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jeudi 5 juin 2025

QUEL BÂTI pour un MOULIN ? (3)

L’apéritif, la mise en bouche sont autant susceptibles de rassasier avant le repas que d’impatienter le moment de se mettre à table. À propos du livre des époux Bézian, on se languit d’un menu ne pouvant que réjouir.

Afin de consoler un enfant qui pleure, il est aisé de lui dire de regarder les ailes qui tournent, un rotatif qui hypnotise l’attention des petits… j’ai connu, avec mon dernier, il aurait passé des heures devant le tambour de la machine à laver… Et pour les gens, avec les cloches, cela participait de la paix intérieure. 

Paul_Sibra_Don_Quichotte_et_le_moulin,_1924 (moulin du Cugarel)

Un projet de moulin commence par la recherche d’un site favorable au vent, le plus souvent une hauteur, avec déjà la maison du meunier, en contrebas, basse, sans étage, ensuite, des alentours dégagés, sans arbres… ce qui a eu poussé, dans l’anticipation de leur croissance, à des actions délictueuses telle celle de ce grand-père qui la nuit était parti soulever les jeunes plants ; les arbres mouraient sans qu’on en connût la cause ; suite aux échecs répétés, le propriétaire n’avait plus insisté… En hauteur certes sauf que par vent fort, la solidité s’en trouvait sollicitée davantage. De cette exposition va dépendre l’ancrage plus ou moins profond des fondations affectant l’accessibilité de la cave. Les murs, de pierre à l’Est et de brique vers Toulouse, sont également plus lourds et épais à la base ; une butte va en entourer le soubassement, elle permettra l’orientation de la queue, facilitera la montée aux ailes et la charrette pourra y venir pour les grains ou la farine ; quant à la capelada, la toiture, elle se construit comme pour un clocher sauf que sa couverture n’est pas de tuiles mais de bardeaux, souvent de châtaignier. Le toit pointu tournant permet la manœuvre par rapport au vent. Un moulin hors d'usage n'en vaut plus la dépense, plus économique, une pente de toit en tuile suffit. 

Mireval_Lauragais_Moulin_de_St_Jean 2016 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author MIC 43

Le vent, toujours le vent, rien que le souci primordial du vent : la longue-vue reste à portée afin de voir ce que font les autres moulins, ce qui évite les mauvaises surprises. Le plus mauvais de tous est l’Autan aux rafales destructrices capables d’emporter les ailes, voire de décapiter le moulin ! Certaines périodes, au contraire, se signalaient par leur calme plat, autour de Noël par exemple, en été, en septembre, forçant alors, pour ne pas perdre le client, à passer du molin (à vent), à la molina (à eau), d’où des trajets, du temps et des sous perdus. De faire tourner un animal n’était pas durable. Un meunier sans plus de moulin a continué son activité avec un moteur diesel dans sa remise.

Le temps qu’il fait n’est pas que lié au vent, sa prévision découle de l’observation résumée dans les adages et dictons :

* les trois soleils au coucher ou s'il se couche sous son coussin, la pluie est annoncée, idem si l’Ouest est obscur ; le troupeau de nuages blancs fait prévoir un risque d’orage ; « l’arc-en-ciel du matin, fait tourner le moulin »…

* les animaux aussi renseignent, ceux de la ferme qui se dissipent, les pigeons qui se baignent avisent la rentrée prochaine du marin ; les pies qui nichent haut rassurent, dans le cas contraire, il faut se méfier du vent d’Autan « Grand vent ne te manquera pas, la pie a niché bas »; pour certains, les serpents qui traversent les chemins

* suivant les personnes, les interprétations de la lune peuvent se contredire.

Dans les dictons, il pleuvra pour les moissons s’il pleut le jour des Rameaux et s’il fait du vent, comme pour la Saint-Martin, il ventera toute l’année.

La situation perchée des moulins attirait la foudre, on veut s’en protéger grâce au buis bénit du dimanche des Rameaux et certains sont pour un gros bouquet plus efficace. Le son aigu de la petite cloche restait censé dissocier le nuage d’orage…

Vent, voiles, toiles, en plus des souffles qui par l’arbre moteur font trembler le bâti, à l’air et à la terre vient s’ajouter la mer… Impossible l’élément liquide ? Et pourtant, à l’égal d’un marin, le meunier doit prendre des quarts, veiller à l'aide de la longue-vue, monter sur les ailes pour hisser ou réduire les voiles, gouverner, gérer la marche de sa machine, la préserver en cas de tempête.  

mercredi 23 avril 2025

DÉTOURS dans les CORBIÈRES pour NOUGARO (fin)

1962, une petite fille en pleurs, 1963, je sors du collège historique de Pézenas (1597) : mystère en dehors des remparts mais, dépassant le repli moyenâgeux du château à l'abri de ses murs, la résidence du domaine de la Grange des Prés, carrément en rase campagne, lui est antérieure. (Comme le prisme des violences actuelles et l'Histoire forcément condensée nous portent à croire que le passé n'était que sang et batailles). 

Pézenas Façade du vieux collège Henri IV, avec, au dessus de mon petit bouchon, la plaque honorant Paul Vidal de la Blache


De petites rues étroites donc, avec des petits balcons de faubourg espagnol, dont un échangeant presque avec celui en face... Par une fenêtre ouverte s'échappe « Cécile ma fille ». Nougaro a poussé à jamais ma porte. C'est sous ce balcon que je crois entendre aussi « Je suis sous », mystère encore puisqu'en 1964, à la sortie de la chanson, je ne suis plus à Pézenas. Mais quelle prétention à faire venir ainsi à soi un artiste majeur ! plus encore, si on me pousse, à bien vouloir le partager en dehors de l'Occitanie ! Vanités des vanités et omnia vanitas, quelle stupéfaction d'apprendre que Nougaro s'est trouvé un refuge dans les Corbières, lui qui dit « ... moi qui suis plutôt un nougarat des villes qu'un Nougaro des champs... » et moi, pauvre ver de terre en amour pour les étoiles, qui ose partager ce sentiment pour nos Corbières au motif que plus d'une vingtaine de mes articles cernent ce massif... Toujours cette prétention à se faire valoir par un meilleur que tous, que soi. Pour ce qu'ils valent, ces articles d'une vanité impuissante à me transformer un jour en ne papillon... 

Magne-Nougaro-Mones1980 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur LDME15 autre version File Michel Magne 1980
Michel Magne (1930-1984, ruiné, a mis fin à ses jours) a composé nombre de musiques de films célèbres (Wikipédia). À droite Bruno de Monès (1952-), photographe, a réalisé des affiches pour les concerts de Nougaro en 1981 ainsi que deux pochettes de disques dont « Chansons nettes » l'album de 1981. 

Nougaro (1929-2004), Claude de son prénom (avec “ Aude ” dedans, pas moyen de se guérir de l'impudence), a aussi su faire rimer rivière et Corbières, ces “ hautes ” terres souffrant avant tout du manque d'eau, d'un trop peu de pluies. Sacré Nougaro, “ Clode ”, qui, des Rimes au Verdouble, en passant par Cécile et Marie-Christine, me fait passer par tous mes états. Bien sûr il y a l'hymne « Ô moun pais, ô Toulouse », la Garonne à qui il a offert sa rivière du massif audois. 
« Rivière », un bien grand mot pour un ruisseau souvent à sec (2). Enfin, la poésie ne se discute pas... adhérer sinon passer son chemin... faut choisir, pas de juste milieu ! 
C'était un live, rive gauche, un concert port de la Viguerie, le 21 juillet 1998. Il a introduit sa chanson en évoquant les Corbières ; bien que prématuré, un Cers nocturne soulève les longs cheveux de son musicien aux claviers (3) alors que le poète poursuit avec « Beaucoup de vent » : un réconfort pour l'humain saturé de ville et qui peut enfin s'attarder sur la lune, les étoiles, la garrigue, le rocher, la vigne, les clochers avec, tant pis, la comparaison aux églises mexicaines, bien que surréaliste.        
Nougaro a eu la prudence de ne pas citer nommément Paziols (4), se contentant de faire rimer avec des bestioles : l'œil d'or des grenouilles, les poissons, les cigales et même l'hirondelle. 

Et hier, au-dessus du temps passé sur l'écritoire, de celui du néflier qui depuis décembre nourrit les fruits de ses fleurs, dans le bleu d'un ciel vierge, tout en haut, pour la première fois, une dizaine d'hirondelles, tout en bas les martinets fauchant l'air, criant si bien la vie, et entre les deux, le vol faussement nonchalant des crécerellettes. 

Faut vraiment grossir pour voir quelques oiseaux... finalement ce n'est pas plus mal... 

« Le ciel est, par-dessus le toit, si bleu, si calme... » Paul Verlaine. 
Le concert en plein air, Port de la Viguerie, a donné un album live « Hombre et Lumière », rime douloureuse, rappelant aussi la Retirada sous un ciel gris de neige, lui. « Hombre », homme d'Espagne, qui plus est pour Nougaro chantant sur ce « Quai de l'Exil Républicain Espagnol »... 

(1) Même l'Agly, fleuve côtier, ne coulait plus suite à plus de deux années de sécheresse avant qu'il ne reprenne, par le miracle d'un printemps 2025 plus arrosé. 
(2) membres de l'orchestre ne se cantonnant pas à accompagner, souvent impliqués pour la musique des morceaux : Nougaro ne manque pas, dans son tour de chant, de les citer
(3) entre curieux et autres paparazzi, de mentionner le village de Paziols aurait pu nuire gravement à sa tranquillité. Pas mariol du tout, il pouvait aller librement au café, échanger et y manger des sardines.   

vendredi 23 juillet 2021

QUAND NOUS PARTIONS PÊCHER A AUDE, A BICYCLETTE (2)

Descendre dans le lit de la rivière, parce qu’on dit «la rivière», mot plus famille, proche, alors que dire «le fleuve» marquerait une certaine distance, une expropriation presque, sinon un brin de prétention, révèle comme un retour à l’animisme originel (1).

Descendre le pied léger, en parlant bas, ce n’est pas seulement parce qu’il faut être le plus discret possible, c’est aussi parce qu’en regard de cette eau qui n'arrête pas de passer, un respect instinctif atteindrait presque au culte. La rivière forme un monde clos, véritable oasis par l’été rogue du Sud, trop chaud, trop sec, trop cuisant. L’impression est diffuse mais réelle sauf que nous ne sommes pas là pour les mots qui disent la sensation brouillée qui nous frôle telle un amour révélé de jeunesse... «Sensation», la sublime ode à l’homme dans la nature signée Rimbaud, l’exprime trop bien. Sauf qu’on est là pour les poissons. Alors, même si Rimbaud nous engage pour une ébauche, la palette de mots pour peindre la magie de notre rivière reste limitée. 




Concernant le tunnel de verdure avant d’aborder le milieu saumâtre, nous parlons de canotes pour les sénils des roselières, de tamarin pour le tamaris les pieds dans l’eau, de carabène pour le grand roseau dit aussi «à quenouilles» ou «canne de Provence», celui qui donne les anches des clarinettes, ou refendu, forme les canisses. 


Et on ne sait pas le nom de ces arbres altiers qui leur disputent les berges. Dit-on peuplier ? «Arbre blanc» ? Même pour le vent, comme par répugnance à dire «Cers», on se satisfait du «vent du nord» au temps où les bavards de la météo venue d’en haut ne se rengorgent pas tous azimuts de tramontanes multiples quand ils focalisent sur le soleil du Midi et la mer des vacances... Passons, restons au milieu des années soixante... si le Marin et le vent d’Espagne savent être symphoniques, le Cers, lui, touche au philarmonique ! Il faut l’entendre caresser les houppiers, obliger les canotes à baisser la tête pour balancer en vagues tandis que les chasseurs d’Afrique et les hirondelles glissent leurs trilles et babils. Plus fort, il brusque les feuilles des arbres blancs et fripon, dévoile la ouate de leurs dessous. Violent, en rafales, le Cers entrechoque les tiges creuses des colonies échevelées de carabènes poussées, pour celles des «... humides bords des royaumes du vent...» jusqu’à noyer leurs pointes. Un gros poisson saute parfois et ajoute un flap de grosse caisse... Justement, on est là pour les poissons et ces sensations, adagio, moderato, allegro ou presto ne peuvent qu’infuser avec le temps.

Sans plus tarder, le lancer se déplie, le buldo se remplit moins ou plus... On vérifie que la cuillère à muges tourne bien sur sa hampe, apte à lancer ses éclats sournois... L’escabène pantelante cache le crochet meurtrier... Suivant la partition jouée par le vent, on entend plus ou moins le clic de l’arceau ouvert, la parabole du crin qui se dévide, le plouf du buldo, le clac du moulinet qui se referme pour rembobiner. Avec l’habitude, le bas de ligne doit tomber au ras des canotes ou près d’un tronc immergé qui dépasse : les muges aiment ces proximités. Certains spécialistes, les mêmes capables de lister les noms scientifiques alors que nous ne distinguons que la lisse argentée du camard doré à l’odeur peu goûtée de vase, expliquent que ces poissons aiment brouter la mousse bien verte des petites algues. Bref, il faut le surprendre, le provoquer pour qu’il attaque... (à suivre peut-être)   


(1) D’instinct l’humain s’efface devant l’élément. En dépit de son acharnement, il ne peut le dominer : les barrages cèdent parfois, les inondations catastrophiques le surprennent régulièrement, l’eau emporte et les gabions de caillasses et les limons un temps offerts. Pourtant son obstination l’incite à s’accaparer, ainsi il va aménager certains postes de pêche, tailler des marches, ouvrir les sénils, se l’approprier en quelque sorte, serait-ce provisoire... Aussi, quel n’est pas son dépit si la place est déjà prise...  A propos, au bord de la rivière, n’empiète-t-on pas sur la propriété d’autrui ? Non, elle est domaniale donc publique sauf qu’on passe par un pré ou le bord d’une vigne pour y accéder. Ici pas de clôture pour dissuader, pas non plus de bétail à garder il faut dire... 


 

mercredi 4 novembre 2020

LE VENDEE GLOBE


On admire les quêtes de l'impossible et ceux qui pour cela risquent leur vie, le Vendée Globe est aussi appelé "L'Everest des mers". 
Et ceux qui jouent sans rien risquer, sans quitter leur petit confort, grâce au jeu ? On aime, on n'aime pas... Trop facile d'en rester là, encore faut-il argumenter et le faire sans perdre de vue que la subjectivité ne doit jamais prétendre à la pensée unique. Par le passé on ne pouvait suivre que sporadiquement, à la télé, à la radio. Tout a évolué et le jeu permet de "participer". Et puis comme on dit "les goûts et les couleurs"... il en faut pour tout le monde.
 
Route du Vendée Globe / Wikipedia.
 
Le Vendée Globe ? Bien sûr que je me suis inscrit... Plus de 140 000 participants ils disent ? Mais ce n'est qu'un début... 
Pour celui qui ressent les sensations formidables d'un terrien fasciné parce que sa planète n'est pas brune mais bleue, pour celui qui admet que ce bleu, loin d'être émollient, s'avère être le résultat magique du ciel sur la mer, pour celui qui veut comprendre pourquoi, pour qui et contre qui l'air en mouvement s'appelle "vent", pour celui qui a compris qu'on ne peut attraper l'horizon, il est plus qu'utile de s'interroger et de réfléchir sur l'équilibre fantastique qui fit qui nous sommes et ce que nous sommes devenus, de plus en plus capables, de plus en plus coupables aussi. 
Quel rapport, me direz-vous, avec un jeu ? Détrompez-vous, un rapport profond, un rapport physique avec la nature, les éléments, l'univers avec lesquels les humains forcément solidaires doivent interagir. 
D'abord pourquoi tant de gens sur les quais, sur les digues, venus de loin pour certains, quelques heures et même quelques jours avant le départ, si ce n'est parce qu'une émotion intense et instinctive les porte ? Une quête d'absolu universelle depuis que l'espèce trace sa route. Et la vie n'est-elle pas aussi un jeu où tout est à perdre et à gagner ? (à suivre)
Le Vendée Globe ? bien sûr que je suis inscrit !
 
Le Vendée Globe ? bien sûr que je me suis inscrit ! (2ème volet)
Et quelle chance d'être associé serait-ce par procuration à cette soif d'inconnu toujours renouvelée. Un jeu seulement mais qui ouvre sur l'imagination, la poésie, l'aventure, la participation, le savoir théorique, le voyage, l'amitié, la réciprocité des sentiments... 
 
Imaginer, en réaction dynamique à l'inaction, à l'apathie. 
Aimer l'ondulation de la houle comme on apprécie le balancement des hémistiches et des rimes. 
 
"Homme libre, toujours tu chériras la mer..." Charles Baudelaire.
 
L'aventure ? Pourquoi pas ? Même virtuelle, même en n'en prenant que le bon côté, celui qui libère du quotidien sans les contraintes, la possession, l'entretien d'un bateau, la traque aux sponsors, au financement, la séparation avec l'être cher, les enfants, la famille. Pas besoin de hausser des épaules, on ne doit la plupart des conquêtes qu'à des pionniers, la masse se solidarisant par procuration... il en va ainsi des communautés humaines. 
 
Quant à participer, bien sûr que c'est emphatique, limite prétentieux mais je ne veux en retenir que la seconde partie de la phrase de Pierre de Coubertin malheureusement tronquée par le commun des mortels, à savoir, pour la suite généralement ignorée 
 
"... car l’important dans la vie ce n’est point le triomphe mais le combat ; l’essentiel, ce n’est pas d’avoir vaincu mais de s’être bien battu." Pierre de Coubertin. 
 
L'engagement d'aller au bout doit être tenu surtout que sur le site l'échouage n'est pas éliminatoire. Alors un peu de respect avec nos valeurs.
 
Le Vendée Globe ? Bien sûr que je suis inscrit ! (à suivre)