1er mars à 19 h, spectacle à la Maison du Peuple (1), de danses humoristiques par « Lous Machous » (10 €).
Dimanche 2 mars, de 8 à 18 heures, 5ème concours mondial du ragoût d'escoubilles suivi d'une dégustation dans la cour d'honneur de la mairie.
2 mars, 20 h 30, soirée déguisée à la Maison du Peuple « Les Machous font leur cirque » (10 €).
Samedi et Dimanche-gras, « Lous Machous », comme leur nom l'indique, clabaudent et cancanent quand ils ne vilipendent pas en partant des ragots qui ont pimenté les rencontres impromptues des “ braves gens ” (tels que Brassens les percevait) de la ville aux commissions ou sur le marché des samedis ordinaires... À Pézenas cette “ machade ” reste bien dans la tradition séculaire de carnaval (avec l'accent de Villanova, je ne vous dis pas !).
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Pézenas Lo_polin_de_Pesenàs pendent lou carnaval dels escoliers 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Reipetit |
Le 3 mars, de 14 à 15 h 45, carnaval des écoles, musiques, danses et crémation du Roi Carnaval (Place Boby Lapointe). Ce Lundi-gras au soir, la chasse au Tamarou est accompagnée de tambourins et de fifres ; les « Fadas du Tamarou » animent un charivari qui voit le Tamarou, animal fabuleux faisant penser à un dragon, faire peur et provoquer les braves gens. Foncièrement par ailleurs provocateurs et mauvaises langues, faisant office de buffetaires, en chemises et bonnets de nuit, les Machous accompagnent au rythme de danses traditionnelles du genre “ feu aux fesses ”, “ danse du soufflet ”. Merci encore à Cyril Feybesse, talentueux photographe, qui a su si bien rendre et partager le dernier évènement.
Pour Mardi-gras, le 4, précédé de masques costumés, de buffetaires au panel remarquable, le poulain totémique parcourt les artères névralgiques de la ville.
Bien des associations locales tiennent à maintenir le lien entre Piscénois locaux, émigrés ou qui, comme moi, le sont de cœur. Le carnaval de Pézenas, comme bon nombre d'autres carnavals en France, a été inscrit en 2019 à l'Inventaire national du patrimoine culturel immatériel, dans la rubrique « Pratiques sociales et festives ».
(1) anciennement « Foyer des Campagnes ».
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Pézenas, Lo Tamaro, animal fantastique, s'engouffre dans la vieille ville. Photo Cyril Feybesse. |
Sources : Cyril Feybesse, Wikipédia, Hérault Tribune, Hérault tourisme, étymologie occitane.
Note : à ceux qui regretteraient qu'il n'y ait rien sur Limoux... figurent déjà au moins quatre articles dans ce blog sur son fameux carnaval... il suffit de taper “ Limoux ” pour la recherche...
PÉZENAS, le CARNAVAL, février 2025 (1).
Oh Pézenas ! que j'y ai été heureux trois années scolaires durant ! Dans ce bonheur, après les fèves des gâteaux des rois sur plus d'un mois, figurait bien sûr le carnaval. Bon, il est vrai que comme partout suivant les périodes, il se montre à géométrie variable, parfois réduit à une simple expression comme dans ces année 1961, 62, 63 avec bien sûr les sorties du poulain accompagné de masques mais, me semble-t-il, les jours seulement autour de Mardi-gras (je n'avais pas l'âge de retenir d'éventuelles dates de bal masqué... et le nombre des associations n'exprimait pas alors le souci de maintenir une tradition en danger). De nos jours, avec la crainte de voir s'effacer ces acquis culturels, nous assistons à un regain, à un retour aux sources, à une volonté plus marquées de carnaval en tant que manifestation traditionnelle populaire. À Pézenas, de nos jours, des premiers jours de février à ceux de mars.
Ainsi l'accent est mis, dès début février, sur la Saint-Blaise, protecteur de la ville, en surimpression de l'archaïque sortie de l'ours hors sa tanière. Elle donne lieu à une déambulation festive ouvrant la Temporada de carnaval suivie, au prix raisonnable de 10 €, d'un ragoût d'escoubilles (1) à la Maison du Peuple... là où se donnaient jadis les conférences appréciées de « Connaissance du Monde » (2). À 21 h 45, le groupe « Castanha e Vinovel » a proposé un Grand Baléti occitan (entrée libre).
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Pézenas Collégiale_Saint-Jean 2011 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Thierry de Villepin |
Les 8 et 9 février, on fêtait Saint-Blaise à la Collégiale Saint-Jean ainsi qu'à Saint-Ursule... À propos de cette dernière église, la posture des statues avait donné lieu à une vieille plaisanterie faisant dire à la première montrant la deuxième « As petat ! » ; démenti formel de cette dernière “ haut les mains ” tandis que la troisième accuse la dernière faisant comme si de rien n'était « Es èl ! » (3)... Une farce déjà dans l'air de carnaval...
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Blason, armes, ville_fr_Pézenas_(Hérault) 2008 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Artist Spedona |
Les vendredis 14 et 21 février, à 19 h, chants traditionnels de carnaval à l'occasion d'apéros chantants.
Le 21 février à 21 h, danses bufatièra et feu aux fesses.
Le 28 février, Soirée Blanche costumée « Tous en Panel » à la Maison du Peuple (10 €). (à suivre)
(1) de l'escoubo, le balai, avec “ escoubilles ”, provenant du latin “ scopiliae ”, les balayures. À Lyon, ils disent “ équevilles ”, en Espagne “ escobilla ” pour, plus globalement, tout ce qui doit être jeté. Avant les déchèteries, les déchets et vieilleries étaient jetés aux escoubilles. Pour le ragoût de ce nom dans la vallée de l'Hérault, un plat mijoté de légumes et de viandes est dérivé de cette manière d'accommoder les restes, à l'origine.(2) « Connaissance du Monde » présente toujours un programme de tournées... malheureusement pas une localité de toute l'Occitanie n'est concernée cette année...
mercredi 12 mars 2025
Un Tamarou pour carnaval
Avec l'aval de Cyril Febesse qui a le talent et l'aptitude d'ajouter, par ses clichés en noir et blanc, un climat d'étrangeté, ésotérique presque, s'agissant de l'atmosphère historique d'une ville comme Pézenas, prise de nuit qui plus est, ces photos. Des vues qui, sans conteste, abstraction faite du cachet renaissance, nous replongent plus dans les mystères moyenâgeux aux racines plus archaïques encore.
Réf. https://www.facebook.com/cyril.feybesse. (6 mars 2025).
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Ah ce poulain de Pézenas, comme il sait se travestir, se transformer même en créature fantastique ! |
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Le reportage est titré « Fai qué lo Tamaro siá tornar mai grand » qu'on pourrait traduire approximativement par “ il se fait que le tamarou est revenu plus grand ”. |
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Quant aux masques qui accompagnent la sortie, on ne peut pas dire qu'ils sont hors sujet... |
jeudi 10 octobre 2024
PROVENCE RHODANIENNE (6) LE PETIT ÂNE GRIS (3)
1968, Hugues Aufray chante Le Petit Âne Gris : Provence, moutons, transhumance, santons... soit autant de poncifs à présent qu'une vie toujours plus moderne fatigue le besoin d'évasion, phagocyte le merveilleux des enfants. Corde sensible : se réveillent en moi Francis Jammes, Brassens, Cazal et sa carriole.
Le petit âne, nous le retrouverons avec une même tendresse grâce à R-L Stevenson (1850-1894) dans son « Voyage avec un âne dans les Cévennes » (1879), si plein de remords et d'émotion après coup, d'avoir négocié la vente de Modestine, tout comme le père Adam qui en pleurant lui avait vendu l'ânesse ; nous le retrouverons sous la plume d'Henri Bosco (1888-1976), natif d'Avignon, familier de la Durance, il est « L'Âne Culotte » qui, l'hiver, porte des pantalons aux pattes de devant et qui vient seul prendre livraison au village du pain et de l'épicerie commandé(e)s par un homme vieux et solitaire dans un mas de la montagne, nimbé de mystères. Constantin, un enfant, échappant à la garde de sa grand-mère Ernestine, va braver l'interdit et partir un jour sur l'âne (pardon d'en dire trop, serait-ce prétentieux, mais Ernestine était la mienne de mamé [1896-1976], avec toujours une gourmandise détournée au fond des grandes poches de son tablier).
Le petit âne, je l'ai retrouvé ce jour de balade à la Pointe de Vignals. De son enclos il m'a vu venir de loin... C'est vrai qu'ils ne s'aiment pas solitaires et que la compagnie d'un mouton, d'une chèvre, d'un chien, d'une poule aident à leur bon moral. Je lui ai dit de rester vigilant, que l'endroit s'appelle Nego Saumo, du temps où la perte d'une ânesse marquait les esprits... d'ailleurs, à Salles-d'Aude aussi, le long de l'ancien cours de l'Aude, un ténement porte aussi le nom de « Nègue Saume ». Mystère quant aux circonstances de ces noyades...
Le petit âne, il est à Coursan, avec ces photos déjà anciennes, échouées dans nos vieux papiers (celui ou celle qui illustre J'aime l'âne de Francis Jammes dans le précédent article). De nos jours, toujours à Coursan, l'Asinerie du Rivage honore les ânes ; par le biais de savons, cosmétiques, laits d'ânesses, d'ânons à adopter, l'élevage contribue à la conservation de l'âne des Pyrénées, catalan, de grande taille sinon gascon, plus petit.
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Wikimedia commons Auteur Cocollector |
Avec l'évocation pastorale d'une vie avant, en Provence comme en Languedoc, j'étais loin de réaliser la place et la portée de ces grands yeux doux et paisibles, relevés de khôl, qui n'en finissent pas de me regarder... Dans la grande incertitude de ce qui nous attend, avant tout, de ce que les générations nouvelles ont et auront à affronter, chamboulé par un présent morose, des lendemains crispants, comment ne pas s'accrocher, pour survivre, sûrement, à ces racines encore vives, à ce vécu concret dont il faut témoigner...
jeudi 4 janvier 2024
IL Y A DES JOURS COMME ÇA...
Pézenas, porte Faugères, 2015. |
J'étais sur la route de Madison, quand une Cadillac de police est passée sur le pont, j'ai cru voir un chien au regard fou à la place du mort, Eddy Mitchell derrière... Alors, sur l'atlas, comment, par où aller à Memphis (oh ! 1000 km... c'est vrai que c'est un pays continent). Et de Memphis à Pézenas, il n'y a qu'un pas puisque Eddy, Johnny, Sylvie, pour ne citer qu'eux, je les avais en haut du Cours Jean Jaurès, face à la Porte Faugères et les mystères du quartier juif derrière...
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Eddy_Mitchell_avp Salaud on t'aime 2014 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Georges Biard |
1962, je n'avais pas douze ans et le juke-box d'un des deux cafés donnait dehors aux beaux jours. Je ne voulais pas trop fouiller mon passé mais c'est lui qui m'a interpellé « Oh Daniela, la vie n'est qu'un jeu pour toi... » J'en suis resté sonné : comment avais-je pu l'oublier cette chanson ? Ne l'avais-je plus entendue par la suite ? Et elle me revenait, limpide, pas abîmée par les ans... je bois un verre, enfin un demi puisque coupé d'eau. Il y a des jours comme ça où l'esprit regarde de haut l'enveloppe corporelle, en bas, afin qu'on se demande quelle place on prenait, quelle place on prend encore tant que la vie y est.
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Distribution de bouteilles, 11 décembre 2023, Sada Mayotte. |
Alors, malgré l'eau rationnée, je surmonte l'œuf pourri (et cher) du marchand malhonnête, le citron qui manque pour éviter que les pommes du strudel ne noircissent, le jour se doit d'être comme ça, un jour qui cuisine, qui veut donner et recevoir l'amour, un jour qui a réveillé le corps encore allant, laissant l'esprit libre de divaguer même s'il se fait tard pour manger. L'heure espagnole, je bois un verre, enfin un demi puisque coupé d'eau. L'oignon posé cru sur la pizza est agréable, le strudel, lui, peut cuire tranquille. Farine sur le plan de travail, vaisselle qui s'entasse dans l'évier : tant pis, un verre encore, enfin un demi puisque coupé d'eau. Pas d'eau au robinet : ils nous la coupent deux jours sur trois ; une fois par semaine, ils en distribuent, rationnée, en bouteilles (ne peuvent servir tout le monde pour cause de rupture de stock) ; en question, la sécheresse, trop d'immigrés statistiquement invisibles, le sadisme étatique contre une île qui a voulu rester française. Autant rester sur son nuage. En société comme en famille, faut garder au moins les apparences : vaisselle, plan de travail, même le dessus du congélo enfariné... Puis faut manger aussi, que l'alcool ne prenne pas le dessus : le bout du strudel pincé, resserré sinon le sirop de pommes fuiterait. Vapeurs agréables malgré la chaleur moite, mirage d'un bien-être trop bon pour être vrai. Le bout, souvent sec, pourtant moelleux à souhait, parfumé, sans rien de l'œuf pourri aussitôt jeté dans le jardin, sans trancher encore dans les pommes au sucre, aux raisins, à l'amande (dommage pour le citron). L'ordi fermé avec l'empathie de tous, un semblant de chaleur alors que le compteur 2024 va tourner dans quelques heures. Ou alors, tous ces demi-verres qui s'ajoutent... Ouvrir la télé, calmer le jeu, ne plus téter... heureusement que ce rouge d'Espagne est de qualité. Mais pourquoi le vin français ne s'est-il jamais aligné, pas plus il y a trente ans qu'aujourd'hui ?
En 1994, les 300 bouteilles du conteneur (du Vires dans la Clape... la coopé du village n'ayant pas daigné un moindre geste commercial), m'avaient fait honneur quatre ans durant. Le bourgogne trop fort alors, il y avait bien du Bordeaux mais velléitaire, valétudinaire, manière de ne pas dire cacochyme, tenant six mois à peine alors qu'à table pour l'ordinaire, nous avions du Rioja pas encore au prix de sa grande qualité. Le compteur tourne mais cela n'empêche pas de remonter le temps. Digressions, je brode, il y a des jours comme ça, tous ces verres aussi, même à moitié !
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Jacob_DESVARIEUX concert de Béziers 2012 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Geehair |
Ouf... la télé, faut souffler, se calmer, zapper afin que rien n'accroche... Jean-Louis Trintignant, sa fille Marie, un Cantat chanteur, meurtrier avant tout (1), Drucker, 81 ans mais qui ne voudrait plus prendre sa retraite. Moi je voudrais une récréation, tout aussi bien un siesto-roupillon bercé par la télé or le présentateur intemporel (il s'est fait tirer la peau non ?) accueille Kassav, enfin, deux membres historiques du groupe antillais des années 80. Ils évoquent Jacob, le guitariste à la voix roque si envoûtante, de santé fragile, mort du covid à 65 ans malgré le vaccin... Et Jocelyne Béroard qui raconte que leur succès les a fait accepter en êtres humains et non plus seulement en tant que Noirs... Comme si un racisme foncier, une différenciation raciale, prévalait sur l'analogie entre tous. Ça interpelle, ça choque, ça donne à réfléchir, à méditer. Il est vrai qu'en partant du principe que tout ce qui se rassemble s'assemble, par déduction, tout ce qui sort de l'homogénéité, la différence, lorsqu'elle est minoritaire, s'en retrouve discriminé... Juifs, Gitans, Noirs, Blancs, Jaunes, Rouges, Métis, Rouquins, Albinos... par contre s'agissant de l'accouplement, le plaisir de la chair se partageant mieux, il n'y aurait pas de problème. Non, loin de moi ces déficients de la perception : à Victor Hugo, au collège de Narbonne, je me souviens d'un élève africain noir. Bien sûr son exotisme a attiré notre curiosité ; mais il ne se livrait pas, éludant nos demandes, nous l'avons laissé à sa réserve... Soixante ans plus tard, je me dis que sa prudence découlait de la méchanceté, du racisme qu'il avait dû subir. Kamara il s'appelait. (à suivre)
(1) ça m'a dégoûté d'aller lire sur ce mec et tous ceux qui ont quand même écrit encore ou joué pour lui, avec lui... dans cet ordre d'idée, j'ai toujours boycotté L.F. Destouches, je prenais toujours des pincettes avec Giono qui préférait être allemand et vivant que français et mort... sauf que c'est pour avoir connu l'horreur de 14-18 ! et je me prive de relire " L'Île de la Déesse ", un de mes bouquins préférés parce que Georges Blond était collabo... Alors, ceux qui allaient aux concerts de Cantat, ceux qui gardent Destouches, ce salop antisémite, raciste, au pinacle, ne sont pas fréquentables serait-ce par procuration... Quant à Depardieu, attendons ce que la justice peut sanctionner, attendons la suite...
lundi 11 avril 2022
CHEMIN D’ÉCOLE (11) L'arbre qui s'accroche...
Oh ! dans la vigne au-dessus, une compagnie de perdreaux |
Oh ! dans la vigne au-dessus, une compagnie de perdreaux qui file dans une rangée. Je repense à mes chers disparus de la Pierre... Le père d'Etienne, parrain de papa faisait office de garde-chasse. Travaillait-il les vignes par ailleurs ? Toujours est-il qu'il mangeait beaucoup trop souvent du gibier.
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Pézenas_Grange_des_Prés wikimedia commons Auteur Fagairolles 34 |
Le docteur l'ayant averti qu'à ce rythme il n'irait pas loin, l'oncle François est parti comme maître de chai à Pézenas, à la Grange des Prés. Ce devait être sérieux. C'est là, dans cette plaine rappelant la venue de Molière, que, rentrant chez lui, encore sur la voie d'accès au domaine, non loin de ces muriers par centaines qui descendaient jusqu'au fleuve, bien avant le passage à niveau qui peut-être n'existait pas, il est tombé de vélo, se blessant profondément avec les débris de la bouteille du vin quotidien qu'il emportait. Mais n'était-ce pas le malaise qui lui avait été fatal ?
En cascade, d'une pensée à l'autre, les gens de la Pierre avaient-ils un puits à disposition ? Devaient-ils aller chercher l'eau à la source dite de Fontenille (1), en amont de la combe dans ce pays si sec, si loin de la verte Ariège, des eaux vives de l'Arize, des nombreux ruisseaux et des papillons bleus dans les prés apparemment généreux. Sur leur chemin d'école, les enfants des Karantes la suivaient, cette combe, avant de remonter l'échancrure de la barre rocheuse, pour traverser non pas un désert de garrigues mais une nature et quelques arpents cultivés des métairies et bergeries bien vivantes. En haut, sur le plateau du Cascabel si bien chanté par l'ami Pierre (Bilbe), la Caune, une grotte, du bas-latin cauna, pouvant abriter un troupeau entier et dont l'exploration reste dangereuse. En poursuivant, merci aux chroniqueurs Pérignanais pour les noms de famille cités (2) et dont il devait rester des descendants, les Cros, Vivorer, Thiers, Coural, Peyre, Sigala, Trémoulet, Rouger, Bloye, Fabre, Marcelin, Blayac, Granier... le long de ce chemin d'école, à l'entrée des années 1900, entre les Bugadelles, le Courtal-Naout, le Courtal-Cremat, la Broute, sans compter Tarailhan sur la commune de Vinassan, et enfin, au-dessus de notre village le moulin de Montredon.
A mon tour de tirer le fil de cette perruque familiale inextricable. Sur les traces de Jean, le père de mon père, je me retrouve avec une petite dizaine de personnes, au bout des sept ou huit kilomètres qui le séparent du village, sur son chemin d'école. Et si j'ai enfin vu le gîte familial de la Pierre, entre la garrigue, la mer et les vignes, en espérant que le paragraphe sur mon grand-père me reviendrait, en me replongeant dans l'atmosphère des années 1900, des mots pour le dire rien ne m'est revenu...
Depuis Fleury puis la mer, j'ai du mal à l'imaginer gamin, mon arrêt sur images le montre tel qu'il est vers 1960, lors des vendanges, à sa vigne du Courtal-Crémat, sous son "chapeau bob". On ne voit pas son visage mais il est halé par le soleil et les bourrasques du Cers. Le nez est busqué, comme d'un bourbon des montagnes, la moustache pérenne, de neige comme les cheveux...
(1)"De l'occitan fontanilha qui signifie petite source" http://www.maclape.com/rubriques/sources/filtering.html#0 Ce site ami (remarquable soit dit entre nous) en entretient le mystère quand, dans l'inventaire poétique des "sources, puits & norias" il ne classe pas Fontenille en résurgence, pas plus qu'en exsurgence, mais simplement en émergence parce que son origine ne nous est pas connue.
(2) CHRONIQUES PERIGNANAISES (free.fr)
(3) ... et cette imbécillité de la "mincitude corsetée" qui leur fait remettre la veste de leurs 14 ans...
dimanche 6 décembre 2020
Marrons, châtaignes et châtaignons...
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Castanea sativa wikimedia commons Author Wildfeuer 2006 |
"Les châtaignes, appelées marrons quand leur bogue épineuse ne contient qu’une graine au lieu de deux ou trois, se font assez rares sur les marchés. Je viens d’en voir quelques-unes à la supérette Spar de la rue de la Poste, au prix inattendu de sept euros cinquante le kg. C’est le prix que j’ai payé la semaine dernière pour un kilo de tendron de veau (en promotion il est vrai). C’est dire que la rareté se paye. Pourtant, ce fruit du châtaignier entrait tellement « pour une large part dans l’alimentation publique, notamment chez les montagnards de l’Auvergne, des Cévennes, de la Corse et de plusieurs autres contrées » (dict.) que l’arbre qui le porte, le châtaignier commun (castanea vulgaris) fut souvent appelé « arbre à pain ».
Quant aux « châtaignons », voilà bien un nom qui a disparu de nos dictionnaires sans y laisser d’autre trace que ces deux lignes maigrichonnes de mon LAROUSSE DU XXe SIÈCLE :
Châtaignon [tê-gnon, gn mll.] n. m. Nom donné, dans le midi de la France, aux châtaignes desséchées.
Louis Alibert, dans son dict. occitan-français, le mentionne : « castanhon, châtaigne sèche ».
Entrée du lycée Henri IV à Pézenas avec la plaque en hommage à Paul Vidal de la Blache. |
En septembre 1959, après une année d’enseignement à Saint-Germain-en-Laye et deux années au Lycée Henri IV (de Béziers !), j’étais nommé, muni de mon CAPES, au Lycée mixte de Pézenas, et je logeais provisoirement, en attendant d’avoir un appartement pour les miens, chez tante Adeline, veuve de mon parrain et grand-oncle François Peyre. J’étais là avec elle, sa fille Marie-Louise, qui fut une couturière fort appréciée dans la ville, et sa petite-fille Marie-Françoise, dite Zizette, dont elle s’était occupée depuis sa plus tendre enfance, à Tassin La Demi-Lune près de Lyon où le père Etienne, cousin germain du mien, était adjudant de gendarmerie.
Etienne, alors retraité, s’était retiré dans sa petite propriété au nom si curieux : Villa Salsadella-Chichiry, tout près de Pézenas, et il venait presque tous les jours partager notre repas du soir. Avant de se servir de soupe, il prenait soin de poivrer le fond blanc de son assiette creuse, pour être ainsi bien sûr d’avaler un breuvage bien épicé. Nous avions de temps à autre des châtaignes bouillies au dessert, et tante Adeline se moquait gentiment de Marie-Louise quand celle-ci pelait longuement au couteau une châtaigne qu’elle retrouvait … noire et immangeable. « Il faut d’abord les partager en deux. Là tu vois si elle est bonne et tu peux alors continuer. » Dans son enfance et sa jeunesse, avant d’être mariée à mon oncle François, alors garde-chasse aux Karantes où devaient naître mon père en 1897, puis son fils Etienne, et d’être employée à l’un des « grands hôtels » de Saint-Pierre (hôtel Sud ? hôtel Nord ?), tante avait habité près de Bédarieux. Son père était contremaître et peut-être même ingénieur dans une équipe chargée de réaliser les grands travaux nécessaires à la construction des voies ferrées secondaires du Midi. Familière de ce pays de forêts, où certaine route bordée de cerisiers ne saurait faire oublier les grandes châtaigneraies d’alors, elle y avait connu ces cabanons spécialement destinés à sécher les châtaignes, qui seraient alors vendues plus tard dans toutes les épiceries de village sous le nom de « châtaignons ».
Un soir, elle me fit la description d’un de ces « séchoirs », avec force détails sur le bois utilisé, la disposition des claies disposées contre les murs sur des étagères, la durée des opérations…
Et voici qu’un enfant de Bédarieux me ramène sur ce sujet. Un jour, monsieur Aimé Teisseire, mon cher instituteur qui m’a conduit au Certificat d’Etudes Primaires, m’appelle à la sortie de la classe. Il avait dû ce matin-là nous donner le résultat des compositions mensuelles où nous alternions assez régulièrement à la première place. Quand ce n’était pas Roca Honoré, Pédrola François ou Molveau André, c’était Dedieu François. Nous prenions alors nos affaires (« tes cliques et tes claques », disait monsieur Teisseire) et les deux premiers s’installaient pour un mois à la table ou pupitre de devant, les autres suivaient dans l’ordre.
Ce jour-là, j’étais premier. M. Teisseire avait pris l’habitude – pour s’en débarrasser sans les mettre à la poubelle, mais à notre âge nous ignorions cette astuce – d’offrir un livre usagé mais encore convenable au premier. Cela faisait un livre de plus dans une maison où ils se comptaient souvent sur les doigts d’une seule main. Il prit donc un livre vert de la librairie Hachette qui avait été le livre de lecture de nos prédécesseurs, élèves de MM. Camille Barbaza, Auriol, voire Courty : LE FRANÇAIS PAR LES TEXTES – Cours moyen – Certificat d’études, par V. Bouillot, Professeur au Lycée Montaigne. Il barra sur la couverture le nom écrit tout petit d’un ancien élève et le remplaça par le mien, bien gros, à l’encre rouge, dans le coin supérieur droit. Parfois, dans mes « voyages autour de ma chambre », comme dirait l’autre, je jette un coup d’œil sur ces textes d’un autre temps, et justement…"
Correspondance / François Dedieu, novembre 2012.
lundi 2 mars 2020
LES VIOLETTES Explications de textes / Fleury-d'Aude en Languedoc.
A gauche en regardant la mairie, l'ancienne école de garçons. |
Devenue le siège de la police municipale, ma vieille école est aussi un des bureaux de vote du village. Plus que le bulletin et le contrôle administratif du votant, s'ils savaient qu'en secret, à la vue des verres dépolis du bas censés interdire la rêverie, mon âme sort toujours une clé buissonnière.
Grands pins à Pézenas, quartier de la gare du Nord. |
Oh que ces quelques lignes de mon père m'ont touché.
Sa rue, sa maison. |
à regarder si l'incendie continue dans la garrigue. (2013) |